Sur la route des vacances
Quand le soleil se décide à briller et que le bleu finit par conquérir le ciel, il y a tout à coup comme une nouvelle perspective qui monte dans l’esprit des hommes. Ce n’est sans doute pas une de ces grandes visions aptes à embraser les choses mais c’est bien une de ces humbles pensées qui font le quotidien de l’homme, donnant une orientation au temps qui passe. On appelle cela les vacances et, déjà, on en sent comme un frémissement dans l’air. Certes, nous n’y sommes pas encore, nul ne peut trop hâter l’avancée des rythmes sociaux. Mais la préoccupation en est évidemment présente : où aller, quand, comment ? Puisque nous en sommes là, il faut interroger le concept même : qu’est-ce donc exactement que des vacances ? Les réponses peuvent, de fait, être multiples. Par les temps qui courent, certains auront tendance à dire que c’est d’abord une conquête sociale, d’autres y verront les bienfaits d’une société économiquement développée. Pour ce qui nous concerne, sans doute faut-il y chercher d’abord un but. Le judaïsme ne regarde-t-il pas d’abord le monde, dans tous ses aspects, comme le lieu du service de D.ieu ?
Et si, justement, c’était le terme « vacances » lui-même qui nous apportait un enseignement précieux ? Etymologiquement, le mot renvoie à la notion de « vide ». Voici qui est bien ambigüe. En effet, le terme peut aussi bien retentir comme auto-suffisant – d’une certaine façon, vide et fier de l’être – ou, au contraire, comme une invitation à le remplir. Cela implique un véritable choix. Voyons-nous dans les vacances un simple moment où il n’y a « rien » à faire, une période dédiée à la vacuité, ou un lieu privilégié où « tout » peut être construit ? En notre temps, dans notre société, les hommes vouent largement ce moment à l’oubli : oubli des soucis du quotidien, oubli de la grisaille et des contraintes sociales… oubli aussi de soi. Tout cela se traduit par un mode de vie estival oscillant entre adoration de l’astre solaire et culte du corps. Certes, le repos physique est important ; il permet de reprendre l’année avec des forces renouvelées. Cependant, l’âme a également besoin de retrouver sa fraîcheur.
C’est ici qu’intervient le sens plus authentique des « vacances » : un espace de liberté à remplir de nos aspirations. Car ce temps peut enfin être celui où l’on peut retrouver ce que l’on est vraiment. Retrouver le chemin de l’étude et de la connaissance, retrouver le sentier de la réflexion et de la compréhension, renouer les liens distendus par la vie – avec ses proches ou avec soi-même. Tout va être à portée. Voici venir les vacances. Préparons-nous à nous libérer !
Le cerveau et le cœur
Il est souvent expliqué que l’exil présente un certain nombre d’aspects positifs : il est « une chute pour permettre une élévation supérieure », il manifeste « la supériorité de la lumière qui provient de l’obscurité » etc. Toutefois, toutes ces explications s’adressent au cerveau. Pour les sentiments du cœur, l’amertume de l’exil les rend toutes inacceptables.
C’est pourquoi, bien que ces explications aient été données et comprises, le Peuple juif ne cesse de demander que l’exil se termine enfin et que la Délivrance arrive.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch –
Chabbat Parchat Nitsavim 5741)
Beaalote’ha
Aharon reçoit l’ordre d’allumer la Menorah et la tribu de Lévi est initiée au service du Sanctuaire.
Un « second Pessa’h » est institué en réponse à la pétition d’un groupe de Juifs qui n’avaient pu apporter le sacrifice de Pessa’h.
D.ieu indique à Moché l’itinéraire dans le désert et le Peuple part du Mont Sinaï où il avait campé presqu’une année.
Le Peuple réclame à Moché de la viande.
Moché demande aux 70 Anciens de l’assister dans la difficile gouvernance du Peuple.
Miryam parle en termes critiques de son frère Moché. Elle est punie par une maladie de la peau. Moché prie pour sa guérison et la communauté entière attend sept jours jusqu’à ce qu’elle guérisse.
La Paracha de cette semaine commence par le commandement adressé à Aharon d’allumer la Menorah, le Candélabre, dans le Sanctuaire. La Menorah symbolise le Peuple juif car le but de l’existence du Juif est de répandre la Lumière Divine dans le monde entier, ainsi qu’il est écrit : « L’âme de l’homme est la lumière de D.ieu ». Avec « la lumière de la Torah et la bougie des Mitsvot (les commandements) » notre peuple est à même d’illuminer son environnement.
La Menorah se prolongeait en sept branches qui symbolisent sept démarches dans le Service Divin. Néanmoins, elle était fabriquée d’un seul bloc d’or. Cela reflète le fait que les différentes et multiples qualités qui caractérisent le Peuple juif ne le détournent pas de son unité fondamentale. La diversité n’est pas obligée de mener à la division et le développement d’une unité réelle émerge d’une synthèse de différents élans, chacun exprimant ses propres qualités et sa personnalité.
Non seulement la Menorah souligne-t-elle l’importance de chaque individu mais la façon dont elle était allumée met en lumière l’importance de l’effort personnel. Ce concept se dégage du sens littéral de la phrase utilisée par la Torah pour relayer le commandement de D.ieu d’allumer le Candélabre : « Quand tu élèveras (« behaaloté’ha ») les lampes. » Rachi explique que cela signifie que le Cohen devait coller la flamme à la mèche « jusqu’à ce que la flamme monte d’elle-même » et brille en toute indépendance ».
Interpréter allégoriquement chacune des expressions utilisées par Rachi fait apparaître des concepts fondamentaux qui s’en dégagent.
« La flamme » : Chacun a le potentiel d’être « une lampe ». Cela ne suffit pourtant pas. Il faut également prendre conscience de ce potentiel et devenir une flamme qui produit une lumière radieuse.
« Tu élèveras » : Il ne faut pas se satisfaire de son niveau présent, quelque raffiné qu’il soit. Il est important d’avancer, à la quête d’un service Divin plus élevé et plus complet.
« D’elle-même » : Il nous faut intérioriser l’influence de nos maîtres jusqu’à ce que leur lumière devienne notre lumière. Le savoir que l’on acquiert nous donne la force de briller en toute indépendance.
Mais plus encore, il faut « monter par soi-même », c’est-à-dire que le désir de progresser doit devenir notre propre nature. Même sans recevoir d’encouragements provenant de l’extérieur, il nous faut, sans cesse, continuer à chercher à progresser.
Ces concepts ne s’appliquent pas exclusivement à notre aspiration personnelle à grandir spirituellement mais également à la manière dont il convient d’aller à la rencontre d’autrui. Nous ne devons en aucun cas encourager la dépendance. Notre intention doit plutôt être de faire de ceux que nous rapprochons du Judaïsme des « lampes qui s’élèvent d’elles-mêmes », des lampes indépendantes qui répandront à leur tour « la lumière de la Torah » dans leur entourage.
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Dans la Paracha nous lisons également que Moché s’adressa à D.ieu en s’exclamant qu’il ne se sentait pas capable d’assumer tout seul la responsabilité du Peuple juif. D.ieu lui répondit : « Assemble 70 Anciens d’Israël… Je ferai en sorte que se produise une émanation d’une partie de l’esprit que tu possèdes et Je la placerai sur eux. Tu n’auras dès lors plus besoin de porter la responsabilité tout seul. »
Au sujet de la transmission de l’émanation de l’esprit de Moché aux Anciens, le Sifri note : « A quoi ressemblait Moché à cette époque ? Il ressemblait à une bougie placée sur un candélabre à partir de laquelle étaient allumées de nombreuses autres bougies, sans que cela ne diminue sa propre lumière.
L’on rencontre une idée similaire dans le Midrach : « [Cette émanation] risquait-elle d’affecter le niveau prophétique de Moché ? Pas du tout ! Mais c’était plutôt comparable à une bougie qui brûle et à partir de laquelle de nombreuses autres bougies sont allumées sans que sa lumière n’en soit amoindrie.
Là encore, rien ne venait à manquer chez Moché car le verset atteste que ‘aucun prophète semblable à Moché ne se leva en Israël’ ».
Bien que le Midrach et le Sifri semblent partager la même réflexion, à savoir que la transmission de l’esprit de Moché aux Anciens ne l’affecta en rien, un examen attentif de la formulation utilisée révèle que leur raisonnement diffère.
Le Sifri statue que Moché « ressemblait à une bougie placée sur un candélabre ». Quelle différence cela fait-il que la bougie soit placée ou non sur un candélabre ? Il est évident que cette disposition est cruciale pour l’explication du Sifri quand il explique que Moché ne fut en rien amoindri.
Le Midrach, quant à lui, soutient dans son affirmation que « rien ne manquait à Moché » par le témoignage selon lequel Moché était le plus grand prophète ayant jamais existé. Comment tire-t-il cette preuve du verset ? Était-il inconcevable que « quelque chose vienne à manquer à Moché » sans pour autant affecter sa stature de « plus grand des prophètes » ?
Il est clair que, selon le Midrach, le degré de grandeur de Moché explique le fait qu’aucun changement ne se produisit en lui.
Comment comprendre tout cela ?
En tenant compte du fait que Moché était d’un niveau de sainteté beaucoup plus élevé que les Anciens, la logique aurait dicté qu’il lui serait nécessaire de s’abaisser pour leur impartir son esprit.
Que cette descente n’eût pas lieu peut être attribué à l’un des deux facteurs suivants :
- A cette époque, Moché était d’ores et déjà à un niveau moindre qu’à l’ordinaire, un niveau comparable à celui des Anciens.
- Moché était si grand qu’il pouvait transmettre son propre esprit, tout en restant à son niveau exceptionnel, sans en être lui-même affecté de quelque manière que ce soit.
Et c’est là que réside la différence entre le commentaire du Sifri, un livre de loi juive qui offre une perspective d’un point de vue simple et plus pratique, et le Midrach, œuvre qui observe les sujets d’un regard plus spirituel.
La demande de Moché à D.ieu, pour que d’autres partagent sa responsabilité, suivit immédiatement le péché des « plaignants », individus qui s’avancèrent avec des revendications perfides et émirent des réclamations fallacieuses.
Puisque la grandeur de Moché émanait directement de son rôle de leader, l’on peut aisément comprendre que la descente du Peuple juif, suscitée par « les plaignants » entraîna une descente correspondante chez Moché.
Ainsi, selon le Sifri, « à cette époque, Moché ressemblait à une bougie placée sur un candélabre », c’est-à-dire facilement accessible à tous, car lui aussi avait subi une descente, si bien que le fait de partager son esprit avec les Anciens ne suscita pas de régression supplémentaire.
En revanche, selon le Midrach, l’émanation de son esprit n’affecta pas Moché car il était si élevé qu’ «aucun autre prophète comme Moché ne se leva en Israël ». Il était donc capable de rester à ce niveau exceptionnel quand bien même il partageait son esprit avec d’autres.
Le lavage des mains (suite)
Avant de se laver les mains rituellement, on vérifiera qu’elles sont propres et que nulle substance (peinture, colle, saleté…) ne forme une barrière entre l’eau et la main. On veillera à ce que les ongles soient propres et courts. Un ongle à demi-arraché constitue une ‘Hatsitsa (qui empêche de laver complètement la main) et sera donc soigneusement coupé.
On enlève les bagues.
Un pansement sera enlevé sauf s’il s’agit d’un soin protecteur ou d’un plâtre pour empêcher tout contact ou pour atténuer une douleur : dans ce cas, on versera l’eau tout autour du pansement ou plâtre.
On remplit le Kéli (récipient), on le saisit dans la main droite, on le passe dans la main gauche puis on verse l’eau en deux fois (ou mieux : en trois fois) sur la main droite puis on prend le Kéli dans la main droite (protégée par une serviette) et on verse l’eau en deux (ou trois) fois sur la main gauche. (Le fait que le côté droit précède le côté gauche symbolise la nécessité que la gauche – la rigueur – se soumette à la droite, le côté de la bonté).
Le gaucher agira de façon inverse : en effet, pour lui, la gauche est le côté dominant.
(d’après « Assadère Lisseoudata »)
Le restaurant resta ouvert
Dans l’élégant quartier de Golders Green à Londres, Reb Elazar Kalman Tiefenbrun avait ouvert un restaurant cachère. La nourriture y était bonne, aussi bien d’un point de vue matériel que spirituel. En effet, le patron se promenait parmi les clients, engageait la conversation, s’enquerrait du bien-être de chacun et, entre deux plats, partageait des paroles de Torah.
En Elloul 5728 (1968), le Rabbi lui envoya une lettre soulignant l’unique qualité de l’endroit : « Je viens d’apprendre que vous avez ouvert un restaurant. Que ce soit la volonté de D.ieu que cela se passe dans un moment favorable, surtout que nous sommes dans un moment particulier pour le Peuple juif – qui est lui-même un peuple particulier et pour qui le matériel et le spirituel sont intimement liés… ». A la fin de la lettre, le Rabbi ajoutait : « Pour qu’il y ait la réussite matérielle, chacun ajoutera certainement dans la nourriture spirituelle pour lui-même, c’est-à-dire dans les domaines de la Torah, son étude et la pratique concrète des Mitsvot de la meilleure façon possible ».
Les deux autres associés étaient eux aussi des ‘Hassidim de Loubavitch et, souvent, ils organisaient de grandes réunions ‘hassidiques, avec des centaines de participants et ils y servaient la nourriture gastronomique du restaurant. De plus, chaque soir, ils offraient les plats qui restaient à la yechiva toute proche : les élèves se réjouissaient de pouvoir ainsi améliorer leur quotidien.
Mme Tiefenbrun contribuait elle aussi à générer une atmosphère juive authentique : elle enseignait à qui le voulait comment vérifier les légumes pour s’assurer qu’ils ne contenaient pas d’insectes et elle donnait des cours de Torah. Même les enfants du couple participaient à cette ambiance studieuse et joyeuse à la fois. Une des jeunes clientes régulières du restaurant était fascinée par le portrait du Rabbi accroché bien en évidence ; par la suite, elle décida de s’inscrire dans un séminaire d’études juives et fonda une belle famille pratiquante – grâce à ce restaurant.
Au début des années 70, des organisations terroristes s’installèrent en Europe et plusieurs attentats ensanglantèrent des endroits très fréquentés.
Un jour, Reb Elazar Kalman remarqua deux hommes qui s’installèrent à une table et regardaient tout autour d’eux comme pour repérer les entrées et les sorties, la disposition des tables… Puis ils sortirent sans même attendre les plats qu’ils avaient commandés. Le patron du restaurant tremblait intérieurement : cette conduite lui semblait bien suspecte. Une heure plus tard, le téléphone sonna et, à l’autre bout du fil une voix avec un accent arabe annonça : « Ce soir, tu recevras une bombe… ». Et l’interlocuteur mystérieux raccrocha.
Bouleversé, Reb Elazar Kalman téléphona à ses associés et leur raconta ce qui s’était passé. De suite, ils téléphonèrent au secrétariat du Rabbi à Brooklyn pour demander comment réagir. Le secrétaire personnel du Rabbi, Rav Hodakov, leur demanda d’attendre puis revint avec la réponse du Rabbi : il n’y avait rien à craindre, tout irait bien. Il ajouta qu’il n’y avait pas lieu de fermer le restaurant ce soir-là, qu’il n’était pas nécessaire d’en informer la police ou toute autre autorité – bref d’agir comme s’il ne s’était rien passé.
Mais Reb Elazar Kalman n’était pas rassuré : il décrivit l’apparence des deux suspects et la façon dont ils avaient à l’évidence procédé à un repérage des lieux. Soudain il entendit clairement la voix du Rabbi : « ce n’est rien ! ». Le Rabbi prenait toute l’affaire sur ses épaules !
Ce soir-là, le restaurant accueillit de nombreux clients, les gens entrèrent et sortirent jusqu’à 23 heures, mangèrent, bavardèrent… Ils ne s’imaginaient même pas ce qui s’était passé plus tôt et la tension à laquelle était soumis le patron du restaurant qui examinait soigneusement mais discrètement tous ceux qui entraient.
Par la suite, Rav Hodakov expliqua pourquoi le Rabbi n’avait pas accepté qu’on ferme le restaurant ou qu’on raconte à la police la menace reçue au téléphone : le Rabbi craignait que si le restaurant était fermé, les clients juifs peu scrupuleux se rabattraient sur un restaurant non-cachère. C’est pourquoi il avait pris la responsabilité sur lui et avait ainsi sauvé des Juifs, matériellement mais aussi spirituellement.
Rabbanit Sima Ashkenazi
N’shei – Kfar Chabad N° 1954
Traduite par Feiga Lubecki