Samedi, 23 janvier 2021

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Editorial

 Toujours nouveau 10 Chevat

Et si l’on parlait, une fois n’est pas coutume, d’une « histoire ancienne » ? Cela se passait en 5711 – 1951, il y a soixante-dix ans. Dans ce monde si proche encore des horreurs de la guerre, la communauté juive cherchait partout les chemins de sa reconstruction. Le précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, avait quitté ce monde le 10 Chevat de l’année précédente. Dès son arrivée aux Etats-Unis, dix ans plus tôt, il avait posé les principes de son action, en avait jeté les bases. Il y avait tant à faire. Son décès avait bouleversé chacun : qu’allait-il arriver ? L’œuvre pourrait-elle continuer sans son inspirateur ? Un an était donc passé et rien ni personne ne pourrait décrire cette période et cette longue incertitude. Le 10 Chevat 1951 arriva alors et tous surent que le gendre du précédent Rabbi, Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, acceptait de prendre la fonction de Rabbi de Loubavitch. Ce jour-là, un nouveau temps commença, comme une nouvelle naissance.

Ce n’est décidément pas le terme d’ancien qui convient pour qualifier cette histoire. Dès sa première prise publique de parole, celui que tous allaient bientôt connaître sous le simple nom de « Rabbi » indiquait la voie à suivre. S’adressant à chacun, il confia une « mission » qui ne devait plus s’interrompre : aller à la rencontre de l’autre, partager le judaïsme avec lui, donner accès à la tradition juive à celui que les circonstances en avaient privé, faire progresser chacun, et le monde avec lui, jusqu’à l’accomplissement ultime : la Délivrance. Cette mission est celle qui continue de conduire l’effort de tous. Elle commença il y a à présent soixante-dix ans.

Soixante-dix ans, est-ce, pour une telle entreprise, l’âge du repos, le temps mérité d’une certaine sérénité ou d’un retrait quelconque de l’impétuosité de l’action ? En aucun cas. Car ce qui est vivant ne peut jamais que grandir et se développer. C’est même là sans doute le trait marquant de la vie. Alors que soixante-dix ans se sont écoulés depuis la prise de fonction du Rabbi, que soixante-dix ans d’initiatives ont profondément fait évoluer le judaïsme mondial, le 10 Chevat est le jour privilégié où, prenant pleinement en charge la tâche qui nous incombe, nous en concrétisons tous les possibles, jusqu’au cœur : l’avènement des temps messianiques.

Etincelles de Machiah

 L’obscurité et la lumière

A l’époque du Tséma’h Tsédèk, le troisième Rabbi de Loubavitch, le gouvernement russe imposa la conscription trois fois dans une même année. C’est ainsi que des milliers de jeunes Juifs, souvent déjà mariés, furent contraints d’aller combattre au loin dans l’armée du tsar, étant pourtant leur oppresseur.

Certains ‘hassidim dirent alors devant le Tséma’h Tsédèk : « Quel terrible décret... Cela ne fait aucun doute : nous sommes arrivés au temps de Machia’h ! »

Le Tséma’h Tsédèk répondit : « Quand le Machia’h viendra, c’est une grande lumière qui apparaîtra, une lumière merveilleuse. Qui sait quelle obscurité il doit y avoir avant une telle lumière ! »

 (D’après Lechema Ozen p. 59)

Vivre avec la Paracha

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Les trois dernières plaies accablent l’Égypte : une armée de sauterelles dévorent les cultures et la végétation ; une obscurité épaisse, palpable enveloppe le pays et tous les premiers-nés de l’Égypte sont tués aux coups de minuit, le 15 du mois de Nissan.

D.ieu ordonne la première Mitsva au Peuple d’Israël : celle d’établir un calendrier basé sur le renouvellement de la lune. Les Hébreux sont également enjoints d’apporter une « offrande pascale » à D.ieu : un agneau ou un chevreau doit être abattu et son sang aspergé sur les jambages ou les linteaux de chaque demeure des Hébreux, pour que D.ieu « passe par-dessus » ces foyers quand Il viendra tuer les premiers-nés égyptiens. La viande rôtie de l’offrande sera consommée en cette nuit avec la Matsa (pain non levé) et les herbes amères.

La mort des premiers-nés finit par briser la résistance du Pharaon et il renvoie littéralement les Enfants d’Israël de sa terre. Ils doivent s’en aller dans une telle hâte que leur pâte n’a pas le temps de lever et les seules provisions qu’ils emportent sont ce pain non levé. Avant de partir, ils demandent à leurs voisins égyptiens de leur remettre de l’or, de l’argent et des vêtements, réalisant ainsi la promesse faite à Avraham que ses descendants quitteraient l’Egypte avec de grandes richesses.

Les Enfants d’Israël reçoivent le commandement de consacrer tous les premiers-nés et de célébrer chaque année l’anniversaire de l’Exode, en se débarrassant de tout le levain en leur possession pendant sept jours et de raconter leur rédemption à leurs enfants. Ils sont également enjoints de mettre les tefilines sur le bras et la tête, en souvenir de l’Exode et de leur engagement à D.ieu.

Le voyage de l’âme

A trois reprises, dans la Torah, le mot « Hachevii », « le septième » est écrit avec une lettre en moins : un Youd. La première fois, c’est dans notre Paracha, dans le verset interdisant de consommer du ‘Hamets, du pain et des produits contenant du levain, à Pessa’h. La Torah interdit ici à « quiconque de manger du levain, depuis le premier jour jusqu’au septième jour… »

La seconde occurrence se rencontre dans un verset concernant le Chabbat : « Le peuple se reposa le septième jour ».

La troisième fois qu’un Youd vient à manquer concerne une référence aux Fêtes solennelles de Tichri, où il est statué : « Vous ferez retentir le son du Choffar le septième mois. »

Pourquoi ces trois mots sont-ils dépourvus de la lettre Youd ?

La satiété

Le Baal Hatourim explique que lorsqu’est omis le Youd, le mot « Chevii » est transformé en « Sovéa » (mêmes lettres hébraïques) qui signifie « rassasié ». Quelle en est la signification ?

La Talmud nous explique qu’avant qu’un enfant ne naisse, D.ieu requiert de son âme qu’elle fasse un serment. L’âme s’engage à « être juste et non impie ».

Certaines questions évidentes se soulèvent immédiatement. Combien de nous se souviennent-ils de ce serment ? Et si l’on ne se le rappelle pas, à quoi sert ce serment ?

Le cheminement de l’âme

Le Tséma’h Tsédèk explique l’objectif de ce serment. Le mot hébreu pour « serment » : « Chevoua » possède les mêmes lettres que « Sovéa », « rassasié » et que « Chéva », « sept ». Ces mots qui sont en corrélation décrivent le cheminement de l’âme. L’âme fait un serment et cela la rassasie, lui donne l’aptitude et la force de surmonter toutes les difficultés qu’elle rencontrera durant sa vie dans le corps. Elle pourra, grâce à cette force, purifier le corps et les sept attributs négatifs provoqués par l’âme animale.

Ce concept peut également s’appliquer ici : les trois endroits où le Youd manque dans le mot « Chevii » évoquent les trois étapes du cheminement de l’âme.

Durant les Fêtes solennelles du septième mois, nous nous engageons à nouveau à servir D.ieu. Cela est équivalent à prêter un serment.

Le Chabbat, le septième jour de chaque semaine, nous sommes rassasiés de la nourriture spirituelle du Chabbat et nous prenons de la force pour surmonter les difficultés qui peuvent survenir dans la semaine qui vient.

Durant les sept jours de Pessa’h, nous devons nous purger de l’arrogance, symbolisée par le ‘Hamèts, le levain.

Notre serment, c’est-à-dire le fait que nous soyons rassasiés, nous permet de transformer ces sept attributs négatifs en qualités et donc de sortir de notre exil personnel.

Le 10 Chevat

Rabbi Yossef Yits’hak Schneersohn était le sixième Rabbi de Loubavitch. Il quitta ce monde le Youd (10) Chevat, un Chabbat, le septième jour de la Paracha Bo. La lettre Youd, qui a la forme d’une flamme, représente la Nechama, « la flamme de D.ieu ».

Ainsi, l’absence du Youd dans le mot « Hachevii », présent dans cette Paracha, fait allusion au fait que la Nechama est montée au Ciel.

Le Zohar suggère que le « travail » d’un Rabbi ou de chaque chef spirituel est de « rassasier » sa génération de Emèt, de vérité, c’est-à-dire d’une véritable foi en D.ieu, Sa Torah et Ses Mitsvot. C’est la raison pour laquelle, de sa place dans les Cieux, Rabbi Yossef Its’hak continue à rassasier ses disciples et le monde en général, car « il a laissé la vie pour tous les vivants ». En fait, il est encore plus présent dans ce monde qu’auparavant.

Dans son dernier discours écrit, Rabbi Yossef Its’hak nous parle de la nature de notre mission, en tant que septième génération depuis Rabbi Chnéor Zalman, fondateur du mouvement ‘Habad-Loubavitch. Nous devons faire venir la Che’hina, la révélation de l’Essence Divine, dans ce monde, par l’observance de la Torah et des Mitsvot. Moché, le septième dirigeant du Peuple juif après Avraham, nous apporta la rédemption d’Égypte. Ainsi, nous aussi, la septième génération, serons-nous les témoins de la Rédemption Ultime par notre Juste Machia’h.

Une histoire

Rav Yaakov J. Hecht, de mémoire bénie, raconta cette histoire.

Rav Shmaryahou Gurary était le gendre aîné de Rabbi Yossef Its’hak et le beau-frère du Rabbi. Peu de temps après le départ de ce monde de Rabbi Yossef Its’hak, en 1950, Rav Gurary demanda à Rav Hecht de l’aider à ramasser de l’argent pour la Yechiva Loubavitch. Lors d’un voyage à Chicago pour lever des fonds, Rav Gurary rencontra un philanthrope qui le rejeta en lui disant : « Je connaissais Rabbi Yossef Its’hak. Pourquoi donnerai-je de l’argent maintenant qu’il nous a quittés ? » Désemparé, Rav Gurary appela le Rabbi (Mena’hem Mendel) pour lui demander conseil. Le Rabbi répondit : « Dis-lui que le Rabbi précédent et moi sommes une âme dans des corps séparés. »

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que Tou Bichevat ?

Jeudi 28 janvier 2021, c’est Tou Bichevat, le Roch Hachana - nouvel an des arbres.

On ne récite pas la prière de Ta’hanoun (supplications).

Mercredi soir 27 janvier et jeudi 28 janvier, on consomme de nombreux fruits, en particulier ceux qui représentent la fierté de la Terre Sainte, qui sont cités dans le verset de la Torah : « blé, orge, olive, datte, raisin, figue et grenade ». On s’efforcera également de manger des caroubes ainsi que des fruits nouveaux que l’on n’a pas encore consommés cette année. On veillera à réciter les bénédictions adéquates avant et après manger. On profitera de cette belle occasion pour tenir des réunions joyeuses et productives sur le plan des bonnes résolutions - dans le respect des règles sanitaires.

On aura soin de prélever les différentes dîmes (Terouma et Maassère) sur les fruits provenant d’Israël.

La Torah compare l’homme à un arbre des champs : lui aussi est supposé produire des fruits, c’est-à-dire des Mitsvot, des bonnes actions. De même que le fruit peut produire des arbres qui produiront des fruits etc., de même nos Mitsvot entraînent d’autres Mitsvot, encouragent d’autres Juifs à assumer leur judaïsme, à retrouver leurs racines et à s’enraciner dans un sol riche d’étude de la Torah et de pratique des Mitsvot. C’est ainsi que le Peuple juif se perpétue, se développe et produira d’autres fruits.

A Tou Bichevat, nous mangeons des fruits, nous « produisons » des fruits, nous plantons des graines de bonnes actions.

Le Recit de la Semaine

 L’espion démasqué

Durant près de 20 ans, dans les années 60 et 70, j’ai été mandaté à New York où j’occupais une position importante dans le Mossad, les services de renseignements israéliens. C’était, je crois, en 1967 qu’un de mes collègues du Consulat israélien m’invita à rejoindre une délégation qui allait participer aux célébrations de Sim’hat Torah à Brooklyn, chez le Rabbi de Loubavitch. Je fus surpris par cette idée, ne sachant absolument pas à quoi m’attendre ; je demandai si je pouvais emmener mon épouse, on me répondit que oui.

Quand nous sommes arrivés devant la synagogue du 770 Eastern Parkway, les danses avec la Torah n’avaient pas encore commencé (les ‘Hassidim plus jeunes étaient partis dans les synagogues des environs pour y apporter la joie, danser et prononcer quelques enseignements du Rabbi). En attendant leur retour pour ainsi dire, le Rabbi dirigeait une réunion ‘hassidique pour les plus anciens. L’endroit semblait bien trop petit pour la foule qui continuait à entrer mais apparemment, notre délégation était attendue et nos sièges étaient réservés.

On nous mena dans cette grande synagogue où l’émotion était palpable, on chantait tandis que le Rabbi tapait des mains.

Soudain, un ‘Hassid s’approcha de moi : « Le Rabbi veut vous parler ! ».

J’étais très surpris : le Rabbi ? À moi ? Comment le Rabbi savait-il d’ailleurs qui j’étais ?

- C’est sans doute une erreur !

Telle fut ma réaction mais l’homme insista que le Rabbi voulait me parler à moi personnellement.

Je demandai à mes collègues lequel d’entre eux avait informé le Rabbi de ma présence : il faut bien comprendre que j’occupais un poste très sensible et que je veillais toujours à garder un profil bas, personne n’était supposé connaître mon identité ou même l’endroit où je me trouvais. Mais tous mes camarades affirmèrent qu’ils n’avaient absolument pas révélé ma fonction ou ma présence à qui que ce soit.

- Je suis content de vous voir ici, me salua le Rabbi, en yiddish.

- Comment le Rabbi sait-il que je parle le yiddish ? lui répondis-je, de plus en plus surpris.

Avec le recul, je réalise qu’il ne convenait pas de parler ainsi au Rabbi mais apparemment cela ne le choqua pas et il continua de me sourire et de déverser sur moi ses bénédictions pour que j’ai du succès dans mon travail, que je sois en bonne santé et que je gagne correctement ma vie : « Veillez à vous-même et soyez attentif ! Votre travail est très important pour le Peuple juif ! » continua-t-il.

En tant que membre du Mossad, je me suis presque senti en danger ! Je ne comprenais pas ce qui se passait ! D’habitude, c’était moi qui devais semer la surprise et la panique, avec des actions d’éclat, rapides et précises - surtout d’ailleurs parmi les ennemis d’Israël. J’étais donc convaincu que mes collègues m’avaient menti et avaient informé le Rabbi : après tout, eux aussi étaient des experts en espionnage et savaient travestir la vérité sans broncher : j’allais m’occuper d’eux plus tard et leur faire comprendre qu’ils avaient des comptes à me rendre pour leur légèreté !

Puis le Rabbi me posa des questions sur ma famille, mes parents, ma sœur (Comment le Rabbi savait-il que j’avais une sœur ?) puis sur ma femme et mes enfants. Je signalai que ma femme était présente à cette réunion et il dit : « Oui, je sais, elle est assise avec les femmes dans la galerie en-haut ».

Bien entendu, j’étais de plus en plus étonné : que se passait-il ici ? Qui s’était moqué de mon anonymat si précieux ? Les liens entre le consulat et le Rabbi étaient-ils si étroits qu’on m’avait tendu un piège ? J’étais absolument paniqué, ne sachant qu’en déduire.

Le Rabbi continuait : « Comment ressentez-vous votre judaïsme ? ». Je supposai qu’il me posait la question car je n’avais pas une apparence juive évidente, ce qui était une des raisons pour lesquelles j’avais été sélectionné pour ce job peu conventionnel. Mais je me sentais juif de toutes les fibres de mon être et c’est ce que je répondis au Rabbi. Puis il me demanda comment se passaient mes voyages dans le monde en tant que Juif. Je répondis qu’aux États-Unis, je veillai toujours à envoyer mes enfants à l’école juive et que je tenais toujours à manger cachère : quand mon travail me mettait dans des positions délicates, je prétendais être végétarien pour éviter de consommer des aliments non-cachères.

J’ignore combien de temps ce dialogue a continué mais il me sembla certainement beaucoup plus long qu’il ne le fut en vérité. J’avais l’impression d’être là depuis une demi-heure mais ce ne fut sans doute pas plus que quelques minutes. Je me sentais vaguement mal à l’aise de faire attendre ainsi toute l’assemblée et je me permis de le signaler au Rabbi : « Cela fait longtemps que nous parlons, les gens attendent… ». C’était encore audacieux de ma part - qui étais-je pour dicter au Rabbi son emploi du temps ? Mais il ne semblait pas impressionné et prenait tout son temps pour me parler.

A la fin, il me donna un morceau du traditionnel gâteau au miel et me bénit encore une fois pour que je connaisse le succès dans ma mission, que je reste fort et en bonne santé. Pour moi, c’était très important car j’avais plusieurs fois été blessé dans le cadre de mon travail.

Alors que je me frayais un chemin vers ma place, les gens me demandèrent des petits morceaux du gâteau et, quand j’arrivai vers mes camarades, il ne me restait plus que quelques miettes…

Ce qui me préoccupait vraiment, c’était de parvenir à déterminer qui m’avait trahi : « Lequel d’entre vous a tout raconté au Rabbi ? ». Ils étaient aussi interloqués que moi. Malgré mon insistance pour connaître la vérité, je fus obligé de reconnaître qu’il était impossible de comprendre comment le Rabbi connaissait tous ces détails sur ma vie et en connaissait sûrement encore davantage que ce qu’il m’avait révélé. Étais-je donc transparent ? Cela posait problème pour la suite de ma mission ! Or, si vraiment j’étais si transparent, pourquoi personne d’autre ne le remarquait ? Pourquoi seulement le Rabbi ?

Je gardai ces questions lancinantes longtemps à l’esprit jusqu’à ce que, des années plus tard, je rencontre un ‘Hassid qui me répondit tout simplement : « C’est cela, un Rabbi ! ».

Eitan Lev - JEM

Traduit par Feiga Lubecki

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