Samedi, 28 janvier 2023

  • Bo
Editorial

 Un chemin de paix

Lorsque nous prenons le temps de porter le regard sur notre manière de vivre, nous sommes toujours frappés par cette harmonie particulière qui caractérise la vie juive. Rythmée par ce point d’orgue sur la semaine que constitue le Chabbat, accentuée par le début de chacun de ses mois, animée par la solennité récurrente des fêtes, elle déroule son avancée sereine avec une constance, à la fois joyeuse et tranquille, que seuls les drames de l’histoire ont pu parfois démentir. Il ne fait, du reste, guère de doute que c’est cette propriété essentielle qui nous a permis de traverser les tempêtes des peuples sans nous y engloutir, malgré les tentatives des barbares de tous les siècles.

Forts de cette longue expérience, la constatation de la violence sociale croissante ne peut que nous interpeler. Comment des sociétés entières peuvent-elles se laisser emporter par des passions sans frein, au point que les rapports humains sont à même de devenir lieux de conflit brutal, sources d’affrontement direct ? L’homme aurait-il perdu l’aptitude à se voir comme le couronnement de la création, chargé de veiller sur elle et sur les créatures qui la peuplent ? Aurait-il choisi, en une bouleversante déviation, de s’orienter vers l’animalité plutôt que vers une exigence personnelle de raffinement ? Pour nous, la question se pose avec une force accrue car la sagesse donnée par D.ieu dans Sa Torah nous conduit, par essence, sur un autre chemin, radicalement différent.

Nous voici ramenés à une question fondamentale : quel est le facteur fondateur d’une civilisation ? Celle-ci peut-elle se passer d’une norme qui, à la fois, la dépasse et l’encadre ? Elle doit la dépasser afin d’être librement acceptée par tous. Elle doit l’encadrer afin de donner à ses membres le précieux cadeau de la paix. C’est dire que l’homme n’est véritablement humain que lorsqu’il comprend et assume sa place dans le plan Divin. Lorsque cette notion disparaît, quelle que soit la légitimité des concepts qu’on tente de lui substituer, c’est tout un équilibre qui est perdu. Alors, peut-être est-il temps de prendre conscience de cet acquis des générations : il nous revient de construire la paix et le bonheur du monde, et le nôtre. Nous en connaissons le chemin : rendre à l’homme la grandeur que le Créateur lui donna.

Etincelles de Machiah

 Le temps de la préparation

Le Talmud enseigne que le Machia’h viendra au moment où « on n’y pensera pas ». Pourtant, nous observons qu’attendre sa venue fait partie des principes essentiels du judaïsme définis par Maïmonide. Aussi, diverses explications ont été données sur le sens de l’expression. Voici l’une d’entre elles :

La préparation à la venue de Machia’h doit être accomplie pendant le temps de l’exil qui est, justement, une sorte de « on n’y pensera pas » par rapport à la Délivrance. Lorsque l’on éclaire l’endroit le plus sombre, où l’idée même de Délivrance est absente des esprits, qui constitue l’opposé même de la lumière de Machia’h, alors celui-ci arrive.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Chabbat Parchat Ekev 5713)

Vivre avec la Paracha

 BO

Les trois dernières plaies accablent l’Égypte : une armée de sauterelles dévorent les cultures et la végétation ; une obscurité épaisse, palpable enveloppe le pays et tous les premiers nés de l’Égypte sont tués aux coups de minuit, le 15 du mois de Nissan.

D.ieu ordonne la première Mitsva au Peuple d’Israël : celle d’établir un calendrier basé sur le renouvellement de la lune. Les Hébreux sont également enjoints d’apporter une « offrande pascale » à D.ieu : un agneau ou un chevreau doit être abattu et son sang aspergé sur les les linteaux de chaque demeure des Hébreux, pour que D.ieu « passe par-dessus » ces foyers quand Il viendra tuer les premiers-nés égyptiens. La viande rôtie de l’offrande sera consommée en cette nuit avec la Matsa (pain non levé) et les herbes amères.

La mort des premiers-nés finit par briser la résistance du Pharaon et il renvoie littéralement les Enfants d’Israël de sa terre. Ils doivent s’en aller dans une telle hâte que leur pâte n’a pas le temps de lever et les seules provisions qu’ils emportent sont ce pain non levé. Avant de partir, ils demandent à leurs voisins égyptiens de leur remettre de l’or, de l’argent et des vêtements, réalisant ainsi la promesse faite à Avraham que ses descendants quitteraient l’Egypte avec de grandes richesses.

Les Enfants d’Israël reçoivent le commandement de consacrer tous les premiers-nés et de célébrer chaque année l’anniversaire de l’Exode, en se débarrassant de tout le levain en leur possession pendant sept jours et de raconter leur rédemption à leurs enfants. Ils sont également enjoints de mettre les Téfilines sur le bras et la tête, en souvenir de l’Exode et de leur engagement à D.ieu.

L’âme du mal

Il est, parmi les cinquante-quatre Parachiot (sections) de la Torah, certaines qui servent de jalons à l’histoire de l’humanité et à celle du Peuple d’Israël. La Paracha Beréchit relate la création du monde en six jours par D.ieu. Lé’h le’ha décrit le périple d’Avraham pour révéler à un monde païen la vérité du D.ieu Unique. Yitro comporte la révélation sinaïtique et le Don de la Torah à Israël, etc.

Cette liste doit très certainement inclure notre Paracha Bo qui relate l’Exode du Peuple juif d’Égypte. L’Exode marqua notre naissance en tant que nation et nous sommes enjoints de nous « rappeler le jour où tu es sorti d’Égypte, chaque jour de ta vie. » En fait, quand D.ieu Se révéla à nous au Mont Sinaï, Il S’introduisit non comme le Créateur du ciel et de la terre mais comme « ton D.ieu… Qui t’a sorti de la Terre d’Égypte » ! En effet, l’élément qui définit notre relation avec D.ieu n’est pas le fait que nous avons été créés par Lui (dans la mesure où il y a, dans le monde, de nombreuses autres créations divines) mais notre statut d’êtres libres : êtres dans lesquels D.ieu a investi Ses propres infinitude et éternité, des êtres qui ont le pouvoir de transcender les limites du monde matériel et celles de leur propre nature.

Le nom de la Paracha

Bo signifie : « viens ». Ce mot est tiré du verset ouvrant la Paracha dans lequel D.ieu instruit Moché de « venir chez le Pharaon » pour l’avertir de la huitième plaie : celle des sauterelles, et, une fois de plus, transmettre la demande divine que le maître de l’Égypte libère les Enfants d’Israël.

La Torah considère le nom désignant quelque chose comme l’articulation de son essence. Il est donc sûr que tel est le cas des mots employés par la Torah pour elle-même et ce qui la constitue. Le nom d’une Paracha apporte toujours un message essentiel et le thème général de tous les récits qui suivent.

L’on se serait donc attendu à ce que la Paracha de l’Exode porte ce nom lui-même : « Exode » ou un autre nom renvoyant à la signification de cet événement marquant de l’histoire d’Israël. Au lieu de cela, on rencontre un mot qui évoque la venue de Moché chez le Pharaon, événement qui ne semble être qu’un préliminaire à la sortie d’Egypte. En fait, l’idée que le dirigeant du Peuple juif dût se rendre dans le palais du Pharaon pour exiger de laisser sortir son peuple, impliquant en soi que les Juifs étaient toujours sous le joug de l’Égypte et de son maître, paraît même être l’antithèse absolue de l’Exode !

Viens ou va ?

La phrase « viens chez le Pharaon » a également suscité de multiples discussions chez les commentateurs. Pourquoi D.ieu dit-Il de « venir » chez le Pharaon ? N’aurait-il pas été plus approprié de s’exprimer en ces termes : « Va chez le Pharaon » ?

Le Zohar explique que Moché redoutait de confronter le Pharaon à l’intérieur de son palais, alors qu’il était au summum de sa puissance. (Lors d’occasions antérieures, Moché avait reçu l’ordre divin de le rencontrer dans d’autres lieux, comme au bord de la rivière, lors des promenades matinales au Nil du monarque). D.ieu promit donc à Moché que Lui-même l’accompagnerait chez le Pharaon. Le mot « viens » doit donc être compris dans le sens de « viens avec Moi chez le Pharaon. »

Le Zohar poursuit en déclarant que Moché est invité par D.ieu pour rencontrer l’essence la plus profonde du dirigeant et de l’idole de l’Égypte. Nous tirons donc une autre signification des mots « Viens chez le Pharaon » : « viens » dans le sens de « pénètre à l’intérieur ». Pour libérer le Peuple juif, de ce « grand et redoutable serpent », il ne suffisait pas de simplement se rendre chez le Pharaon. Moché devait s’introduire dans l’essence intrinsèque du Pharaon, dans le cœur-même de sa puissance.

Ma rivière

Qui est le Pharaon et que représente-t-il ? Que veut dire son essence intrinsèque ? Pourquoi Moché redoutait-il tant de rencontrer le Pharaon dans son palais alors que D.ieu Lui-même l’y avait envoyé ? Et comment « venir chez le Pharaon » est la clé de l’Exode d’Égypte et de la libération de l’âme de l’homme ?

Le prophète’Hizkiyahou décrit ainsi le Pharaon :

« Le grand serpent qui est allongé au milieu de ses méandres, qui dit : ‘Ma rivière m’appartient et je me suis fait moi-même’ » (‘Hizkiyahou : 29 :3)

En d’autres termes, le mal du Pharaon n’est pas défini par l’immoralité qui caractérisait le culte païen de l’Égypte, pas plus que par le fait qu’il asservit et tortura des millions d’êtres ni qu’il se baignait dans le sang des enfants abattus mais par son égocentrisme, par le fait qu’il considérait sa propre personne comme la source et le modèle de tout.

Car là est la source de tout mal. L’égocentrisme peut paraître un péché moindre par rapport à des actes de cruauté et de dépravation dans lesquels l’homme peut sombrer mais c’est la source et l’essence de tout le mal. Quand une personne considère que sa personne et ses propres besoins sont les arbitres ultimes du bien et du mal, sa moralité (et elle peut être a priori considérée comme une personne morale) est vide de sens. Une telle personne est en fin de compte capable de commettre n’importe quel acte qu’elle considère comme crucial pour satisfaire ses besoins et sa vision égocentrique de la réalité.

Finalement, chaque bonne action est un acte d’abnégation et chaque méfait est un acte d’auto déification. Quand quelqu’un agit dans le bien, qu’il s’agisse de donner une petite pièce à la charité ou de consacrer toute sa vie à une mission divine, il déclare : il y a quelque chose de plus grand que moi et j’y suis engagé. Si l’on viole la Volonté divine, que ce soit par une transgression mineure ou un crime des plus abjects, l’on proclame : « ma rivière m’appartient et je me suis fait moi-même. » Le bien est ce qui est bien pour moi et le mal est ce qui va à l’encontre de ma volonté. Je suis le maître de ma réalité. Je suis D.ieu.

Le secret

Ainsi donc l’égo est-il le mal ? Cet élément fondamental de notre âme est-il un implant étranger que l’on doit déraciner et rejeter dans notre quête du bien et de la vérité ?

En dernière analyse, la réponse est négative. La loi essentielle qui gère la réalité est que : « Il n’y a rien d’autre que Lui », rien n’est contraire, ni même séparé du Créateur et de la Source de tout. L’ego et la sensation de notre propre personne avec lesquels nous sommes nés, nous viennent également de D.ieu. En réalité, ils sont même le reflet de l’égo de D.ieu ! Parce que D.ieu sait Lui-même qu’Il est la seule existence réelle, nous, qui avons été créés à l’image divine, possédons une parcelle de la « sensation de notre propre personne » de D.ieu, qui se manifeste dans la forme de notre propre concept du moi comme le cœur de toute existence.

Ce n’est pas l’ego en soi qui est le mal mais la séparation de cet ego de sa source. Quand nous reconnaissons que notre propre ego est un reflet de l’ego de D.ieu, et que nous le soumettons au Sien, il devient alors un élément moteur dans nos efforts pour rendre ce monde meilleur et plus divin. Mais le même ego, lorsqu’il est coupé de ses racines divines, engendre le mal le plus monstrueux.

Quand D.ieu lui commanda de « venir chez le Pharaon », Moché s’y était déjà rendu à plusieurs reprises, depuis de nombreux mois. Mais il avait eu à faire avec le Pharaon dans ses différentes manifestations : Pharaon le païen, Pharaon l’oppresseur d’Israël, Pharaon le dieu auto proclamé. Mais maintenant, il lui était demandé de pénétrer dans l’essence du Pharaon, dans la source du mal. Il lui était enjoint de s’introduire au-delà du mal du Pharaon, au-delà du ego géant qui insiste : « Je me suis créé moi-même », pour faire face à sa quintessence : le « Je » nu qui émerge du « moi » de D.ieu Lui-même.

Moché ne craignait pas le mal du Pharaon. Si D.ieu l’avait envoyé, D.ieu le protégerait. Mais quand D.ieu lui dit de s’immiscer dans l’essence du Pharaon, il fut terrifié. Comment un être humain pouvait-il supporter une manifestation pure de la Vérité divine ? Une manifestation si sublime qu’elle transcende le bien et le mal et est en même temps la source des deux ?

D.ieu dit alors à Moché : « Viens chez le Pharaon ». Viens avec Moi et ensemble nous nous introduirons dans le palais du grand serpent. Ensemble, nous pénétrerons le moi de ce dieu auto proclamé qui est le cœur du mal. Ensemble, nous découvrirons qu’il n’y a ni substance ni réalité au mal, que tout cela n’est qu’un détournement du divin dans l’homme.

Si cette vérité est trop terrifiante pour permettre à un être humain d’y faire face seul, viens avec Moi et Je te guiderai, Je te conduirai dans le sanctuaire le plus profond de l’âme du Pharaon jusqu’à ce que tu sois face à face avec le secret le plus gardé du mal : c’est qu’en réalité, il n’existe pas.

Quand tu auras appris ce secret, plus aucun mal ne viendra à bout de toi. Quand tu auras appris ce secret, toi et ton peuple serez libres.

Le Coin de la Halacha

 Comment se déroulent les funérailles juives ?

C’est une obligation de la Torah : les héritiers doivent enterrer le défunt comme il est écrit : « Tu l’enterreras certainement le jour-même » (Devarim – Deutéronome 21 : 23). On procède à l’inhumation le jour-même ou, en tous cas, le plus tôt possible. S’il n’y a pas d’héritiers ou que ceux-ci ne soient pas en mesure de s’acquitter de leur obligation, il appartient à tout Juif ou à la communauté de s’occuper de l’enterrement.

En Israël, la coutume est d’enterrer à même le sol sans cercueil en accord avec le verset : « Car tu es poussière et tu retourneras à la poussière ».

Tout ce qui concerne l’enterrement (laver de façon rituelle puis habiller le défunt entièrement, même la tête, avec un linceul blanc – et un Talit pour un homme – porter le corps, creuser puis recouvrir la tombe) doit être accompli par des Juifs. Les personnes chargées de ces derniers devoirs (qu’on appelle la ‘Hévra Kadicha, la sainte confrérie) accomplissent ‘Hessed Chel Emeth, un bienfait véritable puisqu’il ne peut y avoir de réciprocité.

Un Juif doit être enterré dans un cimetière juif ou, au moins, dans un « carré » juif séparé des autres tombes. Si un Juif a été enterré dans un cimetière municipal, on s’efforcera de le déplacer vers un cimetière juif. Si cela est difficile, on entourera la tombe d’une barrière haute d’au moins 80 cm.

Même si le Juif a demandé à être incinéré, on n’obéira pas à cet ordre : son âme se trouve maintenant dans le Monde de Vérité et supplie pour qu’on ne procède pas à ce rituel considéré comme idolâtre par le judaïsme. Si malheureusement, un Juif a été incinéré, les plus grands décisionnaires interdisent d’enterrer ses cendres dans un cimetière juif (mais on procèdera à leur enterrement dans un autre endroit).

A l’époque biblique, l’incinération – même pour les non-Juifs – était considérée comme un acte méprisable (voir Amos 2 : 1).

(d’après Rav Yossef Ginsburgh – Si’hat Hachavoua N° 1879)

Le Recit de la Semaine

 Une bénédiction éternelle

En l’année 2000, Rav Né’hémia Deutsch s’était installé à Toronto et visitait chaque Chabbat une autre synagogue afin de mieux s’intégrer dans la communauté. Un Chabbat après-midi, il se rendit dans la synagogue Shaarei Tsedek alors que la congrégation s’installait justement pour prendre part au « troisième repas de Chabbat ». On lui proposa donc de se laver les mains pour manger de la ‘Halla et un repas complet mais il déclina cette offre, expliquant que telle n’était pas sa coutume en tant que ‘Hassid de Loubavitch. Cette remarque déclencha une petite polémique, certains ne comprenant pas comment on pouvait ne pas honorer cette pratique qui, pour eux, avait force de loi et juste se contenter de manger un fruit.

Pour calmer la discussion, un des anciens de la communauté - Cholom Langner - se leva et réclama le silence :

- Je vais vous raconter une histoire. En février 1950, la première page du journal yiddish de Toronto annonça le décès de Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, le 6ème Rabbi de Loubavitch. J’étais intrigué parce que mon père m’avait parlé de ce Rabbi.

J’ai donc acheté le journal et l’ai apporté à mon père qui soupira et ajouta : Cela signifie que M. Silver qui habite au coin de la rue va malheureusement décéder cette année !

Je ne comprenais pas le rapport ; alors mon père m’expliqua qu’en 1942, ce M. ‘Haïm Silver était tombé gravement malade. Bouleversée, espérant un miracle, sa famille s’était tournée vers lui, Rav Moché Langner pour lui demander une bénédiction. Rav Moché n’était qu’un rabbin de communauté et estima qu’il n’était pas digne de bénir un malade. Cependant, il rappela à la famille que le père du malade avait été un disciple du Rabbi de Loubavitch et proposa donc plutôt d’écrire à Rabbi Yossef Its’hak qui était arrivé à New York deux ans plus tôt. La famille contacta alors le bureau de Rabbi Yossef Its’hak à Brooklyn et reçut cette réponse : « Puisqu’un ange (de la mort) n’est pas comparable à 1000 (paraphrasant ainsi un verset biblique), la famille devrait donner à la Tsedaka une somme avec le nombre 1000 ». Rabbi Yossef Its’hak continuait en suggérant de donner 1000 dollars à la Yechiva Loubavitch qui venait d’ouvrir à Montréal « et cela sera considéré comme un grand mérite pour M. Silver ».

La famille s’engagea immédiatement à donner l’argent. Cependant, la question était de savoir quand : Mme Silver souhaitait s’en acquitter immédiatement mais son beau-frère (qui était aussi l’associé dans les affaires du malade) refusa : « Tu es folle ? 1000 dollars, c’est une somme énorme ! On pourra très bien les donner quand et si la situation médicale de ‘Haïm s’améliore ! ».

A l’automne, ‘Haïm reçut encore une lettre de Rabbi Yossef Its’hak :

« D.ieu merci, votre cœur s’est renforcé et vous allez mieux. Vous devez renforcer votre confiance en D.ieu qui vous enverra la guérison… Vous devez suivre les conseils de votre médecin et vous reposer ». Puis Rabbi Yossef Its’hak revenait sur l’engagement de la famille envers la Yechiva et raconta une histoire impliquant son père, Rabbi Chalom Dov Ber :

« Un Juif qui était très malade écrivit à mon père et promit que, s’il guérissait, il offrirait une grosse somme à la Yéchiva de la ville de Loubavitch. Mon père lui envoya sa bénédiction pour une guérison complète et rapide et continua : A propos de votre engagement en faveur de la Yéchiva, il est préférable que vous vous en acquittiez immédiatement et qu’ainsi D.ieu vous soit redevable plutôt que vous ne soyez débiteur vis-à-vis de D.ieu ! »

Rabbi Yossef Its’hak conclut en rappelant à ‘Haïm de ne pas prendre les bénédictions divines pour évidentes : « Quand un Juif considère comment, bien qu’il soit si bas, il peut néanmoins procurer à D.ieu un plaisir spirituel, il doit en ressentir une joie profonde. Et cette joie sainte est le récipient pur qui lui assurera santé et abondance matérielle ».

Cette lettre acheva de convaincre Mme Silver qu’elle devait procéder immédiatement au paiement de cette somme et elle envoya son fils à Montréal pour remettre le chèque à la Yéchiva. Son mari ‘Haïm guérit complètement de sa maladie et vécut encore quelques années mais, comme Rav Langner l’avait bizarrement prédit, il décéda peu de temps après Rabbi Yossef Its’hak, en 1950.

Les fidèles rassemblés dans la synagogue Shaarei Tsédek avaient écouté attentivement et compris : il convenait de ne dénigrer ni la parole d’un Rabbi ni une coutume ‘hassidique. La polémique à propos du troisième repas de Chabbat s’éteignit d’elle-même et, après Chabbat, tous se séparèrent paisiblement et respectueusement.

Le lendemain, Rav Deutsch feuilleta un livre Iguerot Kodech contenant des lettres du 7ème Rabbi, Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, gendre et successeur de Rabbi Yossef Its’hak. Il y trouva – comme par hasard… une lettre adressée au père de Chalom Langner. Plus d’une dizaine d’années après le décès de Rabbi Yossef Its’hak (donc en 1960), Rav Langner avait raconté au nouveau Rabbi la guérison de M. Silver puis son décès suivant de peu la Histalkout de Rabbi Yossef Its’hak. Rabbi Mena’hem Mendel n’était pas d’accord avec l’argument de Rav Langner comme quoi la bénédiction accordée par Rabbi Yossef Its’hak avait pris fin avec son départ de ce monde et il insistait : « Les bénédictions d’un Tsadik sont éternelles et continuent de s’exercer pour le bien, écrivit-il. Surtout si on considère ce qu’affirment nos Sages (Zohar 280 a) : les Justes qui ont quitté ce monde sont encore plus accessibles à leurs disciples que de leur vivant… ».

Oui, les bénédictions d’un Rabbi se prolongent et même s’amplifient « après 120 ans », encore davantage que de son vivant.

Rav Dovid Zaklikowski – COLlive Magazine

Traduit par Feiga Lubecki