Editorial
En ce jour…Les semaines du calendrier juif déroulent, sous nos yeux, des évènements qui nous entraînent d’élévation en élévation. C’est ainsi qu’il y a plus d’un mois, nous avons de nouveau vécu la sortie d’Egypte et que nous avons entrepris la longue marche dans le désert qui, après la traversée de la mer, nous conduit vers le mont Sinaï et le Don de la Torah. Nous avons vécu tout cela avec le sentiment d’une intense actualité et avons compté les jours avec une évidente impatience.
A présent le temps approche. Le Don de la Torah est décidément presque à notre porte. Le 1er du mois de Sivan, cette semaine, nous arrivons devant le Sinaï et nous y campons. Le grand rendez-vous avec D.ieu est tout proche, nous le savons. Mais, d’ores et déjà, quelque chose a changé. Jusqu’ici, peut-être ne nous percevions-nous pas comme un peuple uni, tendu dans une seule attente ? Peut-être existait-il encore des éléments de division ? A présent, tout cela est derrière nous. Devant la montagne, nous sommes « comme un seul homme avec un seul cœur ». Conscients de l’imminence de la révélation, sachant que le sens de l’Histoire se tient ici, nous attendons, confiants et sereins, que D.ieu nous donne Sa Torah, transformant ainsi le monde tout entier.
C’est sans doute là notre actualité éternelle. Elle se soucie peu des difficultés d’un temps troublé ou de ses illusoires facilités. Elle se contente de délivrer son message d’année en année, au fil du temps et des générations. Pourtant, comment ne pas être impressionné par ce que cette histoire murmure à nos oreilles, aujourd’hui ? Comment ne pas entendre les mots qu’elle nous répète : unité, sérénité ? Car, s’il est vrai que la période ne nous fait pas connaître que des évènements heureux, il est aussi clair que nous détenons ici quelques éléments de réponse. La conscience de l’œuvre à accomplir et du rôle de chacun, la confiance réaffirmée et la force d’âme pour l’action : ce sont là des clés. Elles nous conduisent à la révélation ultime, celle de Machia’h.
Etincelles de Machiah
Un rire profondLes Psaumes (126 :2) annoncent que, lorsque le Machia’h sera venu, «notre bouche se remplira de rire». Certes, ce nouveau temps sera celui d’une joie sans limite, cependant que signifie précisément le rire dans un tel contexte?
En hébreu, la valeur numérique du mot «rire» est 414. C’est également celle de l’expression «Or Eïn Sof» qui signifie «lumière infinie» de D.ieu. Cette correspondance nous indique justement le sens profond de ce rire : la révélation de D.ieu. Infinie, elle nous conduira au plus haut et au plus essentiel du « plaisir » divin.
(d’après Likouteï Torah, Bamidbar p. 191)*
Vivre avec la Paracha
Bamidbar : valeur numériqueFais un recensement de toute l’assemblée des enfants d’Israël Nombres 1 :2
Parce qu’ils (Israël) lui sont chers, Il les compte tout le temps. Quand ils sont partis d’Egypte , Il les a les a comptés et quand ils ont succombé au Veau (d’or) Il les a comptés…et (ici) quand Il est venu faire reposer Sa Présence Divine sur eux, Il les a comptés Rachi sur Bamidbar 1 :1
Certains d’entre nous les trouvons dans notre famille, certains d’entre nous dans notre travail, d’autres encore dans la religion. Bien que les résultats puissent différer, la recherche est la même: trouver un sens et une signification à notre vie. Un trait commun qui unit l’humanité est le besoin de sentir que l’existence a un but, que nous ne sommes pas le résultat d’un accident de naissance mais des composantes nécessaires dans l’accomplissement d’une mission à dominante spirituelle. Ce sentiment est peut-être l’ingrédient le plus précieux d’un esprit en bonne santé : nourrir le désir de s’établir des buts et de parvenir à les accomplir.
Au cours du développement humain, ce sont les parents qui devraient jouer en premier lieu ce rôle d’une importance cruciale qui est de transmettre à leurs enfants des sentiments de mérite et de valeur. Tragiquement, nous vivons maintenant dans une ère où des enfants de plus en plus nombreux grandissent sans ces sentiments. Au lieu de cela, ils ressentent une impression d’inadéquation et sont happés par la confusion que projette la sensation de ne pas avoir de réelle valeur. La Torah, dans sa sagesse éternelle, reconnaît ce besoin essentiel et l’envisage d’une manière qui est à la fois réconfortante et revigorante, parfois par le simple acte de recenser.
Les Nombres
A travers le‘Houmach, D.ieu donne l’instruction à Moché de compter le peuple juif à quatre occasions différentes. Ce sont des commandements d’une telle importance que, d’après la directive donnée au commencement de notre Parachah, l’on se réfère au quatrième livre de la Torah tout entier (Bamidbar) comme au «Livre des Nombres».
Mais quel était le but de ces recensements? Il paraît évident que ce n’était pas simplement d’opérer un dénombrement, car D.ieu, dans Sa connaissance absolue, savait certainement le nombre des membres du peuple Juif. Nous devons donc en conclure qu’il y avait une intention autre, plus profonde, derrière ce commandement.
La Torah, comme tout ce qui existe, comprend à la fois un «corps» et une «âme». Le «corps» de la Torah inclut les récits et ces passages qui traitent des aspects les plus matériels de notre vie : la Hala’hah, les lois auxquelles l’on se doit d’adhérer sur une base quotidienne. Néanmoins, l’«âme» de la Torah comporte les enseignements plus subtils, ésotériques et la philosophie qu’elle contient.
Tout comme le corps et l’âme de l’homme sont confondus en une unité singulière, unificatrice et harmonieuse, les mêmes caractéristiques se retrouvent à propos du «corps» et de l’«âme» de la Torah.. Et même au sein du «corps» de la Torah sont gravées les leçons les plus profondes, celles que l’on pourrait imaginer appartenir au domaine de son « âme ». Il faut tout d’abord lever les couches extérieures d’une loi ou d’une directive particulière pour pouvoir révéler ses principes fondamentaux et ses vérités inhérentes, et ce n’est qu’alors qu’apparaissent ces enseignements.
Lorsque l’on considère la dimension plus profonde du fait de compter, une loi talmudique stipule que, dans des circonstances particulières, un aliment dont la consommation est interdite peut être considéré comme annulé si une quantité infinitésimale en est tombée et s’est mélangée à des aliments autorisés. Cependant, l’une des exceptions à cette loi s’applique lorsque l’aliment interdit est quelque chose qui se vend habituellement par nombre et non selon le poids. Dans ce cas, quelque infime que soit le pourcentage d’aliment interdit trouvé , il n’est jamais annulé et le mélange tout entier est considéré comme impropre à la consommation.
Le raisonnement qui se cache derrière cette règle est que les choses qui sont comptées sont considérées comme ayant une valeur et une importance intrinsèques, ne sont jamais diminuées ou annulées lorsqu’elles sont mélangées à autre chose.
Cela explique ainsi pourquoi D.ieu désira que le peuple Juif soit compté alors qu’Il en connaissait le nombre. En ordonnant à Moché de compter le peuple, D.ieu déclarait ainsi la valeur de chaque Juif en particulier, insistant sur le fait que les Juifs sont dignes d’être comptés.
Quelles sont donc l’importance particulière et la valeur de chaque Juif ? Chacun d’entre nous a une mission à accomplir, une mission qui lui est spécifique et que personne d’autre ne peut réaliser mais aussi une mission qui affecte la vision cosmique tout entière. Ainsi chaque Juif possède une valeur infinie et irremplaçable.
D.ieu ne faisait donc pas que relayer une directive à Moché. Il disait à chacun d’entre nous d’utiliser nos talents particuliers, et de la sorte accomplir notre potentiel individuel unique pour nous permettre d’accomplir notre mission. En relatant cela dans la Torah, D.ieu s’assurait que ce message serait accessible à chacun, de tous temps.
Un message éternel
Nous pouvons désormais comprendre ce que statue Rachi lorsqu’il affirme que par amour pour Son peuple, « D.ieu les compte tout le temps ». Le peuple Juif fut compté à quatre reprise au cours des cinq Livres de la Torah. Mais comment cela explique-t-il la notion de « tout le temps »
En fait, Rachi ne se réfère pas aux recensements eux-mêmes mais plutôt à l’effet de ces recensements. Car les sentiments de confiance en soi et de valeur personnelle révélés par le biais du recensement restent à jamais avec le peuple et les imprègnent « tout le temps ».
On peut dire la même chose ici et maintenant. Bien que nous ne soyons pas effectivement comptés par une directive divine, quand nous lisons ces épisodes dans la Torah, nous recevons la force de réaliser combien nous sommes précieux pour D.ieu et combien il est vital que nous gérions notre vie selon Ses valeurs. D.ieu Lui-Même déclare notre valeur à chaque moment, il nous suffit tout juste d’écouter et de nous conduire comme il le faut.
Le Coin de la Halacha
Que fait-on à Chavouot ?La veille de Chavouot tombe cette année le mardi soir 25 mai 2004. Il conviendra de préparer un nombre suffisant de bougies et de bougeoirs pour les deux jours de fête. Mardi soir 25 mai (à Paris avant 21 h 20), les femmes allumeront les 2 bougies de la fête (les jeunes filles et les petites filles n'allumeront qu'une bougie), avec les bénédictions : 1) « Barou'h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bemitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chèl Yom Tov ». (« Béni sois Tu Eternel, Roi du Monde, qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les bougies du jour de fête » et 2) « Barou'h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè'h Haolam Chéhé'héyanou Vekiyemanou Véhigianou Lizmane Hazé ») - (« Béni sois Tu Eternel, Roi du Monde, qui nous as fait vivre exister et qui nous as fait parvenir à ce moment »).
Mercredi soir 26 mai, elles allumeront les bougies de la fête (à Paris après 22 h 41), à partir d'une flamme allumée avant mardi soir (par exemple la veilleuse d'un chauffe-eau ou d'une cuisinière, ou une bougie spéciale de vingt-quatre heures) et diront les mêmes bénédictions.
La fête se termine jeudi soir 27 mai après 22 h 43 (heure de Paris).
Il est de coutume d'étudier toute la première nuit de Chavouot (cette année de mardi à mercredi).
Tous, hommes, femmes et enfants, même les nourrissons, se rendront à la synagogue mercredi matin 26 mai pour écouter la lecture des Dix Commandements. On marque ainsi l'unité du peuple juif autour de la Torah, et on renouvelle l'engagement d'observer ses préceptes.
On a l'habitude de prendre un repas lacté avant le vrai repas de viande mercredi midi.
Jeudi 27 mai, on récite à la synagogue, pendant l'office du matin, la prière de Yzkor pour le souvenir des disparus : on donnera, avant ou après la fête, de l'argent à la Tsédaka pour leur mérite.
Pourquoi veille-t-on la nuit de Chavouot ?
Selon une coutume ancienne, les hommes restent réveillés la première nuit de Chavouot et étudient le « Tikoun », c’est-à-dire un recueil de textes sélectionnés par des Sages aussi prestigieux que le « Beth Yossef » (Rabbi Yossef Karo, rédacteur du Choul’hane Arou’h), le « Ari Zal » et le « Chlah Hakadoch ».
En étudiant avec tous les autres Juifs les mêmes textes, « comme un seul homme avec un seul cœur », on se prépare à recevoir la Torah avec l’ensemble des autres Juifs.
Selon le Midrach, les Juifs ont si bien dormi la nuit précédant le don de la Torah que D.ieu Lui-même dut les réveiller avec éclairs et tonnerre. La ‘Hassidout explique que pour recevoir la Torah, il ne faut pas « s’éloigner » du monde physique (donc dormir) mais au contraire faire participer le corps et le monde pour les rapprocher de la Torah.
F. L.
De Recit de la Semaine
Dans l'avion d'AmsterdamJ'avais passé trois jours à Amsterdam avec mon épouse : nous avons visité quelques musées, la maison d'Anne Frank, des synagogues… Tous ceux que j'avais rencontrés m'avaient affirmé qu'il y avait au moins trente mille Israéliens dans cette ville. Ils disaient cela sur un ton monotone, en regardant dans le vide et avec un demi-sourire ironique comme pour dire : " C'est dégoûtant mais c'est ainsi ". (Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, Amsterdam est bien loin d'être la " ville sainte ", la Jérusalem d'Europe. Bien au contraire ! Et c'est pour cela que les Israéliens l'adorent !)
Dans l'avion de retour, je décidais de convaincre un maximum de Juifs de mettre au moins les Téfilines. Les Israéliens se faisaient d'ailleurs remarquer car ils avaient du mal à tenir en place. Je tentais ma chance : certains refusèrent, un accepta, puis d'autres, puis certains affirmèrent qu'ils les avaient déjà mis etc… J'arrivais vers la queue de l'avion où se trouvaient trois jeunes Israéliens. Apparemment, ils avaient bien appris si on peut dire, à Amsterdam : boucles d'oreilles, piercings dans les sourcils et le nombril, tatouages et cheveux teints de couleur vives.
Je m'approchais d'eux, sachant par expérience qu'on ne peut jamais préjuger de la réaction des Juifs, quelle que soit leur apparence extérieure. Le premier, assis près du couloir, tourna la tête de l'autre côté et haussa les épaules pour bien me faire comprendre que les Téfilines ne l'intéressaient pas. Sans insister, mais sans me décourager, je proposais mes Téfilines à son voisin : celui-ci ferma les yeux, et se mit à ronfler comme s'il dormait d'un coup profondément.
Il n'en restait qu'un : assis près de la fenêtre, feuilletant un magazine, il s'était enveloppé d'une couverture. " Viens mettre les Téfilines ! " criai-je à son intention. Il leva soudain les yeux vers moi : " Quoi ? Qu'est-ce que vous dites ? "
Le premier des trois, celui qui avait refusé, suivait la scène d'un air amusé, savourant déjà ma défaite probable. Celui du milieu, qui soi-disant dormait, semblait néanmoins curieux de voir comment cela se terminerait.
" Téfilines ? " dit mon " client " potentiel. " Vous voulez que moi je mette les Téfilines ? " Il s'était levé (pourquoi ?) et il releva sa manche gauche avec un sourire : " Bien sûr ! Quelle bonne idée ! Je vais mettre les Téfilines ! "
Le premier semblait en état de choc : son meilleur ami ! Même lui s'était laissé prendre ! Le " dormeur " du milieu ouvrit un œil pour s'assurer qu'il avait bien entendu. Et mon troisième me laissa lui mettre les Téfilines, répéta la bénédiction et se mit à lire à haute voix le " Chema Israël " imprimé sur la carte que je lui tendais.
Ce que je ne savais pas, c'est qu'on nous observait. Un non-Juif, d'une cinquantaine d'années, bien habillé, nous regardait attentivement, incrédule. Quand j'eus terminé avec mon Israélien, j'engageai la conversation avec ce non-Juif : " Ceci, lui dis-je en montrant les boîtiers des Téfilines, est fait en cuir. A l'intérieur se trouvent des parchemins sur lesquels sont écrits des mots de la Torah. D.ieu veut que chaque homme juif les pose sur sa tête et son bras une fois par jour. Comme de nombreux Juifs ne pratiquent pas tous les commandements, le Rabbi de Loubavitch a demandé à ses disciples de sortir à la rencontre des autres, de leur rappeler leur devoir sacré et de les aider. Je suis un de ces 'Hassidim".
Il était visiblement impressionné. Il regarda l'Israélien, puis moi et s'exclama : " Vous voulez dire que ce jeune homme n'est pas pratiquant et qu'il a mis ces boîtiers juste parce que vous le lui avez demandé ? Si je ne l'avais pas vu de mes propres yeux, je ne l'aurais jamais cru ! "
Il était dans un état d'excitation intense. Je lui demandai son prénom, il s'appelait Peter. Je continuai mon exposé : " Savez-vous ce qui est écrit dans les parchemins ? Quatre paragraphes de la Bible qui mentionnent ce commandement. Et le plus important proclame : " Chema Israël : écoutez, Juifs, D.ieu est Un ! "
Malgré le ronronnement de l'avion, il m'écoutait attentivement : " Cela signifie que c'est D.ieu tout seul Qui créé et recréé toute chose constamment ! Comprenez-vous ce que cela signifie, Peter ? " Il écarquillait les yeux, stupéfait de ce qu'il entendait mais je continuai : " Cela signifie que D.ieu, Qui peut tout faire, vous créer, vous Peter, à chaque instant ! Et D.ieu le fait gratuitement. Alors, si D.ieu vous recrée à chaque seconde gratuitement, vous pouvez aussi agir pour Lui gratuitement ! " Et je lui expliquai brièvement les sept Lois des Enfants de Noé (ne pas voler, ne pas tuer, ne pas blasphémer, ne pas pratiquer l'idolâtrie, promulguer et appliquer des lois civiles, mener une vie conjugale régulière, ne pas manger d'un animal vivant).
Nous nous serrâmes la main et je partis m'asseoir à ma place. Mais ce n'était pas fini.
Soudain, Peter desserra sa ceinture de sécurité, se leva, rajusta sa veste et sa cravate, pointa son doigt sur moi et proclama, aussi fort qu'il le pouvait : " Ce rabbin a raison ! Et je veux présenter mes excuses. M'excuser en public pour ce que nous avons fait à son peuple. Parce que nous avons renié les Saints Commandements !!! "
Ces trois derniers mots, il les avait vraiment criés ! Tous les passagers le regardaient, stupéfaits ! Puis il me serra la main de façon très protocolaire mais chaleureuse et se rassit à sa place.
Il avait compris que les lois de D.ieu ne se discutent pas…
Traduit par Feiga Lubecki