Samedi, 16 février 2019

  • Tetsavé
Editorial

 Une éternité de puissance

7 Adar : la date tombe cette semaine et elle ne peut laisser indifférent. Date de naissance de Moïse, elle est aussi date de son décès et cela la rend a priori remarquable. Elle nous renvoie également à la fête de Pourim qui, année de treize mois oblige, interviendra dans un peu plus de quatre semaines. Car les commentateurs ne manquent pas de l’indiquer : lorsque Haman imagina de détruire le peuple juif, il commença par tirer au sort le mois favorable à la réalisation de son plan. Quand le procédé le conduisit au mois d’Adar, il en fut très satisfait car, se dit-il, c’était là le mois où Moïse, le berger d’Israël, était mort, et donc un mois profondément funeste pour son peuple. Il avait simplement oublié que c’était aussi celui où il était né, ce qui conférait à la période un sens éminemment positif. Or le 7 Adar dont il est question ici se passa au cours d’une année qui, comme la nôtre, comptait treize mois au lieu de douze. Et cela arriva en Adar I, c’est-à-dire, pour nous, cette semaine. C’est dire qu’il y a ici une actualité particulière dont il faut prendre conscience.

Le personnage de Moïse est en soi porteur d’enseignement. Il est l’homme de la Torah, celui qui transmet la parole Divine, parlant à D.ieu face à face, mais qui, parallèlement, sait ne pas prendre sa propre grandeur incontestable en considération pour se préoccuper uniquement du peuple qu’il a reçu mission de conduire. Il est par excellence ce « berger fidèle » qui jamais n’abandonne son troupeau. De ce fait, le fait qu’il quitte ce monde n’est pas une disparition mais, bien davantage, une intensification de sa présence et de sa nécessité. Comment le ressentir pourtant ? C’est là le rôle de la Torah et de son étude. Car c’est finalement une manière de vivre et un chemin d’élévation que cette date nous indique. Par l’étude se crée une unité infinie avec D.ieu, Qui nous donne la Torah, et avec nos maîtres qui nous l’ont enseignée. Cette unité n’est pas artificielle ni passagère. Parce que liée à l’éternité, elle devient un élément constitutif de ce qu’est chacun. Elle ne se rajoute pas à nous comme une nouvelle connaissance acquise, elle révèle le plus profond et le meilleur de ce que nous portons à l’intérieur de nous-mêmes.

Le nom du mois, Adar, renvoie étymologiquement au mot « Adir – puissant » et ainsi au verset « D.ieu est puissant en haut. » Nous pouvons aujourd’hui recevoir cette puissance et cette lumière. Il suffit d’un lien d’infini, d’une connexion d’éternité, comme un défi à relever… Mais nous en savons à présent le secret.

Etincelles de Machiah

 Le sens de la vérité

Dans le cas où le propriétaire d’un objet ne peut pas être déterminé avec certitude, le Talmud tranche (Baba Metsia 1:8) : « L’objet restera en dépôt jusqu’à ce que vienne Eliahou », le prophète Elie, annonciateur de la Délivrance, qui fera savoir la vérité.

Un jour, un ‘hassid enseignait à ces élèves ce passage. L’un d’entre eux demanda : « Comment peut-on donner l’objet sur la simple parole d’Eliahou ? Il n’est qu’un témoin unique. Or, nous avons appris que, pour être valable, tout témoignage doit être apporté par au moins deux personnes ! »

Le professeur répondit alors : « Quand Elyahou viendra, la vérité illuminera dans le monde. Celui qui avance aujourd’hui des arguments mensongers criera alors que la vérité est du côté de la partie adverse. »

 (D’après les notes du ‘hassid Rav Yo’hanan Gordon)

Vivre avec la Paracha

 Tetsavé

D.ieu demande à Moché d’obtenir de la part des Enfants d’Israël de l’huile d’olive pure afin de nourrir la « flamme éternelle » de la Menorah qu’Aharon allume chaque jour, « depuis le soir jusqu’au matin ».

Les habits sacerdotaux portés par les Cohanim (Prêtres), lorsqu’ils servent dans le Sanctuaire, font l’objet d’une description. Tous les Cohanim portent :

  • le Ketonet, une longue tunique de lin, 2) les Mi’hnassayim, des pantalons de lin, 3) le Mitsnéfèt ou Migbat : un turban de lin, 4) l’Avnèt, une longue ceinture nouée au-dessus de la taille.

En outre, le Cohen Gadol (Grand Prêtre) porte : 5) le Ephod : un habit, semblable à un tablier, fait de laines teintes en bleu, rouge et violet, avec des fils de lin et d’or, 6) le ‘Hochène : un pectoral contenant douze pierres précieuses sur lesquelles sont inscrits les noms des douze tribus d’Israël, 7) le Méil : un manteau de laine bleue, bordé de clochettes d’or et de grenades décoratives, 8) le Tsits, une plaque d’or, portée sur le front, sur laquelle est écrite l’inscription « sanctifié pour D.ieu ».

Tetsavé comporte également les instructions détaillées concernant les sept jours d’initiation à la prêtrise d’Aharon et de ses quatre fils : Nadav, Avihou, El’azar et Itamar, et la fabrication de l’autel d’or sur lequel était brûlés les Ketorèt (encens).

Le placage extérieur

« Tu feras un autel pour brûler l’encens ; fais-le de bois de cèdre… et recouvre-le d’or… » (Chemot 30 :1-3)

« Tous les ustensiles dans le Sanctuaire requièrent une immersion, à l’exception de l’Autel d’Or et de l’Autel de Cuivre… parce qu’ils sont recouverts. » (Talmud, ‘Haguigua 26b)

Au cours des trois fêtes de pèlerinage annuelles de Pessa’h, Chavouot et Souccot, alors que toute la communauté d’Israël se rendait au saint Temple de Jérusalem, les ustensiles du Temple étaient exposés au contact de nombreux individus, y compris ceux qui auraient pu ne pas être bien versés dans les lois complexes de la pureté rituelle. Ainsi, après chaque fête, tous les ustensiles étaient-ils immergés dans un Mikvé pour les purifier d’une éventuelle contamination de la part d’un visiteur qui n’aurait pas été rituellement pur.

La loi indique que « les ustensiles en bois, utilisés exclusivement dans un lieu fixe, ne sont pas susceptibles d’être contaminés ». Les deux autels du Tabernacle : l’ «Autel d’or » intérieur et l’ « Autel de Cuivre » extérieur, utilisés seulement dans un lieu fixe, étaient faits de bois et recouverts d’or ou de cuivre.

Tel est le sens de la loi que l’on vient de citer selon laquelle les autels ne requéraient pas d’immersion après les fêtes « parce qu’ils étaient recouverts ». Bien qu’un ustensile en métal eût pu devenir impur dans de telles circonstances, puisque le métal de ces autels n’était qu’un placage, il était annulé (Batèl) puisque leur corps de bois était, lui, imperméable à la contamination.

Le corps et l’âme

Les lois de la Torah possèdent plusieurs sens. La Torah, tout comme l’être humain qu’elle vient instruire et éclairer, consiste à la fois en un corps et une âme. Chaque loi, chaque histoire, chaque parole de la Torah possède également une portée plus profonde, spirituelle, une âme. Chaque détail technique de la loi concerne également le monde intérieur de l’âme humaine.

Le Tabernacle est plus qu’un édifice matériel dédié au service de D.ieu. C’est également le modèle dont nous devons nous inspirer pour faire de notre propre vie un « sanctuaire » qui abrite et exprime le Divin.

En enjoignant aux Enfants d’Israël de construire le Tabernacle, D.ieu dit à Moché : « ils me feront un Sanctuaire et Je résiderai parmi eux ». Nos Sages soulignent que le mot hébreu Beto’ham (« parmi eux ») signifie littéralement : « à l’intérieur d’eux ». En effet, D.ieu exprime ici Son désir d’une résidence « à l’intérieur de chacun d’entre eux ».

C’est la raison pour laquelle la Torah décrit les différents composants et ustensiles du Sanctuaire avec tant de détails, puisque chacun représente l’une des facultés ou des attributs de l’être humain.

Un sacrifice inaltérable

Et c’est ici que réside le sens profond de la loi concernant l’imperméabilité de l’autel à l’impureté.

Les autres ustensiles du « sanctuaire » humain, représentant les différentes facultés émotionnelles et intellectuelles de la personne, peuvent, parfois, être altérées par des influences néfastes. Mais les « autels » de l’âme, l’aptitude de l’âme à la dévotion altruiste et au sacrifice pour son Créateur ne sont pas susceptibles d’être contaminées.

Lisons les paroles de Rabbi Chnéor Zalman dans le Tanya :

« Dans la majorité des cas, même le plus déficient et pécheur parmi les Juifs sacrifiera sa vie et subira les tortures les plus pénibles plutôt que de nier le D.ieu Un… comme s’il lui était absolument impossible de Le renier… Cela vient de l’essence divine qui est incorporée dans la faculté de ‘Ho’hma de chaque âme, qui est au-delà de tout savoir accessible et compréhensible…

L’essence profonde intérieure de la pureté n’est pas toujours visible ou facilement accessible. L’éclat de la vie matérielle ou, à l’opposé, le désespoir de la pauvreté et des difficultés peuvent obscurcir l’engagement profond de l’âme pour D.ieu.

Cependant, ces fardeaux, qu’ils soient de « cuivre » ou d’« or », ne sont que de simples couvertures, des placages, de l’autel de l’âme, « annulés » devant l’inaltérable puits de sacrifice qui se trouve à l’intérieur.

Le Coin de la Halacha

 Le prêt à intérêt entre Juifs est interdit par la Torah

Non seulement le prêt d’argent à intérêt est interdit mais il est aussi interdit dans d’autres domaines comme les marchandises ou le travail. Toute situation dans laquelle on rembourse davantage que ce qu’on a reçu est considérée comme de l’usure.

Ainsi, si quelqu’un propose : « Effectue pour moi tel travail facile et moi j’effectuerai pour toi un travail difficile » et, à plus forte raison, s’il stipule qu’il travaillera davantage pour lui que ce qui est normalement convenu : par exemple : un professeur qui se fait remplacer pour deux heures et qui propose (ou qui est forcé) de travailler à la place pendant trois heures : cela est interdit.

De même, si on emprunte le véhicule de l’autre pour une demi-heure et qu’en compensation, on lui prête son propre véhicule pendant une journée entière, cela est considéré comme de l’usure et c’est interdit par la Torah.

Si le prêteur célèbre un événement heureux, on ne lui offrira pas un cadeau plus important que s’il n’avait pas prêté de l’argent.

Tant qu’on n’a pas remboursé le prêt, on n’accordera pas une faveur particulière au prêteur – même pour des bagatelles et même pour des actes méritoires : ainsi, on ne proposera pas de donner des cours particuliers gratuits à son fils et on ne se précipitera pas avec plus d’empressement que pour une autre personne pour le saluer. On ne lui adressera pas des compliments particuliers et on ne le flattera pas – surtout si on espère ainsi retarder l’échéance du remboursement… (Par contre, il n’est pas interdit de lui demander franchement un nouveau délai).

Les Sages déclarent : « A propos de celui qui a de l’argent et le prête sans demander d’intérêt, le verset dit : ‘Il n’a pas donné son argent avec intérêt… jamais il ne trébuchera’ » (Tehilim – Psaumes 15).

 (d’après Rav Yossef S. Ginsburgh – Sichat Hachavoua N° 1674)

Le Recit de la Semaine

 Elle allumait des bougies vendredi…

Assis parmi ses ‘Hassidim, Rabbi Tzvi Elimélè’h Schapiro (1783 - 1841) de Dinov (Pologne) raconta l’histoire suivante :

Un an après leur mariage, de jeunes parents célébraient la naissance de leur fils aîné, en bonne santé. Mais leur joie ne dura pas longtemps. Au bout de quelques semaines, la jeune femme sortit de sa maison et ne revint jamais. On partit à sa recherche, on organisa des battues dans toute la région mais elle avait disparu sans laisser de trace.

La vie continua, l’enfant grandit avec un père dévoué mais sans sa mère. Il se maria, ouvrit un magasin de vêtements puis eut l’idée de se passer des grossistes et d’acheter directement auprès des fournisseurs. Un jeudi matin, il engagea un cocher qui l’emmena dans sa calèche pour ce long voyage.

Les affaires se conclurent de façon très satisfaisante et le commerçant se mit à rechercher un cocher pour le voyage de retour avec son chargement. Alors que le soleil se couchait, il fut abordé par un cocher non-juif qui lui proposa ses services : « J’habite à environ deux heures d’ici. Nous pourrons passer la nuit chez moi et, demain, je vous amènerai chez vous ! ».

Le commerçant accepta. Mais pas la météo…

La neige se mit à tomber et les congères bloquèrent rapidement toutes les routes. Les chevaux trottaient de leur mieux mais n’avançaient qu’avec de grandes difficultés. Enfin, ils arrivèrent dans la maison du cocher et celui-ci présenta son client à sa mère. Après lui avoir adressé quelques mots de courtoisie, le commerçant se mit à prier Maariv puis se retira dans sa chambre.

Dehors, la tempête de neige continuait de plus belle. Il était évident qu’il ne pourrait pas quitter les lieux le vendredi et qu’il devrait passer Chabbat sur place. Déçu et angoissé à la perspective de ne pas passer Chabbat à la maison – et de plus, d’être obligé de demeurer dans une famille non-juive – le commerçant décida que, quoi qu’il arrive, s’il se trouvait dans cette situation, il devait remercier D.ieu d’être au chaud et en compagnie de personnes correctes et respectueuses de ses convictions.

Il se prépara consciencieusement et s’habilla aussi bien qu’il le put en l’honneur du jour le plus saint de la semaine.

La mère du cocher ne parlait pas beaucoup mais, environ une demi-heure avant le coucher du soleil, elle plaça deux bougies sur la table, se couvrit le visage de ses mains, murmura quelques mots puis les alluma ! Incrédule, le visiteur contemplait cette scène avec stupéfaction :

- Comment se fait-il que vous allumiez les bougies de Chabbat ? demanda-t-il.

- D’où venez-vous, jeune homme ? répondit-elle en ignorant sa question.

Il mentionna le nom de sa ville et les yeux de la dame pétillèrent :

- Et connaissez-vous telle et telle personne ? continua-t-elle en nommant des notables de la communauté juive en question.

- Bien sûr, je les connais ! Mais vous, d’où les connaissez-vous ?

- Oh, j’ai habité là-bas un certain temps ! reconnut-elle puis elle raconta sa triste histoire, les choix malheureux qu’elle avait effectués, l’impulsion qui l’avait fait quitter son mari et son bébé, sans doute dans une vie antérieure…

Quand le jeune homme mentionna le nom de son père, elle s’effondra :

- Mon fils ! Vous êtes… mon fils ! s’écria-t-elle en sanglotant.

Oui, c’était bien sa mère qui se tenait devant lui ! Sa mère qui l’avait abandonné tout petit, qu’il n’avait jamais connue, qui ne s’était jamais souciée de lui… Et le cocher qui l’avait si gentiment hébergé était donc son demi-frère « juif » ! Tous trois passèrent la soirée à parler et à évoquer des souvenirs de sa vie « d’avant », essayant de comprendre la crise de folie qui les avait séparés si longtemps.

Le lendemain matin, alors que le commerçant chantait la prière du Chabbat, il entendit un cri terrible dans la chambre à côté :

- Maman ! Elle est décédée ! pleurait le cocher sans pouvoir s’arrêter.

Puis il reprit ses esprits et se lamenta en réalisant que le prêtre local demanderait certainement à être grassement payé pour l’enterrement. Son « nouveau » demi-frère le rassura :

- Votre mère – en fait notre mère – était juive et, quoi qu’elle ait pu faire dans sa vie, elle reste juive et mérite un enterrement juif. Je m’en occupe et je prends tous les frais à ma charge !

Effectivement, le dimanche matin, la femme fut enterrée dans le cimetière juif le plus proche en présence de ses deux fils…

« Comprenez-vous la grandeur d’une seule Mitsva ? s’exclama Rabbi Tzvi Elimélè’h devant ses ‘Hassidim. Cette femme avait abandonné son mari et son bébé pour vivre dans la débauche. Mais parce qu’elle avait gardé une seule Mitsva – celle d’allumer les bougies de Chabbat – elle mérita finalement un enterrement juif !

Asharon Baltazar - Chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki