Editorial
Adar, premier du nomIl a été souvent dit que le calendrier juif n’est pas la mise en forme d’une norme souche commode de mesure du temps. Il a été largement souligné à quel point il constitue une architecture subtile dont l’objet manifeste est de mettre en harmonie la vie de l’homme, l’univers qui l’entoure et le projet divin dans la création. C’est ainsi que le déroulement des mois épouse les phases de la lune tandis que celui de l’année suit le cycle solaire.
Certes, cette correspondance totale avec les grands cycles cosmiques, aussi admirable soit-elle, crée un certain décalage. Qui ne sait que le soleil n’a que bien rarement rendez-vous avec la lune ? D’où la nécessité de compenser ce décalage par l’ajout d’un mois supplémentaire, en moyenne tous les trois ans. C’est précisément ce que nous vivons cette année avec deux mois d’Adar successif dont le premier vient de commencer.
L’observation pourrait s’arrêter là : après tout, quel que soit le nom du mois, le temps cesse-t-il de s’écouler ? Pourtant, il n’en est rien car, pour le judaïsme, les rythmes du calendrier sont aussi ceux de notre conscience et de nôtre âme. Le mois d’Adar est ainsi traditionnellement caractérisée par la joie : il est celui de la fête de Pourim qui l’éclaire dès son ouverture et lui confère un enthousiasme particulier. Celle-ci se situant au cours du deuxième Adar, la joie n’aurait-elle pas cours dès à présent ? Détrompons-nous. La fête de Pourim enflamme, dès aujourd’hui, l’horizon. Elle nous donne toute sa puissance et toute son allégresse au quotidien.
Dès lors, il importe que nous saisissions la chance nouvelle qui est ainsi offerte, que nous sachions utiliser cette double période d’Adar afin de construire le plus merveilleux édifice du bien avec D.ieu.
Etincelles de Machiah
Pour l’éternitéLe texte de la Torah enseigne (Exode 25): “Et ils prendront pour Moi un prélèvement”. Le Midrach Rabba (2,2) souligne: «En tout endroit où il est écrit “pour Moi”, cela ne disparaît jamais ni dans ce monde-ci ni dans le monde futur».
Cela signifie que, lorsque le Machia’h viendra, ce prélèvement – la Terouma – sera également offert pour le Temple comme il fut offert pour l’édification de Michkan, du Sanctuaire dans le désert. C’est, en effet, ce qu’énonce le prophète Ezéchiel, lorsque le Machia’h se révèlera, la ville de Jérusalem et le Temple seront reconstruits tandis que le Michkan réapparaîtra.
(D’après le Midrach Rabba. Commentaire du Maharaze)
Vivre avec la Paracha
AmalekLe peuple d'Israël voyagea et ils campèrent à Rephidim
Et [Moché] appela l'endroit: "défi et conflit" à cause du conflit qui enflamma le Peuple d'Israël et le défi qu'ils lancèrent à D.ieu, en ces termes: "D.ieu est-Il parmi nous ou non?"
Et puis vint Amalek et il attaqua Israël à Rephidim.
(Chemot 17:1-8)
Rappelle-toi ce qu'Amalek te fit en route alors que tu sortais d'Egypte. Là il te rencontra sur la route et attaqua ceux qui s'étaient attardés à l'arrière, alors que vous étiez fatigués et épuisés; il ne craignait pas D.ieu. C'est pourquoi tu dois effacer la mémoire d'Amalek de sous les cieux. N'oublie pas.(Dvarim 25:17-19)
Le peuple juif venait d'être témoin de l'une des plus immenses manifestations divines de l'histoire. Dix plaies surnaturelles avaient obligé la plus puissante des nations à les libérer de leur servitude. La mer s'était ouverte devant eux et la manne tombait des cieux pour les nourrir. Comment pouvaient-ils en venir à poser cette question: "D.ieu est-Il parmi nous ou non?"
Et pourtant telle est la nature du doute. Il existe un doute basé sur une quête rationnelle. Il existe un doute soulevé par des motifs et des désirs subjectifs. Mais il existe aussi un doute pur et simple: un doute irrationnel, un doute plus puissant que la raison. Un doute qui balaye les arguments les plus convaincants et les expériences les plus inspirantes avec rien de plus qu'un haussement d'épaules cynique.
Telle était la nature du doute qui laissa le Peuple Juif sensible à l'attaque d'Amalek. "Amalek" dans les sphères spirituelles est l'essence de l'indifférence sans fondement, irrationnelle; selon les mots du Midrach :
A quoi est comparable l'événement (d'Amalek)? A un bassin d'eau bouillante dans lequel personne ne pouvait entrer. Puis vint un fauteur de trouble qui sauta à l'intérieur. Bien qu'il se brûlât lui-même, il avait refroidi l'eau pour les autres. Ainsi de la même façon, quand Israël sortit d'Egypte et que D.ieu ouvrit pour eux la mer pour y noyer les Egyptiens, la crainte du peuple hébreu tomba sur toutes les nations. Mais quand vint Amalek qui les défia, bien qu'il fût puni par eux, il "refroidit" la crainte qu'avaient d'eux les nations du monde (Midrach Tan'houma, Ki Tétsé 9)
C'est pourquoi Amalek et ce qu'il représente constituent l'archétype de l'ennemi du Peuple Juif et de sa mission dans la vie; comme Moché le proclama après la guerre avec Amalek: "D.ieu a juré par Son trône; D.ieu est en guerre avec Amalek pour toutes les générations" (Chemot 17:16) La vérité peut réfuter les arguments logiques. La vérité peut même prévaloir sur les tendances et les désirs égoïstes de l'homme; car intrinsèque à la nature humaine est l'axiome selon lequel "l'esprit dirige le cœur", c'est-à-dire qu'il est dans la capacité de l'homme d'apprécier si pleinement une vérité qu'elle prend racine dans son caractère et s'implante dans son comportement. Mais les facultés rationnelles de l'homme sont sans force contre le défi d'un Amalek qui saute dans le bassin bouillant, qui se moque ouvertement de la vérité et refroidit les moments les plus enthousiastes de l'individu par rien de plus qu'un simple: "et alors?"
Le col de la bouteille
Amalek attaqua Israël "sur la route, alors qu'il sortait d'Egypte" et qu'il se dirigeait vers le Mont Sinaï pour recevoir la Torah de D.ieu et Son mandat en tant que peuple. Là encore, l'histoire reflète les mouvements de l'âme: le moment de l'attaque historique d'Amalek reflète les circonstances intérieures sous lesquelles la pestilence d'un doute sans fondement fait surface.
Dans la Haggadah de Pessa'h, nous disons: "dans chaque génération, chacun doit se considérer comme s'il sortait lui-même de Mitsrayim. Mitsrayim, le mot hébreu pour Egypte, signifie "étroitesse"; au niveau personnel, cela se réfère à ce que le 'hassidisme appelle "l'étroitesse du cou" qui fait l'intersection entre l'esprit et le cœur. Tout comme, physiquement, la tête et le cœur sont joints par un passage étroit, le cou, l'on peut retrouver le même processus aux sens spirituel et psychologique. Bien que, comme cela a été mentionné plus tôt, l'esprit possède une supériorité innée sur le cœur, diriger et modeler ses sentiments et ses désirs pour qu'ils soient conformes à ce qu'il sait être juste, représente pour l'individu une difficulté et un défi immenses. C'est là "l'exode de Mitsrayim" qui incombe à chaque génération: l'individu doit relever le défi de négocier les traits étroits de son "cou" intérieur et de son égocentrisme qui minent l'autorité de l'esprit sur le cœur et empêchent l'influence du premier sur le caractère et le comportement de la personne.
Tant que l'homme reste emprisonné dans sa "mitsrayim" personnelle, il est face à de nombreux défis pour conserver son intégrité. Tant qu'il n'a pas réussi à établir son esprit comme axe autour duquel tout le reste tourne, ses instincts et ses traits de base, comme la gourmandise, la colère, la quête du pouvoir et de la gratification immédiate, peuvent l'emporter sur le meilleur de lui-même. Mais une fois qu'il est parvenu à l'"exode" personnel de ses traits psychologiques étroits, une fois qu'il a établi que sa connaissance et sa compréhension de la vérité sont les forces déterminantes de sa vie, la bataille est emportée. Il se peut qu'il soit confronté à des idées et des rationalisations négatives mais, libérée des détournements de l'égocentrisme, la vérité triomphera. Il peut être tenté par des tendances ou des désirs négatifs mais, si dans sa vie la raison domine le cœur, il les fera fléchir et les transformera.
Mais il reste un ennemi qui menace également l'individu post-exode: Amalek. Amalek "connaît son Maître et il se révolte consciemment contre Lui". Amalek ne provoque pas la vérité par des arguments ou même par des motivations égoïstes, il se contente de la mépriser. A l'axiome "accomplis le vrai parce que c'est vrai", Amalek dit : "Et alors?" Armé exclusivement de son toupet, Amalek saute dans le bassin bouillant, conteste l'incontestable. Et ainsi, il refroidit son impact.
Au-delà de la raison
Comment répondre à Amalek? Comment réagir face à l'apathie, le cynisme, l'insensibilité du doute? Amalek est irrationnel et totalement sourd à la raison; la réponse à Amalek est donc également est au-dessus du rationnel.
Dans son Tanya, Rabbi Chnéour Zalman de Liadi discute de la foi en D.ieu qui fait partie intégrante de l'âme juive. La foi n'est pas quelque chose que l'on peut atteindre, elle n'a besoin que d'être révélée. Car elle est façonnée dans la matériau même de l'essence de l'âme. La foi, poursuit Rabbi Chnéour Zalman, transcende la raison. Par la foi l'on se lie avec l'infinie vérité de D.ieu dans sa totalité, contrairement à la perception incomplète à laquelle l'on parvient par la raison, définie et limitée dans l'esprit humain. Aussi Rabbi Chnéour Zalman explique-t-il le fait étonnant qu' à travers l'histoire juive, des milliers de Juifs ont sacrifié leur vie plutôt que de renoncer à leur foi et à leur lien avec le Tout Puissant, y compris ceux qui avaient peu de savoir conscient et d'appréciation de leur judéité et ne la pratiquaient pas dans leur vie quotidienne. A leur moment de vérité, quand ils ont perçu que leur identité même de Juifs était en jeu, leur foi intrinsèque, une foi qui ne connaît ni limites ni équivoques, a fait surface et a dominé tout le reste.
La réponse du Juif à Amalek est de se souvenir, de faire surgir les réserves de son âme en foi irrationnelle, une foi qui peut se cacher et s'oublier sous une masse d'implications et d'enchevêtrements matériels, mais une foi qui, lorsqu'elle est rappelée peut remporter chaque défi moral, rationnel ou non.
Le Coin de la Halacha
Les tatouages sont-ils permis d’après la Torah ?« Vous ne ferez pas d’écriture gravée en vous » (Lévitique 19.28). Les non-Juifs avaient la coutume de tatouer sur leur chair le nom et le symbole de leurs idoles afin de démontrer leur parfaite allégeance à ces fausses idéologies. La Torah interdit tout tatouage permanent.
Une écriture sur la peau qui ne laisse pas de trace n’entre pas dans cette catégorie.
Ce qui est interdit est de tracer un sillon dans la peau et de le remplir d’une encre indélébile. Il convient donc de s’abstenir de cette pratique.
A propos de ce qu’on appelle le maquillage permanent : certains décisionnaires le déclarent permis tandis que de nombreux autres l’interdisent.
Bien évidemment, si ces pratiques portent préjudice à la santé (allergies etc…), elles seront à proscrire puisque les Juifs ont l’obligation de veiller à elle.
F. L. (d’après Rav Yosef Ginsburgh)
De Recit de la Semaine
DE SI VIEUX LIVRESRabbi Eliméle’h de Lyzensk tomba gravement malade. Quand il se rétablit miraculeusement, ses plus proches disciples s’armèrent de courage et lui demandèrent respectueusement ce qu’il avait vu tandis qu’il oscillait entre la vie et la mort.
Rabbi Eliméle’h accepta de révéler un détail qu’il avait appris :
« Alors que je marchais dans le Gan Eden, le jardin du Paradis, j’aperçus parmi les âmes les plus honorées un visage familier. On aurait dit que c’était celui de Mottel, le relieur. Effectivement, Mottel était un bon Juif, honnête et travailleur mais après tout, beaucoup d’autres personnes possèdent ces qualités; de plus, ce n’était pas vraiment un érudit!
- «Est-ce vraiment toi, Mottel? demandai-je à l’âme en question dès que je pus m’approcher d’elle.
- Mais oui, c’est moi! répondit Mottel, heureux d’être reconnu.
- Mais comment es-tu parvenu à cette place si enviable? demandai-je innocemment.
- «Quand je suis arrivé devant le Tribunal Céleste, on m’a posé les questions habituelles. J’ai dû admettre que malheureusement, je n’avais étudié que très peu de Torah: je n’étais vraiment pas doué pour l’étude. De plus, nous étions très pauvres et je dus rechercher très jeune un travail qui me permettrait d’aider mes parents à nourrir notre famille. Très jeune, expliquai-je au Tribunal Céleste, je fus placé comme apprenti chez un relieur… Les anges entreprirent de peser mes mérites et mes fautes. Sur le plateau droit de la balance, ils déposèrent mes bonnes actions. Ils appuyèrent sur ce plateau pour le rendre plus lourd en disant qu’ainsi on me récompensait pour la joie et la sincérité avec lesquelles j’accomplissais les Mitsvot.
Mais d’autres anges arrivèrent et chargèrent le plateau gauche avec mes pêchés et mes fautes. Il y en avait beaucoup, à tel point que le plateau gauche s’abaissait dangereusement. La plupart de mes pêchés n’étaient pas très sérieux et étaient dûs en grande partie à mon ignorance. Mais ajoutés les uns aux autres, ils pesaient de plus en plus lourds!
Tandis que je me tenais tremblant et honteux devant le Tribunal Céleste, un ange apparut soudain, portant un vieux livre de prières. Et il tirait toute une charrette remplie de sacs.
«Je suis l’ange qui veille sur les pages abîmées des vieux livres. Je me rends dans chaque maison juive, dans chaque synagogue et dans chaque école juive. Je vérifie l’état des livres saints. Dès que j’aperçois un livre usé, aux pages écornées et à la couverture déchirée, je ressens une grande joie car cela prouve qu’il a été utilisé de nombreuses fois. Mais quand je vois que certains de ces livres sont abîmés au point d’en devenir inutilisables, cela me bouleverse parce que chaque livre saint possède une âme sainte et chaque page possède une âme qui doit être traitée avec soin et respect.
A l’occasion de mes missions sur terre, j’ai souvent rencontré l’homme qui attend à présent votre jugement. Encore enfant, Mottel était très attaché à son livre de prières, le caressait et l’embrassait avant de le refermer. Quand il fut obligé d’apprendre un métier, il supplia son père de le placer auprès d’un artisan qui reliait les vieux livres.
Je n’ai jamais vu de relieur comme Mottel, continua l’ange qui prenait ma défense avec tant de fougue. Jamais il ne s’est trompé dans l’ordre des pages, il n’a jamais manqué un point de couture et il a toujours utilisé les meilleures colles. De temps en temps, il se rendait dans les synagogues de sa ville et vérifiait l’état des livres: il emportait chez lui ceux qui avaient désespérément besoin de lui et passait une bonne partie de la nuit à les réparer, à leur donner une nouvelle vie. Tôt le matin, il les rapportait dans les synagogues: personne n’en a jamais rien su et personne ne l’a jamais payé pour cela!
Je demande donc respectueusement au Tribunal la permission de décharger ma charrette et de déposer sur la balance tous les livres de prière et d’études auxquels Mottel le relieur a donné une seconde vie, pour que leur poids s’additionne à celui de ses bonnes actions.
Le Tribunal Céleste accepta. Avant même que la moitié des sacs ne fut déchargée, le plateau droit, celui des Mitsvot croula sous le poids des livres.
«Croyez-moi, cher Rabbi, conclut Mottel, j’étais moi-même stupéfait de ce qui se passait devant moi et quand on me conduisit à cette place d’honneur!»
«J’aurais bien voulu poser d’autres questions à Mottel quant à sa vie sur terre et sa vie au Gan Eden, continua Rabbi Eliméle’h mais juste à ce moment-là, je recouvrai la santé. Peu importe, l’histoire de Mottel parle d’elle-même! Mais souvenons-nous également, rajouta Rabbi Eliméle’h, que D.ieu ne reste jamais débiteur et récompense scrupuleusement chaque bonne action, même si ce n’est que le soin mis à préserver les pages écornées d’un vieux livre de prières!»
Talks and Tales - Le’haïm
Traduit par Feiga Lubecki