Samedi, 6 juin 2015

  • Behaaloté’ha
Editorial

 Comme d’habitude ?

L’homme s’est toujours posé la question du sens des choses. Question essentielle : ne concentre-t-elle pas toute l’interrogation sur sa place dans ce monde ? Il est vrai que, alors que les jours succèdent inlassablement aux nuits, que la vie quotidienne donne à chacun des réflexes quasi mécaniques, cette interrogation-là se fait lancinante. Ne sommes-nous pas conduits, par la pesanteur de notre environnement, par l’extrême formalisation de nos modes de vie, à reproduire plus qu’à imaginer, à faire les gestes et les actes toujours attendus en omettant de réfléchir à leur opportunité, leur pertinence ou, plus fondamentalement, leur légitimité. Tous les langages humains ont trouvé une expression merveilleuse pour désigner, et sans doute justifier, une telle manière de vivre. «Comme d’habitude» entend-on ainsi affirmer avec l’assurance de qui n’a rien à prouver. «Comme d’habitude» et tout est dit, nul besoin de préciser. La répétition d’une action, née on ne sait comment ni pourquoi, suffit donc à démontrer la nécessité de son existence et surtout de sa poursuite. Il n’y a, dès lors, jamais rien de nouveau ; tout est, décidément, affaire «d’habitude»...
C’est ainsi que, peu à peu, en viennent à se dessécher les actes les meilleurs. Tels des fleurs trop longtemps conservées, ils ont gardé les traces du temps de leur vivacité mais ont perdu ce qui les rendait si précieux : le frémissement d’une vie toujours en devenir. C’est ainsi que le sens se perd. Si tout est immuablement figé par l’habitude, si la vie avance sur un chemin irrémédiablement tracé par elle, où donc est la place de l’homme et à quoi servent ses efforts et ses aspirations ? Que peut-il subsister de l’espoir sans lequel aucun lendemain ne chantera jamais ? Enfermé dans la prison d’absurdité qu’il s’est lui-même construite, pris dans les filets de ses habitudes, l’homme ressent plus ou moins consciemment comme sa liberté n’est plus qu’un concept dénué de substance et, par conséquent, de portée.
Cependant tout homme possède une puissance infinie. Chacun peut décider de considérer lui-même et le monde d’un œil neuf. Mieux encore, chacun peut faire du monde un endroit éternellement neuf. En laissant l’habitude en arrière, en sachant que chaque chose rencontrée, chaque événement, chaque décision sont des éléments radicalement nouveaux parce que nous les faisons tels, nous pouvons leur donner un sens. Nous faisons ainsi que le monde avance dans une direction que nous lui choisissons. Brisant les chaines qu’une certaine conception de la vie voudrait nous imposer, nous pouvons construire des nouveaux édifices. Les actes ne s’expliquent alors plus par leurs précédents mais en tant qu’ils portent en eux un autre avenir. L’homme est enfin libre, de cette liberté qui inaugure les temps nouveaux, ceux de la Délivrance.

Etincelles de Machiah

 Elie l’annonciateur

Les prophètes ont annoncé que la venue de Machia’h sera précédée de celle du prophète Elie. C’est ainsi que nous lisons (Malachie 3:23) : “Voici que Je vous envoie Elie le prophète avant que vienne le jour de D.ieu grand et redoutable”. Une question se pose : quel est le rapport particulier entre Elie et cet événement ? Pourquoi est-ce précisément lui qui a été chargé de ce rôle d’annonciateur ?
On sait que le prophète Elie, selon le texte biblique, lorsque vint le moment de sa mort, quitta ce monde avec son corps. Les commentateurs expliquent ce prodige : Elie s’était tant spiritualisé au cours de sa vie physique que son corps pouvait entrer avec lui dans le domaine du spirituel. C’est précisément là le lien avec le temps de Machia’h. Dans cette nouvelle époque, le monde sera parvenu au plus haut de la spiritualisation et du raffinement au point que (Isaïe 40 :5) “toute chair verra que la bouche de D.ieu a parlé”. C’est ce niveau infini qu’Elie incarnait déjà en son temps.
(d’après Likouteï Si’hot, vol. II, p.610)

Vivre avec la Paracha

 Beaalote’ha : Un chemin de lumière

Le but de l’éducation

Dans un verset unique, «éduque un enfant selon sa voie ; même quand il grandira, il ne la quittera pas», le roi Chlomo révèle plusieurs concepts fondamentaux concernant l’approche de la Torah concernant  l’éducation.

Le but de l’éducation n’est pas simplement de transmettre des informations mais de modeler le caractère de l’élève (ou de l’enfant), de lui faire prendre un chemin qu’il pourra suivre sa vie entière.

Chaque enfant va emprunter «une voie», car la vie ne permet pas de rester immobile, dont les différentes étapes construisent une route. L’éducation doit préparer l’enfant à ces transitions pour ne pas qu’il soit pris par surprise. C’est là le but de l’éducation : lui donner une base de valeurs et de principes qui lui enseigneront comment envisager l’avenir, comment faire face et surmonter les défis de la vie.

Plus encore, ces principes éducatifs doivent être plus que des vérités intellectuelles ; ils doivent faire partie intégrante de la formation de l’enfant. C’est là le cœur de l’expérience éducative : intérioriser des idées et les intégrer, au lieu de simplement les comprendre abstraitement.

Quand un enfant reçoit une telle éducation, il est préparé à se mettre en route. Non seulement il possède alors un but, une direction et une force intérieure pour faire face aux défis mais il peut avoir l’initiative de les rechercher. Car la connaissance donne de la force et de l’énergie. Quand un enfant a appris des principes et des valeurs qui sonnent juste, il sentira une énergie naître en lui et il recherchera naturellement à l’exprimer dans des expériences de vie positives.

Encourager l’individualité

Capitale dans ce processus est la prise de conscience que chaque enfant possède «sa voie», sa propre nature. Comme le disait Rabbi Yossef Its’hak, le précédent Rabbi de Loubavitch, «chaque Juif possède individuellement une mission dans sa vie». Bien que nous partagions tous le but commun de transformer le monde en une résidence pour D.ieu, chacun d’entre nous possède des talents et des tendances individuels. Leur expression permet au but divin de se manifester dans des chemins différents, leur donnant ainsi une portée plus complète.

C’est la raison pour laquelle, un maître ne doit pas essayer de pousser tous ses élèves dans la même direction. Il faut plutôt qu’il apprécie les dons de chaque individu et cultive leur expression. Même lorsqu’on enseigne les vérités universelles de la Torah, le but ne doit pas être la conformité. Au contraire, il faut essayer de faire pénétrer, en chacun, ces vérités selon sa propre nature.

Des lampes étincelantes

La Sidra de cette semaine évoque ces idées. Elle commence par le commandement donné à Aharon d’allumer la Menorah dans le Sanctuaire. La Menorah symbolise le Peuple Juif, car le but de l’existence de chaque Juif est de disséminer la lumière divine dans le monde : «l’âme de l’homme est la lampe de D.ieu». Avec «la lumière de la Torah et la bougie des Mitsvot» notre peuple illumine le monde. 

La Menorah s’élevait en sept branches qui représentent sept approches dans le service divin. Et pourtant elle était faite d’un bloc d’or unique, ce qui indique que les qualités différentes de chacun des membres du Peuple Juif ne le coupent pas de son unité fondamentale. La diversité ne mène pas à la division et le développement d’une véritable unité vient de la synthèse d’élans divers, chacun exprimant ses propres talents et sa propre personnalité.

Des efforts indépendants

Dans la transmission de l’ordre de D.ieu à Aharon d’allumer la Menorah, la Torah utilise l’expression : behaaloté’ha ète hanérote, ce qui signifie littéralement «quand tu feras monter les flammes». Rachi explique que cela signifie que le prêtre devait appliquer la flamme à la mèche «jusqu’à ce que la flamme s’élève toute seule» et brille d’elle-même.

Chacune des expressions citées exprime un concept fondamental.

«La flamme» : chaque personne est potentiellement «une lampe». Mais la flamme réalise ce potentiel, produisant une lumière qui irradie.

«S’élève» : Il ne faudrait pas nous satisfaire de notre niveau présent, quelque raffiné qu’il soit. Il faudrait plutôt chercher sans cesse à progresser, à atteindre un niveau plus élevé dans le service divin.

«D’elle-même» : Il nous faut intérioriser l’influence de nos maîtres jusqu’à faire nôtre leur lumière. La connaissance acquise doit permettre de «briller» de manière autonome.

Bien plus, il nous faut nous «élever tout seuls», c'est-à-dire que le désir de progresser devienne notre propre nature, même sans y être encouragé par autrui.

De la même façon, quand on enseigne, il faut avoir pour but que les élèves deviennent eux-mêmes «une flamme qui s’élève toute seule», une lampe indépendante qui répand la «lumière de la Torah» dans son environnement.

Aller de l’avant

Beaalote’ha ne constitue pas seulement le commencement de la Paracha mais c’est aussi son nom. C’est dire que les leçons que ce titre communique s’appliquent à la Paracha dans son intégralité et notamment à sa majeure partie qui décrit les préparatifs et les étapes initiales du voyage du Peuple Juif dans le désert. Le Baal Chem Tov explique que ces voyages reflètent  celui qu’entreprend chaque individu dans la vie.

Le Peuple Juif ne resta pas au Mont Sinaï où il avait reçu la Torah et construit le Sanctuaire. Il prit avec lui la Torah et le Sanctuaire et se mit en voyage à travers le désert du monde. Par le même biais, allumer la lumière dans l’âme de l’homme, but de son éducation, doit lui permettre de prendre «sa lumière de la Torah» dans ses itinéraires à travers le monde. En répandant la lumière de la Torah au cours de son périple de la vie, chaque individu contribue à accomplir le but de l’existence, établir une demeure pour D.ieu dans le monde matériel.

Dans cette veine, les voyages du Peuple Juif dans le désert peuvent aussi s’interpréter comme une allusion aux voyages de notre peuple à travers les âges, mû par la réalisation de sa mission, la révélation de la lumière de Machia’h. C’est ainsi que nous serons réunis dans la construction du Beth Hamikdach où nous verrons à nouveau les prêtres allumer la Menorah.

Le Coin de la Halacha

 Peut-on étudier la Torah ou prier, dans un endroit public ?

Oui, la plupart des décisionnaires permettent d’étudier la Torah ou de prier dans un endroit public (la rue – pas devant des déchets ou des ordures -, l’autobus, le train...) même s’il s’y trouve des personnes qui ne sont pas habillées correctement. Le Rabbi ajoute que c’est une obligation d’emporter un livre pour l’étudier quand on voyage car, comme l’écrit le Rambam (Maïmonide) : «Les mauvaises pensées ne surgissent que dans l’esprit qui est vide et ne s’occupe pas de la Sagesse divine. Celui qui est assis dans un autobus sans rien faire, son esprit s’occupera de façon négative...»
La prière exige de la Kavana (concentration, ferveur), surtout le début de la prière de la Amida qui se récite debout. S’il sait qu’il pourra prier quand il arrive à destination, il peut retarder sa prière. Certains décisionnaires permettent de rester assis quand on doit prier dans un bus par exemple et qu’on doute de pouvoir prier quand on arrive à destination : il vaut mieux prier assis avec Kavana plutôt que debout et sans Kavana.

(d’après Rav Shmuel Bistritzky – Hamitsvaïm Kehala’ha)

Le Recit de la Semaine

 Le verset avait-il des ailes ?

Durant de nombreuses années, Avraham Tamir a travaillé comme ingénieur pour la compagnie aérienne Eastern Airlines à Miami. Au début des années 80, il décida de tenter sa chance et de se mettre à son compte dans la sous-traitance des avions. Avant d’entreprendre quoi que ce soit, il écrivit au Rabbi de Loubavitch pour demander sa bénédiction pour gagner sa vie correctement. Quelques jours plus tard, il reçut une brève lettre du Rabbi avec une curieuse remarque : «Vérifiez vos Téfilines !».
Avraham Tamir se rendit rapidement chez le Sofer (scribe) local qui, après une vérification minutieuse, signala un problème mineur dans la calligraphie. Il semblait que les lettres sur lesquelles sont ajoutées des «couronnes» (il y en a sept : Guimel, Zayine, Tèt, Noun, Ayine, Tsadik et Chine) pâlissaient. Il les répara avec l’encre traditionnelle puis renvoya les Téfilines à Avraham qui écrivit rapidement de nouveau au Rabbi pour l’informer qu’il s’était conformé à sa requête. A nouveau, il demanda une bénédiction pour le prochain travail qu’il envisageait.
Mais à nouveau le Rabbi répondit : «Vérifiez vos Téfilines». Avraham était plus que surpris : il avait une confiance absolue dans le Sofer mais peut-être celui-ci avait-il oublié un détail ? Il envoya ses Téfilines à un autre Sofer, à New York, l’informant du problème. Le Sofer, sachant que le Rabbi voyait bien plus loin, vérifia encore plus scrupuleusement et découvrit que les boîtiers n’étaient pas parfaitement cubiques. Il remédia à ce défaut et les renvoya à Avraham Tamir qui écrivit encore une fois au Rabbi, espérant cette fois-ci obtenir la bénédiction qu’il attendait.
Mais pour la troisième fois, le Rabbi répondit : «Vérifiez vos Téfilines !».
Cette fois-ci, Avraham Tamir fit appel à un autre Sofer local, raconta ce qui lui était arrivé et comment les réparations effectuées jusque-là semblaient mystérieusement insuffisantes, selon le Rabbi. Sous les yeux attentifs d’Avraham Tamir, le troisième Sofer ouvrit les boîtiers avec un grand soin et une crainte presque palpable. Il lut attentivement les parchemins.
- Regarde, s’exclama-t-il soudain. Il manque tout un verset !
Par deux fois cette erreur n’avait pas été remarquée ! Elle fut enfin réparée. Soulagé, Avraham écrivit au Rabbi qui, cette fois-ci, répondit par une bénédiction pour son travail.
Durant cette période, Péer, la fille d’Avraham Tamir, âgée de 19 ans, étudiait dans un Séminaire à Crown Heights. Elle n’avait jamais rencontré personnellement le Rabbi mais, ce dimanche, tout le séminaire devait passer devant le Rabbi quand il distribuait des dollars à remettre à la Tsedaka (charité). Péer passa comme ses amies devant le Rabbi, reçut de sa main un billet d’un dollar et, alors qu’elle s’apprêtait à avancer pour laisser passer la queue, le Rabbi la rappela. Il lui tendit un second billet et expliqua : «C’est pour votre père afin qu’il connaisse le succès dans ses affaires !». Inutile de décrire la joie d’Avraham quand sa fille lui rapporta cette seconde bénédiction tout à fait inattendue !
Quelques jours plus tard, à Miami, un homme que Tamir n’avait jamais rencontré auparavant frappa à la porte de son magasin.
- J’ai entendu que vous répariez les pièces détachées des avions ?
- Oui, c’est vrai, répondit Avraham Tamir. Mais je suis surpris que vous m’ayez trouvé alors que je n’ai même pas encore posé une affiche sur ma porte !
L’homme ne voulait pas perdre de temps à discuter de détails aussi insignifiants :
- Je suis très pressé, donc l’argent n’est pas le problème mais la rapidité oui. J’ai 200 pièces à faire réparer. Votre prix sera le mien ! Ce dont j’ai besoin, c’est quelqu’un de confiance qui sache réparer mes avions. D’accord ?
C’était une commande record : chaque réparation coûtait entre 2000 et 5000 dollars ! Bien entendu, Avraham accepta la proposition et son affaire démarra ainsi en fanfare.
Avraham Tamir écrivit encore une fois au Rabbi pour le remercier. Cette fois-ci, le Rabbi répondit droit au but : «Bénédiction et succès dans tous vos efforts !».

Rav Aharon L. Raskin – N’shei Chabad Newsletter N° 7405 (extrait d’un livre à paraître prochainement : « Miracles et Merveilles des Téfilines et Mezouzot »)

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