De siècle en siècle
Le calendrier réunit, dans la courte période que nous traversons, deux dates à la fois historiquement éloignées et profondément similaires: le 20 et le 24 Tévet respectivement l’anniversaire du départ de ce monde de Maïmonide et de Rabbi Chnéor Zalman de Liady, auteur du Tanya et fondateur de la ‘Hassidout ‘Habad.
Il est clair qu’on pourrait ne voir là que simple coïncidence si un tel terme avait un sens pour la vision juive. De fait, les deux évènements cités sont séparés par assez de siècles pour pouvoir les considérer indépendamment l’un de l’autre. Pourtant, tous deux recèlent un message essentiel que leur proximité dans le déroulement du calendrier souligne encore. C’est sur lui qu’il convient de se pencher.
En effet, Maïmonide, en son temps, fut le Maître incontesté. Codificateur de la loi juive par son ouvrage monumental, le Michné Torah, savant Kabbaliste comme l’indique l’ensemble de son œuvre, présent dans le monde et attentif aux besoins de tous, sachant répondre à toutes les questions qui se posent alors, d’ordre spirituel, rituel ou législatif, Maïmonide fut celui qui conduisit le peuple juif dans la paix ou, parfois, au milieu de la tourmente sans que jamais rien puisse le détourner du chemin tracé.
Beaucoup plus tard, au début du XIXème siècle, Rabbi Chnéor Zalman fut celui qui donna accès à tous à la connaissance du sens profond de la Torah. Ce fut la rédaction du Tanya et le pouvoir de son enseignement. Mais il fut aussi l’érudit auquel son maître, le Maguid de Mézéritch, demanda de composer un Choul’han Arou’h, un code des lois juives, œuvre gigantesque qui continue de guider chacun. Il fut aussi celui qui affronta les difficiles évènements d’une époque troublée, qui sut tenir tête aux tentations du monde ainsi qu’aux puissants du temps sans jamais fléchir, sans jamais abandonner, apportant à chacun les réponses dont il avait besoin. De ce courage, de cette force indomptable surgit une flamme qui, depuis, n’a pas cessé de grandir.
Entre l’histoire de ces deux hommes, même brièvement rappelée, n’y a-t-il pas bien des similitudes ? La double sagesse, mystique et talmudique, le souci de l’autre, le sens de la route à suivre… tout cela est présent dans les deux cas. Est-ce vraiment étonnant ? Pas pour celui qui sait que la Sagesse est unique et qu’elle guide, au travers des siècles, ceux qui en sont les porteurs.
Le sens de l’étude
Dans sa description du temps de Machia’h, Maïmonide (Michné Torah, Hil’hot Mela’him, chap. 12 Hala’ha 5) affirme: “l’occupation du monde entier sera seulement de connaître D.ieu”. Si l’idée paraît claire, un point demande cependant à être explicité : pourquoi est-il précisé “seulement”? Sur quoi ce mot insiste-il?
En fait, Maïmonide vient ici nous indiquer qu’en ce nouveau temps, on ne cherchera pas la connaissance pour un autre but, même louable, que celui de comprendre la Torah. C’est alors que se réalisera complètement la notion d’étude de la Torah pour la Torah elle-même.
En effet, puisque les hommes continueront d’accomplir les commandements de D.ieu, ils devront savoir comment les faire. Mais, comme la perfection caractérisera le monde, étudier dans ce but une unique fois sera suffisant. C’est pourquoi la poursuite de l’étude n’aura pas d’autre motif que l’étude elle-même, pour “grandir et embellir la Torah”. (Isaïe 42 :21)
Vaéra : A propos des serpents et des bâtons
Moché et Aharon se présentèrent devant Pharaon et ils firent comme D.ieu l’avait commandé : “Aharon jeta son bâton devant Pharaon et ses serviteurs et il se transforma en serpent. Pharaon ordonna également cela à [ses] sages et sorciers…chacun jeta son bâton et ils devinrent des serpents ; mais le bâton d’Aharon avala leurs bâtons. (Exode 7:10-12)
La Torah met l’accent sur le fait que ce fut le bâton d’Aharon qui avala ceux des sorciers égyptiens. Nos Sages expliquent que puisqu’il est naturel qu’un serpent en avale un autre, D.ieu fit en sorte que le bâton d’Aharon avale les autres après qu’ils aient tous repris leur forme originelle et inanimée, démontrant ainsi l’impuissance des idoles d’Egypte d’une façon manifestement miraculeuse.
Mais le miracle de l’engloutissement du bâton est plus qu’un signe et un avertissement à Pharaon; il y a également une leçon à tirer ici, pour chacun d’entre nous, sur la manière dont nous devons faire face aux différents “Pharaons” que nous rencontrons au cours de notre vie. Les voies de la Torah sont “des voies de douceur et tous ses chemins sont de paix”, notre mission est de créer la lumière et non de combattre l’obscurité. Néanmoins, il est des temps où nous sommes forcés de nous résoudre à la bataille quand nous devons vaincre ceux qui cherchent à nous vaincre. C’est pourquoi, le doux berger d’Israël, Moché, et Aharon l’homme de paix par excellence, se retrouvèrent dans les rôles de “juge et châtieur de Pharaon” et des Egyptiens, écrasant leur puissance et oblitérant, l’un après l’autre, leurs dieux et leurs mythes.
Mais quand il va en guerre, le Juif n’est pas un guerrier. Même quand il consume le serpent de l’ennemi, il n’est pas un serpent lui-même, lançant du poison et de la haine. Son instrument de vengeance est vide de ressentiment vengeur comme le bâton dur aussi dépourvu de rage guerrière que peut l’être un bâton sans vie.
Prenez-moi en compte
Pharaon dit : Je vous laisserai partir. Sacrifiez à votre D.ieu dans le désert mais n’allez pas trop loin. Priez pour moi. (Exode 8 :24)
Un ‘hassid remarqua: l’âme animale de l’homme qui comprend ses désirs matériels et égoïstes, sait qu’il est inutile d’essayer de dissuader un Juif de servir son Créateur. Aussi quand un Juif veut prier il ne tente pas de l’arrêter ; il tente plutôt de transformer son service en une autre entreprise égocentrique. Va, dit le Pharaon de l’intérieur, sers ton D.ieu, mais ne va pas trop loin, ne perds pas de vue le monde dans lequel tu vis. Prie aussi pour moi, n’oublie pas mes besoins…
La météorologie de l’âme
Car la terre dans laquelle vous allez entrer pour en hériter n’est pas comme la terre d’Egypte d’où vous venez…C’est une terre de montagnes et de vallées, qui boit l’eau de la pluie des cieux. (Deutéronome 11 :10)
Et D.ieu fit tomber de la grêle sur la terre d’Egypte. Et il y avait de a grêle et du feu à l’intérieur de la grêle…(Chemot 9:23-24)
La pluie représente la relation réciproque entre le ciel et la terre. “ne vapeur se soulève de la terre” vers les cieux et les cieux la renvoient comme pluie qui “étanche la face de la terre”. Cela représente la vérité spirituelle selon laquelle “un réveil d’en bas suscite un réveil d’En Haut”, c’est à dire que D.ieu répond aux efforts humains, à nos prières, nos aspirations et nos actes par de la nourriture d’En Haut.
C’est la doctrine de la terre nourrie de pluie. Mais en Egypte, les choses étaient différentes. L’Egypte était nourrie non de la pluie qui tombait mais des eaux du Nil qui débordaient et inondaient périodiquement la terre. Il n’était pas non plus nécessaire de labourer son sol: les eaux du Nil laissaient derrière elles une terre extrêmement fertile qui n’avait pas besoin d’être travaillée pour être semée.
L’Egyptien spirituel est celui qui ne reconnaît pas la source divine dans les bénédictions de la vie. Il croit que tout vient d’en bas, que tout ce qu’il a et a réussi, il ne le doit qu’à lui-même. Il ne voit pas non plus le besoin de “labourer” sa personnalité, il est bien comme il est.
Le feu et la glace
Quand la pluie tombe en Egypte, elle tombe en tant que grêle, une grêle constituée de glace à l’extérieur et de feu à l’intérieur.
Nous parlons souvent de personnalités “chaudes” et “froides”. Une personne chaleureuse est quelqu’un d’affectueux, de passionné, d’ouvert, toujours prêt à tendre la main et à sourire à son ami. Une personne “froide” est réservée, égocentrique, indifférente au sort des autres. Mais la personne froide est aussi enflammée du feu de l’amour-propre, embrasée par des passions égoïstes. En fait, c’est son excès de chaleur intérieure qui est la cause de son extérieur glacial.
Quand il pleut en Egypte, ce qu’il tombe, c’est de la glace entourant du feu. Dans cette terre non cultivée où la source divine de l’eau est invisible et méconnue, la nourriture qui descend d’En Haut est pervertie en une source d’amour propre intense et d’une immense étrangeté entre l’homme et son prochain.
Extrait du journal du Rabbi daté “Vaéra 5702 (1942)”.
En quoi consiste la Mitsva de prêter de l’argent ?
C’est un commandement positif de la Torah (Exode 22. 24) de prêter de l’argent à un Juif pauvre. De fait, la Mitsva serait plutôt de lui donner l’argent mais s’il ne veut pas accepter la Tsédaka (charité), on lui prêtera cet argent, sans intérêt.
Prêter de l’argent est encore une plus grande Mitsva que de donner car on peut aussi prêter à une personne riche, qui a provisoirement besoin d’argent. On préférera prêter de l’argent à un Juif, même si on n’en retire pas d’intérêt plutôt qu’à un non-juif qui reverserait un intérêt.
Il est préférable de prêter à un pauvre plutôt qu’à un riche, aux gens de sa ville plutôt qu’à ceux d’une autre ville.
Il est interdit de faire pression pour récupérer son argent si on sait que l’emprunteur n’a pas de quoi rembourser. Par ailleurs, celui-ci a la Mitsva de tenter de rembourser au plus vite et ne doit pas repousser l’échéance s’il a de quoi payer.
L’emprunteur veillera à bien utiliser l’argent et à ne pas le gaspiller, même s’il sait (ou s’imagine) que le prêteur est riche et n’a pas besoin de cet argent actuellement.
Il convient de noter sur papier les mouvements d’argent afin de ne pas en venir à réclamer des sommes qui auraient déjà été remboursées.
F. L. (d’après Rav Yossef Kolodny)
MINORITAIRE MAIS TOUJOURS PRET
Dans toute l’armée américaine, il n’y a que quelques centaines de Juifs orthodoxes. Je suis un de ceux-là.
Je suis né à Kiev, en Ukraine, mais en 1976 à l’âge de cinq ans, j’ai émigré vers les Etats-Unis avec mes parents et ma sœur.
Ma famille n’était pas pratiquante, mais, grâce à Loubavitch, gardait un contact avec le judaïsme. Nous fréquentions la synagogue ‘Habad de Seattle pour les fêtes. Les ‘Hassidim ‘Habad se sont beaucoup occupés de notre famille et ont contribué à former ma fierté d’être juif.
En été je fréquentais le centre aéré Loubavitch de Seattle dont le directeur était Rav Yehezkel Kornfeld. Je crois que ma carrière militaire a commencé dans ce centre aéré puisque nous étions appelés Tsivot Hachem, les jeunes soldats de l’armée de D.ieu (organisation fondée par le Rabbi), chargés de répandre la lumière de la Torah autour de nous.
Enfant, j’avais toujours voulu servir mon pays. De nature, je suis strict et je n’ai jamais fait quelque chose à moitié. C’est pourquoi j’avais décidé d’intégrer la meilleure force armée du monde, le corps des Marines U.S.
La réaction typiquement “ mère juive ” est : “ Qu’est ce qu’un brave garçon juif va faire dans les Marines ? ” Mes parents qui avaient fui l’Union Soviétique pour m’éviter d’être enrôlé dans l’Armée soviétique pensaient que j’étais devenu fou. Je n’en avais cure. Quatre jours après mon dix-huitième anniversaire, je me suis inscrit au centre de recrutement des Marines à San Diego.
Au troisième jour d’une expédition, alors que nous étions assis en carré, un officier est monté sur l’estrade et a demandé : “ Que les Juifs se lèvent ! ”
Imaginez mon angoisse ; je me suis dit : “ Ça y est, la persécution des Juifs va commencer ! ” Je fus le seul à me lever parmi mes 87 compagnons d’arme. L’officier me dit de me rendre chez le Major, à quelques mètres de là, ce que je fis, nerveusement il faut bien le dire.
J’effectuai le salut militaire et me présentai au major : “ Soldat Ekshtut, à vos ordres ! ” Je n’oublierai jamais ses premiers mots : “ Savez-vous que vous représentez un dixième d’un centième des effectifs des Marines ? ” Il se présenta : “ Major Goldberg ”, et expliqua que seulement un Marine sur mille est juif. Puis il m’invita à assister à l’office du vendredi soir à l’aumônerie de la Marine. J’ai accepté.
J’ai servi à l’étranger, dans des lieux exotiques comme Okinawa, la Corée, les Philippines et le Bangladesh. Durant la première Guerre du Golfe, j’ai servi pendant sept mois sur un bateau dans le Moyen-Orient. En hiver 1990, j’ai allumé les lumières de ‘Hanouccah au milieu du Golfe persique.
Après quatre ans de service actif, j’ai effectué des périodes de réserve : un week-end par mois et deux semaines par an. J’avais entre temps obtenu mon diplôme d’ingénieur civil puis j’ai passé quelques mois en Israël où j’ai décidé d’étudier davantage ce que signifie le fait d’être juif.
De retour à Seattle, j’ai repris mes études. Je me rendais chaque Chabbat à la synagogue, comme par hasard celle de Rav Kornfeld ; je mettais les Téfilines chaque matin et j’essayais de manger cachère. Malheureusement, je ne pouvais pas garder le Chabbat lors des week-ends où j’étais de réserve. Ce n’est pas que je n’en avais pas le droit – au contraire ! Plus je devenais pratiquant, plus mes supérieurs et mes camarades déployaient des efforts pour m’aider. Mais pour les réservistes, le samedi était le jour où se déroulaient les exercices principaux.
Il était temps que je prenne ma décision : quitter le corps de Marines que j’adorais ou rester au prix d’un Chabbat par mois. Après treize ans de bons et loyaux services, je décidais de garder Chabbat et donc de quitter l’armée.
D.ieu nous guide. Il s’avéra par la suite que mon service militaire n’était pas terminé. Deux mois après que j’ai quitté la Marine, une nouvelle occasion se présenta.
Rav Brett Okman et sa famille passèrent Souccot dans notre synagogue. J’appris qu’il était Lieutenant Colonel de l’Armée de l’air et aumônier des forces actives à la base aérienne de Mc Chord, près de Seattle. Il me suggéra de postuler pour la place d’aumônier assistant des réservistes de l’Armée de l’air. Il m’assura qu’on accueillerait avec joie un Juif orthodoxe et qu’on se mettrait en quatre pour me permettre de pratiquer mon judaïsme et, en particulier, le Chabbat.
En mars 2002, j’intégrai l’Armée de l’Air comme assistant de l’aumônier. Maintenant je peux accommoder mes deux passions : Chabbat et le service militaire.
De plus, et c’est sans doute ce que j’apprécie particulièrement, je peux aider d’autres Juifs à l’Armée à mieux pratiquer leur judaïsme, ainsi d’ailleurs que les fidèles des autres religions.
Je continue d’étudier et de développer mon identité juive. Je fais même partie du comité de la synagogue de Rav Kornfeld.
Cependant je peux affirmer haut et fort : ce que j’ai appris chez les Marines m’a aidé dans mon judaïsme. J’y ai appris la discipline et le sens des responsabilités, le respect dû à des supérieurs, la valeur du travail en équipe, l’importance de la famille et de la communauté, la fierté et l’estime de soi. En étant chargé par le véritable commandant en chef, c’est-à-dire D.ieu, de se lever tôt pour aller à la synagogue, mettre les Téfilines, prier trois fois par jour, manger cachère et fréquenter la communauté juive, on acquiert quelques-unes des qualités requises pour le service militaire. Porter la Kippa et les Tsitsits ressemble fort à un uniforme et prouve qu’on est “ de service ”.
Je continue d’explorer et de pratiquer mon judaïsme.
(À suivre).
Mikhail Ekshtut
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
traduit par Feiga Lubecki