Samedi, 24 mai 2014

  • Bamidbar
Editorial

 Parce que Lag Baomer…

Et si on prenait le temps – et la peine – de regarder encore Lag Baomer… Trente-troisième des jours qui s’étendent entre Pessa’h et Chavouot, étape de l’attente impatiente depuis la sortie d’Egypte jusqu’au Don de la Torah, fin d’une tragique – quoique antique – épidémie, temps de cette joie liée à celle de Rabbi Chimon Bar Yo’haï : les thèmes sont si nombreux qu’il pourrait sembler presque inutile, ou très ambitieux, d’y revenir… Et pourtant, comment ne pas penser, une fois de plus et jamais une fois de trop, à ces centaines, ces milliers d’enfants réunis partout dans le monde – et, en particulier, à Paris ? Comment ne pas penser à eux qui, en ce jour, savent clamer haut et fort leur bonheur d’être Juif ? Le jour de Lag Baomer, ils défilent, mieux encore, ils paradent, comme en une manifestation de grandeur. Et les messages qu’ils donnent sont ceux, éternels, de la connaissance, de la fidélité et du courage. Ce sont les messages de l’éducation juive.

C’est peut-être ainsi que Lag Baomer livre son grand secret. Car il serait facile de n’en faire qu’une commémoration parmi toutes les autres ou une fête en l’honneur d’un de nos grands Sages qui, au fil des siècles, serait devenue une sorte de folklore émouvant, chaleureux… et sans conséquence. Mais ce n’est pas de cela que les hommes peuvent vivre. Leur vie, ils la tirent justement de la conscience qu’ils s’inscrivent dans un projet qu’ils portent et qui les emportent à la fois. Ils la tirent de cette justesse de comportement qui fait qu’un enfant juif est capable de ressentir pleinement que la joie de Rabbi Chimon le concerne, et pas seulement au titre de l’histoire. Ils la tirent du fait qu’un tel événement est aussi un facteur d’avenir. Comme un bel arbre qui grandit d’autant mieux que ses racines sont plus profondes.

Il faut nous souvenir : Rabbi Chimon vécut en une époque très dure. L’empire romain occupait Israël, l’oppression grandissait et nul ne savait de quoi le lendemain serait fait. Il maintint le judaïsme, consacra sa vie à l’étude de la Torah et donna au monde tout ce dont il avait besoin. Lorsque les enfants fêtent Lag Baomer, c’est cela qu’ils célèbrent : le don de soi, l’amour de l’autre, le souci de tous, l’impératif de la connaissance, la recherche de la paix. C’est cette volonté multiple qu’ils déclarent solennellement mettre en œuvre lorsqu’ils chantent et qu’ils jouent. C’est cette volonté qu’ils concrétisent lorsque, au lendemain de Lag Baomer, le monde n’est décidément plus tout à fait le même, grâce à eux. A présent que la route, par leur passage, s’est éclaircie, à nous de les accompagner. Le chemin n’est plus très long. Déjà la lumière se lève.

Etincelles de Machiah

 Ceux qui y goûtent mériteront la vie

Il est écrit dans les textes de Rabbi Its’hak Louria que, la veille du Chabbat, il faut goûter aux plats qu’on consommera en ce jour.

Nous nous trouvons, au plan universel, à la veille du Chabbat dans l’après-midi, au seuil de la Délivrance. Nous devons donc déjà «goûter» au sens profond de la Torah qui sera révélé au temps de Machia’h.

A propos de cette révélation, il est écrit dans le Cantique des cantiques (1:2) : «Embrasse-moi des baisers de ta bouche.» Et Rachi commente : «Nous avons l’assurance de D.ieu qu’Il nous apparaîtra de nouveau pour nous expliquer la raison profonde et cachée des choses.»

D’après Likoutei Si’hot vol.2 p. 475

Vivre avec la Paracha

 Bamidbar, Dans le désert

Ce que dit le contexte

A propos du Don de la Torah, nos Sages demandent : «Pourquoi la Torah fut-elle donnée dans le désert ?». D.ieu n’était obligé de donner la Torah dans aucun endroit particulier. Il en ressort donc que Son choix du lieu pour la Révélation nous ouvre des perspectives essentielles.

Et cela ne concerne pas seulement les Juifs qui reçurent la Torah au Sinaï mais tout un chacun, dans chaque génération. Car nous louons D.ieu en employant les termes : «notène haTorah», «Celui qui donne la Torah», en utilisant le temps présent. Il en ressort donc que le cadre choisi par D.ieu pour nous donner Sa Torah nous éclaire sur la façon d’en aborder l’étude et la pratique, en tout temps et en tous lieux.

Où il n’existe aucun propriétaire

La première réponse de nos Sages concernant la question soulevée plus haut avance qu’un désert n’appartient à aucun individu. Il en va de même pour la Torah. Elle ne constitue la propriété exclusive de personne, que ce soit une tribu ou un type de personnalité. Bien au contraire, «la couronne de la Torah est préparée, attendant et prête pour tout Juif… Celui qui le désire peut venir la prendre» (Commentaire du Sifri sur Bamidbar)

Cette nature du désert (sans propriétaire) donne également une clé pour comprendre comment un homme peut prendre possession de la Torah. Comme l’indiquent par la suite nos Sages, une personne doit «se rendre comparable à un désert, renonçant à toutes ses préoccupations», c’est-à-dire qu’elle doit se départir de tout ce qui empêche son engagement total à la Torah.

La Torah représente la volonté de D.ieu et Sa sagesse est donc infinie et illimitée, tout comme Lui. Il en découle donc que pour aborder la Torah, il nous faut nous élever au-dessus de ce que nous sommes et accepter un cadre de compréhension différent.

C’est ce que traduisit l’engagement de nos ancêtres, préalable au Don de la Torah : «naassé venichma», «nous ferons et nous écouterons» (Chemot 24 :7). L’ordre des termes de cette promesse est significatif. Au lieu d’écouter en premier lieu les commandements de D.ieu, puis de décider s’ils les accepteraient ou non, ils s’engagèrent à Lui obéir, en tout état de cause. Cette approche établit un lien entre l’homme et D.ieu dans Son essence.

Une déclaration de dépendance

Quand un homme prend un tel engagement, D.ieu modèle son environnement pour lui permettre de le tenir. Cela est également évoqué dans le fait que la Torah fut donnée dans un désert, comme l’affirment nos Sages : «Tout comme un désert n’est ni semé ni labouré, ainsi quand un individu accepte le joug de la Torah, le joug des préoccupations matérielles lui est enlevé». Dans le désert, nos ancêtres devaient dépendre de D.ieu pour toutes les nécessités de leur existence. Ils ne pouvaient se reposer sur aucune ressource naturelle.

Cependant, cela n’était en rien une source d’inquiétude ou de soucis pour eux. Bien au contraire, malgré la stérilité et la désolation du désert, ils y pénétrèrent avec une confiance parfaite. Et D.ieu répondit avec un amour attentionné. Leur alimentation, leur eau et même leurs vêtements leur étaient donnés miraculeusement. D.ieu pourvoyait à tout ce dont ils avaient besoin, leur permettant de se consacrer exclusivement à l’étude de la Torah.

Tout ce qui vient d’être dit n’est pas seulement l’histoire de notre passé. Même si nous semblons obtenir notre subsistance par des moyens naturels, la vérité est que la nature elle-même n’est qu’une série de miracles. Etant donné leur constante récurrence, nous ne percevons plus à quel point ces miracles sont tout à fait particuliers. Mais cela ne doit pas occulter la vérité : à chaque instant, nous dépendons de D.ieu.

Cette prise de conscience doit susciter un ordre de priorités. Au lieu d’accorder la préséance à nos préoccupations matérielles, nous devons la réserver à la Torah. C’est ainsi que nous pourrons avoir l’assurance complète que D.ieu répondra à tous nos besoins, comme Il l’a fait pour nos ancêtres.

Du désert à la floraison

L’aridité du désert peut également servir d’analogie pour l’état spirituel de l’homme. Bien qu’il se sente vide et désolé, et peut-être à juste titre, car il vit dans un désert spirituel, il n’a nullement besoin de désespérer. D.ieu est descendu dans le désert pour donner à l’homme Son trésor le plus précieux, la Torah. Et il en va de même aujourd’hui. Quel que soit le niveau spirituel de la personne, D.ieu lui offre l’opportunité d’établir un lien avec Lui, par le biais de la Torah.

Nos Sages relatent que durant les quarante années d’errance du Peuple Juif dans le désert, ils réussirent à le transformer «en terre confortable», au point que des arbres fruitiers y fleurirent et donnèrent des fruits. Notre étude de la Torah peut produire un effet similaire. Certains traits qui nous caractérisent et paraissent stériles peuvent devenir, sous l’influence de la Torah, productifs.

L’épanouissement ultime

La Paracha Bamidbar, «Dans le désert», est toujours lue avant la fête de Chavouot car elle porte une leçon importante, particulièrement aujourd’hui car notre génération attend une nouvelle étape dans la Révélation de la Torah, une étape où «de nouvelles (dimensions de la Torah) émergeront de Moi».

Le Don de la Torah ne se répétera jamais, cependant nos Sages disent que les enseignements présents de la Torah ne sont «rien en comparaison des enseignements de Machia’h». Car alors, la dimension divine de la Torah sera ouvertement révélée et tout le monde pourra apprécier son message spirituel.

Tout comme les Juifs se préparèrent impatiemment aux révélations sinaïtiques, comptant anxieusement les jours jusqu’au Don de la Torah, nous devons également nous préparer avec joie et excitation à la révélation de Machia’h.

Et alors, avec la venue de la Rédemption, «les pâturages du désert jailliront et les arbres donneront leurs fruits». Que cela ait lieu immédiatement !

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que Lag Baomer (cette année dimanche 18 mai 2014) ?

Le 33ème jour du compte de l’Omer rappelle la Hiloula (décès) de Rabbi Chimone Bar Yo’haï qui avait demandé que cette date soit célébrée comme un jour de joie (puisqu’il y avait achevé de façon parfaite sa mission sur terre). Ce jour marque une pause dans la période de deuil instituée à cause d’une terrible épidémie qui avait frappé les disciples de Rabbi Akiba).

- On ne récite pas les prières de Ta’hanoune (supplications), même pas la veille.

- Nombre de gens ont la coutume de se rendre au tombeau de Rabbi Chimone Bar Yo’haï à Mérone, près de Tibériade en Galilée ; on y procède à la première coupe de cheveux des garçons qui ont atteint l’âge de 3 ans depuis Pessa’h.

- On organise des réunions ‘hassidiques joyeuses.

- On a la coutume de manger des caroubes, en souvenir de ces fruits dont se nourrissaient Rabbi Chimone et son fils Rabbi Eléazar quand ils se cachaient dans une grotte à cause des Romains. Certains ont aussi la coutume de manger des œufs durs dont la coquille serait devenue marron durant la cuisson.

- On donne davantage de Tsedaka (charité).

- Les enfants sortent et défilent tous ensemble fièrement dans la rue avec des drapeaux et des pancartes les encourageant à étudier la Torah et accomplir les Mitsvot : le but de la descente de l’âme dans le corps est de «marcher», d’avancer dans la vie. Ces défilés donnent chaleur et vitalité à l’étude formelle et prolongent l’enthousiasme des enfants dans leur éducation.

- Lag Baomer est un moment propice pour prier pour la naissance d’enfants et leur bonne éducation.

F. L. (d’après Hamitsvaïm Kehala’ha)

Le Recit de la Semaine

 Le feu de Jérusalem

En mai 1948, juste après la proclamation de l’État d’Israël, l’armée jordanienne encercla Jérusalem avec ses meilleures forces : les mieux entraînées, les mieux équipées et les plus motivées pour empêcher les Juifs de posséder enfin un état avec leur capitale éternelle. Le siège dura plusieurs semaines : la jeune armée israélienne tenta bien de desserrer le nœud qui menaçait d’étrangler la capitale plurimillénaire mais échoua. Les Juifs restés dans la ville commençaient à souffrir de la faim et de la soif.

Seuls quelques soldats munis d’armes légères défendaient la vieille ville et chacun savait que le commandemant jordanien allait donner l’assaut d’un instant à l’autre : la ville tomberait et ses habitants seraient massacrés sans pitié comme l’avaient été ceux de Kfar Etzion quelques semaines plus tôt.

Miraculeusement, les tentatives arabes avaient échoué : ainsi, quelques jours avant Lag Baomer, ils envoyèrent deux tanks suivis de quelques soldats pénétrer dans la ville pour y semer la panique. Les forces israéliennes sur place ne possédaient aucune arme contre ces monstres d’acier et de technologie qui paradaient déjà dans les rues : soudain un soldat intrépide, venu de nulle part, sauta dans le premier tank, souleva le capot qui – miraculeusement – n’était pas fermé hermétiquement, lança à l’intérieur un cocktail Molotov et sauta le plus loin possible : malgré les tirs acharnés venus de l’autre tank, il réussit à s’enfuir, indemne. Le premier tank explosa avec tous ses occupants, le second tank rebroussa chemin précipitamment.

Mais les tirs ennemis continuaient : chaque jour, des Juifs tombaient sous le feu des mortiers de cette armée ultra moderne, la mieux équipée du Moyen-Orient.

Ce jeudi 28 mai serait Lag Baomer, le jour où – près de 2000 ans auparavant – Rabbi Chimone Bar Yo’haï avait révélé les plus grands secrets de la Torah orale et avait proclamé que cela devenait un jour de fête juste avant de quitter ce monde. La tradition était d’allumer un feu, symbolisant la flamme et la chaleur révélées dans ses enseignements. Cependant, allumer un feu dans la nuit attirerait certainement une attaque des ennemis : auparavant, les Jordaniens n’avaient pas fait usage d’un feu intensif contre la ville parce qu’ils étaient certains qu’elle tomberait entre leurs mains tôt ou tard. Mais un feu allumé durant la nuit pourrait être pour eux la cible d’un excellent exercice de tir !

Quelqu’un émit alors une idée originale : la coutume à Jérusalem est d’allumer les bougies de Chabbat quarante minutes avant le coucher du soleil (donc plus tôt que dans le reste du monde) ; pourquoi ne pas agir de même avec le feu de Lag Baomer ? On allumerait en plein jour, on danserait un peu et ceci n’attirerait pas l’attention de l’ennemi. Aussitôt, les ‘Hassidim (une trentaine environ) se réunirent et apportèrent qui de l’essence, qui des chiffons, qui des brindilles et même du petit bois. Devant le feu allumé en toute discrétion, ils se mirent à chanter et à danser, oubliant la peur et la faim, tapant des mains en l’honneur de Rabbi Chimone Bar Yo’haï, se réjouissant en chantant de plus en plus fort, sans remarquer que la nuit commençait à tomber et que le feu serait remarqué par les ennemis…

Soudain, les canons ennemis se mirent à tonner et les réveillèrent de leur demi-extase. Jamais auparavant Jérusalem n’avait subi un tel déluge de feu ; des bâtiments s’effondraient, des incendies éclataient, chacun s’efforça de regagner en toute hâte son domicile pour au moins tenter de protéger les siens puis, mus par un réflexe venu du fond des âges, les Juifs se précipitèrent vers leurs synagogues : là, D.ieu les sauverait !

Voici l’unique témoignage de cet épisode : Rav Avraham Yonatane Gotlieb raconte comment Rav Zev Isenbach se dressa sur l’estrade et lut 91 fois le Psaume 91, suppliant D.ieu de les sauver. Et c’est ce qui se passa !

Soudain, un autre Juif apparut dans la synagogue, portant un grand sac : c’était Rav Yosel Eichler qui se mit à distribuer des petits pains en rappelant : «C’est un jour de fête aujourd’hui ! Mangez en l’honneur de Rabbi Chimone !»

Au bout d’une heure, les bombardements cessèrent. Personne n’avait été blessé ! Le silence s’installa mais l’armée jordanienne n’envahit pas la ville !

Un soldat israélien arriva alors en courant, à bout de souffle : «C’était donc vous ! N’êtes-vous pas fous ? Savez-vous ce qui est arrivé ? L’armée jordanienne s’est enfuie ! En vous entendant chanter et en apercevant le feu, ils ont pris peur ! Ils ont cru que ce qui vous rendait heureux, c’était que vous aviez certainement reçu des renforts en armes et en soldats qui allaient bientôt les attaquer ! Alors ils se sont enfuis, paniqués ! C’est un des Arabes qui nous l’a rapporté ! C’est un véritable miracle ! Certainement par le mérite de Rabbi Chimone ! Si vous n’aviez pas chanté et dansé, ils nous auraient certainement tous tués !»

- C’est pour cela qu’ils ont tiré tellement de munitions ! Leur commandant leur a demandé de couvrir leur débâcle en tirant sans arrêt ! Tout s’explique !

Le lendemain de Lag Baomer, vendredi, les deux grands Rabbins de Jérusalem, Rav Minzberg et Rav ‘Hazan hissèrent le drapeau blanc et entrèrent dans le camp jordanien pour se rendre mais sous certaines conditions, en particulier que toute la population soit épargnée et puisse sortir de la ville avec des bagages, sans être attaquée ; ce qui fut accordé. A la stupéfaction générale, les Jordaniens acceptèrent, comme s’ils étaient encore sous l’impression laissée par le feu de Lag Baomer…

Rav Tuvia Bolton – www.ohrtmimim

Traduit par Feiga Lubecki

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