Samedi, 17 janvier 2015

  • Vaéra
Editorial

 Tous les peuples du monde

Si cet éditorial relève souvent la valeur du temps qui passe, il s’attarde peu sur le seul déroulement du calendrier sauf pour y retrouver les moments rituels forts qui le marquent. Il convient pourtant de faire ici exception à cette habitude : c’est que commence le nouveau mois, celui de Chevat. Des jours importants qu’il contient, il y aura lieu de reparler mais c’est son tout premier jour qui attire, à présent, l’attention. Le texte biblique l’énonce en termes lumineux : en ce jour « Moïse commença à expliquer cette Torah », et les commentaires de préciser : « dans les soixante-dix langues », soit les langues respectives de tous les peuples du monde. C’est là une vision littéralement vertigineuse. Laissons de côté les interrogations éventuelles sur la connaissance de toutes ces langues et sur l’aspect concret d’un tel enseignement. C’est que, pour la première fois dans l’histoire, et immédiatement après avoir été reçu de D.ieu, le texte biblique utilise d’autres mots que ceux de l’hébreu, langue sainte. Et c’est tous les mots de tous les hommes qu’il pénètre ainsi.

La révélation Divine au mont Sinaï manifeste ici sa puissance. A partir du moment où elle intervient, elle imprègne la structure même du monde. Rien ne reste extérieur à elle. Son pouvoir est tel qu’elle transcende toutes les frontières qui délimitent les peuples et les cultures. Moïse l’explique de façon qu’elle retentisse au travers des espaces et des temps des hommes. D’une certaine façon, l’histoire en est profondément modifiée pour toutes les générations à venir. Enfin, une loi, une morale, une sagesse sont descendues sur l’humanité, la libérant des caprices des puissants. A présent, le sort des hommes échappe à tous les déterminismes sociaux. Le monde entier a reçu la Parole Divine, jusque dans ses langues profanes.

Alors que le 1er Chevat revient, l’événement réapparaît dans toute sa vigueur réelle. Il est cet acte fondateur par lequel ce n’est pas seulement un message qui est donné à l’homme mais bien un chemin d’élévation qui lui est ouvert. Certes, il lui appartient toujours de l’emprunter et nul autre que lui-même ne pourra le faire. Mais, à présent, tout est possible, même le meilleur. Cette lumière brille aujourd’hui avec autant d’éclat que lorsqu’elle éclaira le regard de tous pour la première fois. Sachons en faire notre guide. Lorsque l’obscurité grandit, aussi dans le cœur et l’esprit de certains, c’est là un atout précieux. 

Etincelles de Machiah

 Quand la ‘Hassidout fut révélée

Avant la construction du premier Temple, le Michcan, le Sanctuaire, fut édifié dans le désert puis, une fois les Hébreux sur la Terre d’Israël, à Chilo, Nov et enfin Guibon.

Avant la venue du Machia’h et la construction du troisième Temple, la ‘Hassidout a été révélée. Elle est comme un avant-goût de la révélation du Temple.

 (D’après Séfer HaSi’hot 5705 p.111) 

Vivre avec la Paracha

 Le mois de Chevat

Ce Chabbat, nous bénissons le mois de Chevat. Pour tous ceux qui ont été touchés par le Rabbi, ce mois revêt une importance très spéciale. En effet, on y célèbre, le 10 Chevat, la date anniversaire de la disparition du précédent Rabbi de Loubavitch et plus précisément, pour ce qui nous concerne, le jour où le Rabbi accepta d’endosser la direction du mouvement Loubavitch.

L’histoire qui suit offre, par bien des aspects, un aperçu de ce que fut la grandeur et le message du leadership du Rabbi.

Dans les années 70, un jeune et brillant éducateur, diplômé de la Yeshiva University, rendit visite au Rabbi. La vérité est qu’il désirait le consulter pour un sujet personnel. Sa femme et lui-même étaient mariés depuis plusieurs années et n’avaient pas été bénis d’enfants. Le Rabbi lui donna une bénédiction pour des enfants (et sa première fille naquit douze mois plus tard). Cependant, le Rabbi n’insista pas longtemps sur cette bénédiction mais chercha à convaincre ce jeune rabbin d’ouvrir une école destinée à la jeunesse américaine ne possédant aucune éducation juive. «Il existe de nombreuses écoles pour les jeunes issus de milieux religieux mais la jeunesse venant de familles non pratiquantes n’a pas beaucoup d’alternatives».

Le jeune rabbin écouta le Rabbi et réfléchit. Quelques semaines plus tard, il prit sa décision et ouvrit une Yéchiva en Israël. Cette institution connut un grand succès et permit à de nombreux jeunes Juifs de retrouver le chemin qui les conduisait à faire jaillir leur identité juive. Lors de l’un de ses voyages aux Etats-Unis, le jeune rabbin décida de se rendre chez le Rabbi pour le remercier de ses conseils et de ses directives.

Le Rabbi s’enquit de tous les détails concernant la Yéchiva, y compris de son emplacement.

-          Elle se trouve Re’hov Kiriat Moché, près du rond-point.

- Ah ! Au-dessus de l’épicerie, répondit le Rabbi, montrant ainsi sa grande familiarité avec un environnement… qu’il n’avait jamais vu.

Vaéra

La Paracha de cette semaine pose un problème. D.ieu voit la souffrance du Peuple juif en Egypte et réagit. Il envoie Moché avertir le pharaon de laisser partir son peuple et devant son refus, D.ieu punit les Egyptiens de dix plaies sévères. Il brise l’ordre naturel pour montrer Son amour pour le Peuple juif et lui apporter la libération.

Cela n’est pas problématique. Mais la question qui nous taraude est : que s’est-il passé par la suite ? Cela fait plus de 3300 ans qu’a eu lieu l’Exode d’Egypte et nous parlons toujours des mêmes miracles. A un moment ou a un autre, il arrive à chacun de demander : «D.ieu, où as-Tu été ces temps derniers ?». Chacun peut témoigner de «trous noirs» que nous aurions aimé voir détruits par D.ieu. S’Il l’a fait alors, pourquoi ne le fait-Il pas maintenant ? Pourquoi ne voyons-nous pas de tels miracles aujourd’hui ?

La première réponse que l’on peut apporter à ces interrogations est que nous en voyons mais tout simplement nous n’y sommes pas sensibles. La nature elle-même n’est rien d’autre qu’une série de miracles. Si quelqu’un avait essayé de prévoir la probabilité que nous vivions comme nous le faisons, que tout soit mis en place pour l’assurer, les chances se compteraient en une sur des millions. Pourquoi ne sommes-nous pas transportés de joie par la chance que nous avons ? Parce que nous y sommes habitués. Nous vivons dans ce que nous pensons être la normalité et nous ne nous posons pas de question ni ne nous en émerveillons.

D.ieu chérit cet ordre naturel parce que si la Divinité était trop évidente, l’existence de notre monde matériel ne serait pas nécessaire.

Explicitons : le monde a été créé à partir du néant absolu. Il n’y avait pas même de vide. Il n’y avait rien. D.ieu n’avait pas besoin de cette création mais s’Il la fit, c’est qu’Il le voulait. Pourquoi ? Nos Sages nous disent qu’Il voulait une résidence dans les mondes inférieurs, qu’Il créa un monde où Sa présence n’est pas évidente et que ce soit précisément ce monde qui devienne Sa demeure, un endroit où Il manifeste Sa présence comme une personne le fait dans son propre foyer.

Ainsi, si D.ieu devait annuler l’ordre naturel et faire en sorte que le cadre normal de l’existence révèle Sa présence, tout Son projet aurait été vain. Une séquence continue de miracles visibles ruinerait tout Son dessein.

C’est la raison pour laquelle Il cache Ses miracles dans la nature. Mais cela ne les empêche pas d’être réels. En fait, à de nombreuses occasions, si nous prenions le temps de méditer et de porter un regard objectif sur ce qui nous arrive, nous serions stupéfaits devant l’omniprésence de la Main de D.ieu. Bien plus encore, il est des moments où une telle prise de conscience n’est pas même nécessaire. Chacun de nous peut témoigner qu’il a vécu des événements où D.ieu a aidé, de façon miraculeuse et perceptible, des individus ou le Peuple Juif dans son ensemble.

Ainsi, un jour, dans l’histoire de notre nation, au temps de la sortie d’Egypte, D.ieu accomplit une série de miracles visibles dont tout le monde dut admettre l’origine Divine. Après quoi, le mode usuel revint en place et la Présence de D.ieu fut à nouveau dissimulée. Ce n’est que de temps à autre que nous percevons clairement Sa Main. Néanmoins, quand bien même nous ne Le voyons pas directement, cela ne signifie pas pour autant qu’Il n’est pas présent. Il nous accompagne tout le temps, que nous en soyons conscients ou non. Il est là et guide notre existence jusqu’à sa perfection ultime.

Perspectives

Les deux idées mentionnées : le fait que D.ieu maintienne l’ordre naturel et qu’Il n’y soit pas limité, s’exprimeront à l’ère de Machia’h. C’est pour cette raison que nos Sages ont expliqué qu’il y aurait deux phases dans l’ère de la Rédemption. Tout d’abord, «il n’y aura pas de différence entre notre monde et l’Ere de Machia’h à l’exception de l’assujettissement (d’Israël) aux royaumes (du monde)». Puis surviendra une seconde étape où l’ordre naturel cédera la place aux miracles révélés.

La première étape est nécessaire pour mener à bien le projet d’une résidence dans les mondes inférieurs, c’est-à-dire pour montrer que le monde tel qu’il existe dans son état naturel, sans miracles, peut servir de résidence pour D.ieu. Dans la vie telle que nous la connaissons, l’homme doit consacrer toute son énergie à vivre en relation avec D.ieu, par l’étude de la Torah et la pratique des mitsvot.

Cela n’est cependant qu’une phase intermédiaire. En dernier ressort, l’ordre naturel cèdera la place aux miracles. Car si notre monde doit être la résidence de D.ieu, Il s’y manifestera sans restrictions ni limites. Et cela produira des miracles puisque les limites de la nature ne peuvent Le retenir.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que le Roch ‘Hodech ?

Le premier jour du mois juif est appelé Roch ‘Hodech («La tête du mois»). Quand un mois compte trente jours, le dernier jour est également appelé Roch ‘Hodech.

Ce(s) jour(s)-là, on offrait un sacrifice supplémentaire dans le Temple. C’est pourquoi nos Sages ont institué une prière «supplémentaire», appelée Moussaf, qui est récitée après la lecture de la Torah.

On rajoute également le passage «Yaalé Veyavo» («Que montent nos prières…») dans la «Amida» (prière silencieuse) et le Birkat Hamazone après le repas.

Comme Roch ‘Hodech est une «petite fête», on ajoute la récitation du demi-Hallel (les Psaumes 113 à 118) ainsi que le Psaume 104.

Rachi et Tossefot mentionnent que les femmes et les filles ont la coutume d’éviter d’effectuer certains travaux comme la lessive, la couture, le repassage. En effet, comme les femmes refusèrent de donner leurs bijoux en or pour le péché du veau d’or, D.ieu les récompensa en leur accordant une petite fête pour elles spécialement.

Par ailleurs, selon les enseignements de la Kabbala, les femmes ont une relation particulière avec la lune et elles ont donc des raisons de célébrer l’apparition de la nouvelle lune.

Dans certaines communautés, les femmes ont pris l’habitude de se réunir en l’honneur de Roch ‘Hodech pour un cours de Torah qui leur permet de se préparer spirituellement pour le mois à venir.

Certaines en profitent pour se partager la lecture du livre de Tehilim (Psaumes).

Nombreux sont ceux qui participent à un repas un peu plus copieux que d’habitude en l’honneur de Roch ‘Hodech et s’efforcent de manger du pain afin de réciter le «Birkat Hamazone» avec le passage «Yaalé Veyavo».

Le Chabbat précédant Roch ‘Hodech, les ‘Hassidim ont la coutume de réciter tout le livre de Tehilim avant la prière du matin puis de participer après la prière à une réunion ‘hassidique.

F. L. (d’après Rav Moché Goldman et ‘Hanna Weisberg – www.chabad.org)

Le Recit de la Semaine

 Tout prêt !

Je m’appelle Menachem Alexenberg. Je suis né à New York, à l’hôpital juif de Brooklyn qui est devenu maintenant l’hôpital interreligieux. J’ai fêté ma Bar Mitsva dans la synagogue de mon oncle Morris qui est, depuis, devenue une mosquée ; et j’ai épousé Myriam dans la Salle Manor qui est maintenant devenue une église baptiste. Donc j’aime a résumer ainsi : je suis né dans l’hôpital interreligieux, j’ai fait ma Bar Mitsva dans une mosquée et me suis marié dans une église… Mais malgré ce mélange apparent et trêve de plaisanteries, le fait est que j’ai grandi dans une famille juive orthodoxe et sioniste, j’ai fréquenté l’école juive puis le Queens College où j’ai étudié la biologie et enfin la Yechiva University où j’ai obtenu un diplôme de pédagogie et à l’Université de New York où j’ai obtenu un doctorat en art, science et psychologie.

Ma première rencontre avec le Rabbi date de 1962. Bien que je n’aie aucun «chromosome ‘hassidique», ma belle-sœur – dont le mari étudiait à l’époque dans une Yechiva ‘Habad – arriva à me convaincre de solliciter une audience auprès du Rabbi. J’eus alors une conversation fascinante avec lui quant à la relation entre l’art, les sciences, la technologie et le judaïsme – ce qui constituait l’œuvre de ma vie. Le Rabbi s’intéressait beaucoup à ces questions puisqu’il avait lui-même suivi des études scientifiques et obtenu un diplôme d’ingénierie.

Cette première rencontre fut suivie de nombreuses autres et donna lieu à une volumineuse correspondance entre nous. Un jour, le Rabbi me fit une remarque qui devint le pivot de ma réflexion : en hébreu, insista-t-il, les mots pour «matière» (‘Homère) et «esprit» (Roua’h) sont presque identiques : il suffit d’enlever une lettre !

- Quelle est la différence entre le monde matériel et l’esprit ? demanda-t-il. Tout est une question de perspective. Vous pouvez voir le monde comme entièrement matériel. Mais si vous changez de perspective, si vous changez la qualité de votre perception et regardez d’une façon fraîche et nouvelle, le même monde devient spirituel ! Le monde matériel et le monde spirituel ne sont pas deux mondes : c’est notre relation au monde matériel qui peut le rendre spirituel !

Grâce à cette remarque, une grande partie de mon œuvre, la majorité même, commence avec des mots hébraïques et des concepts de Torah – même si elle aboutit à du high-tech.

Puis le moment vint où le conseil du Rabbi changea littéralement ma vie et celle de nombreuses personnes : j’avais enseigné à l’université de Columbia et avais décidé de faire mon Alyah. Mais je ne souhaitais pas accepter un poste à l’université de Tel-Aviv, ce qui ressemblait trop à mon travail à New York ; je souhaitais vraiment commencer une nouvelle expérience et on me conseilla Yerou’ham. C’était une ville de développement, isolée, au milieu du désert du Néguev dans laquelle vivotaient des nouveaux immigrants d’Afrique du nord. La ville connaissait d’énormes problèmes économiques, éducatifs et sociaux.

Avant de me lancer dans cette aventure, je sollicitais l’opinion du Rabbi ; il répondit : «C’est une bonne idée d’être un pionnier. Avec votre bagage universitaire, vous pouvez contribuer au développement de la ville. Vous devrez y établir une institution d’enseignement supérieur et Yerou’ham deviendra un campus universitaire ! Si vous y parvenez, les gens cesseront de quitter la ville et d’autres gens viendront même s’y établir. La présence d’étudiants transformera la constitution de la ville !» Je me souviens qu’il mentionna plusieurs villes aux États-Unis qui avaient ainsi été sauvées comme spécifiquement Gainesville en Floride.

J’arrivai avec mon épouse à Yerou’ham un jeudi dans un appartement où il n’y avait même pas d’électricité. Chabbat, je me promenai pour explorer la ville et j’aperçus un grand bâtiment, apparemment une école, inoccupée, au sud de la ville. Le lendemain, j’en parlai au maire qui m’expliqua que c’était le résultat d’une folie de la bureaucratie israélienne. Le ministère de l’éducation l’avait fait construire pour les enfants «aux besoins spécifiques» mais il n’y avait que cinq enfants dans ce cas à Yerou’ham et ils étaient emmenés chaque matin en bus dans la ville voisine de Dimona. Donc ce bâtiment ne servait à rien !

- Donnez-moi ce bâtiment, proposai-je. Le Rabbi de Loubavitch m’a conseillé d’ouvrir une université et ce bâtiment conviendrait parfaitement !

- Prenez-le ! s’écria-t-il ! De grâce, prenez-le !

Deux jours plus tard, un groupe de Juifs de Montréal arriva en ville et le maire me demanda d’assurer l’interprétariat. J’acceptai bien sûr et j’informai ce groupe de ce que le Rabbi m’avait demandé de faire. Ils répondirent avec enthousiasme que c’était une excellente idée et s’engagèrent à me procurer les fonds nécessaires !

J’avais donc le bâtiment et l’argent. J’avais encore besoin d’accréditation et de professeurs. Je téléphonai à mon ami Touvia Bar Ilan de l’Université Bar Ilan qui fut plus qu’heureux d’ouvrir une nouvelle branche de son établissement dans le Néguev : «Nous avons déjà des succursales à l’est, à l’ouest et au nord et il nous manquait justement le sud !» remarqua-t-il en souriant et en faisant allusion au célèbre verset : «Tu t’étendras à l’ouest, à l’est, au nord et au sud» ! Il promit de m’envoyer professeurs, étudiants et papiers officiels.

Normalement, il faut des années pour établir une université mais tout ceci arriva en six jours ! Quelques mois plus tard, l’université ouvrait ses portes à quatre cents étudiants !

Tout ceci ne put se produire que par la bénédiction du Rabbi et son imagination sans limite. Il était capable d’effectuer le lien entre des éléments complètement déconnectés les uns des autres. Dans mon cas, il avait lié l’éducation avec les questions économiques et sociales et résolu le problème d’une ville de développement !

Il avait eu l’idée de fonder une université dans un endroit auquel personne d’autre ne pensait mais il avait considéré tous les angles, l’image qui en ressortirait et comment cela transformerait une région entière !

Maintenant Yerou’ham est devenue une ville magnifique. Mon fils et sa famille y habitent et ils aiment cette ville qui est un vrai bijou dans le Néguev. Tout ceci grâce au Rabbi qui avait vu si loin !

Mel Alexenberg – JEM

Traduit par Feiga Lubecki