Semaine 31

  • Ekev
Editorial
Les vraies vacances

L’avez-vous remarqué ? C’est dès la semaine prochaine que vous retrouverez votre « Sidra de la semaine » dans sa formule estivale. Cet éditorial se devrait donc d’être une sorte de joyeux au revoir assorti de souhaits sincères de repos mérité et de soleil éclatant. Mais le calendrier juif continue de nous entraîner à son rythme propre et, quelle que soit la saison, nul n’y échappe. Temps de vacances ou non, il nous dit aujourd’hui que la période ne peut pas être seulement à l’insouciance – en existe-t-il d’ailleurs une qui le puisse ? De fait, nous sommes passés sur le deuxième versant du mois de Av et c’est déjà la présence du suivant qui apparaît, comme subrepticement, à l’horizon de notre conscience. C’est du mois d’Elloul qu’il s’agit et ce seul mot suffit sans doute à changer fondamentalement la donne.
Les choses sont ainsi faites : cette année, le mois d’Elloul va se dérouler, pour sa plus grande partie, durant le mois d’août et les fêtes interviendront en tout début septembre. Le temps d’Elloul est si précieux qu’il importe de n’en rien perdre. Il est le dernier mois de l’année juive et, à ce titre, il mériterait qu’on s’y arrête. Mais il est surtout ce mois irremplaçable de préparation aux grands rendez-vous spirituels qui arrivent à sa suite : Roch Hachana, Yom Kippour, Souccot, Sim’hat Torah. C’est bien tout cela qui est ici en germe, comme un potentiel de vie dont on perçoit d’ores et déjà la puissance sans encore en définir les contours exacts. Pour cette raison, Elloul est ce mois où, enseignent nos Sages, D.ieu est comme plus proche qu’à l’accoutumée, comparable à un Roi qui, venu à la rencontre de ses sujets, attend leurs demandes, prêt à les accueillir avec bienveillance.
C’est dire qu’Elloul est une période d’effort et de tension spirituels intenses. Est-ce bien compatible avec le mois d’août et la volonté de délassement général qui paraît, d’année en année, s’emparer de tout le corps social ? Peut-être est-ce justement l’enjeu de la période… Celle-ci nous libère souvent de nombreuses contraintes. Elle crée un véritable espace de liberté au cœur de l’année. Tout à coup, chacun dispose plus largement du cadeau le plus précieux qui se puisse faire à l’homme : du temps à soi. Et voici que ce temps est celui d’Elloul. En une image fameuse, le précédent Rabbi de Loubavitch, déclara qu’à ce moment «même les poissons tremblent dans les rivières». Comme pour dire que ce temps est d’une solennité qui le rend à la fois personnel et incontournable. Il est à ressentir pour bien le vivre ; nous aurons l’occasion d’en reparler. Mais le mois d’août dans tout cela ? Le voici promu au rang d’occasion à ne pas manquer ! Bonnes vacances à tous !
Etincelles de Machiah
Le parachèvement

Le Talmud (Traité Sota 13b) enseigne: “L’observance d’un commandement n’est appelée que du nom de celui qui le parachève”. En d’autres termes, c’est celui qui conclut une Mitsva qui en acquiert le bénéfice.
Cette notion s’applique également à la venue de Machia’h. Bien que l’œuvre accomplie par les générations précédentes, dont il est dit (traité du Talmud Chabbat 112b) “les premiers étaient comme des anges”, soit infiniment supérieure à la nôtre, cependant “la Délivrance est appelée du nom de celui qui la parachève”. Or, elle viendra par le mérite de notre génération car c’est elle qui, par son effort, porte à son point culminant l’œuvre des générations passées.
(d’après Likouteï Si’hot, vol. XX, p. 104) H.N.
Vivre avec la Paracha
Ekev : L’homme et le pain

La création tout entière peut être divisée en quatre éléments :
1) Le premier consiste en l’inanimé, le minéral, qui ne montre aucun signe extérieur de vie ou de vitalité.
2) Le second est le règne végétal qui jouit d’un mouvement vertical (par la croissance) mais est incapable de mouvement latéral.
3) Le troisième est le règne animal qui fait montre d’une énorme énergie vitale par les mouvements verticaux et latéraux.
4) Enfin l’homme domine tous les règnes. L’homme montre des signes de vie non seulement à l’extérieur mais également à l’intérieur. Aucune créature n’a un intellect comparable et des talents de communication semblables.
Cependant cette hiérarchisation pose un problème. Pourquoi l’homme est-il nourri, sustenté par ce qui lui est inférieur ? La logique ne dicte-t-elle pas que des formes de vie élevées soient alimentées par ce qui leur est supérieur ? Et à l’inverse, une forme de vie supérieure ne compromet-elle pas, en quelque sorte, sa pureté en recevant son énergie vitale d’une forme de vie inférieure ?

Le plus bas est le plus élevé
Cette question nous oblige à réévaluer la manière dont le monde apparaît et les valeurs que nous lui attribuons. La Cabbale nous enseigne que les créatures qui apparaissent les plus basses ont, en fait, leur origine à un niveau plus élevé. Leur origine supérieure leur permet de séjourner à un statut très bas parce qu’une source plus forte est capable d’envoyer ses jaillissements plus loin qu’une source moins puissante.
Quand nous envisageons la hiérarchie de cette perspective, nous découvrons que l’origine de la végétation est en fait plus élevée que celle de l’homme. L’homme n’est pas nourri par la substance du pain, qui lui est inférieure, mais par l’énergie divine qu’il renferme, l’origine spirituelle du pain qui, elle, est plus élevée.

Pas seulement le pain
La gratitude est un fondement de la vie juive : sentir et exprimer de la gratitude à l’égard de ceux qui nous entourent et aussi sentir et exprimer de la gratitude à l’égard de D.ieu.
Un des aspects importants de cette gratitude s’exprime par la récitation des Actions de Grâce (Birkat Hamazone) après avoir mangé du pain. C’est un moment significatif, qu’il ait lieu lors d’un banquet, d’un repas familial le Chabbat ou simplement après avoir consommé un sandwich.
Réciter les Actions de Grâce exprime l’idée que nous dépendons de D.ieu pour tous les détails de notre vie et que nous Lui sommes reconnaissants de veiller sur nous, à chacun de nos pas. Nous avons besoin de D.ieu dans notre existence de chaque instant, pour l’air que nous respirons et pour les aliments que nous consommons.
L’idée que nous devons réciter cette prière vient d’un verset de la Torah : «Tu mangeras et seras rassasié et béniras D.ieu pour la bonne terre qu’Il t’a donnée» (Deutéronome 8 :10). Les Sages expliquent que le sens littéral de ces mots implique qu’il nous est enjoint de ne bénir D.ieu que si nous avons mangé suffisamment pour être «rassasiés». Toutefois, les Sages ont introduit l’idée que nous devons réciter cette prière même si nous ne sommes pas rassasiés, à partir du moment où nous avons consommé une quantité minimale de pain (la taille d’une olive, soit environ trente grammes).
Cette prière comporte quatre paragraphes. Le premier concerne le fait que D.ieu pourvoit en nourriture le monde entier ; il fut composé par Moché. Le Peuple Juif errant dans le désert le récitait après avoir mangé la Manne qui tombait du ciel.
Après quarante ans, ils entrèrent en Terre Promise. Alors Yehochoua écrivit le second paragraphe qui commence par des remerciements à D.ieu pour la sainte Terre d’Israël. Ce paragraphe remercie également D.ieu pour l’Alliance de la Circoncision, pour l’Exode d’Egypte et pour la Torah.
Le troisième paragraphe composé par le roi David et et le roi Chlomo concerne la ville sainte de Jérusalem. Il évoque également la lignée des rois descendant de David et le Temple. Il s’achève avec la supplique à D.ieu de reconstruire la ville sainte de Jérusalem avec la venue de Machia’h.
Le dernier paragraphe des Grâces fut composé par les Sages, il y a environ 1870 ans. C’est une expression générale de gratitude à D.ieu. Il est «le Roi Qui est bon et qui fait le bien pour tous».
En fait ce dernier paragraphe fut rédigé après la terrible tragédie de l’échec de la révolte juive contre les Romains en 135 de l’ère commune. Un nombre effroyable de Juifs furent massacrés. Louer D.ieu pourrait paraître exprimer de la gratitude d’avoir survécu pour transmettre un Judaïsme vivant à la prochaine génération. Dans cette dernière partie, nous remercions également nos hôtes et nos parents et demandons à nouveau à D.ieu d’envoyer le prophète Eliahou qui annoncera le Machia’h.
Des paragraphes et phrases additionnels ou de légers changements dans les mots permettent de saluer des jours exceptionnels comme le Chabbat, Roch ‘Hodech ou les Fêtes.
Les Actions de Grâce ne font pas que remercier D.ieu d’avoir pourvu à nos besoins essentiels. C’est une partie intégrante de notre propre vie, en tant que Juifs, exprimant le cours entier de notre histoire, avec ses joies, ses tragédies et ses espoirs. Le réciter ou le chanter nous unit à des milliers d’années d’histoire du Peuple Juif et nous offre également une précieuse opportunité de nous adresser directement à D.ieu.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que la prière du voyageur ?

On prononce cette prière dès qu’on s’éloigne de toute agglomération habitée. On peut la dire debout ou assis. Si le voyage dure plusieurs jours, on la dit chaque matin après la prière.
Rappelons qu’il est recommandé de mettre quelques pièces à la charité avant le départ et à l’arrivée. On a d’ailleurs l’habitude de donner à toute personne qui part en voyage une somme à remettre à la Tsedaka (charité) à son arrivée. Ainsi cette personne est considérée comme «Chalia’h Mitsva», c’est-à-dire «émissaire pour une bonne cause» et jouira donc d’un voyage en toute sécurité.
On lui remettra également de la nourriture, «provisions pour le chemin», même si des repas cachères sont prévus, par exemple dans l’avion.
Après avoir traversé la mer ou le désert, on prononcera la bénédiction «Hagomel» un lundi, jeudi ou Chabbat devant un rouleau de la Torah.

Comment accompagner une personne qui part en voyage ?

Une personne qui part en voyage devrait s’efforcer de trouver quelqu’un qui l’accompagne au moins quelques mètres. (Notre patriarche Avraham a ainsi fait quelques pas avec les anges quand ceux-ci ont continué leur voyage – voir Genèse 18. 16).
Si la personne part en voiture, bus, train etc…, il serait bon de la suivre sur quelques mètres et d’attendre que son véhicule ne soit plus visible.
On ne se quittera pas en pleurant et on s’efforcera d’être d’humeur joyeuse. On échangera des paroles de Torah, et en particulier de Hala’ha. De cette manière, chaque fois que cette question refera surface, on se souviendra de la personne qui l’a enseignée.

F. L. (d’après Rav Eliézer Wenger zal)
De Recit de la Semaine
En direct du Monde de la Vérité

« Je dois comprendre ce que signifient ces voix que j’ai entendues ! » soupira la dame.
C’était une femme riche et respectée à Boston. Quelques temps auparavant, elle avait perdu sa fille Esther à la fleur de l’âge. Maintenant elle se tenait devant Rav David Meïr Rabinovitz, un proéminent ‘Hassid de Loubavitch et lui demandait son aide.
- Je sais ce que vous pensez, que je me laisse entraîner par mon imagination mais il n’en est rien. Je suis très réaliste, j’ai les pieds sur terre et je n’ai jamais été sujette à des visions ou des hallucinations. Mais cette voix était bien réelle, j’ai clairement entendu la voix de ma fille défunte. Je n’ai pas réussi à comprendre les mots mais c’était des cris de détresse. Je suis persuadée que ma fille cherche à me faire percevoir son angoisse…
- Avez-vous une idée de ce qui pourrait se passer ? Pourquoi son âme ne trouverait-elle pas le repos ? demanda prudemment Rav Rabinovitz.
- Non ! Vraiment-je l’ignore ! J’y ai beaucoup réfléchi et j’ai même un peu honte d’en parler car on me prendra pour une folle. Mais cela me ronge et je dois trouver une solution.
- Moi je ne peux pas vous donner de réponse ! répliqua Rav Rabinovitz mais je peux écrire à Rabbi Yossef Yts’hak Schneersohn de Loubavitch et lui demander conseil.
Ceci se passait trois ans après que Rabbi Yossef Yts’hak ait réussi à fuir l’Europe à feu et à sang et à arriver aux Etats-Unis. Dès son installation à New York, il avait entrepris de rebâtir les structures nécessaires à la vie juive : le monde libre n’était pas différent et le judaïsme devait s’y épanouir.
Quelques jours après l’envoi de sa lettre, Rav Rabinovitz trouva dans sa boîte aux lettres une réponse datée du 25 Tévet 1943. En la lisant, il sentit une sueur froide couler dans son dos : le Rabbi considérait très sérieusement le dilemme de cette dame et précisait qu’il ne s’agissait pas de « visions » ou d’hallucinations : « Il ne faut pas attribuer cela à une trop forte émotion mais ceci est très simple : pour moi, il est clair que l’âme de sa fille – de mémoire bénie – ressent de l’amertume ! A quel sujet ? » Et le Rabbi de préciser que la dame avait décidé de donner plusieurs sommes d’argent à des œuvres caritatives, à la mémoire de sa fille ; mais elle avait confié cet argent à des institutions qui détournaient les gens du judaïsme et à des écoles qui donnaient de la nourriture non-cachère à leurs élèves. Le Rabbi continuait : « Notre monde est celui du mensonge mais dans l’au-delà, la vérité est perçue clairement. Chaque action apparaît dans sa véritable dimension. C’est pourquoi une âme, pour l’élévation de laquelle on donne de l’argent, ressent que l’intention est louable mais si l’argent arrive à des destinations non recommandables, l’âme en souffre énormément ! »
Le Rabbi proposait à la dame de dresser une liste de toutes les institutions auxquelles elle avait contribué pour le mérite de sa fille et de la transmettre à une personnalité neutre et pratiquante qui saurait distinguer les institutions susceptibles d’être aidées. De plus, le Rabbi recommandait qu’un homme digne de confiance se rende auprès de la tombe de la jeune fille pour y préciser que, dorénavant, l’argent n’irait qu’à des institutions « cachères ». Le Rabbi avertissait la mère de ne pas se rendre elle-même au cimetière.
Après avoir lu cette lettre, Rav Rabinovitz en tremblait : jamais il n’avait rien lu d’aussi clair sur ce qui se passait dans « Le Monde de Vérité » !
Il transmit le message à la dame qui, elle aussi très émue, s’empressa de préparer la liste que lui avait demandé le Rabbi. Rav Rabinovitz l’envoya au Rabbi qui répondit quelques jours plus tard, le 6 Chevat 1943 : « Ce qui est passé est passé ; à partir de maintenant, tout doit être exécuté de façon méthodique, avec l’aide d’un homme droit et compétent qui décidera comment répartir les sommes envers les diverses institutions ».
La femme se conforma strictement aux instructions du Rabbi mais ressentait maintenant des regrets : à cause d’elle, l’âme de sa fille avait souffert. Rav Rabinovitz en fit part au Rabbi qui répondit dans une lettre datée du 14 Chevat qu’il avait lui-même écrit à cette dame en précisant qu’il n’y avait pas lieu de ressentir de la peine, que D.ieu nous en préserve, mais qu’il fallait être persuadé que l’âme de sa fille s’élevait considérablement, de niveau en niveau !
Rav Rabinovitz était stupéfait : le Rabbi démontrait ainsi que, pour lui, les voies du Ciel étaient aussi familières que celles de son village natal ! Il transmit donc la réponse du Rabbi enjoignant à la dame de cesser de se torturer puisqu’elle avait maintenant l’assurance que l’âme de sa fille s’élevait considérablement !

Sichat Hachavoua n°1224
traduit par Feiga Lubecki