Semaine 1

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Editorial

 Le peuple solitaire

Le peuple juif a une longue histoire et, sans doute, une mémoire également longue. Sous toutes les latitudes, il a traversé des temps de bonheur et, peut-être plus souvent, des temps de détresse, des temps de liberté et des temps d’oppression, des temps de lumière et des temps d’obscurité. Il a parfois rencontré, sur son chemin, des compagnons de route. Quelquefois, des amitiés se sont forgées, la confiance est née. Parfois même, le peuple juif a pu se croire arrivé sur des rivages paisibles. La conscience en repos, il a pensé pouvoir enfin éprouver la douce saveur des existences discrètes, de cette sorte de vie qu’aucun événement marquant ne vient troubler. Vivre tranquille et serein du soir au matin : ambition à la fois grande et petite. Etre comme tout le monde : l’ultime espoir de tous ceux qui ressentent profondément la fatigue de l’Histoire.

Quelle que soit la légitimité ou la pertinence d’un tel désir, force est de constater que bien rares sont les temps où il fut assouvi. Au contraire pourrait-on dire, à chaque fois qu’un tel petit bonheur paraît à portée, les événements font qu’il s’éloigne et devient vite, pour ainsi dire, presque inaccessible. Le peuple juif n’est pas un peuple comme les autres. Comment ne pas entendre constamment résonner à nos oreilles le verset biblique : «C’est un peuple qui réside solitaire et ne se confond pas avec les autres nations» ? Comment ne pas lui trouver une extraordinaire actualité quand on entend, de-ci de-là, remettre en cause les spécificités de la vie juive, quand on voit décrier son particularisme et son souci de fidélité à l’heure où on propose aux peuples un modèle unique ? On peut alors se sentir décidément bien seul…

Si c’est de «solitude» qu’il s’agit, il faut reconnaître qu’elle ne manque pas d’une certaine grandeur. Les amis d’hier peuvent avoir cessé de nous comprendre et les traditionnels donneurs de leçons avoir repris du service, convictions de commande en bandoulière, mais qu’à cela ne tienne : le peuple «qui réside solitaire» a repris sa place dans l’Histoire. Il assume totalement son destin : celui de porteur de lumière, de témoin de sagesse et d’acteur d’une morale qui transcende les aires et les ères sociales. Le rôle est certes exigeant. Il est cependant très précieux, autant pour le peuple juif lui-même que pour tous les hommes. Quand les messages qui retentissent suscitent des interrogations, il est temps de nous retrouver. Fidèles à nous-mêmes, conscients du poids de nos actes, persévérants dans nos accomplissements, et, finalement, éternellement liés à D.ieu par Sa Torah et Ses commandements, nous poursuivons notre chemin. Afin que monte enfin la lumière : l’ère messianique est à notre porte.

Etincelles de Machiah

 La justesse du jugement

Isaïe (11 :4), décrivant l’œuvre de Machia’h, déclare : “Il jugera le pauvre avec justesse”. Le pauvre est ici désigné, en hébreu, par le terme “dal”. Il est celui qui ne parvient pas à se contrôler. Il sait discerner le bien et le mal mais il manque de la détermination nécessaire pour traduire cette compréhension dans la pratique quotidienne. Le mot qui le désigne, “dal”, souligne ce manque. La Torah (Lévitique 14 :21) le traduit ainsi : “Celui dont la main n’atteint pas”.

Cet homme spirituellement pauvre qui ne parvient pas à “se prendre en main” sera jugé par Machia’h, annonce le prophète. Mais ce jugement sera mené avec “justesse” car Machia’h relèvera ses circonstances atténuantes.

(d’après Likouteï Dibourim, vol. II, p. 645) H.N.

Vivre avec la Paracha

 Bo

L’humilité de la lune

Bien avant l’Exode, D.ieu ordonna à Moché de réunir le Peuple Juif et de commencer à l’instruire. Il s’agissait de lui enseigner comment être Juif.

«Ce mois sera pour toi le premier de tous les mois» (Chemot 12 :2)

Le Midrach Me’hilta explique :

D.ieu montra à Moché la lune dans son renouveau et lui dit : «Quand la lune se renouvelle, tu auras un nouveau mois».

La toute première mitsva commandée par D.ieu fut celle de sanctifier le nouveau mois quand la lumière de la lune réapparaît. Cette injonction devait être la toute première des centaines de directives qui allaient suivre.

L’une des raisons qui explique pourquoi la préséance fut accordée à la bénédiction sur la nouvelle lune par rapport aux autres mitsvot est que le Juif est comparable à la lune : notre identité est rattachée à la danse cyclique de l’astre.

Suivre la progression de la lune est comparable à relire chaque mois notre ordre de mission. La lune nous permet d’appréhender le sens profond de notre voyage. Dans la quête de notre identité profonde, nous nous tournons que vers l’un des deux luminaires, la lune et non vers le soleil.

Le Talmud l’exprime ainsi : «le Peuple Juif est comparé à la lune et c’est pourquoi nous comptons en fonction de son cycle».

La similitude la plus évidente, entre les Juifs et la lune, est leur oscillation constante. Dans le graphique démographique des six millénaires de notre histoire, la courbe monte et descend, montrant des points culminants dans l’ascension et dans la descente. Nous étions deux millions à l’époque du Roi David et deux cent mille après l’exil babylonien. Durant le règne des Hasmonéens, notre peuple comptait trois millions d’âmes et après la destruction du Beth Hamikdach, nous ne fûmes plus que neuf cent mille. Enfin, nous atteignîmes le chiffre de dix-huit millions en 1939 pour n’être plus que douze millions, six ans plus tard.

Tout comme la lune, nous ne sommes pas stables (dans ce domaine) et tout comme la lune, nous faisons preuve de résilience, de résistance. Et quand nous pensons avoir touché le fond, nous rebondissons et recommençons.

Ainsi la sanctification de la lune donne-t-elle un message d’espoir et de renaissance. Elle nous transmet le message de notre puissance, ce que le soleil ne fait pas.

La Cabbale donne un nouvel éclairage à la relation entre la lune et le Juif. Elle voit le soleil comme générateur de deux types de lumières : une lumière extérieure et visible, dont la fonction est d’illuminer la terre et générer la photosynthèse, et une lumière «intérieure». La lumière intérieure n’implique pas forcément un accomplissement. Il s’agit simplement d’être. Elle est trop sublime pour être exposée directement à partir du soleil. Elle ne se montre que réfléchie par la lune. Bien que la lumière de la lune paraisse plus faible que les rayons directs du soleil, elle reflète en réalité la lumière «intérieure», essentielle du soleil.

C’est ainsi que se fait le parallèle entre la lune et le Juif. Tous deux apparaissent parfois faibles et pourtant tous deux reflètent une lumière si primordiale qu’elle ne peut briller que par leur intermédiaire.

Le cycle mensuel de la lune est, en fait, un processus continuel de progrès. Quand la lune renvoie la lumière du soleil, ce processus la rend humble. Lentement, elle se plonge dans l’identité du soleil jusqu’à, apparemment, en perdre sa propre indépendance. L’absence de lumière de la lune représente sa dévotion au soleil. Le soleil, conscient de cette dévotion, lui envoie alors sa lumière la plus douce et la plus intérieure. Et à son tour, la lune reflète cette lumière délicate. C’est ainsi que devenir invisible ne constitue pas la fin du processus pour la lune puisque finalement, elle va renvoyer au monde une lumière du soleil, nouvelle et plus profonde.

A l’origine, le soleil et la lune étaient dotés de la même puissance. Le Midrach nous raconte la conversation entre D.ieu et la lune qui renversa cet équilibre. «Maître de l’univers, dit la lune, est-il possible que deux rois (le soleil et la lune) utilisent la même couronne ?». D.ieu répondit : «Le’hi («va») et fais-toi petite». Et c’est ainsi que la lune prit une forme plus petite.

Le mot hébreu Le’hi implique un itinéraire de croissance progressive. «Va et continue à grandir» lui signifiait D.ieu. Il utilisa l’initiative de la lune pour la propulser sur une voie qui requiert une diminution temporaire afin de se hisser à un niveau supérieur, précédemment inaccessible.

Telle était la première leçon pour Moché : bien que la lumière de D.ieu brille constamment sur la terre, notre travail consiste à refléter la lumière intérieure et profonde de D.ieu. Et c’est donc pour cette raison que la nation juive semblera petite et sera persécutée. Mais ne nous leurrons pas devant cette apparente faiblesse. Elle est en fait la clé de notre grandeur. Elle nous permet de refléter pour le monde la quintessence de la Lumière divine. L’humilité n’érode pas l’identité individuelle mais elle fait découvrir une identité plus divine. Tout comme la lune quand elle s’amenuise, la nation juive semble disparaître dans l’exil mais cet effacement n’est que le signe avant-coureur d’une lumière nouvelle et plus essentielle encore, lumière qui brillera à travers les Juifs.

Chaque fois que l’on se sent humilié par les circonstances de la vie, il faut penser à la danse de la lune. Il faut se rappeler que lorsque notre ego est obligé de perdre le contrôle, apparaît alors une opportunité de devenir un partenaire de D.ieu plus proche.

La première conversation de Moché avec son peuple évoquait la lune. Regardez-là, suivez sa progression et vous verrez l’histoire du long exil et l’attente impatiente de la délivrance. Vous verrez l’histoire d’une nation si petite qu’elle est difficilement perceptible et pourtant, elle reflète une lumière si puissante que nul ne peut l’ignorer. Regardez la lune et vous verrez l’humilité annonçant un éclat jusqu’alors inconnu.

Le Coin de la Halacha

 En quoi consiste la Mitsva de rapporter un objet perdu ?

Il est écrit dans la Torah (Chemot – Exode 23 : 4) : «Si tu rencontres le bœuf de ton ennemi ou son âne qui erre, tu le lui rapporteras certainement». Dans Devarim (Deutéronome 22 : 1 à 3), il est précisé : «Tu ne verras pas le bœuf de ton frère ou son mouton s’écarter. Tu t’en cacherais ? Tu les rapporteras à ton frère. Et si ton frère n’est pas proche de toi et tu ne sais pas (où le trouver), tu le recueilleras dans ta maison et il restera avec toi jusqu’à ce que ton frère le réclame et tu lui rapporteras. Ainsi tu agiras avec son âne, ainsi tu agiras avec son vêtement et ainsi tu agiras avec tout objet perdu par ton frère… Tu ne pourras pas t’en cacher».

Donc non seulement nous avons l’obligation de rapporter un objet perdu, nous avons aussi l’interdiction de simplement l’ignorer pour s’éviter toute tracasserie…

Cependant, l’objet perdu doit avoir au moins la valeur d’une prouta (quelques centimes de nos jours) aussi bien au moment où il a été perdu qu’au moment où il est rendu. Cette valeur est évaluée en fonction de celle que lui attribue le propriétaire : ainsi celui qui a perdu une chaussure estime que l’autre chaussure en vaut en fait deux puisqu’une seule chaussure ne sert à rien.

Cependant, si l’objet semble avoir été perdu depuis longtemps, on estime que le propriétaire s’est fait à l’idée et a perdu tout espoir de le retrouver.

De même, si l’objet n’a pas une grande valeur (des papiers gribouillés, des pinces à cheveux de bazar…), on n’est pas obligé de rechercher le propriétaire et de les lui rendre.

Si on est en mesure de localiser le propriétaire d’un objet perdu (grâce à des annonces dans la synagogue par exemple), on doit l’informer de la trouvaille et s’assurer qu’il entend la récupérer, après avoir donné son signalement. Cependant, on n’est pas obligé de dépenser de l’argent pour cela et on peut lui demander de payer les frais d’envoi par exemple. De même on n’est pas obligé de dépenser de l’argent pour tenter de retrouver le propriétaire (par exemple en payant des annonces dans les journaux ou en consacrant beaucoup de temps durant lequel on aurait pu travailler et gagner sa vie) ou alors, on peut demander à être remboursé des frais engagés.

«Si personne n'est venu réclamer l'objet trouvé pour lequel on a pourtant publié une annonce, on doit le garder et ne l'utiliser que pour assurer sa bonne conservation (par exemple dans le cas où le fait de ne pas l'utiliser peut le détériorer)».

On encouragera les enfants à être particulièrement attentifs à cette Mitsva.

F.L. (d’après Yehuda Shurpin – www.chabad.org)

Le Recit de la Semaine

 Catastrophe ?

Quand Rav Yits’hak David Groner s’installa en Australie en 1958 à la demande du Rabbi, il fut l’un des pionniers de cette institution qui devait prendre des dimensions extraordinaires par la suite (l’envoi d’émissaires tout autour du globe). A cette époque, chaque Chalia’h demandait au Rabbi comment agir sur place et recevait des réponses détaillées. (Plus tard, le Rabbi encouragea chacun à utiliser sa propre logique – en accord avec les lignes générales indiquées par ses lettres et discours).

Rav Groner arriva en Australie peu avant les fêtes de Tichri. Il décida d’organiser une grande soirée en l’honneur de Sim’hat Beth Hachoéva – durant les jours intermédiaires de Souccot – mais hésitait quant à la dimension à donner à l’événement. D’un côté, il aurait préféré commencer en grand afin que chacun entende parler du Rabbi et de l’institution qu’il s’apprêtait à fonder sur cette île du bout du monde ; de plus, cela lui permettrait de connaître rapidement un grand nombre de gens. D’un autre côté, il craignait de générer de la jalousie si son entreprise était couronnée de succès.

Plutôt que de décider par lui-même, il demanda au Rabbi qui l’encouragea à organiser une très grande réception. Il loua donc une grande salle avec les services d’un traiteur, un orchestre et une sono performante. Une semaine auparavant, il avait payé des encarts publicitaires dans les journaux juifs, invitant la communauté à célébrer la joie de Souccot avec Loubavitch.

Tout était prêt : la salle (immense), le buffet (somptueux), l’orchestre (gonflé à bloc) mais personne ne vint. Rav Groner attendit, encore et encore, puis un Juif arriva. Un seul Juif !

D’abord, Rav Groner décida d’attendre encore un peu mais le temps passait et personne d’autre ne se présentait. Il était disons déçu. Amer. Anxieux… Il avait pourtant agi comme le Rabbi le lui avait demandé et c’était non seulement une catastrophe au point de vue financier mais, de plus, il serait la risée de tous !

Mais il se reprit et invita le visiteur à s’asseoir. Il prit le micro et se mit à parler comme s’il s’adressait à une foule immense pour expliquer avec émotion, humour et conseils pratiques le sens de la fête puis demanda à l’orchestre de jouer comme dans un mariage avec des centaines de convives (et vous ne pouvez pas imaginer combien c’est difficile de ne jouer que devant une seule personne !). Rav Groner descendit de l’estrade, attrapa la main de son unique invité et le fit danser avec fougue à en perdre l’haleine.

Une fois que la «fête» fut terminée et que les factures furent (difficilement) payées, Rav Groner écrivit au Rabbi : «Je suis désolé ; je pensais avoir obéi exactement aux instructions du Rabbi mais seule une personne se présenta». Il espérait que le Rabbi lui indiquerait quelle avait été son erreur.

Peu après, il reçut une réponse : le Rabbi n’évoquait pas du tout l’échec de Sim’hat Beth Hachoéva mais précisait déjà que l’année suivante, la fête devrait être deux fois plus importante ! Rav Groner ravala sa salive, espéra que les gens avaient oublié sa piètre performance de l’année dernière et que tous ceux qui n’étaient pas venus feraient cette fois-ci l’effort d’être présents et d’amener leurs amis. Cette année-là, il ne se contenta pas des journaux mais il paya aussi une publicité à la radio ; il loua une salle deux fois plus grande, deux traiteurs au lieu d’un et un orchestre encore plus fourni.

Mais cette fois-là aussi, seul un Juif se présenta. Le même !

Rav Groner ne comprenait pas ce qui lui arrivait, il avait agi exactement comme le Rabbi l’avait demandé, avait contracté d’énormes emprunts pour couvrir ces dépenses mais, comme la fois dernière, il demanda aux musiciens de jouer avec enthousiasme pour réjouir cet unique invité.

Et Rav Groner termina de raconter son histoire : «Sachez que toutes les institutions, éducatives, culturelles, cultuelles, charitables que Loubavitch a construit à Melbourne l’ont été avec l’aide financière de ce Juif qui nous honora de sa présence à Sim’hat Beth Hachoéva !».

Traduit par Feiga Lubecki