Samedi, 4 mars 2023

  • Tetsavé
Editorial

 Contre l’oubli et la froideur

Chaque année, avant la fête de Pourim, une lecture de la Torah intervient, particulière et supplémentaire : elle porte le nom de « Paracha de Zakhor – Souviens-toi ». Chacun sait que la notion de « souvenir » est un des éléments centraux de la conscience juive et sans doute l’histoire a-t-elle trop appris à notre peuple pour que celui-ci puisse en détourner son attention. Ici, c’est d’un commandement au sens strict qu’il s’agit, c’est dire toute l’urgence du souvenir prescrit. Et, de fait, celui-ci est celui de notre ennemi héréditaire : Amalek. Historiquement, c’est un peuple qui vivait alors dans la région et tenta de s’interposer entre les Juifs et le mont Sinaï, ce qui confère un sens plus profond à son attaque. Car on ne fait pas obstacle en vain devant le lieu du Don de la Torah, cela revient bien à une déclaration claire d’opposition aux valeurs les plus fondamentales. Certes, cela justifierait sans doute cette haine inexpiable qui a traversé les siècles et qu’il nous est commandé d’entretenir.

Toutefois, on sait que les commandements qui nous sont donnés, quels qu’ils soient, ont toujours une portée double. D’une part, ils doivent être appliqués tels quels, concrètement. D’autre part, ils doivent toujours être rattachés à leur sens profond car celui-ci a une validité éternelle même si le commandement n’est plus praticable. Cette idée apparaît dans tout son éclat avec le commandement de « Zakhor – Souviens-toi ». En première lecture, il concerne un peuple de l’antiquité dont nul ne sait où sont aujourd’hui les descendants. Dans une lecture plus approfondie, ce peuple représente tout ce qui se dresse entre nous et le service de D.ieu, comme lui-même voulut nous empêcher d’atteindre le Sinaï. A son sujet, nos commentateurs expliquent qu’il fut celui qui refroidit l’enthousiasme que chacun éprouvait alors pour le lien avec D.ieu. En notre temps, sa démarche est similaire. Il entreprend spirituellement d’écarter un Juif de son chemin en lui communiquant cette sorte de froideur qui stérilise et finalement empêche toute avancée.

Aussi, lorsque ce texte retentit dans les synagogues, à l’approche de Pourim, la fête de tous les enthousiasmes, nous savons l’entendre et y trouver les ressources qui nous permettront de toujours poursuivre notre chemin, d’élévation en élévation, jusqu’à la venue de Machia’h

Etincelles de Machiah

 Se plonger dans la ‘Hassidout

Nous voulons l’accomplissement de la prophétie relative au temps de Machia’h « comme les eaux couvrent la mer ». La règle de l’immersion est que le corps entier doit être totalement immergé dans l’eau, y compris la tête.

Il s’ensuit que chacun doit se plonger dans l’étude de la ‘Hassidout au point que celle-ci pénètre son existence jusque par dessus la tête… C’est là la préparation pour « le monde sera empli de la connaissance de D.ieu comme les eaux couvrent la mer ».

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – 12 Chevat 5714)

Vivre avec la Paracha

 Tetsavé

D.ieu demande à Moché d’obtenir de la part des Enfants d’Israël de l’huile d’olive pure afin de nourrir la « flamme éternelle » de la Menorah qu’Aharon allume chaque jour, « depuis le soir jusqu’au matin ».

Les habits sacerdotaux portés par les Cohanim (Prêtres), lorsqu’ils servent dans le Sanctuaire, font l’objet d’une description. Tous les Cohanim portent :

  • la Kétonèt, une longue tunique de lin, 2) les Mi’hnassayim, des pantalons de lin, 3) le Mitsnéfèt ou Migbaat : un turban de lin, 4) l’Avnèt, une longue ceinture nouée au-dessus de la taille.

En outre, le Cohen Gadol ( Grand Prêtre) porte : 5) le Ephod : un habit, semblable à un tablier, fait de laines teintes en bleu, rouge et violet, avec des fils de lin et d’or, 6) le ‘Hochène : un pectoral contenant douze pierres précieuses sur lesquelles sont inscrits les noms des douze tribus d’Israël, 7) le Mé’il : une robe de laine bleue, bordé de clochettes d’or et de grenades décoratives, 8) le Tsits, une plaque d’or, portée sur le front, sur laquelle est écrite l’inscription « sanctifié pour D.ieu ».

Tetsavé comporte également les instructions détaillées concernant les sept jours d’initiation à la prêtrise d’Aharon et de ses quatre fils : Nadav, Avihou, Elazar et Itamar, et la fabrication de l’autel d’or sur lequel était brûlées les Kétorèt (encens).

Tétsavé et le 7 Adar

La plupart du temps, le 7 Adar, jour de (la naissance et de la) la disparition de Moché Rabbénou, a lieu à proximité de la lecture de la Paracha Tetsavé. Nos Sages notent qu’il y a une allusion à la disparition de Moché dans la Paracha elle-même, dans la mesure où c’est la seule partie de la Torah (depuis la naissance de Moché jusqu’au livre de Devarim) dans laquelle son nom n’est pas mentionné.

Il nous faut comprendre. S’il est vrai que son nom ne figure pas dans cette Paracha, il n’en existe pas moins une multitude de passages le concernant, à commencer par le premier verset : « Et toi, [c’est-à-dire Moché] tu commanderas… »

De plus, ne pas mentionner le nom d’un Tsaddik mourant semble contrecarrer le sens même de sa disparition : la mort d’un Tsaddik n’affecte en rien sa bonne renommée et ses belles actions, elles vivent pour toujours. Seul le corps quitte ce monde.

Ainsi, comment se fait-il qu’on puisse affirmer que la disparition de Moché est évoquée en allusion dans une Paracha qui ne mentionne pas son nom ?

En outre, les commandements adressés à Moché dans Tetsavé lui sont donnés directement : « Et toi, tu commanderas », « et tu prendras », alors que dans bien d’autres occurrences dans la Torah, il n’est fait allusion à Moché que de manière elliptique : « Et à Moché Il dit… », etc. comme si Moché n’était pas même présent !

Le Zohar déclare : « un Tsaddik qui a disparu se retrouve dans tous les mondes [y compris le monde matériel] à un degré [infiniment] plus grand que celui qu’il avait atteint de son vivant. »

Rabbi Chnéor Zalman explique que la raison en est double : durant sa vie, la force vitale du Tsaddik avait revêtu un vêtement physique, de sorte qu’on ne pouvait en percevoir qu’une faible lueur. En revanche, après sa disparition ces limites prennent fin et il est possible d’être imprégné de son essence.

Par ailleurs, le départ d’un Tsaddik implique l’élévation de son esprit et de son âme vers sa Racine et sa Source première. Cette élévation se reflète alors dans tous les mondes, y compris dans le domaine matériel.

La raison pour laquelle il est fait allusion à la mort de Moché en ne mentionnant pas son nom, dans notre Paracha, s’explique par le même raisonnement.

Le nom d’une personne n’a que peu de choses à voir avec son essence. Un nom n’est nécessaire que pour que l’autre puisse l’appeler. Une personne, comme elle existe par elle-même, n’a pas besoin de nom.

Par contre, le pronom « tu » est relié à l’essence de la personne. Lorsque l’on se tourne vers l’autre et qu’on lui dit « tu », l’on s’adresse à l’individu dans son intégralité.

Il en va de même avec Moché. Le nom « Moché » lui fut donné quelque temps après sa naissance. Jusque-là, il vivait sans nom. De plus, ce nom ne lui avait même pas été donné par ses parents mais par la fille du pharaon. « Car je l’ai tiré : « Méchitihou », de l’eau. »

C’est ici que se dévoile l’allusion au départ de Moché. A ce moment-là, il s’élèvera à un niveau bien plus saint que celui qui pourrait être encapsulé dans un nom. C’est ainsi qu’au moment ultime, il ne sera pas appelé par un nom.

Néanmoins, il continua à diriger avec toute son essence, même au moment de sa mort. C’est donc pour cela qu’on ne trouve pas le nom de Moché dans la Paracha Tetsavé, et qu’il est évoqué d’une manière qui se lie à son essence, « car sa disparition eut pour effet que l’essence pénétra dans tous les mondes, à un degré encore plus grand que lorsqu’il était vivant. »

Le tablier, le pectoral et la robe : trois vêtements particuliers

Dans la Paracha Tetsavé les vêtements sacerdotaux sont décrits en détail. On y trouvait notamment le Ephod, le tablier et le Mé’il, la robe. Après l’injonction de les fabriquer, le verset nous indique quel en était l’usage.

En ce qui concerne le Ephod, le verset déclare : « Place les deux pierres sur les parties des épaules du Ephod comme pierres de souvenir pour les enfants d’Israël ; Aharon portera leurs noms sur ses deux épaules devant D.ieu comme souvenir. » (Chemot 28 :12)

A la conclusion du commandement, le verset ajoute : « Et Aharon portera donc les noms des enfants d’Israël sur le pectoral du jugement [‘Hochèn Michpat], sur son cœur, lorsqu’il entrera dans le Sanctuaire ; et ce sera un souvenir perpétuel devant D.ieu. » (Chemot 28 :29)

Concernant la robe, le verset statue : « Aaron doit la porter lorsqu'il accomplira le service, pour que le son (des clochettes) s'entende quand il entrera dans le Sanctuaire devant D.ieu et quand il en sortira… » (Chemot : 28 : 35).

Ainsi, chaque vêtement accomplissait sa fonction : souvenir etc., par le simple fait qu’Aharon le portait lorsqu’il pénétrait le Sanctuaire. Il n’en était pas de même avec les autres vêtements portés uniquement lors de l’accomplissement du service : ils ne jouaient aucun rôle par eux-mêmes.

Mais lorsque le Grand Prêtre pénétrait dans le Sanctuaire, enveloppé de ses huit vêtements et y accomplissait son service divin, le résultat était double. Le fait d’entrer, par lui-même, servait de souvenir etc., parce qu’il était habillé des trois vêtements spéciaux. En outre, était accompli ce qui relevait précisément de son service, tout cela dépendant du fait qu’il portait tous ses vêtements.

Le Grand Prêtre servait d’émissaire pour tout le Peuple juif. Sa tâche consistait à unir les Juifs avec D.ieu. Ainsi, son entrée dans le Sanctuaire et son service correspondent-ils aux accomplissements du Peuple juif.

L’unification d’un Juif avec D.ieu se fait par deux aspects. Tout d’abord, il s’agit de son service de la Torah et des Mitsvot. Par ailleurs, c’est le résultat de leur relation intrinsèque car il est considéré comme l’enfant ou le serviteur de D.ieu, avant même de Le servir.

Le service du Grand Prêtre fait allusion à ces deux éléments : tout d’abord se produit son entrée dans le Sanctuaire. Elle indique la remémoration du Peuple juif devant D.ieu (quel que soit son service). Puis seulement alors commence le service du Grand Prêtre, symbolique du service spirituel de chaque Juif.

La raison pour laquelle l’entrée du Cohen Gadol était reliée aux trois vêtements mentionnés précédemment se comprendra par la même symbolique car ces vêtements représentent les diverses catégories de Juifs.

Sur les pierres précieuses des bretelles du Ephod et sur le ‘Hochèn Michpat étaient gravés les noms des tribus d’Israël, c’est-à-dire du Peuple juif. Cela fait référence au membre du Peuple juif le plus saint, à l’intérieur duquel peut être trouvé le Judaïsme « révélé et gravé ».

En revanche, le Mé’il, descendant jusqu’au sol, fait allusion à une catégorie de Juifs moins élevés. Sur l’ourlet de la robe étaient cousues des clochettes et des grenades car « même le ‘plus vide’ des Juifs est aussi rempli de Mitsvot qu’une grenade [pleine de grains] ».

La « commémoration devant D.ieu » était accomplie par l’entrée du Cohen Gadol habillé de ces trois vêtements. Si même une seule de ces catégories de Juifs venait à manquer, l’action du Cohen aurait été vide de sens. Car l’unité des Juifs avec D.ieu défie la division, elle englobe tous les Juifs dans l’égalité.

Le Coin de la Halacha

 Que fait-on à Pourim ?

(cette année lundi soir 6 mars et mardi 7 mars 2023)

Lundi 6 mars, c’est le jeûne d’Esther qui débute à 5h 50 et s’achève à 19h 20 (en Ile-de-France). Dans l’après-midi, avant la prière de Min’ha, on donne le Ma’hatsit Hachékel, trois pièces de 50 centimes à la Tsedaka ; on ajoute le passage Anénou dans la Amida.

Lundi soir 6 mars, on écoute attentivement la lecture de la Méguila. On n’est pas quitte avec une lecture entendue partiellement, par téléphone, magnétophone, Internet ou à travers un poste de radio.

Mardi 7 mars, dans la journée, on écoute encore une fois la lecture de la Méguila. Quand le ‘Hazane (lecteur) prononce les bénédictions, on pense à se rendre quitte également des autres Mitsvot du jour.

Michloa’h Manot : on distribue à au moins une personne deux mets comestibles cachères, si possible en passant par un intermédiaire.

Matanot Laévionim : on distribue à au moins deux pauvres une pièce (ou un billet ou plusieurs billets…).

Michté : on prend un bon repas, le festin de Pourim.

Les enfants se déguisent dans l’esprit de la fête. Les adultes mettent les vêtements de Chabbat pour écouter la Méguila.

On ajoute le passage « Véal Hanissim » dans la Amida et le Birkat Hamazone.

(d’après Cheva’h Hamoadim)

Le Recit de la Semaine

 La riposte arriva à Pourim

Rabbi Yehochoua Bessis jouissait d’une très bonne réputation auprès du gouverneur de Tunis, Ahmed Pacha qu’on désignait simplement sous le nom : le Bey. Celui-ci appréciait l’intelligence et la finesse de ce grand Rav et lui avait même accordé l’honneur de pouvoir emprisonner tout Juif qui lui désobéirait.

Un jour, un citoyen musulman se présenta devant le gouverneur en se plaignant que sa femme ne lui était pas fidèle. Celle-ci protestait de sa bonne conduite envers lui et insistait qu’elle était innocente de tout ce qu’il prétendait. Perplexe, le gouverneur décida de prendre conseil auprès de Rabbi Yehochoua Bessis. En écoutant les arguments de l’un et de l’autre, le Rav annonça : « Quand le Temple se dressait à Jérusalem, dans un cas semblable, on faisait boire à la femme suspectée de l’eau spéciale. Si elle était coupable, elle mourrait. Sinon, elle était bénie avec la naissance d’enfants ».

Intrigué, le gouverneur demanda : « Et comment agit-on de nos jours, en l’absence de ce jugement divin ? ».

Rabbi Yehochoua répondit : « Si cette femme est innocente, bien que ce couple soit uni depuis quinze ans sans avoir eu la joie de mettre au monde des enfants, cette femme serrera son bébé dans les bras d’ici un an. Sinon, elle restera stérile ! ».

Satisfait de cette réponse, le Bey transmit le verdict au couple qui l’accepta. Un an plus tard, l’homme se présenta à nouveau à la cour du gouverneur : il tenait son bébé dans les bras et venait remercier le Bey pour avoir non seulement restauré la paix dans le couple mais, en plus, l’avoir béni avec la naissance d’un enfant. Humblement le gouverneur affirma : « Les remerciements sont à adresser à Rabbi Yehochoua Bessis dont la force divine a permis la réalisation de ce miracle ! ».

Quelques temps plus tard, un autre événement contribua à augmenter encore l’admiration du gouverneur pour le Rav de la ville. La coutume voulait à Tunis que la première personne à prendre possession d’un bien immobilier (maison ou magasin) était considérée comme le propriétaire et ceux qui voulaient y habiter devenaient ses locataires : en tant que tels, ils devaient lui payer un loyer. Cette coutume avait pris le nom de Chéoul El Kandil (allumage de la bougie), c’est-à-dire que le premier à avoir allumé la lumière dans la maison en prenait en fait possession pour toujours.

Un jour, un Juif refusa de payer le premier propriétaire. Celui-ci le convoqua pour un procès devant le tribunal rabbinique. Or, la mère de cet homme indélicat travaillait comme cuisinière dans le palais du gouverneur et elle profita de sa position pour demander au Bey d’intervenir en faveur de son fils. N’ayant jamais entendu parler de cette coutume de Chéoul El Kandil, le Bey décréta qu’il n’y avait pas lieu de forcer le locataire à payer un loyer.

Rabbi Yehochoua Bessis ne s’émut pas outre mesure de ce verdict et convoqua l’homme devant son tribunal en lui ordonnant de payer le loyer comme l’exigeait la coutume. Le locataire répondit fièrement : « Comment pouvez-vous me condamner et ainsi, contredire notre maître et vous rebeller contre lui ? ». Calmement, Rabbi Yehochoua répondit : « Ton maître ne reconnaît pas la coutume de Chéoul El Kandil mais notre maître la connaît ! C’est pourquoi je t’ordonne de payer ! ».

La mère du coupable se hâta d’avertir le gouverneur que le Rav ne se conformait pas à sa décision. En entendant cela, le Bey se mit d’abord en colère puis se ravisa et convoqua à son tour le locataire fauteur de troubles :

- Rapporte-moi exactement les paroles de Rabbi Yehochoua !

L’homme répéta les phrases de Rabbi Yehochoua et le visage du Bey s’éclaira. Il avait parfaitement compris ce que cela sous-entendait : effectivement il ne connaissait pas cette coutume des Juifs de Tunis mais « notre maître la connaît », c’est-à-dire notre maître Moïse que même les Musulmans vénèrent la connaît ! Certainement cette coutume trouvait ses racines dans les décrets divins transmis par Moïse, notre maître à tous, sur le mont Sinaï.

Immédiatement, le Bey ordonna au locataire de payer le loyer. Et le prestige de Rabbi Yehochoua augmenta encore à ses yeux.

Un jour, à Ticha BeAv, des témoins dignes de foi affirmèrent avoir vu un certain Juif de Tunis manger ouvertement, sans vergogne durant la journée de jeûne. Indigné, Rabbi Yehochoua convoqua l’homme pour demander des explications. Celui-ci répondit sans sourciller : « A quoi bon jeûner et se lamenter sur la destruction du Temple alors que plus de 1800 ans se sont écoulés ? ».

Rabbi Yehochoua annonça qu’il réservait sa réponse pour Pourim.

Le temps passa et arriva le jour de Pourim. L’homme en question s’assit à la table du festin traditionnel, bien décidé à apprécier ce bon repas. Soudain, alors qu’il profitait à belles dents de la Mitsva de Pourim, l’émissaire de Rabbi Yehochoua frappa à sa porte et l’obligea à le suivre. Il n’avait pas le choix, abandonna avec regret sa famille affolée et surtout son assiette remplie de mets plus appétissants les uns que les autres et suivit l’émissaire. Celui-ci, sans un mot, l’amena directement dans la prison de la communauté. Horrifié, l’homme se confondait en hypothèses, essayait de comprendre pourquoi il était puni de cette manière, pourquoi le Rav l’empêchait de profiter de la vie en toute liberté…

Au bout de deux heures, la porte de sa cellule s’ouvrit et l’homme fut amené devant Rabbi Yehochoua Bessis qui, lui aussi, comme tous les Juifs de Tunis, était attablé pour le festin de Pourim.

- Pourquoi le Rav m’a-t-il fait jeter en prison alors que j’accomplissais une des quatre Mitsvot de la fête ? protesta l’homme, persuadé qu’il y avait peut-être une erreur d’identité.

- Voyons, répliqua Rabbi Yehochoua. Pourquoi célèbres-tu un miracle qui s’est passé il y a plus de 2200 ans ?

Honteux et confus, l’homme se souvint alors de ses paroles impudentes prononcées le jour du jeûne du 9 Av. Il baissa la tête et ne répondit pas.

Rabbi Yehochoua se tourna vers les autres convives : « Nous récitons avec les exilés de Bavel (Babylonie) le Psaume (137) suivant : « Si je t’oublie Jérusalem, que Yemini (ma droite) m’oublie ! ». Si nous oublions la destruction de Jérusalem sous prétexte qu’il s’est déjà écoulé plus de 1900 ans, alors « ma droite m’oublie, nous oublierons aussi le miracle de Pourim qui est arrivé par le mérite de Morde’haï appelé Yemini (descendant de la tribu de Binyamine) ! ».

Rav Mena’hem Shaikevitz – Si’hat Hachavoua N° 1857

Traduit par Feiga Lubecki