Une Parole pour le monde entier
Certaines dates évoquent immanquablement des messages d’une force particulière en chacun, et cela ne peut jamais laisser inchangé. C’est justement le cas cette semaine où l’avancée du calendrier nous ramène au début du nouveau mois juif : le 1er Chevat. Cette date n’est clairement pas de celles qu’on a l’habitude de célébrer par un jour de fête ou une cérémonie liée à la circonstance. Peut-être même ne figure-t-elle pas sur nos tablettes. Elle est pourtant porteuse d’une vision prodigieuse.
De fait, le texte de la Torah nous rapporte que c’est en ce jour que Moïse entreprit de l’expliquer, et les commentateurs de préciser : « dans les soixante-dix langues ». Il faut saisir toute l’envergure de cette précision : les soixante-dix langues constituent, dans la tradition juive, l’ensemble des langues du monde. Certes, il en existe beaucoup plus mais celles-ci en sont la racine. C’est donc dire que Moïse expliqua le texte reçu de D.ieu, Sa Parole, dans toutes les langues parlées par les hommes. Il est clair que cela soulève question : nous nous trouvons alors dans la période qui suit la sortie d’Egypte, avant l’entrée sur ce qui est appelé à devenir la Terre d’Israël. Ce sont uniquement des Hébreux qui sont assemblés devant Moïse et c’est manifestement à eux qu’il s’adresse. Pourquoi doit-il prendre la peine d’expliquer la Torah dans toutes les autres langues alors que personne n’en a besoin parmi les présents, que nul peuple n’est là pour recevoir cet enseignement ?
C’est qu’il s’agit ici d’une véritable ouverture, d’un commencement. L’hébreu n’est pas une langue comme les autres. Il est langue sainte parce que langue Divine, structure qui sous-tend toute la création. Le passage à une autre langue ne tient donc pas de l’évidence. Cela ne constitue pas simplement une traduction mais une démarche volontariste vers l’autre, au prix d’un changement essentiel, de langue Divine à langue humaine, de langue sainte à langue profane.
Il y a ici une grande vision : Moïse s’adresse au monde tout entier dans les mots que celui-ci comprend pour les millénaires à venir, et il donne ainsi à tous la force et la possibilité de s’élever vers le Divin. Le monde n’entendra pas toujours ses mots ? Peu importe, Moïse accomplit son œuvre et nous en sommes les héritiers.
Le temps de la préparation
Le Talmud enseigne que le Machia’h viendra au moment où « on n’y pensera pas ». Pourtant, nous observons qu’attendre sa venue fait partie des principes essentiels du judaïsme définis par Maïmonide. Aussi, diverses explications ont été données sur le sens de l’expression. Voici l’une d’entre elles :
La préparation à la venue de Machia’h doit être accomplie pendant le temps de l’exil qui est, justement, une sorte de « on n’y pensera pas » par rapport à la Délivrance. Lorsque l’on éclaire l’endroit le plus sombre, où l’idée même de Délivrance est absente des esprits, qui constitue l’opposé même de la lumière de Machia’h, alors celui-ci arrive.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch,
Chabbat Parchat Ekev 5713)
BO
Les trois dernières plaies accablent l’Égypte : une armée de sauterelles dévorent les cultures et la végétation ; une obscurité épaisse et palpable enveloppe le pays et tous les premiers-nés de l’Égypte sont tués aux environs de minuit, le 15 du mois de Nissan.
D.ieu ordonne la première Mitsva au Peuple d’Israël : celle d’établir un calendrier basé sur le renouvellement de la lune. Les Hébreux sont également enjoints d’apporter une « offrande pascale » à D.ieu : un agneau ou un chevreau doit être abattu et son sang aspergé sur les linteaux de chaque demeure des Hébreux, pour que D.ieu « passe par-dessus » ces foyers quand Il viendra tuer les premiers-nés égyptiens. La viande rôtie de l’offrande sera consommée en cette nuit avec la Matsa (pain non levé) et les herbes amères.
La mort des premiers-nés finit par briser la résistance du Pharaon et il renvoie littéralement les Enfants d’Israël de sa terre. Ils doivent s’en aller dans une telle hâte que leur pâte n’a pas le temps de lever et les seules provisions qu’ils emportent sont ce pain non levé. Avant de partir, ils demandent à leurs voisins égyptiens de leur remettre de l’or, de l’argent et des vêtements, réalisant ainsi la promesse faite à Avraham que ses descendants quitteraient l’Egypte avec de grandes richesses.
Les Enfants d’Israël reçoivent le commandement de consacrer tous les premiers-nés et de célébrer chaque année l’anniversaire de l’Exode, en se débarrassant de tout le levain en leur possession pendant sept jours et de raconter leur rédemption à leurs enfants. Ils sont également enjoints de mettre les Téfilines sur le bras et la tête, en souvenir de l’Exode et de leur engagement à D.ieu.
Sang, efforts et larmes
Le Peuple juif a déjà été informé qu'il serait libéré d'Égypte. Neuf des dix plaies ont déjà été infligées. Le peuple égyptien est à bout de nerfs. À ce stade, la Paracha de cette semaine se poursuit en indiquant que D.ieu enjoint Moché d’ordonner aux Juifs de prendre un agneau et de l'attacher à leurs lits le dixième jour du mois. Ils doivent le garder là, prêts pour le quatorzième jour du mois où ils sacrifieront l'agneau à D.ieu.
De plus, il leur a été précisé que seuls ceux qui étaient circoncis seront autorisés à participer à l'offrande de l'agneau pascal.
Ces deux Mitsvot - le sacrifice de l'agneau pascal et la circoncision - enseignent nos Sages, ont été données au Peuple juif précisément à ce moment-là - juste avant leur exode - pour une raison valable.
Rachi cite le Sage talmudique, Rabbi Matya ben ‘Harach, qui l'exprime ainsi : « Le moment était venu pour Moi de tenir Mon serment que J'avais fait aux patriarches, selon lequel Je rachèterai leurs enfants. Hélas, ils ne possédaient aucune Mitsva à laquelle se consacrer pour pouvoir être rachetés, comme il est dit : ‘Et vous étiez nus et dépouillés [de Mitsvot]’. Il leur a donc donné deux préceptes : le sang du sacrifice pascal et le sang de la circoncision ».
L'exil long et éprouvant, marqué par la sueur et les larmes, devait culminer par du sang ; celui du sacrifice pascal et celui de la circoncision.
Une question peut se poser : pourquoi D.ieu a-t-Il spécifiquement choisi ces deux Mitsvot parmi tant d'autres alternatives ?
Par ailleurs, quelle nécessité y avait-il à leur donner deux Mitsvot ? Même si une seule Mitsva avait été observée, ils n'auraient plus été considérés comme « nus » sur le plan spirituel. Une seule Mitsva ne pourrait-elle pas être considérée comme un vêtement valide ?
Suppression de deux obstacles à la Rédemption
Le Peuple juif en Égypte souffrait de l’absence de deux qualités distinctes. En premier lieu, il manquait d'actions positives ce qui le rendait mal préparé pour la forme proactive du service divin que le Don au mont Sinaï allait exiger.
En second lieu, leur capacité à se distancier du mal était insuffisante. Si cette situation n’avait pas été rectifiée, ils auraient quitté l'Égypte avec leurs travers et n'auraient pu survivre en tant que Peuple juif ancré dans les valeurs de la Torah.
Pour éliminer ces deux obstacles à l'exode, il était donc nécessaire d'introduire deux préceptes distincts. L'alliance de la circoncision représente la manière la plus significative d’affirmer son engagement envers D.ieu et d’activer son potentiel d'énergie positive.
La circoncision est la seule Mitsva laissant une empreinte permanente sur l'individu. Elle illustre donc le dévouement inconditionnel et sans réserve du Juif à accomplir ce que D.ieu désire, en toute circonstance.
D’autre part, le sang du sacrifice pascal représentait le rejet du négatif. Il était bien connu que les Égyptiens vénéraient l'agneau comme une divinité. En égorgeant l'agneau et en aspergeant son sang, on démontrait ainsi une profonde aversion pour le mal et un rejet absolu de celui-ci.
S'habiller pour l'occasion
La Torah nous enseigne (et nos Sages ont renforcé cette croyance) que les temps pré-messianiques dans lesquels nous évoluons actuellement sont comparables à la période qui a précédé l'Exode.
Toutes les justifications de notre séjour en exil ont désormais cessé d’exister. Pourquoi D.ieu continue-t-Il à nous maintenir ici malgré tout ?
Une des explications avancées est que D.ieu souhaite que nous entrions dans l’ère messianique « entièrement et élégamment habillés ». Plutôt que de nous plonger brusquement dans un nouveau monde empreint de bonté et de sainteté inaltérées, sans préparation préalable, Il nous offre une multitude d’opportunités de « nous habiller » par le biais de l’accomplissement d'une Mitsva supplémentaire. Chaque Mitsva accomplie à présent nous rendra plus réceptifs à la lumière divine qui brillera durant l'ère messianique.
Cependant, le simple fait d'être entièrement vêtu au sens spirituel ne suffit pas. Il nous incombe de veiller à ce qu'aucun Juif ne demeure dans un état d'impréparation.
L'une des obligations bibliques énonce : « Si tu vois quelqu'un nu, tu devras le couvrir ». (Isaïe 58 :7). Cette obligation de vêtir ceux qui sont dénudés doit être comprise tant au sens figuré qu'au sens littéral. Si une personne est dépourvue de vêtements spirituels en matière de Mitsvot, il est de notre devoir de lui en fournir. Cela est particulièrement vrai dans l’ère pré messianique actuelle, où chaque vêtement que nous offrons aux autres contribue à notre propre préparation pour la Rédemption finale.
De plus, même si nous avons acquis une spécialisation ou excellé dans une catégorie particulière de Mitsvot, cela peut s’avérer insuffisant. D.ieu désire que nous soyons entièrement vêtus afin de compenser toutes nos lacunes. En outre, chaque nouvelle Mitsva à laquelle nous consacrons nos efforts ainsi que chaque Mitsva que nous offrons à un autre Juif pourrait représenter celle qui faisait défaut pour que D.ieu puisse déclarer : « C'est déjà suffisant. Il n'est donc plus nécessaire de prolonger votre attente ici plus longtemps car chaque Juif a accompli une Mitsva. Par conséquent, chaque Juif est adéquatement préparé pour la venue du Machia’h ».
Pourquoi acheter des livres de Torah ?
On achète des livres de Torah pour les lire et les étudier et non juste pour garnir les étagères d’une bibliothèque. Le fait de posséder des livres incite - par leur seule présence - à les étudier. Même si on n’a ni le temps ni l’envie de les étudier maintenant, on les achète pour les lire quand l’occasion se présentera, quand les invités ou les enfants auront l’occasion de les lire.
Même si on dispose des livres de base (‘Houmach, Tehilim, Tanya, Kitsour Choul’hane Arou’h, Siddour, Ma’hzor, Haggada…), il convient de se procurer d’autres livres pour s’instruire et s’approfondir.
Dès la naissance, on achètera à l’enfant ces livres de base ; on lui apprend à les traiter avec respect, à les embrasser après usage et à les ranger.
De nouveaux livres paraissent constamment et permettent de mieux comprendre ces livres de base. Le monde change, de nouvelles technologies apparaissent et il est nécessaire de se renseigner (avec ces nouveaux livres de Hala’ha - loi juive) quant à leur nocivité ou, au contraire, leur nécessité et la manière de bien les utiliser. De nombreux ouvrages de vulgarisation paraissent en de nombreuses langues, en particulier pour les enfants et les débutants et sont évidemment à préférer aux écrans qui fascinent tant la jeunesse.
Le Rabbi de Loubavitch a souvent fait remarquer qu’une « maison pleine de livres de Torah » est un écrin qui protège les habitants de cette maison.
(d’après Rav Moché Marinovski – Si’hat Hachavoua N° 1983)
Panne de voiture
Je suis né à Roch Pina en 1918 et je fus prénommé Aviv (printemps en hébreu), en hommage à la nouvelle ère qui se levait en Terre d’Israël après que le Grande-Bretagne ait conquis ce territoire des forces ottomanes (qui détenait la Palestine depuis 400 ans).
La maison dans laquelle je suis né, où j’ai grandi et dans laquelle j’ai vécu toute ma vie avait été construite par mon grand-père Reb Avraham Yirmiyahou Keller. Avec d’autres jeunes familles, il avait quitté la ville montagneuse de Tsfat (Safed) pour fonder une nouvelle implantation agricole dans la plaine, afin de subvenir à ses besoins sans dépendre de la ‘Halouka, la « distribution » de l’aide envoyée par les Juifs d’Europe et d’Amérique.
Alors que j’avais dix ans, en été, nous avions l’habitude de nous réunir tous les après-midis dans la maison de mon oncle Shimon Keller pour prendre le thé. Un jour, alors que nous étions assis dans le jardin, une longue Mercédès noire s’arrêta devant la maison. Nous n’avions jamais vu une voiture pareille auparavant et cela a bien sûr éveillé notre curiosité. Autant que je me souvienne, il y avait dans cette voiture trois rangées pour les passagers sans compter les deux sièges à l’avant, à côté du chauffeur. Abasourdi, mon grand-père se tourna vers mon oncle et annonça qu’il avait reconnu un des passagers : « C’est Rabbi Yossef Yits’hak, le Rabbi de Loubavitch ! ».
De fait, mon grand-père n’avait jamais auparavant rencontré le (précédent) Rabbi de Loubavitch mais avait lu dans la presse nationale des articles au sujet de sa visite dans le pays. On était le 5 Mena’hem Av 1929, date de la Hiloula (décès) du Ari Zal, le célèbre Kabbaliste du 16ème siècle et Rabbi Yossef Yits’hak se rendait à Tsfat pour prier sur sa tombe.
Sidérés par cette visite inattendue, nous avons aperçu le Rabbi qui sortait de la voiture, se dirigeait vers notre maison et qui, en yiddish, demanda :
- Est-ce bien une maison juive ?
- Bien sûr, répliqua mon grand-père, également en yiddish, tout en désignant du doigt la Mezouza clouée à l’entrée.
- Pouvons-nous prier Min’ha ici ? continua le Rabbi.
Nous étions très honorés de cette visite royale absolument inattendue. A mes yeux d’enfant, ces visiteurs impressionnants étaient plus grands que la vie et me semblaient même plus grands que les membres de ma famille. La redingote du Rabbi était faite d’un matériau que je n’avais jamais vu et d’ailleurs, à un moment donné, je me suis approché pour le toucher : le Rabbi me regarda et sourit.
Les prières se déroulèrent dans une extraordinaire atmosphère de sainteté. Ensuite, mon oncle proposa au Rabbi de rester encore un peu pour boire un verre de thé et le Rabbi accepta l’invitation. Entretemps, nous avons appris la cause de cette escale impromptue dans le voyage du Rabbi : le pneu de la roue avant de la voiture s’était abîmé, sans doute à cause des nombreux virages sur la vieille route de Tibériade à Tsfat : le chauffeur, sentant la future panne, avait préféré s’arrêter en route.
Le mécanicien du village fut prestement convoqué et, avec ses outils, réussit à réparer la panne au bout d’une demi-heure. Pendant ce temps, mon oncle servit au Rabbi du thé avec des feuilles fraîches de citronier. Nous étions restés respectueusement de côté, ne voulant pas déranger le Rabbi pendant qu’il buvait le thé. Avant de partir, il nous bénit en yiddish : « Puissiez-vous tous être en bonne santé, vivre longtemps et avoir des satisfactions de vos enfants ! ». Et il repartit en voiture vers Tsfat.
Comme la route était en pente raide et que la voiture était relativement lourde, elle n’avançait pas à toute allure et nous, les enfants, nous avons réussi à courir à côté d’elle, pour escorter le Rabbi sur une certaine distance tout en lui adressant de grands signes d’au-revoir.
D.ieu merci, les bénédictions de Rabbi Yossef Yits’hak se sont merveilleusement réalisées. Mon oncle Shimon vécut jusqu’à 96 ans, mon grand-père 89 ans et ma grand-mère 92 ans. Moi-même j’approche de mon 93ème anniversaire et j’espère vivre encore de nombreuses années.
Il est intéressant de noter qu’après la mort de mon oncle, une jeune femme vraiment pas intéressée par le judaïsme, s’installa dans la maison. Quand elle apprit que le Rabbi (précédent) y avait séjourné quelques instants, elle réalisa que les murs devaient être imprégnés d’une certaine sainteté et elle se mit à pratiquer de plus en plus de Mitsvot. Actuellement, cette sympathique voisine mène une vie conforme en tous points aux lois de la Torah.
Aviv Keller (qui mérita de vivre presque jusqu’à 104 ans) - JEM
Traduit par Feiga Lubecki