Semaine 7

  • Tetsavé
Editorial
La tête dans les étoiles

L’homme vient de se souvenir, avec une violence extrême, qu’il est une créature fragile. Il a peut-être pris conscience que les rêves ont un prix parfois élevé et qu’il n’est pas toujours capable de les porter jusqu’à ce qu’ils deviennent réalité. Voici qu’une des merveilles de la technologie de notre temps s’est détruite. Plus grave, voici qu’elle a entraîné dans sa chute des hommes qui incarnaient un rêve et un espoir, un Juif qui faisait de son voyage un symbole pour tous. Certes, la mort de cet homme et de ses compagnons ne les fait pas disparaître. Elle les fait, d’une certaine façon pénétrer plus profond dans nos cœurs et nos esprits nous permettent d’en retirer une leçon d’avenir.
En effet, au-delà de tout ce que chacun a pu dire ou penser, de toutes les questions de tous ordres soulevées, de tous les commentaires et les analyses dont la pertinence n’est pas à mettre en cause, il nous reste à apprendre une idée importante de cet homme qui, un jour, a eu la tête dans les étoiles. Car n’est-ce pas là le sort de l’être humain, sa condition fondamentale : être cette créature qui aspire à connaître, qui tend toujours vers ce qui le dépasse, pour qui seul l’espoir compte avec l’assurance qu’il finira par être accompli ? De fait, l’homme est bien cet être de nature double, à la fois lié au sol et pensant au ciel, pétri de terre mais possédant cet élan que seule l’âme confère.
Le drame qui a frappé l’humanité entière, et, peut-être plus que tout autre, le peuple juif, nous rappelle des idées anciennes, dont l’évidence a parfois fait oublier l’incontournable nécessité et l’urgence absolue. Dans notre vie quotidienne, avec toutes ses incertitudes, conscients au plus haut point de la fragilité des choses et des risques inhérents à l’existence humaine, notre vision et notre désir ne doivent jamais cesser d’être ceux de l’élévation. C’est là la différence majeure qui sépare l’homme de l’animal. Alors que ce dernier, à quatre pattes, ne peut jamais regarder que le sol, l’homme, debout, contemple le ciel. Si la technologie ne détient pas toutes les réponses, l’âme est porteuse d’une puissance à jamais inégalée. Elle nous conduit, de degré en degré, jusqu’au meilleur de l’humain qui n’est rien d’autre que la révélation de son potentiel infini, de sa condition de créature de D.ieu.
Etincelles de Machiah
Les clés de la Délivrance

On a coutume de dire que chaque Juif peut, individuellement, hâter la venue de Machia’h. C’est ce qu’indique l’enseignement de Maïmonide (Michné Torah, Hil’hot Techouva 3: 4): “Il a accompli une Mitsva, il a fait pencher lui-même et le monde entier du côté du mérite et a causé pour lui et eux la délivrance et le salut”. Comment la simple action d’un Juif peut-elle avoir un tel effet?
C’est que l’étude de la Torah, la pratique des commandements réduisent l’impureté du monde. C’est cela qui hâte la venue du jour où la prophétie de Zacharie (13 :2) s’accomplira: “Je chasserai l’esprit d’impureté de la terre”. Ces actions révèlent aussi le bien et la sainteté dans le monde, précipitant ainsi la réalisation de la promesse (Isaïe 11 :9): “Et la terre sera pleine de la connaissance de Dieu”.
(D’après Likouteï Si’hot, vol. II, p. 594)
Vivre avec la Paracha
Tetsavé : le bruit

Le bruit est analysable comme un signe de résistance. Considérez les sons émis par une bûche dans les flammes, un fagot de paille en feu ou une lampe à huile. Dans chacun de ces cas, la matière succombe à l’énergie qui y est enfermée. La bûche offre la plus grande résistance, criant son refus à se départir de sa forme extérieure dans un craquement sonore et des explosions soudaines. La paille, pas aussi solide que la bûche, proteste dans des grésillements chuchotés. Quant à l’huile dans la lampe, la plus fine des trois substances, elle brûle silencieusement, laissant libre cours à l’essence qu’elle renferme.
C’est ainsi que le Prophète Eliyah expérimenta-t-il l’immanence de D.ieu comme “une petite voix silencieuse”. Dans son moi raffiné, le corps matériel ne résista pas à la spiritualité de l’âme. Aussi percevait-il la réalité divine non comme une tempête abattant toutes les normes, mais de la manière tranquille dont une personne est consciente de la vie qui se répand en elle.
Et pourtant, Aharon, le Cohen Gadol (le Grand Prêtre), le paroxysme du raffinement et de la spiritualité, reçoit l’ordre de porter une robe avec des clochettes cousues à son ourlet de sorte que “leur son puisse être entendu quand il entre dans le Saint devant D.ieu”. Car le Cohen Gadol représente l’ensemble d’Israël dans son service du Tout Puissant, incluant ceux dont la connexion avec D.ieu est encore un corps à corps bruyant pour transcender leur moi extérieur, lié à la terre et apporter de la lumière à leur véritable identité intérieure.

Les pommes et les grenades
A la lumière de ce qui précède, nous pouvons comprendre le sens plus profond du débat qui opposa deux de nos Sages concernant les pommes et les grenades de la robe du Cohen Gadol.
Le débat concerne la question de savoir comment interpréter le mot Beto’ham, qui se traduit soit par “entre elles” ou dans une traduction plus littérale “au milieu d’elles”. La Torah commande-t-elle de “faire sur le bord des grenades… et des clochettes d’or entre elles” ou bien de fixer les “clochettes d’or à l’intérieur d’elles” ?
Rachi, dans son commentaire du verset affirme que les clochettes sont “entre elles […], entre chaque groupe de deux grenades, on attachait une clochette et on la faisait pendre sur le bord de la robe”.
Na’hmanide est en désaccord: “je ne sais pas pourquoi le Maître (Rachi) sépare les clochettes, une clochette entre deux grenades, écrit-il. Dans ce cas, les grenades ne serviraient à rien. Et si elles sont là pour une raison esthétique, pourquoi alors seraient-elles fabriquées comme des grenades creuses? Elles auraient dû être faites comme des pommes dorées… [Les clochettes] étaient plutôt littéralement à l’intérieur d’elles, car les grenades étaient comme de petites grenades vides, non ouvertes et les clochettes étaient placées à l’intérieur…”
Les commentateurs ultérieurs prennent également part au débat: “Pourquoi [Na’hmanide favorise-t-il les pommes par rapport aux grenades?” demande Rabbi Eliyah Mizra’hi. D’autres commentateurs expliquent que la difficulté que trouve Na’hmanide dans l’interprétation de Rachi est que la forme creuse des grenades (Rachi dit lui-même qu’elles étaient “rondes et creuses”) indique qu’elles ont une fonction plutôt qu’un but esthétique; mais que veut dire Na’hmanide quand il affirme que “si elles avaient un but esthétique… elles auraient dû être faites comme des pommes dorées” ?
Et il est de fait que la Menorah était décorée de sphères ressemblant à des pommes dont le seul but était décoratif. Peut-être que Na’hmanide en déduit que dans la fabrication du Sanctuaire et de ses accessoires, le fruit décoratif choisi était la pomme? Mais cela même requiert une explication. Pourquoi des pommes ? Et pourquoi, selon Rachi, la Menorah était-elle embellie par des pommes et la robe du Cohen Gadol par des grenades?

Des actes isolés
Les pommes comme les grenades représentent le Peuple Juif. La Torah compare Israël à une “pomme” (“Comme une pomme parmi les arbres du bois, ainsi est ma Bien-aimée” (Cantique des Cantiques 2: 2), tout comme à une “grenade” (“tes lèvres sont comme un fil d’écarlate et ta bouche est belle; ta tempe est comme un morceau de grenade parmi tes boucles” (Ibid, 4: 3)).
Mais alors que la pomme représente Israël quand elle est vertueuse, la grenade se réfère aux “creux” ou à ceux qui sont “vides parmi les tiens”. Interprété par le Talmud, le verset “ta tempe est comme un morceau de grenade” vient dire que “même ceux qui sont vides parmi les tiens sont pleins de bonnes actions comme la grenade [est pleine de graines]”. (Raka, le mot hébreu pour “ta tempe” est étymologiquement relié au mot Reik, “vide”. Ainsi “ta tempe” est rendu par étymologiquement par “ceux qui des tiens qui sont vides”).
La grenade est plus que le modèle d’un tout qui contient de nombreuses entités. A un niveau plus profond, cette métaphore évoque également le paradoxe de quelqu’un qui peut être “vide” et en même temps “plein de bonnes actions comme une grenade”.
La grenade est un fruit extrêmement “compartimenté”. Chacune de ses centaines de graines est séparée des autres par une membrane épaisse. De la même façon, il est possible qu’une personne fasse de bonnes actions et pourtant elles restent des actes isolés, avec peu ou pas d’effet sur sa nature et son caractère. Ainsi, contrairement à celui qui ressemble à la “pomme” dont le bon goût va de son cœur à la peau, celui qui est comparable à la “grenade” contient de nombreuses qualités mais elles ne deviennent pas partie intégrante de sa personnalité. Il peut être plein de bonnes actions, mais il reste moralement et spirituellement vide.
Cela explique le lien entre les grenades et les clochettes sur le bord de la robe sacerdotale. Comme cela a été expliqué, les clochettes bruyantes représentent l’individu imparfait qui aspire à transcender ses déficiences. Bien qu’il apparaisse encore comme un pauvre spirituellement, il refuse d’agir en accord avec l’attitude bruyante qui caractérise sa vie.

Un bruit harmonieux
Pour devenir une pomme, il faut d’abord être une grenade. Le premier pas vers le perfectionnement est de se comporter comme si l’on était parfait. En fait, avant qu’Eliyah n’expérimente D.ieu dans une “petite et silencieuse voix”, il avait d’abord rencontré le vent, la tempête et le feu.
C’est pourquoi Na’hmanide voit la grenade remplie des clochettes sur le bord de la robe d’Aharon comme une phase préliminaire dans le service divin plutôt que comme le service lui-même. Néanmoins, la beauté est à trouver dans la perfection de la pomme des sept lampes d’huile d’olive pure de la Menorah, représentant la flamme silencieuse et tranquille de l’âme. Si les fruits de la robe sacerdotale étaient esthétiques, argue Na’hmanide, ce ne serait pas des grenade, mais des pommes. Ces fruits vides ne sont que fonctionnels, une étape préparatoire dans la quête de l’âme pour la perfection et l’union avec leur source en D.ieu.
Selon Rachi, toutefois, la beauté d’Israël réside aussi dans ses grenades. En fait, dans un certain sens, le combat de l’âme imparfaite est encore plus beau que la perfection sereine de son compagnon plus vertueux. Car l’individu parfaitement juste sert D.ieu en étant ce qu’il est, alors que chaque acte positif des “vides parmi les tiens” est un acte de sacrifice et de dépassement de soi. Ainsi, avant même qu’une personne n’atteigne la perfection, même si elle passe sa vie entière dans cette quête, la clameur de ses efforts est une musique à l’oreille de D.ieu.

L’application contemporaine
Certains proclament que la Torah et les Mitsvot sont une affaire personnelle entre le Juif et D.ieu et non quelque chose à diffuser dans les rues. Les Tefilines, Chabbat, la sainteté de la vie familiale, les concepts “ésotériques” comme la “réalité divine” ou “Machia’h” ne doivent pas être exposés sur la place publique. Jamais, dans notre histoire en tant que nation une telle chose n’a été faite, disent-ils. Vous vulgarisez le Judaïsme, accusent-ils.
Mais c’est le bord de l’histoire, la génération la plus basse et la plus superficielle. En cette génération, la petite voix de D.ieu résonne comme un bruit étrange. Cette voix devrait-elle être tue, n’être chuchotée que parmi les “pommes” ? Ou son appel ne devrait-il pas résonner, même s’il est bruyant, jusqu’à être entendu?
Parler à cette génération dans son propre langage, le langage du son étouffé, de l’incessante compartimentation et de vide emballage ne fait qu’augmenter le niveau du bruit. Mais combattre le feu par le feu n’est pas seulement efficace, cela éclaire aussi les facettes du potentiel personnel qui, sinon, ne se réaliserait jamais. Les clochettes et les grenades qui diffusent la vérité divine sont plus que les moyens pour obtenir quelque chose de beau, elles sont elles-mêmes la beauté.
Le Coin de la Halacha
Comment se prépare-t-on à la prière ?

Dès qu’on se réveille, afin de surmonter le mauvais penchant qui incite à dormir encore, on récite la phrase : “ Modé Ani Lefané’ha Mélè’h ‘Haï Vekayam Chéhé’hézarta Bi Nichmati Be’hemla ; Raba Emounaté’ha (“Je reconnais – je Te remercie, Roi vivant et existant, car Tu m’as rendu mon âme avec miséricorde; grande est Ta fidélité”).
Puis on se lave les mains rituellement à partir d’un ustensile rempli d’eau placé dans une bassine à côté du lit, on se lève, on se rince la bouche et on se lave au moins le visage.
Pour faciliter la concentration durant la prière, pour “savoir devant Qui on se tient”, il est recommandé d’étudier la ‘Hassidout (par exemple le Tanya). Ainsi on aura conscience de la grandeur de D.ieu et des efforts à fournir pour se rapprocher de Lui. Celui qui n’a pas le temps ou les connaissances nécessaires pour étudier s’approfondira néanmoins sur quelques lignes.
Celui qui ne connaît pas ou n’arrive pas à se souvenir de toutes les intentions mystiques (“Kavanot”) contenues dans les mots de la prière, aura au moins une intention générale: que ses prières soient agréées par D.ieu comme s’il avait toutes les “Kavanot” décrites dans la littérature rabbinique.
On n’engagera pas de discussion futile durant la prière, ce qui permettra d’ailleurs aux autres fidèles de mieux se concentrer.
On habituera les jeunes enfants à se comporter avec respect dans la synagogue, à ne pas crier, jouer ou courir, ce qui perturbe les autres fidèles. On leur enseignera à répondre “Amen” au “Kaddich”, à la “Kedoucha” et, en règle générale, à toutes les bénédictions.
Il est recommandé de donner la “Tsédaka” (charité) avant chaque prière et d’habituer les enfants à faire de même.
Rabbi Chnéour Zalman écrit dans son “Sidour” (livre de prières) : “Il est recommandé de dire avant la prière : “voici, j’accepte sur moi le commandement positif: “Tu aimeras ton prochain comme toi-même””.

F. L. (d’après Rav Nissan Mangel)
De Recit de la Semaine
Le Séfer Torah d’Ilan Ramon (Z’’l)

Dans la navette Columbia qui s’est désagrégée en entrant dans l’atmosphère, entraînant la mort de ses astronautes, se trouvait un rouleau de la Torah qui avait une histoire bien particulière.

La famille Yossef aurait pu échapper à la Shoah. En effet, en 1933, quand les Nazis avaient pris le pouvoir en Allemagne, la famille était “montée” en Erets Israël et s’était installée à Tel-Aviv. Mais l’un des enfants tomba malade et, sur le conseil des médecins, les Yossef s’installèrent à Amsterdam, non loin de la maison d’Anne Frank qu’ils connaissaient de vue. Comme elle, malgré leurs précautions, les Yossef furent capturés par les Allemands et envoyés dans le redoutable camp de Bergen-Belsen en Allemagne.
Avant d’être obligé de se séparer de ses deux fils, M. Yossef avait dit à l’aîné, Yehoya’hine: “Prends soin de ton petit frère et sois pour lui un père et une mère !” Cette petite phrase eut une si grande importance pour Yehoya’hine que c’est sans doute ce qui l’obligea à lutter pour rester en vie.
Car rester en vie à Bergen-Belsen était un pari de tous les instants. Les deux frères furent affectés à la coupe du bois alors qu’ils n’avaient droit qu’à cinq millimètres de pain dur et un bol de soupe claire par jour. Les déportés mouraient comme des mouches, de faim, de maladies, de faiblesse sans compter les coups de fouets de leurs gardiens. Certains gelaient lorsqu’ils s’aventuraient à l’extérieur et Yehoya’hine était chargé de ramasser les corps. De plus, il avait servi de cobaye aux “médecins” qui lui avaient injecté de mystérieux produits qui, heureusement, ne lui laissèrent aucune séquelle.
Dans ces conditions extrêmes, les détenus s’attachaient à toute bribe d’espoir comme des naufragés s’agrippent à un fétu de paille.
“Le Grand Rabbin de Hollande, Rav Dosberg, détenu dans la même baraque que moi, s’était rendu compte que j’aurais bientôt treize ans et s’était mis en tête de célébrer dignement ma Bar Mitsva. Sur le moment, je ne compris pas très bien quelle était son intention, mais par la suite je compris qu’il cherchait simplement à insuffler du courage, le courage de tenir pour tous mes codétenus. Rav Dosberg avait réussi à emporter un tout petit rouleau de la Torah. Après d’épuisantes journées d’esclavage, il me prenait à part le soir et m’apprenait à lire et à préparer un discours.
Un matin, à trois heures moins le quart, la cérémonie eut lieu. J’étais très ému. C’était ma Bar Mitsva. Je me souvenais de la fête qui avait été organisée pour un ami de mon père à Amsterdam, les invités, les cadeaux, le discours qu’il avait prononcé dans la grande synagogue… Je pleurai presque de dépit et de douleur: mes pieds étaient blessés et gelés, il faisait horriblement froid.
Quelqu’un murmura mon nom pour m’appeler à la Torah. Je m’habillai et me dirigeai vers la table autour de laquelle de nombreux détenus avaient pris place malgré le manque de sommeil que cela impliquait. Sur la table, on avait disposé deux bougies de chaque côté et le Séfer Torah au milieu, sur des couvertures. On avait accroché des couvertures aux fenêtres pour que les Nazis ne remarquent rien.
Nous commençâmes la prière. Soudain, on entendit frapper à la porte. Nous étions terrorisés et certains d’entre nous se cachèrent sur les planches qui nous servaient de lits. Quelqu’un finit par ouvrir la porte: un courant d’air glacé s’infiltra dans la baraque, ce qui fit s’entrechoquer mes jambes de douleur. On m’appelait par mon nom: c’était ma mère qui avait réussi, au prix de quels efforts, à rendre visite à mon père et mes frères alors internés à l’infirmerie puis à moi-même en l’honneur de ma Bar Mitsva. Il était strictement interdit à une femme d’entrer dans la baraque des hommes et elle fut donc obligée de rester à l’extérieur.
On ouvrit le Séfer Torah pour je puisse y lire la “Paracha” et je prononçai mon “discours”. Soudain, je réalisai que j’étais maintenant un homme: j’étais si content que je n’écoutais même pas le discours de Rav Dosberg. Il me dit : “Prends ce Séfer Torah car toi, tu as plus de chances de sortir un jour d’ici. Mais promets-moi que tu raconteras ce que nous avons souffert ici”.
Un de mes camarades m’offrit une croûte de pain avec un bout de saucisse, un autre me donna un morceau de chocolat et des cartes à jouer miniature. Le Rav Dosberg me bénit et de tous les coins, j’entendis fuser les cris de “Mazal Tov, Mazal Tov !”. Je sortis embrasser ma mère qui m’offrit sa portion hebdomadaire de pain et une paire de gants en flanelle qu’elle avait réussi à dérober à son travail. Je la raccompagnai jusqu’au portail et retournai nettoyer la baraque avec les autres adolescents.
Après bien des aventures, je réussis à sortir du camp et toute la famille se trouva à nouveau réunie et monta pour de bon en Erets Israël ”.
Yehoya’hine Yossef a raconté cette histoire bien plus tard à ses enfants et petits-enfants. Ceux-ci décidèrent alors de confectionner une petite armoire dans laquelle on plaça le Séfer Torah. Le petit Yehoya’hine devint un spécialiste de physique planétaire et atmosphérique. Quand il mit au point, avec les physiciens de la Nasa, le programme de la navette Columbia, il reçut la visite d’Ilan Ramon, qui devait être le premier astronaute israélien. Quand il vit la petite armoire et apprit l’histoire de ce Séfer Torah, il demanda la permission de l’emporter avec lui dans l’espace, car il était lui-même le fils d’une rescapée d’Auschwitz.
Quel symbole que ce Séfer Torah qui avait traversé tant d’épreuves !

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Que le souvenir d’Ilan Ramon soit une bénédiction !

“Yediot A’haronot”
traduit par Feiga Lubecki