Semaine 21

  • Bamidbar
Editorial
Une pensée pour demain
Il y a des phrases que l’on n’ose plus dire ou écrire. Elles ont fait un trop long usage et elles paraissent avoir perdu la force qu’elles possédaient sans aucun doute à leur naissance. Pourtant, quand on s’attache à les regarder avec des yeux neufs, quand on fait l’effort de les restituer dans leur vigueur initiale, leur sens se fait, de nouveau, éclatant. Ce qui semblait n’être plus qu’une suite de mots usés reprend tout à coup les couleurs de la vie. Tant il est vrai que celle-ci est un combat de chaque instant et que l’habitude ne peut jamais l’affadir. «Les enfants sont notre avenir» : qui n’a pas entendu cette figure obligatoire des discours consacrés à l’éducation et probablement avec une insistance redoublée quand il s’agit d’éducation juive ? Phrase si répétée qu’elle en a pris une valeur de rite, aussi riche et aussi desséchée que lui. «Les enfants sont notre avenir» : on a envie d’appeler cela un «cliché». Cependant, derrière un tel cliché, n’y a-t-il pas une réalité qui se cache ?
Si on cherche une appellation correspondant au peuple juif, au-delà de celle, traditionnelle, de «peuple du Livre», peut-être la plus appropriée serait-elle celle de «peuple de la transmission». C’est là, en effet, sa préoccupation éternelle. Le peuple juif, séculairement minoritaire, est pénétré de la conscience profonde que, s’il ne transmet pas ce qu’il détient – sa sagesse et sa vision, héritages des siècles – il disparaîtra comme bien d’autres qui marquèrent leur temps puis furent peu à peu relégués au rang des souvenirs attendris. Raconter, dire, transmettre, enseigner, partager, donner à comprendre, à voir et à vivre pour la continuité d’une histoire vivante : ce sont des mots qui lui servent ainsi de guide. Ce sont eux qui, largement, expliquent sa pérennité. S’il fallait résumer tous ces termes en un seul, on dirait «éduquer».
Mais l’éducation est chose complexe. Celle de l’école, formelle et organisée, est indispensable en ce qu’elle donne le savoir et les moyens de l’appréhender. Celle des parents est essentielle en ce qu’elle donne chaleur et vie à ce qui pourrait rester science livresque. Et il y a tout ce qui n’entre pas dans ces cadres légitimes. Il y a le monde autour de nous, les rues où chacun vit et leur atmosphère, les amis que chacun rencontre et l’échange qui alors se produit. Des instants, des étincelles qui sont autant d’éléments d’enrichissement. Tout cela est, à la fois, si fragile et si précieux, qu’il faut en prendre le plus grand soin, veiller au développement harmonieux, préserver les acquis et préparer l’avenir. Voici donc qu’arrivent le temps des vacances, les longs jours d’été et de soleil. Voici qu’arrive une saison qui peut être autant celle du désœuvrement que celle de la plénitude. Et si nous parlions des centres aérés juifs, du Gan Israël ? Il faut y penser aujourd’hui pour que demain soit celui dont nous rêvons tous. «Les enfants sont notre avenir» ? C’est aujourd’hui que cela commence.
Etincelles de Machiah
Un rire profond

Les Psaumes (126 :2) annoncent que, lorsque le Machia’h sera venu, «notre bouche se remplira de rire». Certes, ce nouveau temps sera celui d’une joie sans limite, cependant que signifie précisément le rire dans un tel contexte?
En hébreu, la valeur numérique du mot «rire» est 414. C’est également celle de l’expression «Or Eïn Sof» qui signifie «lumière infinie» de D.ieu. Cette correspondance nous indique justement le sens profond de ce rire : la révélation de D.ieu. Infinie, elle nous conduira au plus haut et au plus essentiel du «plaisir» divin.
(d’après Likouteï Torah, Bamidbar p. 191) H.N.
Vivre avec la Paracha
Bamidbar 2009 : La valeur du nombre

Fais un recensement de toute l’assemblée des Enfants d’Israël (Bamidbar 1 :2).
Parce qu’ils [Israël] Lui sont chers, Il les compte tout le temps. Quand ils sont partis d’Egypte, Il les a comptés et quand ils ont chuté au Veau [d’Or] Il les a comptés… et [ici] quand Il est venu faire reposer Sa présence divine sur eux, Il les a comptés (Rachi sur Bamidbar 1 :1).

Certains d’entre nous les trouvent dans leur famille. Certains les trouvent dans leur profession. D’autres les trouvent dans la religion. Bien que les résultats diffèrent, la quête est la même : trouver un sens et un but dans notre vie. Un trait commun qui unit l’humanité est le besoin de sentir que notre existence sert à quelque chose, que nous ne sommes pas le simple résultat d’une naissance accidentelle mais des composantes nécessaires dans l’accomplissement d’une mission aux proportions cosmiques. Ce sentiment est peut être l’ingrédient le plus indispensable pour un état d’esprit sain, nourrissant le désir d’établir des buts et de les atteindre.
Dans la courbe du développement humain, ce sont les parents qui devraient jouer le premier rôle pour remplir leurs enfants de sentiments de valeur et de confiance. Malheureusement, nous vivons à une époque où de plus en plus d’enfants grandissent sans ces sentiments. Ils ont un sentiment d’inadéquation et sont engloutis par la confusion que fait naître la sensation de ne pas avoir de valeur. La Torah, dans sa vision éternelle, reconnaît ce besoin essentiel et s’en empare d’une façon qui à la fois rassure et renforce, parfois par le simple fait du recensement.

Les nombres
Tout au long de la Torah, D.ieu instruit Moché de compter le Peuple Juif à quatre occasions différentes. Ces instructions revêtent une telle importance, que le quatrième livre de la Torah est appelé «le livre des Nombres» d’après les directives données au début de notre Paracha. Mais quel est le but de ces comptes ? Apparemment, il ne s’agit pas simplement de procéder à un recensement car D.ieu, dont la connaissance est infinie, connaît parfaitement notre nombre. Il nous faut donc conclure qu’une intention différente et plus profonde se cache derrière ce commandement.
La Torah, comme tout ce qui existe, comprend à la fois «un corps» et «une âme». Le «corps» de la Torah inclut les récits et les passages qui traitent des aspects matériels de notre vie : la Hala’ha, lois auxquelles nous devons adhérer sur une base quotidienne. Néanmoins, «l’âme» de la Torah traite des enseignements plus sublimes et des idées philosophiques qu’ils contiennent.
Tout comme le corps de l’homme et son âme fusionnent en une unité singulière et homogène, ainsi vont «le corps» et «l’âme» de la Torah : même à l’intérieur de son «corps», résident les enseignements les plus profonds, ceux que l’on peut considérer comme émanant de la région de son «âme». Il faut cependant tout d’abord enlever l’enveloppe extérieure d’une loi ou d’une directive particulière pour révéler son principe fondamental et ses vérités inhérentes.
En ce qui concerne donc la dimension la plus profonde du recensement, une loi talmudique stipule qu’en certaines circonstances particulières, un aliment dont la consommation est interdite peut être annulé quand une quantité infime en est accidentellement mélangée à des aliments permis. L’une des exceptions à cette loi concerne l’aliment interdit vendu habituellement par unité et non au poids. Dans ce cas, quelque infime que soit la quantité de l’aliment interdit, le mélange tout entier est interdit à la consommation car l’aliment interdit ne peut jamais être annulé.
Le raisonnement sous-jacent à cette loi exprime l’idée que les choses que l’on peut compter possèdent une valeur et une importance intrinsèques qui ne peuvent diminuer ou être annulées, même mêlées à autre chose.
Cela explique pourquoi D.ieu ordonna un recensement alors qu’Il connaissait le nombre des Juifs. En ordonnant à Moché de compter les membres de Son peuple, D.ieu déclarait ainsi la valeur de chacun en particulier.
Et quelle est cette valeur si particulière ? Chacun d’entre nous est tenu d’accomplir une mission qui lui est propre et ne peut être réalisée par personne d’autre, mais une mission qui affecte la vision cosmique dans son ensemble. Ainsi chaque Juif possède une valeur infinie et irremplaçable.
D.ieu ne faisait donc pas que transmettre une directive à Moché. Il disait à chacun d’entre nous d’utiliser nos talents spécifiques, accomplissant ainsi notre potentiel unique pour accomplir notre mission individuelle. En relatant ce fait dans la Torah, D.ieu s’assurait que ce message serait accessible à tout un chacun et en tous temps.

Le sens perpétuel
Nous pouvons désormais comprendre la déclaration de Rachi concernant l’amour de D.ieu pour Son peuple. «Il les compte tout le temps». Le Peuple Juif fut recensé à quatre reprises au cours des cinq Livres de la Torah. Comment cela peut-il être qualifié de «tout le temps» ?
On peut avancer les mêmes propos pour nous, aujourd’hui. Bien que nous ne soyons pas apparemment comptés par D.ieu, quand nous lisons ces épisodes dans la Torah, il nous est donné la force de réaliser à quel point nous sommes précieux pour D.ieu et combien il est vital que nous conduisions notre vie en accord avec Ses valeurs. D.ieu Lui-même atteste de notre valeur à chaque instant, il nous faut juste L’entendre et nous comporter en conséquence.
Le Coin de la Halacha
Que fait-on à Chavouot ?

On a coutume de se couper les cheveux la veille de Chavouot, donc cette année le jeudi 28 mai 2009.
Dans la journée de jeudi, on procède au «Erouv Tavchiline» avec la bénédiction : «Barou’h Ata Ado-naï Elo’hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Al Mitsva Erouv».
Il convient de préparer un nombre suffisant de bougies pour les deux jours de fête ainsi qu’une bougie de vingt-quatre heures.
Jeudi soir 28 mai (à Paris avant 21h 23), les femmes allumeront les deux bougies de la fête (les jeunes filles et les petites filles allumeront une bougie), avec les bénédictions : 1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chèl Yom Tov» - («Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les bougies du jour de fête» et 2) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé» - («Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as fait vivre, exister et qui nous as fait parvenir à ce moment»).
Vendredi soir 29 mai, elles allumeront les bougies de Chabbat et de la fête (à Paris avant 21h 23) - à partir de la bougie de vingt-quatre heures allumée avant jeudi soir - avec les bénédictions :
1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo’hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Chel Chabbat Vechel Yom Tov».
2) «Barou’h Ata Ado-naï Elo’hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé».
La fête se termine samedi soir 30 juin après 22h 47 (heure de Paris).
Il est de coutume d’étudier toute la première nuit de Chavouot.
Tous, hommes, femmes et enfants, même les nourrissons, se rendront à la synagogue vendredi matin 29 mai pour écouter la lecture des Dix Commandements. On marque ainsi l’unité du peuple juif autour de la Torah, et on renouvelle l’engagement d’observer ses préceptes.
On a l’habitude de prendre un repas lacté avant le vrai repas de viande vendredi midi.
Samedi 30 mai, on récite, pendant l’office du matin, la prière de Yizkor en souvenir des disparus : on donnera de l’argent à la Tsedaka pour leur mérite.
F. L.
De Recit de la Semaine
Le Séfer Torah qui réunit

Terminer l’écriture d’un Séfer Torah est toujours un événement joyeux. C’est pourquoi Rav Chalom Leverton et son épouse Aliza, de East Windsor dans le New Jersey, décidèrent d’organiser une grande fête, une semaine avant Roch Hachana. Ils contactèrent plusieurs médias ; un magazine, le Jewish State Newspaper, accepta avec enthousiasme de publier tout un article à ce sujet.
Rav Leverton était ravi et proposa de donner plus tard tous les renseignements nécessaires quant à la date et au lieu de la cérémonie. Mais la rédaction du journal avait d’autres plans : «Nous allons publier l’article maintenant !»
- Maintenant ? En plein mois d’août ? s’étonna Rav Leverton. La plupart des gens sont en vacances, qui lira l’article maintenant ? Il vaudrait mieux faire la publicité plus près de la date prévue mais d’un autre côté, tout un article valait mieux qu’un simple entrefilet.
Rav Leverton contacta la famille qui avait offert la plus grande partie des fonds nécessaires et demanda si elle acceptait d’être interviewée.
- Nous sommes très touchés mais nous préférons rester dans les coulisses. Nous ne cherchons pas les honneurs.
Entre-temps, la rédaction du journal se faisait plus pressante : «Donnez-nous davantage de renseignements sur la valeur d’un Séfer Torah, sur d’autres cérémonies similaires ; procurez-nous des photos !»
D’après leur insistance, Rav Leverton comprit que l’événement ferait la une du magazine.
«J’ai recherché dans notre documentation et j’ai retrouvé les fascicules que nous avions imprimés l’année précédente quand nous avions commencé la rédaction du Séfer Torah. Sans trop réfléchir, j’ai choisi quelques photos prises à cette occasion et les ai envoyées à la rédaction du journal».
Effectivement, en plein mois d’août, le journal publia un long article avec une photo en première page. La photo choisie représentait un membre fidèle de la synagogue, M. Zwi Pomper qui avait été honoré lors de la cérémonie.
«M. Pomper est un homme âgé, extrêmement agréable. C’est un survivant de la Shoah qui avait perdu toute sa famille. Malgré les difficultés qu’il a rencontrées dans sa vie, il irradie de joie et d’amour pour le judaïsme. C’était une belle photo, un article intéressant et, après tout, j’étais satisfait bien qu’il s’agisse d’une histoire de l’année précédente».
Le lendemain de la parution du journal, Rav Leverton reçut un appel téléphonique d’un avocat juif qui habitait à une demi-heure d’ici.
- Monsieur le rabbin ! (On le sentait très excité et ému). J’ai lu l’article qui faisait la une du journal. Je vous appelle à propos de ce vieux monsieur sur la photo, un de vos fidèles. C’est son nom dans la légende qui a attiré mon attention. Je porte le même nom que lui et tout laisse croire que nous sommes en famille !
- Je suis désolé de vous décevoir, maître Pomper mais notre ami Zwi Pomper est l’unique survivant de sa famille. Il a survécu au ghetto de Varsovie et au camp d’extermination. Il ne s’est jamais marié. Il est certain que toute sa famille a péri dans la Shoah et qu’il n’a plus aucun parent !
- Attendez ! Mon grand-père est arrivé aux Etats-Unis en 1935, en laissant ses parents et sa famille à Varsovie. Durant toutes ces années, nous avons espéré que quelqu’un aurait survécu, insista l’avocat. Nous avons fait des recherches mais sans résultat. Et maintenant je tombe «par hasard» sur la photo d’un survivant du ghetto qui porte notre nom de famille !
Rav Leverton promit de s’occuper de l’affaire et téléphona à M. Pomper. Avec tact, il lui demanda des détails supplémentaires sur sa famille : peut-être certaines personnes avaient-elles quitté Varsovie avant la guerre ?
«Oh oui ! Je me souviens que, quand j’étais un petit garçon, il y avait eu une fois une fête d’adieu pour des cousins qui partaient s’installer aux Etats-Unis. Quand moi-même je suis arrivé aux Etats-Unis après la guerre, j’ai cherché à les contacter mais en vain, je ne les ai jamais retrouvés. Au bout d’un certain temps, j’ai décidé d’oublier tout cela et d’aller de l’avant, de me reconstruire. Pourquoi me demandez-vous cela ?»
Quelques jours plus tard, les deux M. Pomper étaient réunis : ils étaient effectivement apparentés ! Ensemble ils dansèrent avec le nouveau Séfer Torah au Beth ‘Habad, une semaine avant Roch Hachana.
«Quand je pense que pour moi, c’était une histoire de l’année dernière…»

Malka Touger
(«Excuse-me, are you Jewish ?”) – (Emet)
traduit par Feiga Lubecki
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