Samedi, 8 août 2020

  • Ekev

 

 

Vivre avec la Paracha

 Ekev : Têtes ou talons ?

Dans la Paracha de cette semaine, D.ieu décrit les bénédictions de santé et d’abondance dont Il nous couvrira pour notre observance des Mitsvot.

En conséquence de votre obéissance à ces lois et à votre fidélité à les accomplir, l’Eternel votre D.ieu respectera l’alliance et la bienveillance qu’Il a jurées à vos pères. Il t‘aimera, te bénira et te multipliera et Il bénira le fruit de tes entrailles et le fruit de ton sol, ton blé, ton vin et ton huile d’olive… (Devarim 7 :12-13)

Et les bénédictions se poursuivent.

Ainsi, la récompense qui nous soutient vient-elle après notre accomplissement des commandements de D.ieu.

Cependant, le choix de l’emploi des mots par D.ieu est inhabituel. Il semblerait qu’il aurait été plus clair de nous dire : « Si (im) vous observez les lois… » Pourquoi D.ieu emploie-t-Il l’expression « en conséquence » (« ékèv ») de votre obéissance à ces lois ?

Rachi, le célèbre commentateur biblique, soulève cette question puis l’approfondit. Le mot « ékèv » possède un double sens. Il signifie d’abord : « une conséquence » mais aussi : « un talon ». C’est ainsi que Yaakov porte son nom, possédant la même racine, parce qu’il tenait le talon de son jumeau Essav quand il sortit du giron de sa mère, Rivkah.

Tel est donc le secret de « ékèv ». Rachi interprète ainsi les paroles de la Torah : « Si vous obéissez aux Mitsvot mineures, que l’on écrase habituellement du talon, alors D.ieu vous bénira… »

L’interprétation de Rachi paraît donc nous éloigner du sens littéral du verset. A priori, la Torah semble dire que nous méritons les bénédictions illimitées de D.ieu lorsque nous accomplissons tous Ses commandements. Mais selon Rachi, il apparaîtrait que D.ieu nous demande simplement de respecter les Mitsvot qui paraissent peu importantes, celles que les gens piétinent, pour pouvoir mériter Sa bénédiction.

En utilisant le mot « ékèv », la Torah suscite la fusion de deux attentes différentes. « Votre service atteindra son point culminant par l’observance des petites Mitsvot, déclare D.ieu. Le travail qui n’a rien d’impressionnant, les Mitsvot qui apparaissent comme des talons, sont précisément celles-là mêmes qui vont stimuler les bénédictions. »

Nos Sages expliquent que D.ieu créa notre monde parce qu’ «Il désire une résidence dans le royaume inférieur ». Bien qu’il soit agréable de se maintenir dans les règnes supérieurs, c’est-à-dire de servir D.ieu avec éclat, c’est le travail banal et courant, celui qui cultive le sol le plus bas, qui attire la Divinité dans les lieux les plus reculés et L’aide à accomplir Son désir.

Au travers de l’histoire, il a toujours existé une élite, des êtres particulièrement vibrants et sensibles. Et puis, il y a les gens simples, les gens qui se battent contre des désirs primaires et un égo fragile.

Dans la génération de Moché, les hommes étaient particulièrement ingénieux. On les appelle « dor déa », « la génération de la connaissance ».

Par contre, le Talmud se réfère à la dernière génération, celle qui précède l’arrivée de Machia’h, comme à la génération « ikvéta démechi’ha », « les talons de Machia’h ». Si le peuple qui fut le témoin de la Révélation du Sinaï est analogue à la tête de notre corps, la dernière génération avant Machia’h correspond à l’arrière du pied.

Voici la description que donne le Talmud (fin du traité Sotah) de cette « génération des talons » :

« A l’époque des ‘talons de Machia’h’, la ‘Houtspa (l’insolence) augmentera et le respect diminuera… Les gouvernements tomberont dans l’hérésie… Les lieux de rencontre des érudits seront utilisés pour l’immoralité… La vision des érudits dégénérera, ceux qui craignent le péché feront l’objet de mépris et la vérité sera absente. Les jeunes feront honte aux anciens, les anciens s’opposeront aux jeunes, le fils vilipendera son père et la fille s’opposera à sa mère… Dès lors, sur qui doit-on se reposer ? Sur notre Père qui est aux Cieux. »

Quel monde ! Et quelle image exacte du monde d’aujourd’hui !

Pourquoi donc les « talons » méritent-ils l’honneur de nous faire pénétrer dans l’ère de la Rédemption ? Nos ancêtres étaient bien plus respectueux, perspicaces et pertinents !

Une fois encore, le mot « ékèv » génère une dichotomie déstabilisante. La génération des « talons » est à la fois opaque et insensible et pourtant, c’est elle qui représente le candidat parfait pour la transformation totale.

Mais cette dichotomie réside peut-être dans la méconnaissance de l’ère messianique. Dans le « monde rêvé » par D.ieu, la réalité telle que nous la connaissons restera à peu près la même, mais la lumière de D.ieu resplendira dans toutes les parties de la vie et tout particulièrement dans ses facettes les plus basses. Et c’est ainsi que culminera l’aspiration de D.ieu pour une résidence « dans le monde inférieur ».

Et qui sont les mieux à même d’attirer la spiritualité dans les crevasses les plus profondes sinon ceux-là mêmes qui se battent contre l’obscurité la plus épaisse et l’indifférence spirituelle !

Dans notre génération, de très nombreux Juifs se sentent étrangers au Judaïsme et se battent contre un engagement, quelque minime qu’il soit, dans l’observance. Mais en même temps, notre génération grouille d’un nombre sans précédent d’actes de sacrifice pour D.ieu, émanant bien souvent de ces mêmes Juifs qui étaient éloignés, ont touché le fond et sont revenus à leur source avec une telle vélocité qu’ils ont imprégné l’obscurité la plus profonde de rayons lumineux. Un homme meilleur, d’une autre génération, aurait peut-être ri de la simplicité de leurs dilemmes moraux. Mais eux seuls ont eu l’opportunité de transformer l’obscurité la plus profonde, apportant ainsi la rédemption au monde entier.

Quand vous êtes un talon, vous êtes obligé de travailler du bas vers le haut. Vos accomplissements paraissent simples et pourtant, ils détruisent la dernière barrière dans la mission universelle d’illuminer chaque recoin de la terre.

Et aussi bas qu’ils puissent paraître, ce sont les talons qui soutiennent le corps entier. Ainsi donc, même la génération de Moché compte-t-elle sur nous pour illuminer l’univers.