Samedi, 27 août 2016

  • Ekev
Editorial

 Une invitation

L’heure est déjà au retour. Certes, beaucoup continuent encore à jouir de ce rituel de notre temps, les vacances, mais déjà l’essentiel en est passé et le quotidien reprend ses droits d’une façon indiscutablement croissante. Dans cette période de transition, sans doute la tentation est forte de se laisser entraîner par le mouvement naturel des choses et de retrouver les rails familiers. Mais cette année, un événement exceptionnel nous l’interdit : c’est cette semaine que se déroule le congrès européen des Chlou’him, les envoyés du Rabbi sur tout le continent. Ils connaissent et vivent des situations bien différentes, depuis les rivages de l’Europe occidentale jusqu’aux confins de l’Europe orientale, des bords de la méditerranée aux fjords norvégiens. Et ce n’est pas seulement de géographie ou de climat qu’il s’agit.

De telles rencontres sont toujours importantes par elles-mêmes, pour les retrouvailles et les échanges qu’elles permettent. Mais celle-ci a quelque chose de particulier. Elle se déroule, cette année, en Russie, au Belarus et au Kazakhstan. Ces pays n’ont bien sûr pas été choisis par hasard. Le Belarus est l’état où se trouve la ville de Loubavitch aujourd’hui, suite aux changements contemporains des frontières. La Russie est le lieu historique du mouvement. Quant au Kazakhstan, c’est là, dans la capitale de ce qui fut l’Asie soviétique, que repose le père du Rabbi, Rabbi Lévi Its’hak, décédé durant la peine imposée par le pouvoir de l’époque.

C’est la deuxième fois qu’un tel congrès a lieu dans cette région du monde. La première fois était juste après la chute du rideau de fer, cette année voit la seconde. Il y a ici comme un immense symbole. Ces terres-là furent celles d’une oppression cruelle, elles sont devenues des lieux où les Chlou’him se réunissent et parlent de l’avenir du judaïsme et de celui de leurs communautés respectives. En ces temps de morosité, et bien loin de toute attitude nostalgique, il y a ici comme une invitation, mieux une leçon de vie et d’espoir. Quand on connaît le chemin que l’on suit, qu’on avance sans faiblir, les rendez-vous avec l’histoire ne peuvent être que positifs. Cela réclame une bonne dose d’optimisme sans doute. Mais n’est-ce pas justement la capacité de l’homme, et particulièrement du Juif, de toujours croire en l’avenir pour pouvoir mieux le construire, d’avoir ce type de rêve dont on tisse la réalité ? 

Etincelles de Machiah

 A voix haute pour l’élévation

La prière juive est comparée à une échelle. De fait, elle est constituée de plusieurs échelons dont chacun nous élève. Le degré le plus haut est atteint avec la prière de la «Amida» que nous disons debout, sans bouger et à voix basse en signe d’effacement de soi et d’union absolue avec D.ieu.

A ce sujet, Rabbi Chnéor Zalman, l’auteur du Tanya, précise que cela n’est vrai qu’en notre temps mais que, quand Machia’h viendra, on dira cette prière à voix haute. En effet, à ce moment, le peuple juif s’élèvera à un degré plus haut de sorte que même prier à voix haute ne gênera pas l’effacement personnel devant D.ieu et l’union avec Lui.

(D’après un commentaire du Rabbi – Chabbat Parachat Vayigach 5746) 

Vivre avec la Paracha

 Ekev

Dans la Paracha Ekev («parce que») Moché poursuit son dernier discours au Peuple d’Israël, leur promettant que s’ils accomplissent les commandements (Mitsvot) de la Torah, ils prospéreront sur la terre qu’ils sont sur le point de conquérir et où ils vont s’installer, selon la promesse faite à leurs patriarches.

Moché leur adresse également des reproches pour les manquements dans la première génération en tant que nation, rappelant le Veau d’Or, la révolte de Kora’h, l’erreur des Explorateurs, le fait qu’ils aient mis D.ieu en colère à Tavéra, Massah et Kivrot Hataava («les tombes de la luxure»). «Vous vous êtes rebellés contre D.ieu, leur dit-il, depuis le jour où je vous ai connus».

Mais il évoque également le pardon accordé par D.ieu à leurs péchés et les secondes Tables de la Loi, écrites par D.ieu et données après leur repentance.

Leurs quarante années dans le désert, dit Moché au peuple, durant lesquelles D.ieu les a nourris avec la manne quotidienne, venue du ciel, avaient pour but de leur enseigner que «l’homme ne vit pas seulement de pain, mais c’est par la parole de D.ieu que l’homme vit».

Moché décrit la terre qu’ils sont sur le point de pénétrer comme celle où «coule le lait et le miel», bénie des «sept espèces» (blé, orge, raisins, figues, grenades, huile d’olive et dattes) et comme un lieu où se concentre, le plus au monde, la Providence Divine. Il leur commande de détruire les idoles des précédents habitants de la terre et de veiller à ne pas devenir orgueilleux et commencer à s’imaginer que «ma force et la puissance de ma main m’ont permis d’obtenir cette richesse».

Un passage clé de cette Paracha est le second chapitre du Chema qui réitère les Mitsvot essentielles, formulées dans le premier chapitre du Chema, et décrit les récompenses de l’accomplissement des commandements de D.ieu et les conséquences néfastes (famine et exil) de leur non observance. C’est également la source du précepte de la prière et il comprend une référence à la résurrection des morts à l’Ere messianique.

 

Revenons sur le passage «Vehaya Im Chamoa »  (littéralement : «et ce sera quand vous écouterez»),  passage tellement fondamental dans notre héritage de la Torah qu’il a été choisi pour être inclus dans les récitations quotidiennes du Chema et inscrit dans les Téfilines et les Mezouzot.

Pourquoi est-il si important ? Tout d’abord, il mentionne l’observance de trois Mitsvot extrêmement importantes: mettre les Téfilines, étudier la Torah et poser des Mezouzot. Ces Mitsvot servent de rappel incessant de la présence de D.ieu. Par leur respect, nous parvenons à conserver vivace notre conscience de D.ieu, non seulement occasionnellement mais continuellement, et à garder Son existence comme facteur quotidien de notre existence.

Cependant, on peut déjà lire ces Mitsvot dans le premier paragraphe du Chema.  Ce qui  rend Vehaya Im Chamoa particulièrement significatif est sa promesse de récompense et de punition. Comme le statue le passage, quand nous observons la volonté de D.ieu, nous serons récompensés d’une prospérité infinie et si nous défaillons, nous serons punis de difficultés et d’exil. L’intention est claire. Nos actes déterminent notre futur.

Nombreux sont ceux qui objecteront, protestant que cela fait des années qu’ils ont fini le Talmud Torah et qu’il s’agit là d’une approche à la spiritualité infantile. Il est possible que, pour éduquer les enfants, il faille procéder par récompenses et punitions mais en tant qu’adultes, ils ressentent que cette approche est bien trop simpliste. D.ieu est transcendant et illimité et Sa sagesse et Sa providence ne connaissent aucune limite ou plan structuré. Il est donc bien au-dessus du geste de nous tendre des prix pour bonne conduite et des punitions pour désobéissance.

Combien tout cela est-il loin de la vérité !  La responsabilité de l’homme est l’un des principes fondamentaux de notre foi. En termes simples, si nos actions n’avaient aucun impact sur notre destinée, nous vivrions dans un monde de pur hasard, sans ordre ni organisation. Par ailleurs, D.ieu exercerait un contrôle absolu selon Ses décrets et rien dans notre conduite ne pourrait faire de différence.

En fait, l’homme détermine son destin  par son propre comportement. Tout comme la cause et l’effet sont des principes fondamentaux dans la loi de la nature, ce sont également des principes fondamentaux dans la loi spirituelle.

C’est précisément pour cette raison que les gens éprouvent de la difficulté à accepter ce concept. Nous avons du mal à endosser la responsabilité. Il est tellement plus facile de dire qu’il n’y a ni juge ni jugement que de reconnaître que tout ce que nous faisons a des conséquences.

Cela étant dit, il faut également souligner que les normes de justice de D.ieu sont déterminées par Son propre jugement, insondable. Bien souvent, nous voyons des hommes justes souffrir et des hommes mauvais prospérer, car Son système de valeurs n’est pas le nôtre. Il est sûr qu’Il est infini et contrôle le monde comme Lui le juge adéquat et non comme nous, nous le voudrions. Comme le disait Rabbi Lévi Its’hak de Berditchev : «Quand j’étais un jeune homme, je pensais que je pouvais donner à D.ieu beaucoup de conseils sur la manière de gérer l’univers. Mais en vieillissant, j’ai pris conscience que ce qu’Il faisait était bien». Notre défi personnel consiste à nous conformer à Sa volonté et à vivre en fonction de Ses normes.

Perspectives

L’une des interprétations données au nom Ekev indique qu’il se réfère au Futur ultime, l’Ere messianique. Nous sommes assurés qu’alors, nous recevrons la véritable récompense pour notre observance de la Torah. Aujourd’hui nous n’en obtenons que «les fruits» mais le principe lui-même nous sera accordé dans le futur.

Au moment présent, le monde n’est pas capable d’absorber la pleine mesure de la force de D.ieu car de nombreux lieux sont envahis de «poches de mal». Si D.ieu irradiait le bien de façon démesurée, les forces du mal en tireraient également de la nourriture. A l’Ere ultime, par contre, le mal sera banni de la terre et il n’y aura plus aucune raison de retenir l’afflux de bien pour les Justes. Plus encore, les Justes eux-mêmes seront encore plus puissants et seront un moyen encore plus adéquat pour la révélation de la Divinité.

Le Coin de la Halacha

 Pourquoi est-il préférable de prier en communauté ?

Rambam (Maïmonide) écrit : «La prière de la communauté est toujours écoutée (par D.ieu). Même s’il se trouve parmi eux des personnes peu recommandables, D.ieu ne méprise pas la prière d’une communauté».

Il est donc préférable - quand c’est possible - de prier avec la communauté plutôt que tout seul.

Celui qui dispose d’une synagogue (ou d’un lieu de prière) dans sa ville et ne s’y rend pas pour prier est appelé «un mauvais voisin».

Celui qui mérite d’être le dixième (homme au-dessus de l’âge de 13 ans) accomplit une très grande Mitsva puisqu’il permet aux neuf autres de prier en Minyane (quorum de dix hommes) et que leur prière sera donc acceptée.

Quand dix personnes prient ensemble, il est possible que l’un répare les «fautes» de l’autre car la prière de la communauté est toujours pure et parfaite.

Dans la synagogue, on peut participer et répondre au Kaddich, à la Kedoucha, à Bare’hou et on peut écouter la lecture du rouleau de la Torah.

On se conduit correctement dans une synagogue puisqu’il s’agit d’un sanctuaire miniature. On empêche les enfants de courir, de jouer, de jeter des papiers, des mouchoirs ou des chewing-gums… On n’y discute pas de sujets futiles.

Habituer les enfants à bien se conduire à la synagogue les influencera toute leur vie.

(d’après Rav Yossef Hartman – Ketsad Ne’hanè’h eth Yaldenou)

Le Recit de la Semaine

 Question ?

Le 20 Av 1944, Rabbi Lévi Its’hak Schneerson (père du Rabbi de Loubavitch) quitta ce monde à l’âge de 66 ans après une courte maladie mais surtout un emprisonnement dans les prisons soviétiques et une terrible condamnation à l’exil. Il est enterré à Alma Ata, au Kazakhstan, non loin de la frontière chinoise.

Rav Yossef Nemotin avait pris soin de Rabbi Lévi Its’hak après qu’il soit arrivé à Alma Ata, épuisé physiquement par les épreuves mais toujours soucieux de transmettre ses connaissances de Torah et ‘Hassidout. Il veilla à son chevet jusqu’au dernier moment, procéda à son inhumation dans la plus grande pureté puis veilla sur la santé de sa veuve, la Rabbanit ‘Hanna. Quand elle réussit à quitter l’Union Soviétique, Rav Yossef l’escorta jusqu’au train puis réalisa qu’il avait achevé sa mission à Alma Ata. Il se mit à rêver lui aussi à s’enfuir de ce pays où il ne pouvait pas aisément pratiquer le judaïsme.

Dès que les portes de l’Union Soviétique s’ouvrirent un peu à la fin des années soixante, il présenta une demande d’émigration. Mais il essuya un refus. Il s’entêta, demandant constamment cette permission de partir mais il était devenu un Refuznik à qui le gouvernement refusait le droit le plus élémentaire : choisir son lieu de résidence pour ses vieux jours. Ayant été moi-même un refuznik, je peux affirmer que le KGB jouait avec les nerfs et la vie des gens, expulsant certains agitateurs politiques mais en gardant d’autres, de façon totalement arbitraire afin d’exercer un pouvoir absolu.

Chaque année, Rav Yossef demandait et chaque année, cela lui était refusé. Pendant ce temps, Rav Yossef qui ne rajeunissait pas prenait soin de la tombe de Rabbi Lévi Its’hak, enlevait les mauvaises herbes et récitait des Tehilim (Psaumes), en se demandant souvent en son for intérieur pourquoi l’illustre fils, Rabbi Mena’hem Mendel qui habitait à New York, ne venait jamais se recueillir sur la tombe de son père.

Un matin, en 1982, il ouvrit sa boîte aux lettres, trouva une lettre de l’OVIR (le service d’Emigration), l’ouvrit le cœur battant mais c’était encore une fois un refus. Amer et déçu, Rav Yossef se dirigea droit vers le cimetière, pleura et pria et, avant qu’il ne réalise ce qui sortait de sa bouche, s’écria : «Taténiou Mit Rabénou ! (Oh père du Rabbi !), quand vous m’aiderez à sortir de ce pays, j’irai voir votre fils et lui demanderai pourquoi il n’est jamais venu se recueillir sur votre tombe ! Je vous le promets ! ». Rav Yossef n’avait jamais mis ses pensées en paroles et, quand il se rendit compte de sa ‘Houtzpa (audace), il se mit à trembler !

Alors qu’il s’apprêtait à quitter le cimetière, quelqu’un l’appela :

- Rav Yossef !

Qui était-ce donc ? Il ne reconnaissait pas ce jeune homme élégant, manifestement un haut fonctionnaire…

- Rav Yossef ! Nous étions des voisins. Vous veniez chez nous tous les jours pour emmener mon père qui était aveugle à la petite synagogue afin qu’il puisse prier avec la communauté ! (Rav Yossef m’avait indiqué le nom de l’aveugle mais je ne m’en souviens plus. Quand l’aveugle était décédé, il avait été enterré dans le même cimetière que Rabbi Lévi Its’hak).

- Vous étiez un enfant alors ! Vous avez tellement grandi depuis, soupira Rav Yossef. Cela fait plus de vingt ans…

- Oh oui. Mais moi je ne vous ai pas oublié ! Que se passe-t-il ? Vous avez l’air soucieux…

- Cela fait tant d’années que je souhaite fuir ce pays mais l’OVIR persiste à me refuser cette permission…

- Ne vous inquiétez pas ! Je travaille pour le gouvernement et je sais à qui m’adresser ! Donnez-moi 4000 roubles et je débloquerai votre situation ! Vous avez aidé mon père, maintenant c’est à moi de vous aider !

Cinq minutes auparavant, Rav Yossef avait versé des larmes auprès de Rabbi Lévi Its’hak et déjà l’espoir renaissait !

4000 roubles représentaient une somme importante mais Rav Yossef se «débrouilla» et, dès le lendemain, il apporta l’argent au jeune homme. Celui-ci accomplit sa promesse et, moins d’une semaine plus tard, la famille Nemotin reçut la permission de quitter le pays !

Rav Yossef s’installa à Crown Heights, le quartier de Brooklyn où vivait le Rabbi ; il avait réussi à emporter des manuscrits de Rabbi Lévi Its’hak qu’il remit aux secrétaires du Rabbi.

Finalement, il reçut la permission d’entrer en Ye’hidout, en audience privée. Quand il entra, le Rabbi se tenait debout et non assis, ce qui était une marque inhabituelle de respect pour Rav Yossef. Le Rabbi remercia chaleureusement Rav Yossef et sa famille pour tous les soins qu’ils avaient prodigués à ses parents derrière le Rideau de Fer ainsi que pour les manuscrits.

Rav Yossef demanda s’il pouvait reprendre un des manuscrits en souvenir mais le Rabbi expliqua que, dorénavant, il ne pouvait pas s’en défaire.

A la fin de l’audience, Rav Yossef recula comme le veut la coutume afin de ne pas tourner le dos au Rabbi. Alors qu’il approchait de la porte et se tenait encore face au Rabbi, le visage du Rabbi devint très sérieux. Le Rabbi le regarda droit dans les yeux et lui rappela :

- Vous avez oublié de me poser la question que vous aviez promis à mon père de me poser !

Rav Yossef chancela et s’évanouit.

Il avait sa réponse ! Le Rabbi correspondait avec son père même quand celui-ci n’était pas proche physiquement, même quand celui-ci n’était plus de ce monde ! Il n’avait nullement besoin de se déplacer pour s’entretenir avec lui ! Depuis le Monde de Vérité, Rabbi Lévi Its’hak avait transmis à son fils toutes les demandes que lui adressaient les Juifs qui venaient se recueillir auprès de sa tombe et c’est ainsi que le Rabbi connaissait les moindres pensées et paroles de Rav Yossef…

Lors du Farbrenguen (réunion ‘hassidique) suivant, le Rabbi accueillit Rav Yossef avec beaucoup d’égards et le remercia publiquement. Il réalisa alors que le Rabbi lui pardonnait sa ‘Houtzpa.

Par la suite, le Rabbi demanda à Rav Yossef des détails sur la vie de ses parents à Alma Ata et lui accorda toujours une attention spéciale ainsi que de nombreuses bénédictions.

Dr Alexander Poltorak – PhD de physique théorique et biomathématiques

Chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki