Semaine 22

  • Bamidbar
Editorial
Un monde qui brille

Il existe des semaines brillantes, de ces semaines qui présentent un tel éclat que rien ne peut les assombrir. Et même si nous pouvons être aussi les témoins d’événements indésirables, nous sentons la lumière du temps toujours présente, mieux, nous la voyons disperser les miasmes de l’obscurité. Cette semaine commence par Lag Baomer, le 33ème jour de l’Omer, Hilloula de Rabbi Chimon Bar Yo’haï, à qui le monde doit le Zohar. Ce jour est, en soi, une lumière. Il brille dans la nuit de l’exil et étend sa protection à tous ceux dont le quotidien fragilise la spiritualité. Rabbi Chimon est celui dont les Sages ont dit qu’on « peut se fier à lui en période difficile » car son mérite entraine le monde entier et tous les hommes qui l’habitent.
Lag Baomer, des centaines de milliers d’enfants défilent dans toutes les grandes villes du monde, de New York à Paris et de Jérusalem à Moscou, pour clamer bien haut, avec leur bonheur d’être juifs, leur attachement au judaïsme et à ses valeurs, leur amour du prochain, leur espoir d’un monde enfin en paix avec lui-même, en harmonie avec son Créateur. A Paris justement, ils sont plusieurs milliers à être ainsi venus avec la grandeur et la sincérité des âmes pures. Ce spectacle est d’abord une vision de joie et cela suffirait pour qu’on le souligne mais, au-delà de ce simple constat, il est aussi l’affirmation d’une attente et d’une espérance. Rabbi Chimon fut, a-t-on dit, celui qui donna au monde le Zohar, la lumière éternelle de la Sagesse Divine. Les enfants en sont aujourd’hui les porteurs. Cette lumière est celle du sens profond de la Torah dont il revient à chacun de faire tout à la fois son compagnon et son guide.
Est-ce là une trop grande ambition ? Ce sens profond de la Torah est cependant une clé. Il est ainsi enseigné que c’est par le mérite de cette étude que « le peuple juif sera libéré d’exil avec miséricorde. » Sommes-nous dignes de cette étude ? En sommes-nous seulement capables ? L ‘enseignement de Rabbi Chimon est parvenu jusqu’à nous. Bien des siècles plus tard, le Baal Chem Tov et ses successeurs le développèrent pour qu’il puisse devenir nôtre. Aujourd’hui il est à la portée de chacun dans toutes les langues du monde. Faut-il y voir un signe ? En une semaine de lumière, n’y a-t-il pas ici comme une lumière encore plus grande qui montre ses contours ? Celle de la venue de Machia’h. Voici donc arrivé le moment où, par ses actes, chacun peut contribuer à cet avènement. Lag Baomer est venu nous le rappeler. Gardons précieusement ce message. Pour le mettre en œuvre.
Etincelles de Machiah
Près du sommet

Notre génération est comparable à un homme qui s’efforce d’atteindre le sommet d’une montagne. Alors qu’il s’en approche toujours davantage, il doit rassembler toutes ses forces pour franchir la courte distance qui l’en sépare encore. A ce moment-là, toute branche, toute pierre où l’on peut se tenir est précieuse. Mais aussi la lumière est nécessaire pour savoir reconnaître les points d’appui.
Nous sommes très proches du sommet, de l’accomplissement de l’histoire des hommes car le Machia’h est littéralement à notre porte. Celui qui sait voir et entendre en est déjà pleinement conscient. Comme celui qui gravit la montagne, il nous faut accorder toute sa valeur à ce qui est bien et rechercher la lumière, celle de la Torah.
Comme l’alpiniste doit être ferme dans son effort, nous devons laisser les forces de notre âme s’exprimer. Comme il doit connaître les voies d’accès, nous devons suivre les chemins indiqués par la Torah.
Nous sommes aujourd’hui en cet instant qui précède l’aube, où le sommeil semble plus pesant. Il appartient à chacun de se réveiller pour recevoir le matin du monde.
(D’après Séfer Hasi’hot 5696, p. 316)
Vivre avec la Paracha
Bamidbar : Compte à rebours

Les préparatifs de n’importe quel événement nous donnent une idée de la nature de l’événement en question. La femme qui achète une robe de mariée, dans un magasin, se prépare au jour de ses noces et celle qui, dans un camping, rassemble du bois sec se prépare à faire un feu de camp. Il est bien évident que la robe de mariée n’est pas destinée au feu de bois et que le bois sec n’est pas destiné à être disposé en pyramide lors de la réception du mariage. Il en va de même concernant les préparatifs d’événements d’ordre religieux ou spirituel. Un mois d’introspection et de repentance constitue une préparation adéquate pour les fêtes de Tichri et plus particulièrement pour le jour où D.ieu examine nos actes et rend Son jugement pour la nouvelle année. Scruter chaque recoin de la maison à la recherche du ‘hamets est un signe certain que Pessa’h approche.
Chavouot est la fête qui marque l’anniversaire du jour où D.ieu nous donna la Torah. Ce jour mémorable est également précédé d’une période de préparation : les sept semaines du Compte de l’Omer. Nous nous préparons pour Chavouot en comptant des nombres.
Il est intéressant d’observer que la Paracha Bamidbar est toujours lue peu de temps avant Chavouoth, généralement le Chabbat qui précède immédiatement la fête. Cette lecture de la Torah commence le livre de Bamidbar et il est vrai qu’on y voit beaucoup de nombres.
Tout d’abord les Juifs sont recensés et la Torah nous fournit le nombre des Hébreux dans chaque tribu, sous chacune des quatre «bannières» et enfin nous en donne la somme totale. Puis, et à deux reprises, les Lévites sont comptés. Les premiers-nés ont également droit à leur propre recensement.
Pourquoi ce compte à rebours qui nous mène à la fête de Chavouot ? Quel lien y a-t-il entre les nombres, le recensement et le don de la Torah dont bénéficia notre peuple en cette occasion ?
Compter est un facteur d’égalisation. Chaque unité recensée s’ajoute à une autre, ni plus ni moins. Utilisons en guise d’exemple deux des recensements que nous venons d’évoquer : le Compte de l’Omer et le recensement des Juifs.
La période des sept semaines de l’Omer comporte de nombreux jours, tous différents les uns des autres, certains saints et enthousiasmants, d’autres apparemment ordinaires et quotidiens. D’une part, s’y trouvent les jours de Pessa’h, sept Chabbat, Roch ‘Hodech et la célébration profondément mystique de Lag BaOmer. Et puis nous devons retourner à nos mornes occupations, aux lundis et au reste des jours ordinaires. Mais en ce qui concerne le Compte de l’Omer, chacun de ces jours possède exactement la même valeur : un jour dans le voyage vers Chavouot. Quelles que soient les qualités extérieures de ces jours, ils sont, par essence, une copie du jour qui précède et de celui qui suit. Chaque jour est un don de D.ieu que nous sommes sensés utiliser, exploiter du mieux possible dans Son service. La façon dont nous le faisons chaque jour peut changer, certains jours nous Le servons en allant travailler et d’autres en nous abstenant de travailler. Certains jours, nous Le servons en mangeant et d’autres, en jeûnant. Compter les jours nous permet de nous concentrer sur ce qui unit tous ces jours, sur leur facteur et leur but communs.
Il en va de même en ce qui concerne le recensement des Juifs. En tant que peuple, nous sommes bien loin de former un groupe homogène. Et c’est vrai dans tous les domaines. Notre service de D.ieu ne fait pas exception à cette règle. Selon nos talents et nos aptitudes personnels, certains d’entre nous servent D.ieu par une étude assidue de la Torah, d’autres en dévouant leur temps au service de tous, d’autres encore par des dons financiers qui soutiennent des causes méritantes et enfin certains en récitant, avec dévotion et sincérité, des Psaumes. Les leaders et leurs adeptes. Les jeunes et ceux qui le sont moins. Les hommes et les femmes. Les érudits et les profanes. Chaque segment de notre peuple, chaque individu sert D.ieu à sa manière bien à lui.
Et le compte des Juifs nous enseigne que le service de tout un chacun n’est pas plus ou moins important que le service d’un autre. Certaines approches peuvent paraître plus attractives, plus démonstratives et plus visibles que d’autres, mais au fond, nous sommes tous impliqués dans la même poursuite : celle de servir notre Créateur avec tous les talents et les ressources dont nous disposons.
Tous ces comptes mènent à Chavouot, le jour où nous fut donnée la Torah, l’ultime facteur d’égalisation.
L’essence et le dessein de chaque création est le désir de D.ieu d’une Résidence ici-bas, un royaume terrestre qui sera transformé en habitat hospitalier où Son essence peut s’exprimer. C’est la Torah qui, tout d’abord, nous révèle le plan divin. C’est elle qui contient les Mitsvot, les outils qui nous permettent de réaliser Son projet. Enfin, la Torah apporte l’harmonie et l’égalité à toute la création car elle nous montre comment chacune des myriades de ses composants est essentiellement identique car toutes possèdent un but unique.
A l’approche de Chavouot, prenons à cœur ce message. Chaque personne compte. Chaque jour compte. Chaque composant de la création compte. Et nous devons compter la bénédiction d’avoir reçu la Torah sans laquelle rien ne compterait.
Le Coin de la Halacha
Comment enseigne-t-on à lire l’hébreu ?

Enseigner à lire les lettres saintes de la langue hébraïque n’est pas qu’une simple technique.
La Torah a été écrite sur la base des vingt-deux lettres et des voyelles de l’hébreu. Le monde entier a été créé par les Dix Paroles (de la Genèse : «Et D.ieu dit : ‘Que la lumière soit !’» etc.) C’est pourquoi on enseigne tout d’abord à un enfant (ou un adulte…) lors de son entrée à l’école juive les lettres du Aleph-Beth (par leur nom en hébreu) qui serviront de fondation pour toute la Torah qu’il étudiera durant sa vie.
Ensuite, on lui apprend les voyelles avec leur nom respectif en hébreu (et non pas simplement leur équivalent phonétique en français) puis on lui apprend à combiner ensemble les voyelles et les lettres.
Certains prétendent que cette méthode prend trop de temps. Mais ceci n’est pas important. Le Rabbi déclare : «La sainteté des lettres hébraïques, des voyelles et de leurs noms provient de Moché Rabbénou (Moïse notre maître) qui les a reçues sur le mont Sinaï de D.ieu Lui-même. Les noms des voyelles sont les acronymes de noms d’anges etc.»
Par ailleurs, le Rabbi déclarait : «Quand nous apprenons à l’enfant : «Kamatz-Aleph : A», c’est de fait une référence à la première lettre des Dix Commandements : «Ano’hi». En enseignant de cette manière, nous connectons l’enfant à toute la Torah !»
Le Rabbi précédent écrivait : «Les lettres de la Torah sont saintes : ‘Kamatz’ représente : «Kéter» (la couronne, plus élevée que toutes les sphères kabalistiques), ‘Pata’h’ représente ‘Ho’hma (la connaissance) et la sainteté de ces lettres irradie les âmes de nos enfants afin qu’ils demeurent à jamais de bons Juifs fidèles et loyaux».

F. L. d’après Rav Levi Goldstein
N’shei Chabad Newsletter n°7104
De Recit de la Semaine
Cinquante ans plus tard

En 1953, notre famille a eu le mérite d’entrer en Ye’hidout (entrevue privée) avec le Rabbi de Loubavitch (qui n’avait accepté sa fonction que deux ans plus tôt) : il encouragea mes parents à s’installer à Cleveland, dans l’Ohio.
Afin d’assurer que nous, leurs enfants, nous resterions de bons ‘Hassidim dans cet endroit où nous serions les seuls Loubavitch, mes parents décidèrent que, chaque fois qu’ils se rendraient chez le Rabbi à Brooklyn pour la fête de Souccot (il serait trop cher de faire voyager toute la famille ensemble), donc nous les enfants accompagnerions nos parents à tour de rôle.
C’est à treize ans que j’eus la joie de pouvoir passer Souccot chez le Rabbi avec ma mère. Mon premier Sim’hat Torah au 770 fut inoubliable.
Avant d’entrer en Ye’hidout, ma mère m’avait prévenue : je devais écouter attentivement ce que disait le Rabbi et répondre avec précision à ses questions. Le Rabbi me demanda ce que j’apprenais en ‘Houmach (Bible) et me posa des questions sur la Sidra. J’avais la chance d’avoir de bons professeurs et je répondis donc de façon satisfaisante. Puis le Rabbi se tourna vers ma mère et elle me fit signe de quitter le bureau afin qu’elle puisse discuter de ses problèmes particuliers avec le Rabbi.
Quelques instants plus tard, ma mère sortit et me dit de retourner au plus vite dans le bureau : «Le Rabbi veut te parler !» Très étonnée, je retournais en Ye’hidout.
Le Rabbi annonça : «Votre mère m’a informé que vous organisez un groupe de ‘Messibot Chabbat’. De quoi s’agit-il exactement ?»
- Oh, pas grand-chose ! répondis-je. Chaque Chabbat après-midi, mes sœurs et moi-même allons chercher des petites filles chez elles ; nous les amenons chez nous, nous leur donnons à boire et à manger en leur faisant répéter les bénédictions ; nous leur apprenons des chants ‘hassidiques, nous dansons même un peu ; nous leur racontons des histoires que nous avons lues dans «Conversations avec les Jeunes» puis nous les ramenons chez elles !»
Le Rabbi sembla très content de ma réponse : il m’adressa un grand sourire et me souhaita beaucoup de succès pour cette initiative. Et il ajouta : «A l’avenir, je ne devrais pas avoir besoin de vous demander ce que vous faites, vous devriez m’en informer de votre propre chef !» (Depuis cette Ye’hidout, j’ai toujours écrit au Rabbi pour l’informer de mes activités dans la propagation du judaïsme et actuellement, j’apporte mes lettres au Ohel, sur le tombeau du Rabbi dans le Queens). Le Rabbi continua à nous bénir, mes sœurs et moi-même en nous souhaitant beaucoup de succès dans cette mission pour inspirer les petites filles qui fréquentaient nos Messibot Chabbat. A cet instant, j’eus l’impression d’avoir grandi de dix mètres ; j’étais devenue la fille de treize ans la plus importante et la plus capable du monde entier.
Cinquante ans plus tard :
Au cours de leur vie, mes parents – Rav Zalman et la Rabbanite Shula Kazen, puissent-ils vivre très longtemps en bonne santé – apportèrent la lumière de la Torah à des centaines de Juifs américains et russes dont les enfants fréquentèrent l’école juive qu’ils avaient fondée et dirigée à Cleveland. Cette école décida donc d’honorer mes parents pour leur dévouement de plus de cinquante ans en faveur de l’éducation juive en leur dédiant son dîner annuel.
Ma sœur Rivka Kotlarsky et moi-même prîmes l’avion de New York pour Cleveland pour être à leurs côtés en cette occasion émouvante. Alors que nous attendions nos bagages à l’aéroport Hopkins de Cleveland, je remarquai de nombreuses femmes juives vêtues de façon orthodoxe qui attendaient également leurs bagages. Ma sœur et moi étions très étonnées.
L’une de ces femmes nous sourit et finalement s’adressa à nous : «Etes-vous Blumah ou Ra’hel ?»
- Ce sont mes sœurs, répondis-je, Blumah Wineberg et Ra’hel Goldman. Moi, c’est Henya Laine et voici ma sœur Rivka Kotlarsky.
Les dames à l’aéroport se présentèrent et nous racontèrent que, cinquante ans plus tôt, elles avaient fréquenté nos groupes de Messibot Chabbat. A la suite de cela, certaines d’entre elles avaient quitté l’école publique et s’étaient inscrites à l’école juive de Cleveland fondée par nos parents : elles étaient revenues spécialement pour assister elles aussi à ce dîner offert en leur honneur.
Comment avaient-elles évolué depuis ? Certaines d’entre elles avaient continué leurs études dans des séminaires de jeunes filles en Israël ; l’une d’entre elles avait écrit des livres à contenu juif pour les enfants ; d’autres évoluaient dans le milieu éducatif ou dans les affaires. Toutes avaient fréquenté les Messibot Chabbat des sœurs Kazen et toutes étaient devenues des femmes juives orthodoxes, engagées dans la vie communautaire, se rendant utiles pour la propagation du judaïsme parmi les jeunes générations. Elles transmettaient, dans la joie et l’enthousiasme, de solides valeurs juives.
J’avais eu le mérite de constater comment la bénédiction du Rabbi à une petite fille de treize ans s’était concrétisée et avait permis de développer une jeunesse juive florissante.

Henya Laine
N’shei Chabad Newsletter n°7103
traduit par Feiga Lubecki