Des langues et des peuples
Si cet éditorial relève souvent la valeur du temps qui passe, il s’attarde peu sur le seul déroulement du calendrier sauf pour y retrouver les moments rituels forts qui le marquent. Il convient pourtant de faire ici exception à cette habitude : c’est que commence à présent le nouveau mois, celui de Chevat. Des jours importants qu’il contient, il y aura lieu de reparler mais, pour l’instant, c’est son tout premier jour qui attire l’attention. Le texte biblique l’énonce en termes lumineux : en ce jour « Moïse commença à expliquer cette Torah », et les commentaires de préciser : « dans les soixante-dix langues », soit les langues respectives de tous les peuples du monde. C’est là une vision littéralement vertigineuse. Laissons de côté les interrogations éventuelles sur la connaissance de toutes ces langues et sur l’aspect concret d’un tel enseignement. C’est que, pour la première fois dans l’histoire, et immédiatement après avoir été reçu de D.ieu, le texte biblique utilise d’autres mots que ceux de l’hébreu, langue sainte. Et c’est tous les mots de tous les hommes qu’il pénètre ainsi.
La révélation Divine au mont Sinaï manifeste ici sa puissance. A partir du moment où elle intervient, elle imprègne la structure même du monde. Rien ne reste extérieur à elle. Son pouvoir est tel qu’elle transcende toutes les frontières qui délimitent les peuples et les cultures. Moïse l’explique de façon qu’elle retentisse au travers des espaces et des temps des hommes. D’une certaine façon, l’histoire en est profondément modifiée pour toutes les générations à venir. Enfin, une loi, une morale, une sagesse sont descendues sur l’humanité, la libérant des caprices des puissants. A présent, le sort des hommes échappe à tous les déterminismes sociaux. Le monde entier a reçu la Parole Divine, jusque dans ses langues profanes.
Alors que le 1er Chevat revient, l’événement réapparaît dans toute sa vigueur réelle. Il est cet acte fondateur par lequel ce n’est pas seulement un message qui est donné à l’homme mais bien un chemin d’élévation qui lui est ouvert. Certes, il lui appartient toujours de l’emprunter et nul autre que lui-même ne pourra le faire. Mais, à présent, tout est possible, même le meilleur. Cette lumière brille aujourd’hui avec autant d’éclat que lorsqu’elle éclaira le regard de tous pour la première fois. Sachons en faire notre guide. Lorsque l’obscurité grandit, aussi dans le cœur et l’esprit de certains, c’est là un atout précieux.
Quand la ‘Hassidout fut révélée
Avant la construction du premier Temple, le Michcan, le Sanctuaire, fut édifié dans le désert puis, une fois les Hébreux sur la Terre d’Israël, à Chilo, Nov et enfin Guiveon.
Avant la venue du Machia’h et la construction du troisième Temple, la ‘Hassidout a été révélée. Elle est comme un avant-goût de la révélation du Temple.
(D’après Séfer HaSi’hot 5705 p.111)
Vaéra
D.ieu se révèle à Moché et lui promet de sortir les Enfants d’Israël d’Egypte, de les délivrer de leur esclavage, de les sauver et d’en faire Son peuple élu au Mont Sinaï. Il les conduira ensuite vers la terre qu’Il a promise aux Patriarches en héritage éternel.
Moché et Aharon se présentent à de multiples reprises pour demander au Pharaon, au nom de D.ieu : « Laisse partir Mon peuple pour qu’ils Me servent dans le désert ». Pharaon refuse. Le bâton d’Aharon se transforme en serpent, redevient bâton et avale les bâtons magiques des sorciers égyptiens. D.ieu envoie alors une série de plaies contre les Egyptiens.
Les eaux du Nil se transforment en sang, des armées de grenouilles envahissent la terre, la vermine infecte tous les hommes et les animaux. Des hordes de bêtes sauvages déferlent sur les villes, la peste tue les animaux domestiques, des ulcères douloureux affectent les Egyptiens. Pour la septième plaie, D.ieu combine le feu et la glace qui descendent sur terre en une grêle dévastatrice. Et pourtant « le cœur de Pharaon s’endurcit et il ne libère pas les Enfants d’Israël.
La Paracha Vaéra commence par le verset « et Je Me suis révélé à Avraham, Its’hak et Yaakov ». Dans son commentaire, Rachi relève les mots « Je Me suis révélé » et explique : « aux Patriarches ».
Qu’apporte cet ajout de Rachi ? Ne savions-nous pas déjà qu’Avraham, Its’hak et Yaakov étaient les Patriarches ?
L’intention de Rachi n’est pas simplement de nous informer sur les Patriarches. Il veut expliquer que si D.ieu se révéla à eux, ce n’était pas par rapport à leurs propres vertus mais plutôt à cause de leur statut de Patriarches du Peuple juif. Chaque Juif doit se considérer comme l’héritier d’Avraham, Its’hak et Yaakov. Il doit s’unir à ses Patriarches.
Cette idée s’exprime dans la Torah orale comme suit : un héritier se tient à la place de son ancêtre. La Torah ne considère pas l’héritage comme un changement de propriété mais plutôt comme un échange de rôle. L’héritier assume la position de son ancêtre.
Le même concept s’applique dans son sens spirituel. La révélation de D.ieu à Avraham, Its’hak et Yaakov dépendait de leur statut de Patriarches. Ils transmirent ces révélations à leurs héritiers, le Peuple juif, dans chaque génération.
Ce concept est tout particulièrement adéquat dans les temps qui précèdent immédiatement la rédemption messianique. Les Prophètes expliquent que « tout comme aux jours de votre sortie d’Égypte, Je révélerai des merveilles. » C’est ainsi que la rédemption future suivra le modèle établi lors de la sortie d’Égypte. Tout comme la révélation à Avraham, Its’hak et Yaakov fut significative à l’époque de l’Égypte, elle aura la même importance en ces jours-ci.
* * *
Nous le savons, « vivre avec son temps » signifie, selon les dires de Rabbi Chnéor Zalman, qu’il nous faut adapter notre vie aux événements de la portion hebdomadaire de la Torah.
La Paracha de cette semaine nous offre de nombreux enseignements mais la leçon essentielle est liée au nom même de la Paracha : Vaéra.
« Vaéra » signifie : « Je Me suis révélé ». Ce concept de révélation imprègne toute la Paracha. Elle évoque les miracles et les merveilles que D.ieu opéra en Égypte où Il se révéla au point que les Égyptiens eux-mêmes pouvaient clairement voir, comme l’attestent les paroles de Moché au Pharaon, que : « le D.ieu des Hébreux m’a envoyé ; laisse partir Mon peuple pour qu’ils Me servent. »
Moché avait déjà prononcé les mêmes propos auparavant mais sans qu’ils ne fussent suivis d’effet. Ce n’est qu’après avoir vu les miracles ouverts que décrit notre Paracha que les Égyptiens furent sensibilisés. Puis, « avec une main puissante, ils les firent sortir de la terre. » Le Pharaon avait une puissante main et nous observons ici qu’il l’utilisa pour renvoyer les Juifs d’Égypte.
Chacun peut tirer un enseignement de ce récit. Chacun possède sa propre Égypte (en hébreu, le mot utilisé pour Égypte : « Mitsrayim » signifie également « frontières » ou « limites »).
Étant donné que chaque Juif possède une nature divine infinie et illimitée, il en découle que chacune des frontières ou limites peut lui permettre de dévier de son cheminement naturel. Cela est tout particulièrement vrai des frontières et des limites qui confinent et restreignent son service de la Torah et des Mitsvot (incluant les forces d’opposition qui se trouvent dans la propre âme du Juif, appelées le « Yetsèr Hara », l’inclination au mal) et qui s’opposent à sa nature essentielle.
Cependant, si ces frontières existent, c’est pour permettre au Juif de révéler sa véritable nature divine et par là-même de transformer l’obscurité en lumière et l’amertume en douceur.
La même leçon s’applique dans une dimension plus large. Le monde dans lequel nous vivons est appelé « Olam », en héreu. Le mot « Olam » partage la même racine que le mot « Elèm » qui signifie « caché », « couvert ». Ainsi, cela explique que la nature divine du monde est cachée et doit être révélée par le service divin du Juif.
Face à un tel défi, chaque Juif doit prendre conscience que sa tâche n’est ni impossible ni inaccessible. Bien au contraire, au commencement, le monde fut créé « dans un état de perfection », totalement uni à la Divinité. C’est la raison pour laquelle le service qui lui est demandé n’est ni difficile ni au-delà de ses forces.
Alors même qu’il est en Égypte et que la Torah lui dit « la loi du pays est la loi » et qu’en outre le Texte stipule : « il doit prier pour le bien-être de son pays », il doit réaliser que cette déclaration ne s’applique que lorsque la loi du pays ne va pas à l’encontre de la loi de la Torah. Et d’ailleurs, la raison d’être de sa situation sur cette terre est qu’il la transforme, avec tout ce qui la constitue, en force positive, comme cela se produisit lors de la rédemption d’Égypte où toute la force de l’Égypte fut utilisée pour précipiter l’exode du Peuple juif.
Un Juif doit prendre conscience que s’il se trouve en Égypte, c’est uniquement pour accomplir une mission Divine. D.ieu ne l’y a pas envoyé pour le faire affronter des épreuves. Bien au contraire, la nature du bien est de faire le bien. De D.ieu, le Bien Ultime, ne peut émaner que du bien. C’est pourquoi, il doit comprendre que D.ieu l’a envoyé en Égypte avec un but à réaliser.
Grâce à son service (de la Torah et des Mitsvot) le Juif pourra supporter les difficultés de l’exil et transformer l’obscurité en lumière.
Comment rembourser des vols commis par le passé ?
Est-on obligé d’informer les personnes qu’on a lésées ? Comment agir si on ne se souvient même plus qui sont les victimes ?
- La première étape consiste à rendre le ou les objets volés. Il est préférable de rendre l’objet volé plutôt que d’offrir sa valeur monétaire. Cependant, si l’objet n’existe plus ou s’est détérioré, on peut le remplacer par de l’argent : on estimera la valeur ou, éventuellement, on donnera plus que sa valeur.
- Si la victime n’a pas remarqué qu’on l’a volée, on ne lui a donc pas causé de la peine et il n’est pas nécessaire de demander son pardon. Il convient néanmoins de rendre l’objet de façon anonyme. Par contre, si la victime a constaté le vol sans connaître l’identité du malfaiteur, on doit lui demander pardon quand on lui rend l’objet (ou sa valeur monétaire). On peut éventuellement le faire de façon anonyme si cela s’avère trop embarrassant ou difficile.
- Si on ignore les noms des victimes ou qu’il soit impossible de les retrouver toutes, on estimera la valeur des objets volés et on la remettra à des organisations charitables, si possible des organisations dont seraient susceptibles de profiter les victimes, par exemple une synagogue locale, un Mikvé, des services d’aide à la personne (ambulance, hôpital…). Dans ce cas, on n’exigera pas de reçu permettant un allègement fiscal ou un titre de généreux donateur.
Tout ceci demande un courage certain mais nécessaire.
(d’après Rav Yehouda Shurpin - chabad.org)
La lettre a bien été reçue
J’ai bouclé ma valise, le cœur lourd. Une fois de plus, j’avais échoué, mes rêves de grandeur s’étaient évanouis et le taxi m’attendait.
Je m’appelle Eliézer Kushitsky. Je suis né à Jérusalem il y a 36 ans, dans une famille du quartier de Bayit Vegan. J’ai suivi de bonnes études mais la crise d’adolescence m’a profondément perturbé.
J’ai quitté les bancs de la Yechiva et je me suis mis à traîner dans les rues. Petit à petit, j’ai abandonné le style de vie qu’on m’avait inculqué jusqu’à ce qu’un jour, je décide de tenter ma chance aux États-Unis pour y gagner facilement beaucoup d’argent. J’étais ambitieux, j’allais arriver à New York, je trouverai rapidement du travail et ramasserai de l’argent à la pelle ! Mais l’Amérique n’était pas le « pays en or » de mes rêves. J’eus du mal à m’adapter à sa mentalité, les petits boulots se succédaient sans m’apporter la réussite escomptée et je ne voyais pas le bout du tunnel. Je tentais bien de me lancer dans les affaires mais tout échouait lamentablement et je perdis le peu d’argent qui me restait. Je demeurai seul, sans domicile fixe. Je n’eus d’autre choix que de taper à la porte des Beth ‘Habad dispersés sur tout le pays : j’y fus toujours accueilli chaleureusement, surtout à Pittsburg (Pennsylvanie).
Mais j’étais tombé si bas que je ne respectais plus rien : pour survivre, je me mis à voler des objets de valeur dans les Beth ‘Habad où on m’accordait pourtant une confiance aveugle. Plus je tombais, plus je m’enfonçais. Pour taire les appels de ma conscience, je me mis à boire puis à toucher à des stupéfiants dangereux tandis que ma situation financière empirait. On me fit comprendre que je ne pouvais plus profiter de l’hospitalité des Beth ‘Habad que j’avais trahie à ce point. Je m’installai dans une voiture abandonnée dans la rue. Je pensais à ma famille à Jérusalem mais mon orgueil m’interdisait de reconnaître la gravité de ma situation. J’écrivais à ma famille que tout allait bien, que j’avais une belle maison, que je travaillais et gagnais beaucoup d’argent…
On était en hiver 2013. Je fus bien forcé de constater que la situation était désespérée et qu’il fallait arrêter de jouer : je devais rentrer à la maison. Difficilement, je parvins à obtenir de quoi me payer mon billet de retour.
J’entrai dans le taxi qui devait m’amener à l’aéroport à New York. Il neigeait. Soudain je me suis souvenu qu’on m’avait dit que, sur le chemin vers l’aéroport, était situé le cimetière Montefiore à Queens, là où se trouvait le Ohel (la tombe) du Rabbi de Loubavitch. Je n’y avais jamais été mais j’avais entendu qu’on y trouvait tous les services d’un Beth ‘Habad (et donc de quoi apaiser la faim qui me tenaillait). Je demandai au chauffeur du taxi de changer de destination et de m’attendre quelques minutes devant le Ohel. Je suis entré et j’ai aperçu des gens qui écrivaient des lettres qu’ils déposeraient sur le Ohel. Je ne suis ni un écrivain ni un fils d’écrivain comme le dit le proverbe mais je me suis assis et j’ai écrit. Encore et encore. Je n’ai rien caché de ma vie et de mes ratages, j’ai tout écrit au Rabbi : mes rêves de grandeur, mes folies, ma moralité chancelante, mes échecs successifs, mes addictions et mon désespoir grandissant…
Une fois que j’eus fini d’écrire, il m’arriva quelque chose de bizarre : au lieu de ressentir du soulagement d’avoir enfin tout déballé, je m’en suis énormément voulu de mes bêtises et du vide de ma vie et me posait la question suivante : « comment oses-tu te présenter dans un endroit si saint ? ».
J’essayai de surmonter ces récriminations de ma conscience (de mon mauvais penchant plutôt) mais j’étais comme paralysé et je ne parvenais pas à me diriger vers le Ohel pour y prier et déposer ma lettre. Il était tard, l’heure du départ approchait. En larmes, je fourrai ma lettre dans ma poche et, chancelant, retournai vers mon taxi. Une fois de plus, j’avais tout raté… Le Rabbi acceptait tout le monde, m’avait-on répété dans chaque Beth ‘Habad, mais moi, je n’avais sans doute pas mérité…
Quand j’arrivai en Israël, ma famille m’accueillit chaleureusement. Je tentai de continuer à faire croire à ma réussite spectaculaire aux États-Unis. Je me persuadai moi-même que j’y avais mené une existence fabuleuse mais, au fond de moi, je tremblais pour l’avenir et je craignais de replonger dans l’enfer des substances illicites.
Quelques jours passèrent puis mon téléphone sonna. C’était ma sœur qui est assistance sociale. Elle voulait me rencontrer le plus vite possible dans un restaurant. Et là, à ma grande surprise, elle déballa tout mon passé, tous mes mensonges, tous mes échecs, tout ce que j’avais tenté de cacher à ma famille. « Nous allons t’aider à t’en sortir ! » promit-elle.
J’ouvrai de grands yeux : comment avait-elle appris la vérité ?
- Maman a trouvé ton manteau, des feuilles de papier s’en sont échappées et elle a lu la lettre que tu avais prévu d’adresser au Rabbi. Nous allons tout mettre en œuvre pour t’aider, à la condition que tu te montres coopérant ! Je t’en supplie, laisse-nous t’aider !
Bien sûr j’ai accepté son aide professionnelle. Grâce à elle, je me suis engagé dans un processus de désintoxication appelé « Retourno » et, petit à petit, j’ai surmonté mes addictions et suis revenu à la normale. Depuis, je me suis marié et je participe aux activités de « Retourno » pour assister ceux qui traversent les épreuves que j’ai rencontrées, pour les aider à s’en sortir.
Comme je voudrais pouvoir retourner au Ohel et remercier le Rabbi grâce à qui j’ai retrouvé la vie !
A tous ceux qui, comme moi à l’époque, se débattent dans toutes sortes de difficultés, je leur conseille : Venez, demandez de l’aide, venez vers nous !
Eliézer Kuchitsky – Si’hat Hachavoua N° 1769
Traduit par Feiga Lubecki