A la conquête de la liberté
Notre monde ne laisse guère le temps aux hommes de réfléchir au sens des choses, à ce qu’ils font de leur vie ou, tout simplement, à ce qu’ils sont et à leurs espoirs. Le rythme de la vie semble s’être tant accéléré que rien ne peut plus parvenir à y ménager ces espaces si précieux où l’on s’arrête pour regarder derrière soi et mieux penser le «devant soi». Cette société a fini ainsi par susciter une culture de l’immédiateté qui, si elle est productrice d’une certaine forme d’efficacité, est aussi, bien souvent, source d’ivresse et d’oubli.
Emporté par le courant des jours, l’homme oublie donc. Et son ancrage dans les multiples éléments qui l’ont construit, dans sa propre histoire et sa propre mémoire se fait de plus en plus ténu. Il court le risque de devenir un être indéfini, ne sachant pas d’où il vient ni où il va, se contentant de vivre d’éphémère, sujet des modes plutôt qu’acteur du temps. Pourtant, même alors, quelque chose en lui ne le laisse pas en repos. Une petite voix têtue, insistante persiste à lui dire des mots qui dérangent sa trépidante torpeur. Elle persiste à lui susurrer des paroles d’éternité. Le judaïsme appelle cela son âme, une «partie de D.ieu». Même emprisonnée dans la gangue du quotidien, elle ne désespère pas. Par nature hors de toute atteinte, elle continue de briller dans le cœur de chacun et d’éveiller ainsi ce qui n’aurait jamais dû s’endormir : la conscience.
Pour celui qui sait entendre cet appel, tout prend alors un nouveau sens. La vie même devient le lieu d’une intense recherche. De cette façon, ses couleurs apparaissent, une fois de plus neuves et brillantes. L’homme ne le sait souvent pas encore mais il a profondément changé et son monde ne sera plus jamais le même. Le défilement des jours continuera mais il en connaîtra le sens et la nécessité. L’avenir – le sien et celui de ses proches – lui appartient. Il vient d’acquérir le plus précieux des biens : la liberté. Il peut maintenant choisir son chemin, plus rien ne l’entrave. Il a entendu l’appel de son âme, il a brisé ses chaînes.
Il n’est décidément rien de plus grand ni de plus beau que la liberté des hommes. Enracinée dans l’âme, elle conduit au plus haut, jusqu’au sommet de l’histoire du monde, la venue de Machia’h.
Le profond du rire
Faisant référence au temps de Machia’h, les Psaumes (126:2) annoncent : «Alors, notre bouche s’emplira de rire». Outre la joie impliquée par l’avènement de cette nouvelle ère, il faut comprendre plus profondément le sens de ce «rire».
En hébreu, la valeur numérique du mot « rire » est de 414. C’est également celle du terme Or Ein Sof ou «lumière infinie». Cette correspondance indique que la signification profonde de ce «rire» n’est rien d’autre que la révélation du plaisir de D.ieu.
(d’après Likoutei Torah, Bamidbar, p.19d)
Vaéra : La liberté en cinq dimensions
Nos Sages parlent de la relation très proche qui unit l’individu et l’histoire du Peuple Juif comme elle est décrite dans la Torah. Les événements importants de l’esclavage d’Egypte et de l’Exode relatés dans notre Paracha peuvent prendre place dans le monde personnel de chacun. Un exemple nous en est donné par les plaies.
La Haggada de Pessa’h rappelle une discussion à leur propos qui se tint entre deux Sages anciens, Rabbi Eliézer et Rabbi Akiva. Rabbi Eliézer dit que chaque plaie consistait en fait en quatre plaies. Rabbi Akiva dit, quant à lui, non quatre plaies mais cinq. Quel est le sens de ce débat ? Et quel enseignement contient-il pour chacun ?
Dans l’histoire, la fonction des plaies fut de briser la force négative de l’Egypte et du Pharaon, qui avaient asservi les Juifs. En nous-mêmes, cela correspond à notre tentative de briser notre situation d’asservissement présente. A qui ou à quoi sommes-nous asservis ? A nos propres tendances négatives. Selon Rabbi Eliézer, cet esclavage intérieur consiste en quatre niveaux et en cinq niveaux selon Rabbi Akiva.
Le premier niveau s’exprime quand le négatif en nous a tant de force qu’il peut nous contraindre à faire quelque chose de mal. Cela se situe au simple niveau de la vie quotidienne où la personne se bat pour garder le contrôle de son comportement.
Le second niveau, plus subtil, est celui où la personne se comporte bien mais est sans cesse inquiète de ce que les autres pensent d’elle. Elle est prise au piège de sa propre conscience de la société.
Le troisième niveau est encore plus subtil. L’homme ressent le sens de sa liberté et ne soucie aucunement de l’opinion publique mais il reste limité par ses propres facultés intellectuelles et sa raison, froid et sans passion. Pourtant le Judaïsme enseigne : «Tu aimeras ton D.ieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force», demandant plus que le froid raisonnement.
Le quatrième niveau appartient à celui qui va au-delà de la compréhension. Il agit dans un esprit de sacrifice de soi. Pour Rabbi Eliézer, c’est là le plus haut qu’un être humain puisse atteindre.
Mais Rabbi Akiva voit encore un problème possible. La personne peut continuer à être prisonnière de son propre sens de la justice : «Je me sacrifie ! Ne suis-je pas extraordinaire !» Car, pour Rabbi Akiva, le cinquième niveau de liberté est celui où l’homme s’est totalement dégagé de la conscience de son moi. Alors il peut réellement se dévouer au service de D.ieu, apportant finalement la Rédemption, non seulement à lui-même mais au monde entier.
La pluie, une rivière, le feu et la glace
La veille de leur entrée en Terre Sainte, Moché décrivit aux Enfants d’Israël la nature de leur nouvelle patrie de la manière suivante :
Car la terre où vous allez entrer pour en hériter n’est pas comme la terre d’Egypte d’où vous venez… C’est une terre de collines et de vallées qui boit l’eau des cieux (Bamidbar 11 :10).
Nos sages expliquent que c’est cela qui distingue la terre d’Israël de «la terre dont vous venez» puisque «la terre d’Egypte n’absorbe pas d’eau de pluie ; mais c’est le Nil qui se lève et l’irrigue» (Rachi, Beréchit,47 :10).
La pluie représente la relation réciproque entre le ciel et la terre. La ‘Hassidout cite la description que fait la Torah (Beréchit 2 : 6) de la première chute de pluie : « une vapeur se soulève de la terre» vers les cieux, et les cieux la renvoie comme une pluie qui «désaltère la surface de la terre». Cela, expliquent les Maîtres de la ‘Hassidout, représente la vérité spirituelle selon laquelle «un réveil d’en bas suscite un réveil d’en Haut», D.ieu répond aux efforts de l’homme, répondant à nos prières, nos aspirations et nos actions par une nourriture d’en Haut.
Mais la pluie seule ne suffit pas à faire fleurir la terre et lui faire donner des fruits. Le sol doit être labouré avant de pouvoir recevoir la graine et absorber la pluie. Spirituellement cela signifie qu’il ne suffit pas d’envoyer des «vapeurs» de sentiments élevés ; il faut d’abord «labourer» notre ego, écraser les mottes de grossièreté dans notre personnalité pour que notre vie puisse être apte à recevoir le flot de nourriture d’En Haut.
En «Terre d’Israël», on laboure et on est nourri par la pluie. Mais en «Egypte», les choses étaient différentes. L’Egypte était nourrie, non par une pluie qui tombait mais par les débordements du Nil qui inondaient périodiquement la terre. Il n’était pas non plus nécessaire de labourer le sol : les flux du Nil laissaient derrière eux des étendues extrêmement fertiles qui ne demandaient aucun travail avant d’être semées.
L’Egyptien spirituel est celui qui ne reconnaît pas la source divine des bénédictions de la vie. Il pense que tout vient d’en bas, que tout ce qu’il possède ou accomplit, il le doit à ses propres efforts. Il ne voit pas non plus le besoin de «labourer» sa personnalité, il est bien comme il est.
Une pluie perverse
Quand la pluie tomba sur l’Egypte, elle tomba sous forme de grêle. Celle-ci consista en de la glace à l’extérieur et du feu à l’intérieur. C’est pourquoi la Torah décrit la septième des Dix Plaies qui tomba sur les Egyptiens ainsi : «Et D.ieu fit tomber de la grêle sur la terre d’Egypte. Et il y eut de la grêle et du feu brûlant dans la grêle…» (Chemot 9 :23-24).
On parle souvent de personnalités «chaudes» et «froides». L’homme chaleureux est toujours prêt à tendre la main et à offrir un sourire à son prochain tandis qu’une personne «froide» est indifférente au sort des autres. Mais l’individu froid est aussi enflammé par l’amour propre, par ses passions égoïstes. En fait, c’est son excès de chaleur intérieure qui est la cause de son extérieur glacial.
Quand la pluie tombe en Egypte, elle tombe comme un feu enveloppé de glace. Dans cette terre qui n’est pas labourée, où la source divine de son eau est invisible et méconnue, la nourriture qui tombe d’en haut est pervertie comme une source accrue d’amour du moi et de plus grande séparation entre l’homme et son prochain.
En quoi consiste la Mitsva de prêter de l’argent ?
La Torah prescrit de prêter de l’argent sans exiger d’intérêt. Cette Mitsva est encore plus importante que de donner la Tsedaka (charité) car celui qui demande un prêt n’est pas encore réduit à la mendicité.
Il est particulièrement recommandé de prêter de l’argent à celui qui pourra ainsi éviter de s’appauvrir. Prêter à un pauvre est plus méritoire que prêter à un riche.
Il convient d’établir dans chaque ville et dans chaque communauté une caisse de prêt; de même, chaque école et même chaque classe possèdera une caisse de prêt pour permettre aux élèves de s’exercer à emprunter et à rembourser.
Si on ne connaît pas la personne, on peut lui demander un garant avant de lui prêter de l’argent, afin de ne pas courir le risque de ne pas récupérer la somme. Les responsables des caisses de prêt doivent s’entourer de toutes les précautions pour assurer le bon fonctionnement des fonds qui leur sont confiés. S’ils préfèrent refuser d’octroyer le prêt, ils le feront de façon courtoise en évitant, dans la mesure du possible, de mentir (en prétextant par exemple qu’ils n’ont pas d’argent disponible en ce moment).
La personne qui emprunte de l’argent aura à cœur de rembourser aussi rapidement que possible, avant que le prêteur ne soit obligé d’exiger son argent.
F. L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh)
La bénédiction d’un soldat
Il y a dix ans, par une chaude journée de printemps, je rendais visite à mon père en Israël. Il avait quatre-vingt-dix ans et était sérieusement malade.
Il avait vécu à Kfar ‘Habad ces dernières années et devait maintenant subir une opération qu’il appréhendait. Mais comme c’était sa dernière chance, je l’avais encouragé et accompagné à l’hôpital.
Assis à ses côtés dans la salle précédant le bloc opératoire, je récitai avec lui des Téhilim (Psaumes) et le Vidouï (confession finale). La pièce était silencieuse, nous étions seuls tous les deux à échanger souvenirs et recommandations.
Soudain – et ceci ne peut arriver qu’en Israël – quelqu’un ouvrit la porte avec fracas et jeta un coup d’œil dans la pièce. C’était un officier de haut rang – un colonel ou même un général – de l’Armée de l’air israélienne. Je lui demandai ce qu’il cherchait.
- «Un de mes amis», répondit-il.
- «Pourriez-vous donner à mon père une Bra’ha, une bénédiction ?» lui demandai-je.
Il trouva que la plaisanterie était très drôle et il éclata de rire.
«Ce n’est pas une plaisanterie ! Je voudrais vraiment que vous bénissiez mon père !»
Il redevint sérieux et semblait surpris.
«Vous servez dans l’Armée de l’air, n’est-ce pas ? Vous êtes prêt, vingt-quatre heures par jour, à donner votre vie pour défendre les Juifs de ce pays…»
«C’est exact» reconnut-il sèchement.
«Alors, je vous en prie, donnez une bénédiction à mon père ! Vous avez un pouvoir spécial. Le Rabbi avait beaucoup de considération pour les soldats de Tsahal. Il a dit que vous avez une capacité spéciale à bénir les autres Juifs car vous êtes prêt à vous sacrifier pour défendre le peuple d’Israël».
Surpris, il tira le béret qui était posé sur son épaulette et le posa sur sa tête. Je lui fis répéter, mot à mot, la bénédiction que prononcent les Cohanim :
«Que D.ieu te bénisse et te protège ! Que D.ieu fasse briller Sa face vers toi et t’accorde Sa grâce ! Que D.ieu élève Sa face vers toi et t’accorde la paix ! »
Il pleurait.
Je lui demandai : «Avez-vous eu l’occasion de mettre les Téfilines aujourd’hui ?»
«Non».
Alors je lui mis les Téfilines.
J’emporte toujours mes Téfilines avec moi, où que j’aille. J’ai adopté le slogan de la carte American Express : «Ne partez pas sans elle !» On ne sait jamais qui on va rencontrer – et on ne peut imaginer le pouvoir d’une Mitsva accomplie par un Juif : qui aurait pu s’imaginer mettre les Téfilines à un autre Juif dans une pièce préposée aux anesthésies ?
Couronné de ses Téfilines, l’homme répéta docilement les bénédictions et le Chema, tout en s’essuyant discrètement les yeux pour réprimer l’émotion qui le gagnait. Mon père le regardait gentiment, pensivement, fier de son fils, fier de ce soldat qui prenait le temps de le bénir et d’accomplir une Mitsva en son mérite.
Mon père fut amené sur la table d’opération. Il ne se réveilla pas.
Mais le dernier spectacle que mon père put contempler dans ce monde fut son fils qui mettait les Téfilines à un officier de Tsahal, le symbole de la force physique d’Israël allié à la force spirituelle, mais surtout à un frère juif. Imaginez la satisfaction d’un père !
Il est vrai que mon père n’a pas survécu. Mais une chose est sûre : les bénédictions et la Mitsva des Téfilines de cet officier possèdent une puissance infinie. Je suis sûr qu’elles ont aidé quelqu’un, quelque part en Israël et qui sait : peut-être – et sûrement – l’officier lui-même.
Rav Moshe Feller, Minnesota (Etats-Unis)
Traduit par Feiga Lubecki