Aimer l’autre
Le mois de Iyar a déroulé ses jours avec une constante majesté et nous a emmenés jusqu'au mois de Sivan, déjà rayonnant des célébrations qu’il contient. Au fil du calendrier, tous ensemble, nous avons suivi ce chemin qui, de la sortie d’Egypte, nous conduit au Don de la Torah, à la fête de Chavouot. Pendant tout ce temps, nous portons tous, en tête et en cœur, la même pensée : nous attacher à D.ieu. Il est vrai que la période est d’importance. Mais voici que, de cette façon, une grande idée, ancienne et nouvelle à la fois, apparaît. Elle a pour nom « amour du prochain, unité du peuple juif ». De fait, ce sont là de vieilles notions. Le texte de la prière du matin nous le rappelle quotidiennement : « Bénis-nous, notre Père, tous comme un de la lumière de Ta face ». Comme pour dire que c’est seulement lorsque nous sommes « tous comme un » que la bénédiction divine peut nous être accordée. Certes, les hommes sont tous différents les uns des autres. Certes aussi, comme le souligne le Talmud, leurs opinions et leur visage ne sont pas identiques. C’est aussi là la richesse du genre humain. Cependant, ces différences, pour réelles qu’elles soient, ne sont que l’extérieur des choses. Profondément, nous avons tous le même Père et notre âme est une. C’est dire que l’idée d’amour du prochain va beaucoup plus loin qu’une fraternisation entre êtres qui partagent la même demeure planétaire. C’est d’une unité profonde qu’il s’agit et celle-ci modifie l’essence même de nos perceptions. Par elle, l’autre n’est jamais plus loin que soi-même. Plus encore, sans lui, nous sommes littéralement incomplets, comme un corps auquel il manquerait un élément. Ces idées d’amour et d’unité, dans la mesure où elles expriment l’essence des choses, sont donc fondamentales mais, surtout, elles ne peuvent rester au niveau des séduisantes théories. Elles doivent porter à conséquence, trouver leur expression concrète. C’est ici qu’intervient l’action de chacun. En effet, nous pouvons donner un sens à tout cela. La structure de notre âme nous en donne le pouvoir : penser à l’autre n’est pas un exercice difficile, c’est une réalité quotidienne. Se soucier de lui n’est pas une démarche d’illusion, c’est une avancée dans le réel. En d’autres termes, on n’est soi-même que lorsqu’on est totalement uni à l’autre et qu’on sait en tirer toutes les conséquences. Cela signifie que nul ne peut rester indifférent à ce qui arrive à autrui, que le but ultime est peut-être simplement de donner à son prochain ce dont il a besoin, matériellement ou spirituellement. Un chemin d’unité ? Celui de Machia’h. Haim Nisenbaum
« En son temps, Je le hâterai »
Le Talmud (Sanhédrin 98a) enseigne : «Il est écrit (Isaïe 60 : 22) ‘le Machia’h viendra en son temps, Je le hâterai’». Ces deux termes semblent contradictoires. Le Tséma’h Tsédèk, le troisième Rabbi de Loubavitch, y apporte une explication : ils font référence à deux modes de Délivrance possibles : - «Je le hâterai» : cela décrit une Délivrance dans laquelle les hommes quitteront l’exil brutalement, comme en un saut. Elle conduira ainsi immédiatement aux degrés les plus élevés ; - «En son temps» : c’est une Délivrance dans laquelle cette élévation progressera graduellement et, par conséquent, plus lentement. (d’après Or Hatorah - Béréchit, p.86) H.N.
Bamidbar
Chaque année, la Paracha Bamidbar, «dans le désert», est lue avant la fête de Chavouot. Le but en est intentionnel, soulignant le fait que la Torah fut donnée dans un lieu aride. Pourquoi D.ieu choisit-Il un tel environnement ? Pour nous donner une série d’enseignements fondamentaux. En premier lieu, un désert n’a pas de propriétaire. En donnant la Torah dans le désert, D.ieu nous montrait qu’aucune personne, aucune tribu ne peut la contrôler. Chaque Juif peut y prétendre en toute égalité, en toute légitimité. De plus, pour aborder la Torah, nous devons nous départir de toute possession, nous élevant au-delà de notre propre personnalité. La Torah reflète l’infinitude de D.ieu, elle transcende notre compréhension. Pour établir un lien avec cette infinitude, nous devons transcender notre ego. Par ailleurs, le désert est un lieu aride et désolé. C’est ainsi qu’au moment où nos ancêtres reçurent la Torah, ils dépendaient entièrement de D.ieu pour la nourriture, l’eau et les vêtements. Et pourtant, loin d’en être préoccupés, ils reçurent la Torah avec un amour rempli de confiance. Par le même biais, plutôt que de donner la préséance à nos préoccupations matérielles, nous devons considérer la Torah comme notre priorité essentielle et garder la confiance que D.ieu pourvoit à nos besoins comme Il le fit pour nos ancêtres. La stérilité du désert peut également être comprise comme une métaphore d’un sentiment d’aridité et de vide spirituels. Quand bien même un homme se sent comparable à un désert aride, il ne doit pas tomber dans le désespoir. Car c’est précisément dans un environnement comparable que D.ieu est venu Lui-même auprès de notre peuple et lui a donné la Torah. Ce concept s’applique également dans le cadre de nos relations avec autrui. Nous pouvons, et nous devons, partager la Torah avec tous les Juifs, y compris ceux qui paraissent aussi stériles qu’un désert. C’est la raison pour laquelle nos Sages nous enjoignent à «compter parmi les disciples d‘Aharon… aimant les créatures (nos alter ego) et les rapprochant de la Torah. * * * George Rohr est un homme d’affaires qui apporte son aide à de nombreuses activités du mouvement Loubavitch. A de nombreuses occasions, il avait trouvé l’inspiration auprès du Rabbi et voulait une manière de remercier le Rabbi. Une année, alors que le Rabbi distribuait le léka’h (gâteau au miel traditionnellement offert avant Yom Kippour pour transmettre les bénédictions pour une douce année), George Rohr raconta au Rabbi, avec beaucoup de joie, qu’il avait organisé pour Roch Hachana un minyan pour 150 Juifs n’ayant aucun bagage juif. Le visage du Rabbi devint immédiatement très sérieux. Il regarda l’homme avec beaucoup d’intensité et lui dit : «Allez dire à chacun des 150 participants qu’il possède un bagage juif très puissant. Ils sont tous descendants d’Avraham, Its’hak et Yaakov.» Chaque Juif est doté du même héritage spirituel et chaque Juif possède une part égale dans la Torah et ses commandements. Ce dont nous avons besoin c’est de catalyseurs, d’éperons pour nous encourager à nous concentrer sur cet héritage et mettre l’accent sur son expression. Le nom du Livre de Bamidbar, «les Nombres», qui s’ouvre cette semaine, lui fut donné parce qu’il se concentre sur plusieurs recensements auxquels fut soumis le Peuple Juif. Pourquoi D.ieu demanda-t-Il que les Juifs soient recensés ? Nos Sages expliquent : «Parce qu’Il les aime, Il les compte tout le temps. Tout comme un homme riche compte son or, D.ieu compte continuellement ce qui Lui est le plus cher : le peuple juif». Un recensement se concentre également sur une qualité particulièrement appropriée en ce qui concerne le peuple juif : sa qualité inhérente, essentielle. Car lors d’un tel décompte, chacun, ceux qui possèdent le plus grand des potentiels comme ceux qui sont à un niveau moindre, chacun compte pour une part égale. Personne n’a droit à une priorité quelconque. Chaque Juif possède une âme qui est une véritable parcelle de D.ieu. D.ieu nous aime tant qu’Il investit une partie de Lui-même dans chacun d’entre nous. Au fond de chaque personne, quelles que soient ses pensées, quels que soient ses accomplissements, brille une étincelle divine. Voilà ce que réellement nous sommes. Quand nous nous dépouillons de notre apparence extérieure apparaît cette âme, l’essence de notre être. C’est la raison pour laquelle, lors d’un recensement, chacun de nous est compté de la même manière. Faire un recensement permet également à cette dimension de faire surface. Il ne suffit pas de simplement savoir que nous possédons au plus profond de nous-mêmes une étincelle divine. Il faut aussi que nous nous efforcions d’agir de manière à exprimer l’unicité de notre être dans notre conduite quotidienne. Cela implique qu’il faut faire jaillir la lumière de cette étincelle de l’intériorité de chaque personne et de chaque entité que nous rencontrons. Nos Sages indiquent que neuf recensements ont eu lieu dans l’histoire du peuple juif. Le dixième et dernier aura lieu à l’époque de la venue de Machia’h quand cette qualité essentielle qui réside à l’intérieur de chaque âme juive se manifestera dans sa plus belle et sa plus visible expression. Présentement, la plupart d’entre nous sommes plongés dans des détails quotidiens de notre vie personnelle. Ce sont des facteurs qui exigent de notre part une grande attention. A l’ère de la Rédemption, lorsque «l’occupation du monde entier sera exclusivement de connaître D.ieu», cela changera. Selon le mysticisme juif, le chiffre 10 est le symbole du total accomplissement, de la plénitude. De la même façon, le dixième recensement nous signalera que nous devons évoluer vers un nouveau niveau de notre conscience, un niveau qui nous permet d’exprimer notre intériorité. Et c’est ainsi qu’il nous encouragera à faire jaillir notre potentiel divin dans chaque facette de notre existence.
Que fait-on à Chavouot ?
On a coutume de se couper les cheveux la veille de Chavouot, donc cette année le mardi 14 mai 2013. Il convient de préparer un nombre suffisant de bougies pour les deux jours de fête ainsi qu’une bougie de vingt-quatre heures à partir de laquelle on allumera les bougies mercredi soir. Mardi soir 14 mai (à Paris avant 21h 06) et mercredi soir 15 mai (après 22h 24), les femmes allumeront les deux bougies de la fête (les jeunes filles et les petites filles allumeront une bougie), avec les bénédictions : 1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chèl Yom Tov » - (« Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les bougies du jour de fête » et 2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé » - (« Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as fait vivre, exister et qui nous as fait parvenir à ce moment »). Il est de coutume d’étudier toute la première nuit de Chavouot donc mardi soir 14 mai. Tous, hommes, femmes et enfants, même les nourrissons, se rendront à la synagogue mercredi matin 15 mai pour écouter la lecture des Dix Commandements. On marque ainsi l’unité du peuple juif autour de la Torah, et on renouvelle l’engagement d’observer ses préceptes. On a l’habitude de prendre un repas lacté avant le vrai repas de viande mercredi midi. Jeudi 16 mai, on récite, pendant l’office du matin, la prière de Yizkor en souvenir des parents disparus : on donnera de l’argent à la Tsedaka pour leur mérite. La fête se termine jeudi soir 16 mai après 22h 26 (heure de Paris). F. L.
Le cadeau de mariage du Rabbi
Adar 5750 (février 1990), dimanche matin au 770 Eastern Parkway à Brooklyn : des milliers de Juifs de toutes origines, de tous pays passent devant le Rabbi pour recevoir de sa main un billet d’un dollar à remettre à la Tsedaka (charité). Parmi eux, un Américain d’une quarantaine d’années : comme à tant d’autres, le Rabbi souhaite Bra’ha Vehatsla’ha, bénédiction et réussite et l’homme s’éloigne vers la porte de sortie de la synagogue. Subitement, le Rabbi fait signe qu’on le rappelle : surpris, l’homme revient sur ses pas et le Rabbi lui demande de transmettre deux autres billets d’un dollar «au fiancé et à la fiancée». Avant que l’homme (appelons-le Moché) ait pu réaliser ce qui se passait, le Rabbi se tourne vers le suivant dans la queue sans expliquer quoi que ce soit. Perplexe, Moché se tourne vers moi qui avais observé toute la scène : avait-il bien entendu ? Je confirmai qu’effectivement le Rabbi lui avait confié des dollars pour des fiancés. Mais il s’avéra que Moché ne connaissait personne qui allait se marier, ni dans sa famille ni parmi ses amis. Il se demandait maintenant si le Rabbi l’avait peut-être confondu avec quelqu’un d’autre. Je le rassurai : le Rabbi ne se trompe pas. Je lui suggérai d’acheter la cassette vidéo dans laquelle il apparaissait devant le Rabbi afin de s’assurer qu’il avait bien entendu et le mystère se résoudrait certainement par la suite. Comme Moché avait un rendez-vous important à Manhattan, il me demanda de l’acheter pour lui et de la lui envoyer, ce que je fis évidemment. Moché eut donc la confirmation de ce qu’il avait entendu mais ne comprenait toujours pas de qui il pouvait bien s’agir. Deux semaines plus tard, il me téléphona : il devait prendre une décision importante à propos de ses affaires et souhaitait avoir la bénédiction du Rabbi avant d’entreprendre un investissement risqué. Je lui conseillai d’écrire une lettre au Rabbi qui lui répondrait certainement. Il répondit qu’il ne s’agissait pas d’une affaire banale mais de quelque chose de vraiment très important, il devait poser la question au Rabbi face à face. Je tentai de lui faire entendre raison : si chaque Juif qui doit prendre une décision devait au préalable rencontrer le Rabbi, la queue du dimanche matin n’en finirait pas ! Mais Moché insista et, rétrospectivement, je m’en veux encore maintenant : pourquoi avais-je essayé de décourager un Juif qui désirait rencontrer le Rabbi ? Le dimanche suivant, alors que je me tenais derrière le Rabbi, je remarquai Moché dans la queue. Il arriva devant le Rabbi qui lui tendit un dollar en souhaitant Bénédiction et Réussite. Moché demanda alors au Rabbi sa bénédiction pour l’affaire qui lui tenait à cœur, le Rabbi le bénit et lui tendit un autre dollar ; Moché se retira quand le Rabbi le rappela et lui donna deux dollars supplémentaires à remettre «au fiancé et à la fiancée» ! Cette fois-ci, Moché eut du mal à cacher son étonnement ! Mais il ne pouvait revenir en arrière et demander des explications au Rabbi, la queue avait déjà bien avancé ! Une fois de plus, il me chercha des yeux et me demanda si j’avais bien entendu les mêmes paroles que lui ! Une fois de plus, je lui achetai la vidéo et la lui envoyai. De plus en plus curieux, je demandai au secrétaire du Rabbi, Rav Leib Groner, comment comprendre cette curieuse répétition, totalement hors de propos pourrait-on dire. Il réfléchit et suggéra d’écrire une lettre au Rabbi. Moché accepta bien sûr et écrivit une lettre comme l’aurait fait n’importe quel ‘Hassid. Quelques jours plus tard, le 11 Nissan, jour de l’anniversaire du Rabbi, le Rabbi répondit par écrit : «Un fiancé et une fiancée qui vont se marier à Lag Baomer ou quelques jours avant la fête de Chavouot ; il peut donner (les dollars) par l’intermédiaire du Rav qui présidera à la cérémonie dans sa ville». Soulagé, j’appelai immédiatement Moché et lui demandai s’il connaissait un Rav dans sa ville. Il réfléchit longuement : de fait, il habitait dans une petite ville et n’y connaissait personne. Puis il m’indiqua le nom d’un rabbin plutôt libéral. J’insistai : certainement, le Rabbi avait voulu signifier un rabbin orthodoxe ! Quelques jours plus tard, Moché me rappela : il avait découvert dans sa ville une toute petite communauté orthodoxe. Je l’encourageai à demander à ce Rav s’il n’allait pas célébrer un mariage à Lag Baomer. Mais, à sa grande déception, le Rav qu’il avait enfin localisé répondit sèchement (on était la veille de Pessa’h) qu’aucun mariage n’était prévu pour Lag Baomer, certainement le Rabbi se trompait... Nous étions tous les deux de plus en plus étonnés de la tournure des événements. Quelques jours avant Lag Baomer, Moché me rappela, tout excité : le Rav orthodoxe de sa ville venait de lui téléphoner pour lui annoncer qu’un jeune homme et une jeune fille l’avaient contacté afin qu’il célèbre leur mariage le jour de Lag Baomer ! Nous avions la solution et je lui conseillai de donner les dollars au Rav pour qu’il les transmette au jeune couple de la part du Rabbi ! Mais la veille de Lag Baomer, Moché me rappela : le fiancé avait eu un accident de voiture et s’était brisé la jambe. Le mariage devait donc être retardé ! «Je suis sûr que le mariage pourra être célébré avant Chavouot !» l’assurai-je, confiant dans les paroles du Rabbi. C’est exactement ce qui se passa ! Je fus d’ailleurs invité à cette élégante cérémonie qui fit une très grande impression sur tous les invités et même sur le Rav qui s’était montré tellement sceptique au début : sous la ‘Houppa, il tendit aux jeunes mariés les quatre dollars remis par le Rabbi et raconta avec émotion comment le Rabbi de Loubavitch avait prophétisé tout l’enchaînement des faits alors que le fiancé se tenait devant lui, appuyé sur ses béquilles. Et Moché murmura alors à mon oreille : «Incroyable ! Vous aviez raison : le Rabbi ne se trompe pas !» Rav Schneour Halperin Traduit par Feiga Lubecki