Samedi, 22 juin 2024

  • Behaaloté’ha
Editorial

 Un temps pour vivre plus fort

Au-delà des températures changeantes, le calendrier nous le signale avec l’espoir d’être suivi durablement par le soleil : l’été approche à grands pas. Cette saison-là n’est sans doute pas comme les autres. Elle renvoie immanquablement à l’idée de vacances, de temps libre longuement attendu et, surtout, la hausse des températures nous encline à une sensation de confort, de bien-être matériel inaccoutumée. Nos sages ont bien perçu ce changement comme un défi à relever, et ce n’est pas en vain qu’ils ont prescrit d’étudier le texte des Pirkei Avot chaque Chabbat entre la fête de Pessa’h et celle de Chavouot, et, dans de nombreuses coutumes, jusqu’à Roch Hachana. De fait, ces textes, de par leur nature même, leur contenu agissent sur ceux qui les étudient comme un instrument d’élévation, une manière de se dégager de la grossièreté matérielle pour aller vers des accomplissements plus essentiels.

Mais, outre ces constatations, il nous appartient de nous interroger sur l’attitude à avoir dans une telle période. Bien sûr, les vacances sont proches, sans doute déjà dans l’esprit de la plupart, et il faudra y revenir. Dès à présent cependant, notre regard sur le monde qui nous entoure doit évoluer. On l’a dit : la saison fait changer les choses, il nous revient donc d’accompagner ce changement. Par exemple, la longueur nouvelle des journées doit nous donner des opportunités nouvelles, la fin prochaine de l’année scolaire doit nous conduire à imaginer des voies nouvelles d’éducation etc.

C’est que la réapparition du soleil et sa puissance retrouvée après les mois d’hiver sont aussi un symbole fort. Dans la tradition juive, le soleil est l’image de la lumière Divine qui rayonne et descend jusqu’à nous pour nous faire vivre. C’est dire que, lorsqu’il affirme sa présence, cela évoque aussi la plus grande « visibilité » de D.ieu. En d’autres termes, notre Créateur nous est alors plus sensible qu’à l’accoutumée. Cela signifie qu’une fois de plus nous avons le choix. Nous pouvons considérer l’été comme un temps d’oubli de ce qui fait le plus précieux de l’humain ou, au contraire, en faire une période où nous trouverons le chemin de notre propre dépassement.

Rien n’est joué d’avance. Le temps en est donc venu, à nous d’agir.

Etincelles de Machiah

 La Techouva pour les Tsadikim ?

La notion de Techouva peut également s’appliquer aux Tsadikim – aux Justes – si l’on se réfère à l’enseignement de nos Sages selon lequel un homme devrait « passer tous ses jours dans la Techouva ».

En effet, dès qu’un Juif perd, ne serait-ce qu’un instant, de son niveau habituel du service de D.ieu, par la prière et l’étude de la Torah, cela est considéré, pour lui, comme une chute considérable. Cela appelle donc la Techouva la plus sincère. Devant l’intense lumière apportée par Machia’h, cette dernière sera d’autant plus nécessaire.

(d’après Or Hatorah, Chir Hachirim, p. 688)

Vivre avec la Paracha

 Behaalotekha

Le nom de la Paracha signifie : « quand tu fais monter ». (Devarim 8: 2)

Aharon reçoit le commandement de faire monter la lumière dans les lampes de la Menorah et la tribu de Lévi est initiée à son service dans le Sanctuaire.

Un « Second Pessa’h » est institué en réponse à la pétition : « Pourquoi serions-nous privés ? » lancée par un groupe de Juifs qui n’avaient pas été en mesure d’offrir le sacrifice pascal, en son temps, parce qu’ils étaient rituellement impurs. D.ieu instruit Moché sur les itinéraires des voyages et des campements d’Israël dans le désert et le peuple part en groupement, du Mont Sinaï, où il avait campé pendant presqu’un an.

Le peuple est insatisfait de son « pain du ciel » (la Manne) et demande à Moché de lui fournir de la viande. Moché désigne 70 Anciens, auxquels il transmet son esprit, pour l’assister dans la charge de diriger le peuple.

Miryam parle de Moché en termes négatifs et est punie par une lèpre. Moché prie pour sa guérison et toute la communauté attend sept jours jusqu’à ce qu’elle guérisse.

La Paracha commence en relatant la suite des événements qui avaient eu lieu le Roch ‘Hodèch Nissan, un an après la sortie d’Égypte. La Torah commence en décrivant ce jour très spécial : le jour de l’assemblement du Michkane (le Sanctuaire du désert), à la fin de la Paracha Pekoudé, presque tout au long du Livre de Vayikra et au commencement de Bamidbar. La date en était Roch ‘Hodèch Nissan.

La seconde partie de la Paracha de cette semaine discute de la manière dont le peuple se déplaçait au cours de ses voyages dans le désert.

Il y a un lien entre ces deux récits. Après que le peuple l’eut assemblé, un nuage (symbolisant la Présence Divine) plana sur le dessus du Michkane. Quand ce nuage se levait et avançait vers une nouvelle direction, le Peuple juif levait le camp et voyageait dans son sillage. C’est ainsi que la manifestation de la Présence Divine déterminait le chemin qu’empruntaient les Juifs. C’est la raison pour laquelle les détails de la manière dont ils voyageaient sont mentionnés immédiatement après que la Torah a fini d’évoquer l’assemblement du Michkane et son service.

Il est significatif que la Torah discute des voyages des Juifs dans la même Paracha que l’évocation de l’allumage de la Menorah (le Candélabre). Plus encore, le nom de cette Paracha, qui indique son contenu, est également associé à l’allumage de la Menorah. Cela montre un lien entre tous les détails de la Paracha et la Menorah. Bien que cette connexion ne soit pas apparente, nous allons, en nous attardant sur le sens profond du service de la Menorah, comprendre son lien avec les voyages des Juifs.

Expliquons : Rachi rapporte que l’allumage de la Menorah est plus important que l’initiation de l’autel. Le Rambam (Maïmonide) explique cette déclaration en notant que le service des sacrifices sur l’autel ne s’appliqua que tant qu’existait le Beth Hamikdach (le Temple). Par contre, le service de l’allumage de la Menorah ne cessera jamais. Même après la destruction du Temple, nous le poursuivons en allumant les lumières de ‘Hanouccah, illuminant ainsi l’obscurité de l’exil. C’est ainsi que l’allumage de la Menorah est considéré comme un service fondamental du Michkane et il est donc bien mis en évidence.

Toutes les Mitsvot de la Torah sont éternellement applicables. Cela comprend également celles qui ne peuvent être accomplies par des actes concrets mais qui maintiennent leur portée spirituelle et servent de leçons pour nous guider chaque jour. Cela s’applique tout particulièrement au Michkane. En effet, nos Sages nous enjoignent de faire un Michkane, une résidence pour D.ieu, à l’intérieur de chacun d’entre nous. Néanmoins, l’allumage de la Menorah se distingue dans la mesure où c’est un service que nous accomplissons également de manière concrète, quand bien même il n’y a pas de Beth Hamikdach et même dans un lieu qui se situe en dehors des alentours du Beth Hamikdach, voire en dehors d’Erets Israël. Qui plus est, le service du Cohen n’est pas requis. Chaque Juif individuellement peut allumer sa propre Menorah, quel que soit son lieu de résidence.

Cela reflète l’importance primordiale du service spirituel de l’allumage de la Menorah, dans nos efforts pour créer « une résidence pour D.ieu » dans ce monde. « L’âme de l’homme est une lumière de D.ieu » et elle brille de toute sa lumière lorsqu’elle est illuminée avec la « bougie de la Mitsva et la lumière de la Torah ».

Cette pure lumière affecte non seulement le corps dans lequel est enveloppée l’âme mais également les gens, les lieux et les objets avec lesquels elle entre en contact. Tout comme la lumière de la Menorah se répand à l’extérieur et illumine le monde entier, ainsi notre but est d’apporter la lumière dans le monde entier. Olam, le mot hébreu pour « le monde », partage la même racine que le mot « Elam » qui signifie « ce qui est caché ». Notre but est de faire briller la Lumière de D.ieu au sein de tout ce qui est caché, c’est-à-dire de ce qui caractérise le monde, et de révéler ainsi que le monde est réellement la Demeure de D.ieu.

Bien que la Menorah fût allumée par les prêtres, chaque Juif fait partie du « royaume de prêtres » et peut donc allumer sa Menorah individuelle, tout comme la Menorah était allumée par Aharon, le Grand Prêtre. Aharon allumait les sept branches de la Menorah, correspondant aux sept approches différentes qui caractérisent le service divin des différents segments du Peuple juif.

En outre, toutes les lampes étaient tournées vers le centre de la Menorah, indiquant par là un sens d’unité. De la même façon, une fois que chacun a allumé la Menorah à l’intérieur de son âme, toutes ces lumières s’unissent pour former une Menorah d’Or unie et unique.

Le lien entre le fait d’allumer la Menorah et notre service divin s’exprime totalement dans les détails de cette Mitsva.

Tout d’abord, comme cela a été mentionné, c’était Aharon le Cohen qui allumait la Menorah. Cela indique que notre service personnel qui consiste à allumer notre Menorah intérieure, doit refléter les qualités d’Aharon. C’est dans cette veine que le Midrach indique : « Sois un disciple d’Aharon [en] aimant la paix, en poursuivant la paix, en aimant les créatures et en les rapprochant de la Torah ». Cela implique que nous devons aimer même ceux qui n’ont comme unique qualité que d’être des créatures de D.ieu.

Par ailleurs, Aharon avait reçu l’ordre d’allumer non pas une bougie mais sept. Cela impliquait qu’il devait inclure les sept approches différentes au service de D.ieu. De la même façon, chacun d’entre nous possède les capacités d’affecter le Peuple juif, de lui apporter de la lumière, en fonction de ses différentes approches de la vie.

A première vue, l’on pourrait ressentir que l’on ne peut entretenir de relations qu’avec un nombre limités de personnes juives. Mais pourtant, c’est une mauvaise estimation de notre potentiel. Quand l’on s’applique à se diriger dans cette direction, nos capacités augmentent. Plus nous prenons de l’expérience en nous liant avec de nombreuses personnes et plus nous grandissons pour finir par avoir le potentiel d’affecter de plus en plus de monde.

Le fait que les sept lumières étaient allumées chaque jour a une implication plus profonde. Cela évoque le fait que la lumière doit, et peut, être ajoutée au service Divin de chaque Juif, chaque jour. Même si l’on a atteint un certain niveau, l’on peut et l’on doit toujours aspirer à s’élever davantage encore. Et quand bien même l’on est à un échelon bas, la possibilité de monter n’est pas hors d’atteinte.

Enfin, Rachi note que le mot « Behaalotekha » (traduit approximativement par « quand tu allumeras ») signifie littéralement : « quand tu élèveras », impliquant que la bougie doit être allumée jusqu’à ce que la flamme s’élève d’elle-même vers le haut. Elle doit brûler par elle-même sans l’aide d’une autre lumière pour l’assister. Par le même biais, notre service divin doit être suffisamment fort pour continuer, indépendamment de toute influence extérieure.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que le Kadich des orphelins ?

Dans la prière du Kadich, l’orphelin demande que soit sanctifié et sublimé le Nom de D.ieu. Le Kadich ne comporte aucune allusion au décès ou au Monde futur, au parent disparu ou à la souffrance de celui qui reste. C’est une façon d’affirmer que tout vient de D.ieu, même ce que l’on ne comprend pas.

On ne récite le Kadich qu’en présence d’un Miniane (dix Juifs – hommes ou garçons de plus de treize ans). En récitant le Kadich, l’orphelin permet à l’âme du défunt d’échapper aux souffrances du Guéhinom et de monter au Gan Eden. Même si le père n’avait que des mérites, il peut, grâce au Kadich de son fils, se hisser à des niveaux encore plus élevés dans les mondes supérieurs.

Réciter le Kadich fait partie de la Mitsva d’honorer ses parents, Mitsva qui continue même après le décès et surtout après le décès car, de son vivant, le père (ou la mère) a le droit de renoncer aux marques extérieures d’honneur. Après le décès, le défunt n’est plus là pour y renoncer et, au contraire, espère que son fils récitera le Kadich et lui permettra ainsi de monter de niveau en niveau dans les mondes spirituels.

Même si le père a demandé que l’on ne récite pas le Kadich pour lui, on s’efforcera néanmoins de le faire car, si le père avait connu la valeur de cette prière, il aurait certainement supplié son fils de la réciter. Et maintenant qu’il se trouve dans le Monde de la Vérité, il espère que le fils procèdera à cette marque ultime de respect filial.

La famille ou la communauté se doit de payer un fidèle qui récitera le Kadich durant les 11 mois de deuil pour celui qui a quitté ce monde sans laisser de fils.

(d’après Rav M.M Teierman – Kfar ‘Habad 2060)

Le Recit de la Semaine

 Des doutes et du lait

Un jour, le Rabbi de Loubavitch reçut une lettre d’un Juif appartenant à un groupe ‘hassidique connu de New York. C’était un véritable appel à l’aide : le fils de cet homme s’apprêtait à se convertir au christianisme. Le Rabbi me transmit les coordonnées de cet homme en me demandant de m’en occuper. De fait, le fils était passé par une dépression et, un soir, alors qu’il n’arrivait pas à dormir, il écouta à la radio une émission d’un prêtre de Los Angeles : « The world tomorrow », évoquant si on peut dire la venue (ou plutôt le retour) du Messie.

Le jeune homme apprécia les arguments et se mit à écouter cette émission chaque soir : les mots tels que « amour » et « rapprochement » lui plurent et il commença même à fréquenter leurs « lieux de prières » et rencontra une jeune fille avec qui il projeta de se marier.

Désespéré, le père s’était résolu à écrire au Rabbi : « S’il se marie avec elle, je ne pourrai pas le supporter ! Par pitié, Rabbi, aidez-moi ! ».

Je téléphonai à ce père, expliquai que le Rabbi me demandait de m’occuper de son cas et suggérai que le jeune homme discute avec moi dans mon bureau situé juste à côté du 770 Eastern Parkway à Crown Heights. Effectivement, un jeudi après-midi, le jeune homme arriva, flanqué de deux valises remplies de livres et pamphlets supposés prouver sans l’ombre d’un doute la véracité du christianisme :

  • Rav Mangel, commença-t-il, je ne veux pas que vous me parliez, je veux simplement que vous répondiez à toutes les « preuves » qui sont inscrites dans ces livres !
  • Non, protestai-je, je ne lirai pas ces livres car ce genre de lecture bouche le cœur. Mais si tu veux, expose-moi ces arguments et je réagirai.

Il accepta et commença : depuis le livre de Berechit (la Genèse) jusqu’au livre de Divré Hayamim (les Chroniques), à me citer des centaines de versets. Il revint chaque jeudi après-midi et, patiemment, je réfutai toutes ses interprétations. Nous avons ainsi passé en revue tout le TaNa’H (la Bible) !

Au bout de six ou sept semaines, il comprit que tous les arguments provenaient d’interprétations biaisées et ne tenaient pas devant la vérité. Le regardant droit dans les yeux, je lui proposai alors : « Puisque tu as compris que tout ceci était basé sur le mensonge, tu dois brûler tous ces livres que tu as apportés, ils ne font que boucher ton cœur ! ». Il baissa la tête mais j’insistai : « Vas-tu les brûler ? ». Il accepta. Il rentra chez ses parents qui habitaient dans le quartier voisin de Flatbush.

La semaine suivante, le père me téléphona : « Mon fils a brûlé tous ces livres mais j’ai remarqué que des larmes coulaient de ses yeux – ce qui prouve qu’il n’est pas encore réellement convaincu et reste encore attaché sentimentalement à la foi chrétienne ! ». Je demandai au père qu’il renvoie encore une fois son fils chez moi et, dès qu’il arriva, je lui demandai : 

  • Alors ? Tu les as brûlés ? Et comment te sens-tu ? 
  • Rav Mangel, je dois vous avouer la vérité. Je suis obligé d’admettre tous vos arguments qui sont logiques. Mais mon cœur se trouve encore attaché à cette religion !

Maintenant je ne savais plus comment l’aider. J’écrivis au Rabbi, racontai que depuis quelques semaines, j’avais écouté patiemment ses arguments et les avais réfutés un à un. Cependant, sentimentalement, le jeune homme n’arrivait pas à se détacher complètement.

Le Rabbi répondit que je devais me renseigner si, dans leur maison, on veillait scrupuleusement à ne consommer que du lait « Chamour » (surveillé par un Juif depuis la traite). Je ne savais pas comment m’y prendre : comment demander à un Juif pratiquant s’il ne consommait que du lait Chamour ? Ne risquait-il pas de se vexer ? Mais le Rabbi avait demandé et je décidai donc de présenter au père les faits tels que le Rabbi me l’avait demandé. Interloqué, le père ne répondit pas de suite puis s’excusa : auparavant, il avait habité dans le quartier de Williamsburg où il était facile de se procurer du lait Chamour. Mais quand il avait déménagé dans le quartier de Flatbush, il n’y avait pas – à l’époque – d’épicerie cachère et il s’était trouvé toutes sortes d’arguments pour se permettre de consommer du lait et des produits lactés sans surveillance rabbinique. J’insistai sur le fait qu’il était important de ne consommer que du lait Chamour et l’homme reconnut que j’avais raison.

Six mois plus tard, je reçus un faire-part : le jeune homme allait se marier avec une ancienne élève du prestigieux séminaire Beth Yaakov… En ne consommant que du lait Chamour, ses doutes avaient disparu complètement !

Au fil des années, j’ai eu l’occasion de donner de nombreuses conférences dans le monde entier. Chaque fois que j’ai raconté cette histoire quant à l’importance de respecter scrupuleusement les lois de la cacherout et d’ailleurs tous les commandements, j’ai reçu de nombreux témoignages de personnes qui s’étaient renforcées dans leurs résolutions à ce sujet.

(Rav Nissan Mangel, rescapé d’Aushwitz, est devenu un érudit exceptionnel et a mérité de traduire en anglais de nombreux ouvrages de base de la ‘Hassidout – tout en enseignant, en donnant des conférences et en racontant ses souvenirs. Il a dernièrement été photographié devant les rails d’Auschwitz avec des dizaines de ses descendants – la meilleure vengeance sur les nazis !)

Rav Nissan Mangel – Kfar ‘Habad 2059

Traduit par Feiga Lubecki