Tout un monde à changer
Le monde est plein d’instants précieux, de gestes inoubliables. Il est plein de toutes ces petites choses du quotidien qui font de la vie un parcours de découvertes que l’on ne voudrait manquer à aucun prix : le sourire d’un enfant qui regarde le ciel, celui d’une mère qui suit ce regard, celui de cet homme qui vient en aide à son prochain ou de cet autre qui se souvient du passé pour mieux penser l’avenir. Ce ne sont que des instants fugitifs, effacés parfois alors qu’ils viennent d’apparaître. Mais, malgré cette fragilité essentielle, ils laissent une trace profonde ; ne sont-ils pas la beauté et la grandeur des choses qui passent ? C’est dire à quel point chacun peut faire de l’endroit où il vit, de tout son environnement et finalement du monde entier, un lieu de merveilles. Et pourtant, la rumeur de la période ne semble guère porter à l’espérance…
C’est que tout cela n’est pas qu’une question de regard, c’est aussi affaire d’action. Il est dit que D.ieu créa le monde «pour faire», indiquant ainsi que l’homme, créature suprême, a reçu ici une charge et un privilège. Il peut être ainsi «l’associé de D.ieu dans la création du monde». En d’autres termes, le lien avec le spirituel ne peut se résumer à certains moments du jour, à ces instants particuliers où, par la prière, l’étude, la pratique des commandements, l’homme se ressent comme plus proche de l’Essence. Le lien avec le Divin est, par nature, un lien de tous les instants sauf à révéler, par son absence récurrente, une infirmité qui remettrait en cause son sens même.
C’est donc ainsi que la question se pose : comment établir ce lien éternel et constant et, de cette façon, changer les choses… pour de bon ? Laissons donc monter la réponse en nous : par nos actes du quotidien, par notre vie de toutes les secondes. C’est là un défi majeur lancé à chacun, particulièrement en des temps obscurs. Peut-être est-ce aussi une manière de dire la condition humaine. Rétablir les équilibres, être un facteur de civilisation, faire de ce monde un lieu de sérénité – « la demeure de D.ieu ici-bas » dans les termes de la tradition. Faire de son foyer un « petit sanctuaire », devenir enfin un « porteur de lumière » . Cela peut résonner comme un de ces programmes si grands et nobles, et si irréalistes… ou, tout simplement, comme la petite musique des jours vécus à dimension vraiment humaine. Comme un avant-goût du temps de Machia’h. Et si le changement commençait en nous-mêmes ?
Le soleil et la lune
Le texte de la Torah (Gen. 38 : 28-30) nous annonce la naissance de Pérètz et Zara’h, fils de Yéhouda. A leur propos les commentateurs relèvent que Zara’h est comparable au soleil tandis que Pérètz l’est à la lune. Quel est le sens de cette parabole ?
Le soleil représente le mode de service de D.ieu des Justes. En effet, ceux-ci ne connaissent ni changement ni chute. Comme le soleil qui éclaire de façon constante, ils sont d’une perfection immuable. A l’inverse, la lune symbolise le service de D.ieu des Baalei Techouva, ceux qui ont commis des fautes et sont revenus à D.ieu. Ils ont ainsi connu la chute et redécouvert la plénitude, comme la lune qui décroit pour revenir à la perfection.
Cette idée explique pourquoi c’est de Pérètz, ancêtre de la dynastie du roi David, que descendra le Machia’h. Car un des apports essentiels de ce dernier sera justement de donner accès à la Techouva aux Justes puisque celle-ci est toujours d’une grandeur et d’une puissance inégalables !
(D’après Likoutei Si’hot vol. XXX –
Parachat Vayéchev II) H.N.
Vaéra : Le sermon d’une grenouille
«D.ieu dit à Moché : viens chez Pharaon et dis-lui : ‘Ainsi parle D.ieu : laisse partir Mon peuple pour qu’ils puissent Me servir. Mais si tu refuses de [les] laisser partir, voici, Je frapperai toutes tes frontières avec des grenouilles’» (Chemot 7 :26-27)
«Sans [la plaie des] grenouilles, comment D.ieu aurait-Il puni les Egyptiens ?» (Le Midrach)
Ce dernier commentaire paraît bien étrange voire hérétique ! Il semble impliquer que sans la plaie des grenouilles, Pharaon n’aurait pas été vaincu. Mais n’existe-t-il pas de «nombreux agents pour D.ieu» ? Sa force d’action n’est-elle pas vaste et diversifiée ? Et n’y eut-il pas neuf autres plaies tout aussi, sinon plus, efficaces pour faire plier Pharaon ?
Les trois fantoches
Dans la tradition biblique et de façon générale, nous rencontrons trois idéologies professées par trois personnalités célèbres, chacune s’en prenant à D.ieu, de façon erronée et différente.
Ces individus (non cités chronologiquement) sont : Bilaam, Pharaon et Senachérib.
Bilaam était un homme compliqué. Croyant, il l’était. Après tout, c’était un prophète. Et quel prophète un tant soit peu sensé aurait nié l’existence du D.ieu dont il prétendait parler ? Plutôt que croire simplement de façon abstraite ou théorique, il comprenait bien, et plus tard réapprendrait, le fait que D.ieu est extrêmement intéressé et impliqué dans les affaires du monde. Nous savons cela de sa propre affirmation naïve : «Même si Balak me donne sa maison pleine d’argent et d’or, je ne peux transgresser la parole de l’Eternel, mon D.ieu, rien faire de petit ou de grand…» (Bamidbar 22 :18)
Mais son système de croyance était nuancé et complexe. Bien qu’il crût en l’existence de D.ieu, il avait un problème avec le principe de l’unité.
A l’autre extrême, se situe Sennachérib, l’athée qui reniait l’existence d’un Etre Suprême, allant jusqu’à assurer de maudire D.ieu. Son incroyance prit la forme d’un athéisme actif. Sa religion était l’impiété et il avait à cœur de mener un combat actif et passionné pour démolir la foi dans le Créateur.
Ainsi, à la fois Bilaam et Senachérib partageaient-ils un territoire commun : tous deux étaient également gênés par la notion de D.ieu et tout particulièrement comme un Etre qui supervise le monde. Pourtant, ils différaient dans la manière de régler leurs frustrations respectives : Bilaam se résignait à contre-cœur à la domination de D.ieu alors que Senachérib passa sa vie entière en campagne contre Lui.
Pharaon, néanmoins, s’engagea sur un nouveau terrain.
C’est le tout premier déiste de la Bible, croyant que quand bien même D.ieu existât, Il n’avait rien à faire avec l’administration du monde. La maintenance de l’univers était l’affaire des hommes.
En d’autres termes, selon l’opinion de Pharaon, la question de l’existence de D.ieu n’était que théorique et sans rapport avec la vie pratique. C’était un sujet intéressant à discuter dans les grands débats intellectuels mais n’avait rien à voir avec la rue, les lieux de distraction et encore moins avec la politique gouvernementale.
Sa philosophie apparaît très clairement dès les premiers mots qu’il adresse à Moché : «Qui est ce D.ieu dont je devrais tenir compte de la voix et renvoyer Israël ?», ce que l’on peut comprendre comme signifiant : «depuis quand D.ieu s’implique-t-Il dans ce qui se passe en bas ?»
La conception du monde de Pharaon devient encore plus évidente si l’on se reporte aux paroles de Moché à propos de D.ieu : «Si tu ne laisses pas partir Mon peuple, voici, Je lancerai contre toi, et contre tes serviteurs, et contre ton peuple, et dans tes maisons, un mélange de bêtes sauvages… de sorte que tu sauras que Je suis D.ieu au sein de la terre.»
Il semble que Pharaon eût besoin d’être convaincu que D.ieu régnait non seulement dans les cieux mais également «au sein de la terre».
Ainsi, pour résumer, nous avons Bilaam le (confus) théiste, Pharaon le (cela ne change rien pour moi) déiste et Sennachérib le (furieux) athée ou anti-théiste.
S’il fallait juger ces hommes et leurs philosophies, lesquels représenteraient-ils la plus grande menace pour l’institution de la foi ?
De façon inattendue, c’est certainement Pharaon.
En effet, dans les propos de Bilaam et de Sennachérib, nous entendons le Nom de D.ieu. Il est vrai que dans la bouche de Sennachérib, il résonne avec force, voire férocité. Mais il est présent. Des arguments du théiste comme de ceux de l’athée, ressort le fait qu’ils considèrent Son existence qu’ils craignent tous deux.
Si l’on parle à Pharaon, l’on peut ignorer qu’il existe un D.ieu. Il n’en parle même pas.
Et c’est alors qu’interviennent les grenouilles.
Les animaux peuvent être classés en trois groupes : ceux dont l’humanité bénéficie, ceux qui font du mal aux hommes et ceux qui n’ont aucun impact.
Les chiens procurent le compagnonnage et la sécurité. Nous les aimons. Ils sont des créations de D.ieu, ce qui a un sens pour nous.
Les serpents venimeux peuvent provoquer la mort.
Et puis les grenouilles semblent ne remplir aucune fonction, ne donnent aucune indication sur la fonction que leur a attribuée le Créateur. La grenouille, lorsqu’on l’observe, tout comme Pharaon, ne dit rien de son Créateur.
C’est la raison pour laquelle D.ieu les choisit comme punition contre Pharaon. Comme pour dire : même cette créature étrange a un but dans ce monde. Toute création est nécessaire et a un sens. Le Créateur de notre monde est Celui Qui le dirige. Et dans Son grand ensemble qu’est le monde, le croassement même d’une grenouille est une louange qu’elle Lui adresse.
Le contraire de l’amour, de la beauté et de la vie n’est pas la haine, la laideur et la mort mais l’indifférence.
Qu’est-ce que le Kiddouch du vendredi soir ?
C’est un commandement positif que de sanctifier le jour du Chabbat à son début ainsi qu’il est dit : « Souviens-toi du jour du Chabbat pour le sanctifier ».
Avant le repas du vendredi soir, on procède au Kiddouch sur un verre de vin rouge cachère. Les femmes sont astreintes au Kiddouch mais se rendent quitte par le Kiddouch d’un homme (ou d’un garçon de treize ans et plus). Sinon, elles peuvent et doivent réciter elles-mêmes le Kiddouch. Les enfants aussi se rendent quitte par le Kiddouch de leur père mais peuvent procéder à leur propre Kiddouch.
Le verre de Kiddouch doit contenir au moins 8,6 centilitres de vin.
On ne mange pas avant le Kiddouch et on ne boit pas.
Il convient de laver et d’essuyer le verre avant le Kiddouch. Au début, on regarde les bougies (c’est une « Segoula », un remède pour jouir d’une bonne vue) puis on regarde le verre pendant la bénédiction sur le vin. Tous les convives restent debout pendant la récitation du Kiddouch.
Le maître de maison doit boire plus que la moitié du verre : les autres convives peuvent goûter à ce qui reste dans le verre.
Le Kiddouch se déroule à l’endroit où on mange et est suivi immédiatement par le repas de Chabbat, c’est-à-dire au minimum 30 grammes de ‘Halla (pain de Chabbat) ou, éventuellement, de gâteau ou d’un verre de vin supplémentaire.
F. L. (d’après Assadère Lisseoudata)
Tant d’années après : merci !
Rav Arié Kaltmann est un Chalia’h (émissaire du Rabbi) à Colombus (Ohio). Comme la plupart de ses collègues, il est obligé de passer une bonne partie de son temps à récolter des fonds pour financer ses activités sociales, communautaires et éducatives. Quiconque s’est frotté à cette obligation comprend que ce n’est pas le côté le plus agréable de la vie de Chalia’h ; cependant, elle est nécessaire.
Rav Kaltmann avait la chance de compter dans la communauté qu’il avait établie un donateur qui couvrait gentiment une part significative de son budget, exactement 80%. Il n’avait donc plus qu’à trouver les 20% manquants. Un jour, ce donateur tomba malade et Rav Kaltmann lui rendit fidèlement visite, pria pour lui et tenta de lui rendre service comme il pouvait. Mais l’homme, âgé, décéda, non sans avoir demandé à ses enfants de continuer à financer généreusement les activités du Beth Habad. Les enfants ne suivirent pas exactement les recommandations de leur père, se contentèrent d’offrir une généreuse contribution une fois puis mirent fin à leur relation.
C’était donc maintenant 100% du budget qu’il lui fallait couvrir ! De quoi se décourager…
La secrétaire de Rav Kaltmann lui fit alors remarquer qu’il avait reçu un courrier inhabituel, une lettre provenant d’une femme inconnue de Californie. Celle-ci écrivait que son petit-fils fréquentait l’Université de Colombus et que lui, Rav Kaltmann, lui avait donné un calendrier juif mural. Quand cette dame de Californie avait rendu visite à sa fille – la mère de l’étudiant en question – elle avait remarqué le calendrier pendu au mur, l’avait feuilleté, avait trouvé l’adresse du Chalia’h et avait décidé de lui envoyer un chèque de 10.000 dollars !
L’histoire était étrange mais le chèque était bien réel ! Le Rabbi n’abandonnait pas son Chalia’h et, même dans les pires circonstances, le Rabbi l’aidait de façon mystérieuse. Bien entendu, le Chalia’h encaissa le chèque avec un soupir de soulagement et écrivit une chaleureuse lettre de remerciement à cette nouvelle donatrice. Quand arriva l’époque de ‘Hanouccah, il envoya à cette dame une boîte de bougies et un chandelier avec les prospectus de la fête comme il le faisait avec tous les membres de sa communauté et du campus. Quelques jours plus tard, il reçut une lettre le remerciant pour son geste, accompagnée d’un nouveau chèque de 10.000 dollars. Rav Kaltmann ne pouvait en croire ses yeux, remercia le Ciel tout en réalisant qu’il n’avait pas encore couvert toutes ses dépenses. Par la suite, à l’approche de chaque fête, Rav Kaltmann envoyait scrupuleusement les objets et les prospectus nécessaires pour célébrer la fête et, à chaque fois, la dame remerciait gentiment en envoyant un chèque de 10.000 dollars. Le Chalia’h était intrigué : pourquoi cette dame avait-elle choisi de lui envoyer, à lui, de telles sommes plutôt que de financer les activités d’un Chalia’h en Californie ?
Un jour, ses activités l’amenèrent en Californie et il décida de consacrer un peu de son temps libre à rendre visite à cette dame pour faire sa connaissance et la remercier de vive voix. Elle l’accueillit chaleureusement. Au fur et à mesure de leur conversation, il finit par exprimer – diplomatiquement bien sûr – son étonnement : «Je comprends que vous appréciez les petits cadeaux que je vous envoie (une boîte de Matsot avant Pessa’h, un arrangement floral avant Chavouot etc…) mais vous me répondez à chaque fois avec un chèque de grande valeur. (A ce point de son discours, il respira profondément : ce n’était pas le moment de faire une gaffe et de risquer de mettre un terme à cette relation fructueuse !). Sachez que votre contribution est absolument vitale pour la poursuite de nos activités communautaires ! Mais je ne comprends pas pourquoi vous m’envoyez de si grosses sommes en échange de si menues attentions alors que vous ne me connaissez pas et qu’il est juste normal que votre petit-fils participe à nos activités !»
La dame répondit : «Quand j’étais petite, ma sœur est tombée gravement malade, que D.ieu nous en préserve. Mes parents consultèrent les meilleurs médecins mais tous étaient pessimistes quant à ses chances de survie. Mes parents décidèrent alors de voir des Rabbis, un en particulier : c’était un nouveau Rabbi dont on commençait à dire beaucoup de bien, dans le quartier de Crown Heights à Brooklyn. Je ne sais pas trop ce qu’il leur avait conseillé, toujours est-il que ma sœur a retrouvé la santé et que nous avons pu reprendre une vie normale. Pour une raison que j’ignore, mes parents oublièrent de remercier le Rabbi qui avait sauvé la vie de leur fille, peut-être ne désiraient-ils pas se souvenir de ces moments douloureux…
Les années passèrent, nous avons grandi, nous nous sommes mariées, avons eu des enfants puis des petits-enfants et, quand je suis allée chez ma fille et que j’ai feuilleté ce calendrier, j’ai reconnu immédiatement le visage du Rabbi que je n’avais vu qu’une fois dans mon enfance. Je me suis souvenue de la tension dans notre famille à cette époque, de son bon sourire et… de la guérison inexpliquée de ma sœur. Je ne crois pas que nous ayons jamais remercié correctement le Rabbi, nous ne sommes pas retournés le voir pour le remercier de ce miracle ! Quand mon petit-fils nous a raconté toutes les activités auxquelles il participait sur le campus grâce à vous, j’ai réalisé que j’avais la réponse : je ne pouvais pas revoir le Rabbi mais je pouvais aider un de ses émissaires, le seul dont j’avais les coordonnées : vous, grâce au calendrier ! Vous me donnez l’occasion de rembourser une vieille dette !»
Rav Gershon Avtzon, Cincinnati, Ohio
traduit par Feiga Lubecki