Editorial
La morale: une idée nouvelle?Il existe différentes manières de vivre cette notion ancienne qui porte le nom de “morale ”. Pendant des siècles, les hommes l’ont regardée comme une donnée dépassant le monde, s’imposant à lui comme une sagesse indispensable, éternelle et universelle, la clé de voûte de la civilisation. A telle enseigne qu’au-delà des hypocrisies individuelles, elle resta la norme absolue et incontestable des sociétés. Puis vint le temps d’une forme d’individualisation des choix. On se prit à penser qu’il ne pouvait y avoir de cadre général de références, qu’il appartenait à chacun de définir le bien et le mal en fonction de ses propres convictions, souvent jouets de la pression intellectuelle de la société environnante. On ne perçut pas tout de suite ce que la démarche avait de grave, de quelles menaces elle était porteuse. Mais il apparut bientôt que, si on venait à croire que la morale ne peut être qu’individualisée, cela revenait à faire du comportement humain une sorte de “self-service” où les choix par une pente naturelle, seraient rapidement réduits à leur plus simple expression.
Alors, parfois, ressurgit cette vieille idée: la morale s’impose à tous, elle doit être liée indissociablement à toute expression sociale et le beau mot de “liberté” ne peut couvrir tous les errements. C’est ainsi que, de temps en temps, sans qu’on sache bien la portée de telles revendications, des instances responsables relèvent que les images et les messages diffusés par les grand médias posent question, qu’il est peut-être arrivé le temps de dire que ni l’homme ni la société ne sortent plus grands ou plus riches de la perte de certaines normes.
Devant de telles résurgences, certains crient alors à la réapparition de la censure. Peut-être faut-il dire de nouveau que la liberté a un sens, et que, si on le lui retire, on ne fait pas qu’en retirer la grandeur, on substitue des entraves encore plus contraignantes à celles que l’on croyait supprimer. Car la liberté est exigeante. La vivre demande un investissement de chaque instant. Pour le judaïsme, son chemin est clair: il mène au lien avec D.ieu.
Etincelles de Machiah
Dans l’un des psaumes qui traitent du retour final des exilés en Israël, il est écrit (126: 2-3): “Alors ils diront parmi les nations: ‘D.ieu a fait de grandes choses pour ceux-ci’. D.ieu a fait de grandes choses pour nous; nous étions joyeux”.Un des Maîtres polonais a commenté ces mots de la façon suivante:
“Alors ils diront parmi les nations”: quand Machia’h viendra, les nations du monde diront,
“D. ieu a fait de grandes choses pour ceux-ci”: D.ieu a fait des merveilles pour le peuple juif.
Nous répondrons à ces propos:
“D.ieu a certes fait de grandes choses pour nous”.
Quelle en est la raison? “Nous étions joyeux!”
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch) H.N.
Vivre avec la Paracha
Vayéra : S’Il est là, pourquoi ne peut-on Le voir ?«Et D.ieu lui apparut dans les plaines de Mamré» (Béréchit 18 :1)
C’était le troisième jour après qu’Avraham fut entré dans une alliance éternelle avec D.ieu. A l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, à la requête de D.ieu, Avraham s’était lui-même circoncis. Maintenant, alors qu’il était assis à l’entrée de sa tente, D.ieu lui apparut.
Certes, D.ieu, dans le passé, s’était déjà manifesté à Avraham, mais jamais dans une révélation de cette importance. Le niveau de Divinité qu’Avraham perçut, en ce jour, dépassa tout ce dont il avait été témoin dans le passé. Et contrairement à ses autres expériences avec la Révélation Divine, où Avraham était submergé et tombait sur le sol, cette fois-ci, il ne fit pas face à une manifestation effrayante. Il resta tranquillement assis et s’y immergea.
Et c’est précisément ce dont il s’agit avec la Brith Mila (l’alliance de la circoncision). C’est une Mitsva qui crée un pont entre le niveau le plus haut et le niveau le plus bas. D’une part, c’est la Mitsva la plus élevée de la Torah. Comme l’exprime Maimonide (Lois de la Circoncision 3 :9) «Trois alliances furent établies concernant [l’observance de] toutes les Mitsvot de la Torah alors que treize alliances le furent concernant la circoncision». Et d’autre part, c’est la seule Mitsva qui pénètre concrètement le corps humain et plus particulièrement, la partie du corps la plus associée au physique, et l’imprègne d’une sainteté extraordinaire. Et c’est par l’intermédiaire de cette Mitsva que nous avons la capacité d’infuser non seulement notre corps mais notre habitat profane entier de Divinité.
Cela explique également pourquoi nos Sages nous disent que les descendants d’Avraham furent récompensés par la Terre d’Israël comme héritage éternel, par le mérite de la circoncision. Car l’aptitude à faire pénétrer la terre de sainteté, avec toute la matérialité qu’elle représente, dérive de cette Mitsva.
Avant qu’Avraham ne se circoncise, il n’était pas un «canal» pour la Révélation Divine. Le spirituel et le matériel ne pouvaient fusionner facilement. Mais une fois circoncis, «D.ieu lui apparut», dans une Révélation Divine qui ne dérangeait plus sa sérénité.
Qui est «lui» ?
Il est intéressant de noter que le verset ne dit pas que D.ieu apparut à Avraham mais que «D.ieu lui apparut…»
A la lecture du texte, il nous faut comprendre qu’en tant que descendant d’Avraham, en tant qu’individu ayant pénétré dans «l’Alliance de notre Père Avraham», chacun de nous est un héritier de tout son destin spirituel, y compris de cette Révélation lors de sa circoncision.
«Lui» se réfère à chacun d’entre nous.
La différence ? Avraham vit concrètement cette Révélation, ce qui n’est pas le cas de la majorité d’entre nous.
Le cri d’un jeune garçon
Le 20 ‘Hechvan, qui tombe toujours à proximité de la Paracha de Vayéra, est le jour de l’anniversaire du cinquième Rabbi de Loubavitch, Rabbi Chalom DovBer (1860-1920). Alors qu’il était un jeune garçon de cinq ou six ans, il se rendit chez son grand-père, Rabbi Mena’hem Mendel, le troisième Rabbi, lors du Chabbat Parchat Vayéra, à l’occasion de son anniversaire. L’enfant éclata en pleurs : «Pourquoi, sanglota-t-il, D.ieu se révéla-t-il à Avraham et pas à nous ? !»
Le Rabbi répondit : «Quand un Juste Juif, à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, décide de se circoncire, il mérite que D.ieu Se révèle à lui».
L’histoire fut plus tard relatée par Rabbi Chalom DovBer et publiée par son fils, Rabbi Yossef Its’hak, le sixième Rabbi.
Mais pourquoi ? Pourquoi répéter une histoire qui risque d’attrister ? Pourquoi nous dire que D.ieu ne Se révèle qu’ «à un Juste Juif qui décide de se circoncire à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans» ? En quoi cette histoire peut-elle concerner le Juif «moyen» ?
La sagesse au-delà de ses années
Le petit Chalom DovBer avait bien compris à quel point Avraham était grand par rapport à nous. Mais, arguait-il, Avraham est notre père et en tant qu’héritiers, nous avons reçu toute la grandeur spirituelle qu’il a acquise, y compris la récompense qu’il reçut pour avoir courageusement choisi de se circoncire à un âge avancé. Ainsi, pourquoi ne pouvons-nous percevoir D.ieu comme le fit Avraham ?
Rabbi Mena’ hem Mendel expliqua gentiment : Certes, nous avons tous reçu les mêmes niveaux sublimes de Divinité que ceux qu’expérimenta et intériorisa Avraham. Mais pour percevoir cette Révélation, il nous faut nous-mêmes être méritants. Nous pouvons hériter d’un cadeau, mais le raffinement nécessaire pour le percevoir ne peut pas venir d’un autre. Cela, nous devons l’accomplir nous-mêmes.
L’aspiration à voir
La conscience qu’en fait chacun d’entre nous a expérimentée et expérimente cette Révélation extraordinaire engendre une intense aspiration à la voir et nous conduit à faire tout ce qui est entre notre pouvoir pour le mériter. Et cela se fait particulièrement en incorporant dans notre vie la leçon essentielle de la circoncision : apporter l’harmonie dans notre vie personnelle entre la spiritualité et la matérialité, imprégner notre être tout entier et le monde environnant de sainteté, de Torah et de Mitsvot.
Et en dernier ressort, nous attendons la plus grande des Révélations, celle qui sera vue concrètement par chaque être vivant, avec la venue de Machia’h.
Le Coin de la Halacha
En quoi consiste l’essentiel de l’étude de la Torah pour le débutant ?Celui qui découvre le monde de l’étude de la Torah – le Baal Techouva – apprendra d’abord comment se conduit un Juif depuis son lever jusqu’à son coucher. Il étudiera la structure des prières et des bénédictions usuelles et les principales traditions. On l’initiera aux lois principales du Chabbat et des fêtes, de la cacherout ainsi qu’aux lois morales telles que l’interdiction du vol, du mensonge, de la médisance, de l’orgueil, du gaspillage (de temps, d’argent, d’objets…) etc.
Une fois que le débutant aura maitrisé la lecture de l’hébreu – ou même avant – il étudiera les textes sacrés : ‘Houmach (Bible), Michna, Choul’han Arou’h (lois), Guemara etc. Dès que possible, il récitera chaque jour des Tehilim – Psaumes, éventuellement en phonétique au départ mais le plus rapidement possible dans le texte hébraïque.
Tout Juif a l’obligation d’étudier la Torah, qu’il soit riche ou pauvre, qu’il soit en bonne santé ou non, qu’il soit jeune ou âgé et même s’il est occupé toute la journée pour nourrir sa famille.
Dès que l’enfant sait parler, son père lui enseigne le verset «Torah Tsiva Lanou Moché Moracha Kehilat Yaakov» (La Torah que Moïse nous a enseignée est un héritage pour la communauté de Jacob).
Les femmes et jeunes filles ont l’obligation d’étudier la Torah, les lois qui les concernent ainsi que la ‘Hassidout qui permet d’apprendre à connaître, aimer et respecter D.ieu.
F. L. (d’après Hamitsvaïm Kehil’hatam)
De Recit de la Semaine
Oui, nous le pouvons !En 1992, une dame élégante de 85 ans entra dans le bureau de Rav Yaakov Biderman, l’émissaire principal du Rabbi de Loubavitch en Autriche.
«Je m’appelle Margareta Chayos ; j’étais chanteuse d’Opéra et je vous annonce que j’étais la première émissaire du Rabbi ici, bien avant vous, quoi que vous en pensiez !»
Descendante des Rabbis de Viznitz, elle avait abandonné «l’ancien mode de vie» pour se jeter avec frénésie dans «la vraie vie» et s’était établie à Vienne où elle était devenue chanteuse d’Opéra.
Quand la guerre éclata, elle parvint à s’enfuir grâce à l’aide d’amis non-juifs et arriva aux Etats-Unis où elle épousa un descendant du célèbre commentateur talmudique, le Maharatz Chayos. Là elle donna naissance à leur fille qui épousa un médecin juif, de fait une sommité du monde médical et, par ailleurs, grand donateur du mouvement Loubavitch. Ce fut à l’occasion d’un gala de collecte de fonds que ce médecin fut gratifié d’une entrevue avec le Rabbi et sa belle-mère eut l’honneur d’y participer également.
«Quand je suis entrée dans le bureau du Rabbi, je ne sais pas pourquoi, j’ai ressenti que, pour la première fois depuis la Shoah, je pouvais pleurer – pour tous les membres de ma famille que j’avais perdus. Je racontai au Rabbi toute ma vie et il m’écouta intensément. J’annonçai au Rabbi que je désirais retourner à Vienne. Le Rabbi me demanda alors de remplir deux missions pour lui, là-bas : transmettre ses amitiés au Grand-Rabbin de Vienne, Rav Aquiba Eisenberg et, d’autre part, rendre visite à un certain professeur juif de l’Université de Vienne, M. Frankel. Je devais lui transmettre ses amitiés et lui dire au nom du Rabbi qu’il ne devait pas abandonner. Il devait rester ferme dans ses idées et continuer à travailler avec vigueur et enthousiasme. S’il restait fort dans ses opinions, il parviendrait à vaincre tous les obstacles ! Et le Rabbi développa assez longtemps ce thème.
A Vienne, je n’eus aucun mal à trouver Rav Eisenberg mais à l’Université, on n’avait pas vu M. Frankel depuis deux semaines et on refusait de me donner son adresse. Je dus me débrouiller autrement et finis par la trouver.
Quand j’arrivai devant sa maison, je sonnai à la porte. Une femme ouvrit et je pus distinguer derrière elle de nombreux crucifix.
Quelques instants plus tard, le professeur apparut. Il avait l’air désabusé, semblait très nerveux et je me sentis mal à l’aise : «J’ai pour vous un message d’amitié de Rabbi Schneerson, de Brooklyn !» annonçai-je.
- Qui est-ce ? demanda-t-il, les yeux dans le vague.
- Le Rabbi m’a demandé de vous transmettre de ne pas désespérer, de rester ferme dans vos convictions et de continuer vos travaux avec détermination. Si vous avancez avec confiance en vous et en vos idées, vous connaitrez le succès ! »
Son visage changea complètement.
- Je ne peux pas le croire ! affirma-t-il. Il s’essuya le visage et continua : «Ce Rabbi de Brooklyn a su exactement quand vous envoyer ! C’est un vrai miracle ! Vous m’avez sauvé !» Il pleurait à nouveau et n’arrêtait pas de me remercier.
Après le départ de Margareta, le rav Biderman procéda à une petite enquête. Le professeur Victor Frankel était encore vivant, il avait 87 ans et était devenu célèbre. De plus, il était un contributeur régulier de son Beth ‘Habad à Vienne ! Rav Biderman raconte :
«Je lui téléphonai, me présentai et lui demandai de me recevoir :
- Je ne me souviens plus du nom de la dame mais je me souviens très bien de sa visite ! Jamais je ne l’oublierai ! Ma gratitude envers Rabbi Schneerson est éternelle ! proclama Dr Frankel.
Il raconta qu’étudiant, il avait excellé dans les domaines de la neurologie et de la psychiatrie : il avait fait partie du cercle intime de Freud, le père de la psychanalyse.
Déjà avant la guerre – et encore plus durant ses trois terribles années passées à survivre dans les camps – il avait développé des idées contraires aux théories de Freud. Celui-ci soutenait que l’homme avait la capacité de s’élever spirituellement, de se libérer des contingences et d’être capable de donner un sens à la vie. Il avait vu dans les camps des êtres dénués de tout mais capables de donner leur dernier morceau de pain à d’autres détenus. Tout peut être pris à un homme sauf sa liberté de choisir le bien !
Mais dans les milieux universitaires d’après-guerre, les idées de Freud étaient les seules admises tandis que celles de Frankel étaient dédaignées, considérées comme fanatiques et non-scientifiques.
- Rav Biderman ! s’exclama Dr Frankel. J’ai survécu à la déportation mais je ne pouvais pas supporter la dérision de mes collègues. Je n’avais plus d’amis, plus d’étudiants ; j’envisageai la démission ou même pire, quand cette femme entra et me transmit le message du Rabbi ! Espoir ! Inspiration ! Quelqu’un à Brooklyn - qui plus est un Rabbi ‘hassidique - avait entendu parler de moi, appréciait mes théories et connaissait mon état d’esprit ! Je n’étais plus seul !
Et je me suis battu. Peu de temps après, on m’a offert une chaire à l’Université. Mon livre a été traduit en anglais («Man’s search for meaning») et je suis devenu célèbre.
Quand ‘Habad s’est installé à Vienne, je suis devenu un de ses premiers donateurs».
Le livre de Victor Frankl a marqué un tournant dans la pensée moderne et a donné à la psychiatrie un ton positif. Il devint un orateur recherché de par le monde, obtint 29 titres de Docteur Honoris Causa. Son premier livre fut vendu à plus de dix millions d’exemplaires et fut cité par la bibliothèque du Congrès américain comme l’un des livres ayant eu le plus d’influence au XXème siècle !
Tout ceci ne serait pas arrivé sans l’intervention discrète mais prophétique et aimante du Rabbi.
En 2003, Shimon Cown, un australien ‘Hassid de Loubavitch – par ailleurs expert de l’œuvre de Frankel – rendit visite à sa veuve non juive. Ils parlèrent pendant des heures puis elle apporta une paire de Téfiline et un Talit :
- Mon défunt mari les portait chaque jour ! Quand on lui demandait s’il croyait en D.ieu, il répondait par une pirouette.
Apparemment le Rabbi influença Victor Frankel bien davantage qu’on ne l’imagine !
Rav Tuvia Bolton - www.ohrtmimim.org/torah
traduit par Feiga Lubecki