Samedi, 21 décembre 2024

  • Vayéchev
Editorial

 Quand la lumière se lève

La lumière est indispensable à la vie, dit-on. C’est si vrai que l’obscurité paraît en être l’opposé dans la conscience collective. Reste cependant à mieux définir cette lumière pour mieux la comprendre, et aussi l’entreprendre. Est-elle cette clarté artificielle qui, aujourd’hui, envahit si facilement les villes, lumière écrasante qui, à force de chasser la moindre trace d’ombre, en vient à faire disparaître les contours des choses et parfois la grandeur de l’homme ? S’agit-il d’une lumière visible seulement aux yeux de l’esprit et du cœur ou d’une lumière matérielle, inquiétante ou réconfortante ? Que choisir et en avons-nous seulement la possibilité ?

Justement, le calendrier nous ramène à présent au 19 Kislev, le si bien nommé Roch Hachana de la ‘Hassidout, la fête de la libération de prison de Rabbi Chnéor Zalman à l’époque du tsar en Russie. Et, quelques jours plus tard, aux célébrations de ‘Hanoucca, où la lumière joue justement un si grand rôle. En ce qui concerne la première, il est clair que la lumière dont il s’agit est d’ordre spirituel. Nous nous trouvions à cette époque dans un temps et dans un monde d’obscurité. Face aux graves épreuves traversées, le Peuple juif pouvait perdre son chemin éternel. Les enseignements de la ‘Hassidout vinrent alors pour rendre une dimension aux choses et ainsi ouvrir la porte vers l’infini. Quant aux lumières de ‘Hanoucca, elles frappent par leur double signification. Lumières de la Menorah, du chandelier à sept branches du Temple, elles éclairent très concrètement la nuit, mais lumières de victoire de la liberté et de la fidélité sur l’oppression et l’oubli, elles sont aussi toute la flamme de l’esprit et de l’âme.

En notre temps, tout cela est bien précieux. Quand on perd un instant de vue la lumière qui nous guide, quand on oublie, même très brièvement, la flamme qui nous anime et les idées qui nous éclairent, l’univers peut rapidement perdre tout sens et la vie toute perspective. Voici donc venu le temps du ressourcement, et chacun en a sans doute besoin. La lumière attire et elle rapproche les hommes remarque-t-on. Nous allons vers elle, laissons-la entrer en nous. Le temps de toute lumière est proche.

Etincelles de Machiah

 La place des portes

A propos du verset « ses portes s’enfoncèrent dans la terre » (Lamentations 2 : 9), les Sages enseignent (Midrach Ei’ha Rabba sur ce verset) que les portes du Temple s’enfoncèrent et furent ainsi cachées. Ainsi, quand Machia’h viendra et que le troisième Temple « descendra du ciel », les portes réapparaîtront et seront remises à leur place. L’idée est surprenante : comme le Temple lui-même descendra du ciel, des portes auraient pu déjà s’y trouver !

Mais, comme l’enseigne le Talmud (Baba Métsia 53b), « L’homme préfère une mesure de son travail plutôt que neuf appartenant à son prochain ». Aussi, dans Sa grande bonté, D.ieu laisse à l’homme une part dans l’œuvre d’édification du troisième Temple : les portes qu’il aura à mettre en place.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Chabbat Parcaht Terouma 5744)

Vivre avec la Paracha

 VAYÉCHÈV

Yaakov s’établit à ‘Hévron avec sa famille. Il montre de la préférence pour Yossef, âgé de dix-sept ans, et lui réserve un traitement de faveur, comme le don d’une tunique multicolore, suscitant la jalousie de ses autres fils. Yossef raconte à ses frères deux de ses rêves qui prédisent qu’il est destiné à les diriger. Cela accroît encore plus leur jalousie et leur haine à son égard.

Chimon et Lévi complotent de le tuer mais Réouven suggère plutôt de le jeter dans un puits, avec l’intention de revenir le sauver. Alors que Yossef est dans le puits, Yehouda le vend à des voyageurs ismaélites et les frères font croire à leur père que Yossef a été dévoré par un animal sauvage.

Yehouda se marie et a trois enfants. L’aîné, Er, meurt jeune et sans enfant et sa femme est mariée, en lévirat, à son second fils, Onan. Onan pêche et est frappé par une mort prématurée. Yehouda se refuse à lui donner son troisième fils. Mais Tamar, déterminée à avoir un enfant de la famille de Yehouda se déguise et attire Yehouda lui-même. Quand ce dernier apprend qu’elle est enceinte, il la condamne à être exécutée mais devant les preuves, il réalise et reconnaît qu’il est le père. Tamar donne naissance à deux fils jumeaux : Pérets (ancêtre du Roi David) et Zéra’h.

En Égypte, Yossef est vendu à Potiphar, ministre du Pharaon. D.ieu bénit toutes ses entreprises chez Potiphar mais sa femme le convoite et, devant son refus, le fait emprisonner. Il gagne la faveur de l’administration pénitentiaire. Il rencontre le maître échanson et le maître panetier du Pharaon et interprète correctement leurs rêves et demande au maître échanson, qui sera libéré, d’intercéder en sa faveur auprès du Pharaon. Ce qu’il oubliera de faire.

Un conflit de vie et de mort

Yossef et ses frères, les douze ancêtres du Peuple juif, se trouvent engagés dans un affrontement vital. Une lecture superficielle du texte pourrait suggérer qu'il s'agissait de jalousie mesquine et de rivalité, semblables à celles qui ont jalonné l'histoire. Il est évident, comme le soulignent nos Sages, que les débats et divisions parmi les tribus reflétaient leurs approches philosophiques divergentes vis-à-vis de la vie en général et de l’orientation future de la vie juive en particulier.

Néanmoins, une profonde et amère rancœur était nourrie par ses frères à l'égard de Yossef, au point qu'au moment où leur père l’envoya s'enquérir de leur bien-être, ils complotèrent pour le tuer.

A quoi pensait Yaakov ?

La question qui se pose est la suivante : pourquoi Yaakov a-t-il envoyé Yossef à la recherche de ses frères ? N'était-il pas conscient qu'un conflit sérieux était en train de se développer entre eux ? De plus, lorsque Yossef avait rapporté ses rêves prophétisant sa supériorité sur eux, Yaakov s’était efforcé d'apaiser les tensions en minimisant l'importance de ces visions. Pourquoi, dès lors, n'a-t-il pas cherché à éviter une catastrophe imminente ? Quelle était la pertinence d’envoyer Yossef auprès de ses frères pour observer leurs activités pastorales dans une ville nommée Ch’hem ?

La préparation de Yossef

Yossef et ses frères avaient des philosophies de vie divergentes. Selon le Talmud, Yossef jugeait très sévèrement ses frères, leur reprochant des comportements qu'il jugeait inappropriés. De leur côté, les frères percevaient l'attitude de Yossef comme présomptueuse et condescendante. Il semblait en effet s'être élevé sur un piédestal, étant donné qu’il entretenait une relation plus étroite avec son père et les enseignements paternels.

Alors que ses frères se consacraient à garder les troupeaux, Yossef passait la majeure partie de son temps à étudier avec Yaakov. Dans l'esprit de Yossef, il était préparé à devenir l'héritier de Yaakov tout comme ce dernier avait été préparé à succéder à Yits’hak et Yits’hak à Avraham. Il est aisé d'imaginer la préoccupation et la colère que ses frères durent éprouver en réalisant qu'ils étaient dépossédés de leur statut d'héritiers du legs des Patriarches.

Un leader parmi les leaders

En réalité, Yaakov n'avait jamais eu l'intention de déposséder les frères de Yossef de leur rôle de leader de leurs tribus respectives. Sa préférence pour Yossef était qu'il devienne un leader de leaders, plutôt qu'un dirigeant entouré d'adeptes aveugles.

Pour remédier à cette situation, Yaakov demanda à Yossef d'aller voir comment se portaient ses frères et l’état des moutons et de lui rapporter des nouvelles. Yaakov ne s'intéressait pas uniquement à la condition de ses fils et des moutons ; il souhaitait que Yossef quitte son isolement spirituel, où il vivait et apprenait avec Yaakov, pour observer la situation de ses frères.

Du point de vue élevé de Yossef, la position de ses frères semblait inférieure, voire déficiente. Ainsi, Yaakov désirait que son fils descende à leur niveau afin d'adopter leur perspective.

Yaakov voulait en réalité que Yossef prenne conscience de deux éléments : d'abord, qu'il examine plus attentivement ses frères et reconnaisse leurs qualités individuelles. Il souhaitait que Yossef réalise que chacun de ses frères possédait des attributs uniques qui échappaient à son regard. Pour cela, il devait s'éloigner de son monde et entrer dans le leur.

La métaphore des moutons

En second lieu, Yaakov voulait que Yossef observe l'état des moutons. La Torah recourt fréquemment aux moutons pour représenter le Peuple juif. Yaakov désirait que Yossef constate comment ils subvenaient aux besoins du Peuple juif. Et bien qu'il n'y ait qu'un seul Yossef, tous les frères étaient voués à devenir les bergers de la nation juive. Les contributions indispensables de chacune des tribus au développement du futur Peuple juif étaient essentielles.

« Ne juge pas une personne tant que tu n'es pas à sa place »

La leçon évidente est réitérée dans les propos des Maximes de nos Pères : « Ne juge pas une personne tant que tu n'es pas à sa place ». Il est également primordial de ne pas mépriser la valeur et la contribution de ceux qui peuvent sembler se situer à un niveau inférieur.

En scrutant l’ensemble du parcours historique, on pourrait conclure que nous sommes à la fin des temps, sur plusieurs plans. Cette réflexion peut inciter à une remise en question de notre propre légitimité et notre rôle dans le rapprochement du monde vers l'Ère de la Rédemption que la Torah prédit pour « la fin des jours ».

Dignes de la Rédemption

L’enseignement tiré de cet épisode est que vu du sommet d'une montagne tout ce qui se trouve en contrebas apparaît petit et insignifiant et c’est alors que la descente dans la vallée révèle combien tout cela est grandiose.

Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi (premier leader du mouvement ‘Habad dont nous commémorons l'anniversaire de libération cette semaine) décrit l'incroyable vertu manifestée même par le Juif le plus illettré. Même les Juifs les plus éloignés et assimilés sont capables d'offrir leur vie pour le Judaïsme.

Si nous sommes jugés par ceux qui occupent un niveau très élevé, comme Yossef ou Yaakov – à propos duquel le Talmud affirme qu'il n'est jamais vraiment mort –  il est pertinent d’inviter ces élites à descendre jusqu'à notre niveau afin d'observer notre condition depuis notre propre perspective. Ils réaliseront alors qu'en dépit des apparences contraires, tout va bien et que nous sommes indéniablement dignes de la Rédemption finale.

Le Coin de la Halacha

 Comment allume-t-on les 3 lumières de ‘Hanouccah le vendredi après-midi 27 décembre 2024 ?

Il convient, avant l’allumage, de procéder à la prière de Min’ha. On peut allumer à partir de 16h 08 et jusqu’à 16 h42 (horaire en Ile-de-France).

Le maître de maison, et éventuellement tous les garçons de la maison, prononceront d’abord les deux bénédictions :

(1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Léhadlik Ner ‘Hanouccah ».

« Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer les lumières de ‘Hanouccah. »

(2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéassa Nissim Laavoténou Bayamime Hahème, Bizmane Hazé ».

« Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui a fait des miracles pour nos pères en ces jours-là, en ce temps-ci. »

On allumera d’abord la mèche ou la bougie située le plus à gauche puis celle qui la précède, etc… à l’aide de la bougie appelée « Chamach ».

On aura pris soin de mettre assez d’huile dans les 4 godets (ou d’avoir prévu des bougies assez grandes) pour durer jusqu’à une demi-heure après la nuit, c’est-à-dire jusqu’à environ 18h 21 (en Ile-de-France). Après l’allumage, on récite « Hanérot Halalou ». On ne pourra pas déplacer la Ménorah durant tout le Chabbat.

Avant 16h 42, les jeunes filles et les petites filles allumeront leurs bougies de Chabbat (après avoir mis quelques pièces dans la boîte de Tsédaka (charité) ; les femmes mariées allumeront au moins deux bougies.

Puis, en se couvrant les yeux de leurs mains, elles réciteront la bénédiction :

« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Léhadlik Ner Chel Chabbat Kodech ».

« Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer la lumière du saint Chabbat. »

Tout ceci devra être terminé avant 16h 36 (en Ile-de-France) le vendredi 27 décembre.

Une jeune fille (ou une femme) qui habite seule devra elle aussi procéder d’abord à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah puis des bougies de Chabbat, avec les bénédictions appropriées.

A l’issue du Chabbat, on récitera la Havdala avant l’allumage de la quatrième bougie.

Le Recit de la Semaine

 Une ‘Hanoukia sortie des cendres de Yom Kippour

Il s’appelle Morde’haï Maïmone. Originaire de Bucarest (Roumanie), il est monté en Israël avec ses parents à l’âge de deux ans, après la Shoah, à bord du bateau appelé Atsmaout (Indépendance). Au début, la famille fut hébergée comme tant d’autres réfugiés juifs venus d’Europe et d’Afrique du nord dans un village de tentes à Pardess ‘Hanna puis s’installa à Re’hovot. La mère de famille travaillait dans un jardin d’enfants tandis que le père était employé dans un chantier et ne revenait à la maison qu’une fois par semaine. Etant l’aîné, Morde’haï devait aider sa mère à gérer la maison et à surveiller ses frères et sœurs. Il se souvient que la famille ne possédait pas de réfrigérateur et dépendait, pour conserver les aliments, de la glace qu’un camion livrait dans la rue et qu’il fallait découper à la main, ce qui était un travail épuisant et douloureux. Pendant les vacances, le jeune garçon se consacrait à toutes sortes de petits jobs d’appoint pour subvenir aux besoins de la famille.

Après l’école élémentaire, Morde’haï apprit la menuiserie puis le métier de tailleur de diamants, sans compter des cours de Torah le soir. Son service militaire l’amena jusque dans le Golan et c’est là qu’il acquit des amis solides avec lesquels il est encore en contact.

Quand éclata la guerre le jour de Yom Kippour 1973, il entendit à la radio son ordre de mobilisation avec le mot de passe : « Adama Tova - Bonne Terre ». Immédiatement, il prit congé de sa femme et de ses deux enfants et partit vers le Golan où se déroulaient des combats acharnés contre l’armée syrienne. Avec ses camarades, il arriva au pied du Mont Tel Parass alors que des avions syriens survolaient leurs positions en tentant de les éliminer.

« Un tank ennemi transperça nos positions. Dans le talkie-walkie, mon commandant m’ordonna d’attendre les ordres. Mais je voyais le chauffeur de tank ennemi tenter de tirer dans notre direction. Dans la seconde où son regard se détourna de nous, nous avons sauté de notre véhicule. Le tankiste syrien tira encore et encore et le véhicule que nous venions de quitter prit feu.

Nous avons couru vers le tank ennemi et jeté une grenade à l’intérieur. Le conducteur fut tué et le combat cessa. Nous sommes restés désarmés, sans équipement. Nous sommes allés vérifier le fortin et il y avait effectivement deux de nos soldats qui s’y étaient cachés et que nous avons pu sauver avec nous. De fait, c’était une petite synagogue à laquelle les Syriens avaient mis le feu, avec les rouleaux de la Torah et tous les livres sacrés. Le spectacle de cet incendie fut un déchirement pour nous tous.

Nous sommes sortis en toute hâte ; cependant, un objet avait retenu mon attention dans ces ruines fumantes : c’était une ‘Hanoukia. Le commandant ne cessait de crier qu’on devait sortir au plus vite mais je n’ai pas pu abandonner cette ‘Hanoukia. En une seconde, j’ai réussi à la prendre tout en secouant les cendres qui la recouvraient.

Depuis, je l’ai portée sur moi en tout endroit durant toute la durée de cette guerre.

C’est sur cette ‘Hanoukia que, chaque année, j’allume mes bougies. Chaque année, je raconte à mes enfants et petits-enfants l’histoire de cette ‘Hanoukia qui est devenue l’emblème de notre famille. Pour nous, c’est le symbole de l’éternité d’Israël et je comprends ce que les Maccabim ont ressenti quand ils ont pu rallumer le chandelier dans le Temple.

Cela fait plus de cinquante ans que je prononce la bénédiction « Chéassa Nissim Laavoténou… » en remerciant D.ieu pour les miracles accordés à nos pères mais aussi pour moi quand j’ai eu la vie sauve tout en trouvant cette ‘Hanoukia.

La guerre que nous menons actuellement nous fait à nouveau vivre des moments très durs mais, avec l’aide de D.ieu, nous parviendrons certainement à surgir des cendres et à avancer vers la lumière. Malgré mon âge (77 ans), je me suis porté volontaire pour récolter tomates, olives et poivrons dans les villages israéliens entourant Gaza et qui ont été si brutalement frappés. Plus encore que l’aide physique que nous apportons, c’est la formidable atmosphère d’entraide et de respect mutuel qui reconstruit notre force ».

Mena’hem Cohen – Si’hat Hachavoua N° 1927

Traduit par Feiga Lubecki

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