Semaine 24

  • Behaaloté’ha
Editorial

Un temps à reconquérir

Avec la hausse du thermomètre et le monde qui prend des couleurs, passant de toutes les nuances du gris à l’éclat du bleu et du vert, c’est comme un sentiment d’été qui gagne chacun. Avec lui, une attente lève dans l’esprit du citadin de notre temps : les vacances, enfin ! De fait, entraînés par le rythme du labeur quotidien, soumis à la tyrannie des heures qui peinent tant à passer, nous ressentons l’irrépressible besoin d’un temps différent. C’est alors que montent les rêves : un temps pour soi, dont on pourrait faire ce que l’on veut, sans règle ni contrainte, un vrai temps de vie ! Mais, nos sociétés sont sans pitié et certains ont tôt fait de donner un cadre à cette aspiration. Ne faut-il pas qu’elle ait une utilité sociale ? On invente alors un concept et on lui donne un nom : «les loisirs» ou «les vacances». D’une idée merveilleuse, on est parvenu à faire une valeur marchande. N’est-ce pas aussi comme cela que notre monde fonctionne ?
Pourtant, loin des «découvertes» organisées, des circuits tarifés et des réjouissances de commande, éclats de rire compris, les vacances peuvent être cet espace unique où l’on se retrouve avec ses proches, où la parole reprend sa place et sa fonction, celle de l’échange et du partage. Elles peuvent être ce temps du ressourcement où, avec le corps, l’esprit et l’âme reprennent des forces dont chacun pressent qu’elles lui seront très vite nécessaires. Car, dans la grisaille des jours passés, la partie physique de l’humain n’a pas été la seule à éprouver le poids des choses. Son élément spirituel l’a d’autant plus ressenti que le monde a parfois paru résonner d’une absence d’âme. Voici donc qu’approche le joli temps de tous les possibles. La chaleur du soleil le caractérisera sans doute mais surtout le rayonnement qui réconforte l’âme éclairera chacun qui en fera le choix.
Alors que les vacances se préparent, nous pouvons en faire autre chose que la saison des transhumances obligées. En effet, elles peuvent être la période d’une véritable liberté. Elles peuvent exprimer un choix authentique. Elles peuvent nous permettre de retrouver le bonheur de l’étude de la Torah, la joie de la connaissance et le doux plaisir de la vie juive. Nous vivons un temps où toutes les occasions existent, de livres traduits en séminaires d’étude, pour répondre à une telle recherche. Alors, rendons aux vacances ce qu’elles n’auraient jamais dû perdre : la part vraie de nous-mêmes que nous pouvons y retrouver.

Etincelles de Machiah

La tête et le cœur

Il nous est enseigné que notre descente en exil sera, lorsque Machia’h viendra, la source de grandes élévations spirituelles. C’est le sens du verset (Isaïe 12:1) «Je Te remercierai, D.ieu, car Tu m’as réprimandé». Cependant, cette conscience ne doit pas affaiblir notre volonté ardente de quitter cet exil. Au contraire, nous devons proclamer avec la plus grande sincérité, selon le texte de la prière, «car nous espérons en Ton salut tout le jour».

Cela signifie qu’un Juif doit avoir, en même temps, deux attitudes opposées. Il doit savoir, avec assurance, qu’il existe quelque chose de positif dans l’exil et, d’un autre côté, il doit crier, du plus profond de son cœur, qu’il veut le quitter.
(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, veille d’Hochana Rabba 5744) H.N.

Vivre avec la Paracha

Beaalote’ha :
aller et retour : l’anatomie d’une flamme

Bien qu’elle n’en occupe que les trois versets du début, la Mitsva de l’allumage de la Menorah donne à toute la Paracha son nom: Beaaloté’ha (“quand tu feras monter la lumière”). Comme cela est détaillé dans les sources de nos Sages, les lumières de la Menorah représentent les âmes d’Israël. Le fondement de l’équation Menorah/peuple, lampe/âme est la déclaration du Roi Chlomo dans le Livre des Proverbes: “une lampe de D.ieu, l’âme de l’homme”. Le fondateur de la ‘Hassidout ‘Habad, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, s’étend sur cette métaphore, retrouvant dans les constituants de la lampe matérielle une anatomie détaillée de l’âme humaine. Ce qui suit est basé sur l’analyse de Rabbi Chnéour Zalman et les discours que firent par la suite les Rebbéim ‘Habad.

La flamme:
des aspirations paradoxales
La flamme s’étire vers le haut comme pour se libérer de la mèche et se perdre dans la grande dépense d’énergie qui ceint les cieux. Mais même quand elle s’étire vers le ciel, elle revient aussitôt, resserrant son attache à la mèche et buvant avec soif l’huile de la lampe, une huile qui maintient son existence continue de flamme individuelle. Et c’est la tension entre ces énergies conflictuelles, ce vacillement entre vouloir se dissoudre et être à nouveau qui produit la lumière.
L’âme, également, aspire à la transcendance, aspire à s’arracher aux attaches de la matérialité et à parvenir à une réunion qui annule son existence propre avec son Créateur et sa Source. Néanmoins, simultanément, elle est également conduite par une volonté d’être, une volonté de mener une vie physique et d’imprimer sa marque dans le monde matériel. Dans la “lampe de D.ieu” qu’est l’homme, ces tendances contraires convergent en une flamme qui illumine son environnement d’une lumière divine.

Les ingrédients
Comment une flamme est-elle créée et maintenue ? Par l’intermédiaire d’une lampe, consistant en de l’huile, une mèche et un ustensile les contenant, de sorte que l’huile se transforme par l’intermédiaire de la mèche en une flamme qui brûle.
L’huile et la mèche sont toutes deux des substances combustibles. Mais aucune ne peut produire de la lumière par elle-même avec l’efficacité et la stabilité de la lampe. La mèche, si elle est allumée, ne brille que brièvement et meurt, entièrement consumée. Quant à l’huile, il serait extrêmement difficile de l’allumer. Mais quand une mèche et de l’huile sont jointes dans la lampe, elles produisent une lumière contrôlée et stable.
L’âme de l’homme est une lampe de D.ieu dont le but dans la vie est d’illuminer le monde avec une lumière divine. D.ieu nous a fourni l’élément qui produit Sa lumière: la Torah et Ses commandements (Mitsvot) qui incorporent Sa Sagesse, Sa Volonté et apportent Sa Vérité lumineuse.
L’huile divine requiert une “mèche”, un corps physique, pour canaliser sa substance et la transformer en une flamme lumineuse. La Torah est la sagesse divine; mais pour que la sagesse divine soit manifeste dans notre monde, il faut que des esprits physiques l’étudient et la comprennent, que des bouches physiques en débattent et l’enseignent, et que des media concrets la publient et la disséminent. Les Mitsvot représentent la volonté divine; mais pour que la volonté divine soit manifeste dans notre monde, il faut de réelles mains pour la concrétiser et des objets matériels (des peaux animales pour les Tefilines, de la laine pour les Tsitsit, de l’argent pour la charité) par l’intermédiaire desquels elle se concrétise.
Pour réaliser son rôle comme “lampe de D.ieu”, une vie humaine doit être une lampe qui combine une existence physique (la “mèche”) avec des idées divines et des actes de la Torah (l’ “huile”). Quand la mèche saturée d’huile nourrit régulièrement ses aspirations spirituelles, la flamme qui en résulte est à la fois lumineuse et stable, préservant la productivité de la mèche et illuminant le coin du monde dans lequel elle a été placée.

Des nuances de lumière
La flamme elle-même est multicolore ce qui fait allusion aux nombreux niveaux auxquels l’homme se lie au Créateur dans son observance des Mistvot. D’une manière générale, il y a les régions inférieures et plus sombres de la flamme qui touchent la mèche et les parties supérieures et plus claires.
La partie plus sombre de la flamme représente ces aspects du service d’une personne, colorées par leur association avec l’élément physique de la “mèche”, c'est-à-dire les Mistvot motivées par l’intérêt de soi-même. La partie la plus haute et la plus pure de la flamme représente les moments de l’être humain où il se dépasse lui-même, agit, comme le dit Rambam “pour aucune raison dans le monde: ni par peur du mal ou par désir de parvenir au bien; mais plutôt, il accomplit la vérité parce qu’il sait que c’est la vérité”.

Se rapprocher et revenir
Aussi la “mèche” est-elle à la fois un geôlier et un libérateur pour la flamme. Elle retient l’âme dans sa spécificité par rapport au Tout Divin et dans son appartenance au Créateur. Et pourtant, ce sont cette spécificité et cette appartenance, cette incarnation dans la vie matérielle qui nous permettent de nous lier à D.ieu de la façon la plus profonde et la plus significative, en accomplissant Sa volonté.
Ainsi lorsque le commandement divin, le corps physique et la vie humaine se réunissent comme l’huile, la mèche et la lampe, le résultat en est la flamme: une relation avec D.ieu caractérisée par deux aspirations contraires: un élan, pour se rapprocher, associé à un engagement à revenir. La matérialité de la vie évoque dans l’âme un désir de s’en libérer et de fusionner dans le divin. Mais plus l’âme se rapproche de D.ieu, plus elle reconnaît qu’elle ne peut accomplir Sa volonté qu’en étant un être distinct et matériel. Ainsi, alors que la corporalité de la mèche pousse la flamme dans un désir de s’élever, la volonté divine implicite dans l’huile soutient son engagement à l’existence et la vie.
Chaque Mitsva est de l’huile pour l’âme: avec chaque acte qui constitue l’accomplissement de la volonté divine, nos vies deviennent des lampes qui brillent, allumées de flammes qui vacillent du ciel vers la terre et à nouveau dans le sens inverse, et illuminent le monde par ce processus.
C’est là que réside la spécificité de la Mitsva de l’allumage des lampes de la Menorah dans le Temple. Chaque Mitsva génère de la lumière, que cela implique de donner une pièce à la charité, d’attacher les Téfilines sur notre bras et sur notre front, ou de manger de la Matsah à Pessa’h. Mais cette Mitsva (et les Mitsvot qui lui sont liées : l’allumage des lumières de Chabbat et de ‘Hanouka) ne font pas que de nous transformer en lampes métaphoriques, elles assument également la forme réelle d’une lampe matérielle, d’une huile matérielle, d’une mèche matérielle et d’une flamme matérielle qui produisent une vraie lumière, tangible.

Le Coin de la Halacha

Qu’est-ce que le «rachat du premier-né ?»

D.ieu a demandé au peuple juif de Lui consacrer tout garçon premier-né (Exode 13). Quand les Juifs fautèrent avec le veau d’or (Exode 32), D.ieu décida que les descendants de la tribu de Lévi – qui n’avaient pas fauté – remplaceraient les premiers-nés.
Les détails de la cérémonie du «Pidyone Habène» (rachat du premier-né) sont mentionnés dans Nombres 18 (15. 16).
Tout garçon premier-né de sa mère est «racheté» à partir de son 31ème jour : pour cela, le père donne au Cohen cinq pièces d’argent pur pour racheter son fils et prononce les bénédictions. Puis le Cohen bénit l’enfant. Tout ceci se passe pendant un repas.
Quiconque participe à ce «repas de Mitsva» est déchargé de 84 jeûnes (qu’il aurait éventuellement dû observer pour se faire pardonner des fautes).
Si le père ou la mère est Cohen ou Lévi, il n’y a pas lieu de procéder au Pidyone Habène. Il en va de même si la naissance a eu lieu par césarienne ou a été précédée d’une fausse-couche.
Tout premier-né qui n’a pas été racheté le 31ème jour peut se racheter lui-même après sa Bar Mitsva.
Le «Pidyone Habène» peut avoir lieu avant la Brit Mila (circoncision) si celle-ci a du être repoussée pour raison de santé.

F. L. (d’après « Le’haïm »)

De Recit de la Semaine

Chabbat au Vietnam

Pendant de violents combats au Vietnam, le capitaine Hank Webb frôla la mort : une balle égratigna même son oreille. A ce moment-là, il promit à D.ieu que s’il s’en sortait vivant, il respecterait Chabbat.

Bien que je ne sache pas grand-chose sur Chabbat, j’avais tout de même compris quelques règles de base : ne pas écrire, ne pas voyager et ne pas téléphoner. Ceci ne serait pas simple sur une base militaire.
D’habitude, les soldats avaient droit à une journée de libre le dimanche pour se rendre à la plage, faire un barbecue et jouer au volley. Je décidai de demander ce privilège le samedi. Bien entendu, en cas d’urgence, je rejoindrais les autres soldats sur le champ de bataille mais tant que la situation restait calme, je devais pouvoir respecter le Chabbat.
C’est ce que je m’apprêtais à exposer à mon supérieur, le colonel Pride. C’était un homme droit avec lequel je m’entendais bien. Cependant, il ne tolérait pas les tire-au-flanc qui tentaient de se soustraire aux corvées.
Avec son fort accent du sud, Pride refusa : «J’avais comme voisin un garçon juif, orthodoxe d’ailleurs. Chaque samedi, nous tondions ensemble le gazon. Donc je suppose que si un garçon orthodoxe poussait la tondeuse, vous pouvez aussi bien pousser un stylo le samedi !»
Je n’en revenais pas ! Quelle sorte de garçon orthodoxe avait été son voisin ? Après avoir repris mes esprits, je commis la plus grande faute de ma carrière militaire et dis : «Colonel ! Avec tout le respect que je vous dois, je pense qu’il existe une Autorité plus haute que la vôtre !»
En entendant cela, il trembla de rage : «Ce genre d’insulte ne passera pas impuni ! Le général sera prévenu !»
Cela pouvait me valoir un jugement en cour martiale, me faire jeter en prison et sonner la fin de ma carrière militaire.
Mais ce Chabbat, quoi qu’il arrive, je le respecterai ! «Je suis venu ici combattre pour la liberté, me dis-je, y compris la liberté de religion. Pourquoi ne serais-je pas autorisé à pratiquer la mienne ? Sinon, pourquoi devrais-je risquer ma vie ?»
Durant toute cette journée, je décidais de ne pas me faire remarquer par le colonel Pride. Je me rendis à l’extrémité de la base qui était protégée par de hautes herbes. Cet endroit était truffé de mines pour empêcher les Viet Congs d’y pénétrer mais je connaissais exactement les endroits à éviter. Nul n’aurait l’idée de venir m’y chercher. Je m’étendis dans l’herbe et me mis à lire le ‘Houmach (Bible) dans sa traduction. Le premier verset qui me sauta aux yeux était justement : «Six jours tu travailleras mais le septième jour est le Chabbat pour l’Eternel ton D.ieu».
Je n’en croyais pas mes yeux. Non, ce n’était certainement pas un hasard : «Il existe une Autorité supérieure !». Oublions le colonel Pride et même le général. C’est D.ieu qui commande ! J’avais effectué le bon choix. Tout en espérant rester un soldat loyal de l’US Army, j’étais aussi résolu à rester fidèle au véritable Commandant en chef…
Le lendemain matin, tandis que je me levai et m’habillai, j’entendis soudain qu’on m’appelait par haut-parleur : «Capitaine Webb ! Une urgence ! Venez immédiatement !»
Je me ruai dehors ; dans ma précipitation, j’oubliais de prendre mon fusil M16 et mon ceinturon avec mon pistolet de calibre 45. Tout en courant, je me demandai pourquoi ou m’appelait moi plutôt qu’un autre officier plus gradé.
Entre 50 et 60 soldats se tenaient à l’extérieur d’un bâtiment : «Il y a là, à l’intérieur, un soldat avec une grenade. Il menace de tout faire sauter !»
La situation était effectivement très dangereuse. Mais je n’avais pas d’arme sur moi et aucun des hommes présents n’avait le droit de prêter son arme. Je décidai d’entrer dans le bâtiment. En réfléchissant rétrospectivement, je me dis que c’est certainement D.ieu qui m’a empêché de prendre mon fusil : en effet, comment le soldat aurait-il réagi devant un officier armé ? Il aurait pu jeter sa grenade sur moi !
Malgré ma peur, je m’efforçai de paraître calme et assuré. J’aperçus effectivement un jeune soldat noir, à l’air affolé, qui tenait quelque chose dans sa main : «Soldat, je ne vous veux aucun mal, dis-je calmement, ne vous inquiétez pas. Je veux juste vous parler. Relaxez-vous !». Et tout en continuant à le fixer droit dans les yeux, je m’approchai de lui : «Que se passe-t-il ? Qu’avez-vous dans la main ?».
Il me regardait, l’air hésitant tandis que je tendais ma main vide. Hébété, il me donna la grenade qu’il n’avait heureusement pas dégoupillée. Je la saisis puis passai mon bras autour de ses épaules. Il était terrifié : «Venez ! lui dis-je, je vais vous faire un café !»
Tandis qu’il tentait de se remettre de la folie de son geste et qu’il buvait son café, je fis signe aux hommes à l’extérieur que tout était réglé. C’est juste à ce moment-là qu’arriva le Major Carl Van Sickle. Il assista à toute la scène : en quelques minutes, la police militaire arriva, arrêta le soldat et me demanda un rapport détaillé.
Il s’avéra que celui-ci avait été accusé de vol – injustement à son avis. Arrêté, il avait réussi à s’emparer d’une grenade en profitant d’un moment d’inattention et s’était enfui dans ce bâtiment qu’il avait menacé de faire sauter.
Mais pourquoi avais-je été appelé moi, plutôt qu’un de mes supérieurs ? Il s’avéra qu’aucun d’entre eux n’était justement présent à ce moment-là. Par une série de «coïncidences», j’avais réussi à tirer toute mon unité hors de danger.
Je devins le sujet de conversation de tous mes soldats.
Après cet incident, je n’eus plus aucun problème pour respecter Chabbat. Le colonel Pride qui m’avait menacé de la cour martiale ne dit plus rien. Ni il ne me fit des compliments, ni il ne mentionna plus le problème du Chabbat.
Les soldats qui avaient suivi l’incident voulurent demander une médaille pour moi. Mais je refusai : le fait que je puisse à présent respecter le Chabbat sans problème était ma plus grande récompense. La révélation que j’avais eu la veille de l’incident s’était renforcée dans mon esprit et ma détermination : D.ieu contrôlait tout et Il s’occupait de moi.

Hank Webb
«Loyal Soldier» publié par Israel Bookshop Aish.com
traduit par Feiga Lubecki