Semaine 25

  • Behaaloté’ha
Editorial
Quelles vacances ?

Un phénomène annuel, caractéristique de nos sociétés, se produit actuellement sous nos yeux sans que nous y prêtions sans doute l’attention qu’il mérite. Il est vrai que sa régularité même renforce cet aspect anodin et pourtant… c’est bien des vacances qu’il s’agit ! Voici, en effet, que les jours rêvés, ceux de la liberté, ceux des heures employées, sans règle ni limite, à quoi semble bon à chacun, approchent rapidement. Autant le défilement du calendrier que la température éveille en tous cette attente joyeuse que connaît bien l’homme contemporain.
La notion de vacances est, cependant, quelque peu ambiguë. Certes, se libérer des astreintes du quotidien est une bien belle ambition et probablement aussi une nécessité pour l’équilibre personnel. Mais, le mot “vacances” contient également, au cœur de son sens, la notion de vide. Comme on dit parfois qu’un poste est vacant pour signifier que personne ne l’occupe, le risque existe de se retrouver, dans cette période, dans une sorte de vacance du temps, où ce dernier est vide car rien d’humainement important ne le remplit.
En cette période où le rythme de la vie quotidienne, toujours présent mais peut-être avec moins d’insistance, constitue déjà une forme de préparation aux jours qui arrivent, il n’est que temps d’y réfléchir. Saura-t-on faire de l’été le temps de la liberté reconquise, liberté de l’âme, de l’esprit et du cœur, ou se contentera-t-on de changer de chaînes, de substituer à celles de l’absurde trop-plein de tous les jours celles du vide stérile et désolant des vacances sociales ?
Décidément, il faut savoir ne pas sortir d’une forme de désert pour entrer dans une autre quand c’est la plus riche des contrées qui peut nous accueillir. Le temps de l’été doit être celui de la régénérescence de l’âme autant qu’il paraît l’être naturellement du corps. Retrouver la tradition juive, renouer le lien ou le renforcer, se donner enfin le temps de penser, d’étudier et de comprendre. Cela s’appelle le temps des vacances, celles que l’on choisit et non celles que la contrainte sociale commande parfois. Un temps pour soi, à la portée de tous ceux pour qui le mot “liberté” est un mot qui chante.
Etincelles de Machiah
Une âme générale

L’âme de Machia’h inclura les âmes de tout le peuple juif. C’est ce qui lui permettra de libérer tout Israël de l’exil.
Les Sages enseignent (Ramaz sur Zohar II, 40b) que Machia’h est la “Ye’hida” générale du peuple juif. On sait, en effet, qu’il s’agit là du degré le plus profond de l’âme, son essence. De manière générale, l’âme est constituée de cinq niveaux: Néfech, Roua’h, Nechama, ‘Haya, Ye’hida. Le premier fut incarné par le roi David, le second par le prophète Elie, le troisième par Moïse et le quatrième par Adam. C’est ainsi le Machia’h qui sera investi du cinquième.
Inversement, chaque Juif en possède donc en lui, dès à présent, une étincelle.

(d'après Likouteï Si’hot, vol XX, p. 522) H.N.
Vivre avec la Paracha
Behaaloté’ha :
aller et retour : l’anatomie d’une flamme

Bien qu’elle n’occupe que trois versets du début de notre Paracha, la Mitsva de l’allumage de la Menorah donne à toute la Paracha son nom: Behaaloté’ha (“quand tu feras monter la lumière”). Comme cela est détaillé dans les sources de nos Sages, les lumières de la Menorah représentent les âmes d’Israël. Le fondement de l’équation Menorah/peuple, lampe/âme est la déclaration du Roi Chlomo dans le Livre des Proverbes: “une lampe de D.ieu, l’âme de l’homme”. Le fondateur de la ‘Hassidout ‘Habad, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, s’étend sur cette métaphore, retrouvant dans les constituants de la lampe matérielle une anatomie détaillée de l’âme humaine. Ce qui suit est basé sur l’analyse de Rabbi Chnéour Zalman et les discours que firent par la suite les Rebbéim ‘Habad.

La flamme:
des aspirations paradoxales
La flamme s’étire vers le haut comme pour se libérer de la mèche et se perdre dans la grande dépense d’énergie qui ceint les cieux. Mais même quand elle s’étire vers le ciel, elle revient aussitôt, resserrant son attache à la mèche et buvant avec soif l’huile de la lampe, une huile qui maintient son existence continue de flamme individuelle. Et c’est la tension entre ces énergies conflictuelles, ce vacillement entre vouloir se dissoudre et être à nouveau qui produit la lumière.
L’âme, également, aspire à la transcendance, aspire à s’arracher aux attaches de la matérialité et à parvenir à une réunion qui annule son existence propre avec son Créateur et sa Source. Néanmoins, simultanément, elle est également conduite par une volonté d’être, une volonté de mener une vie physique et d’imprimer sa marque dans le monde matériel. Dans la “lampe de D.ieu” qu’est l’homme, ces tendances contraires convergent en une flamme qui illumine son environnement d’une lumière divine.

Les ingrédients
Comment une flamme est-elle créée et maintenue ? Par l’intermédiaire d’une lampe, consistant en de l’huile, une mèche et un ustensile les contenant, de sorte que l’huile se transforme par l’intermédiaire de la mèche en une flamme qui brûle.
L’huile et la mèche sont toutes deux des substances combustibles. Mais aucune ne peut produire de la lumière par elle-même avec l’efficacité et la stabilité de la lampe. La mèche, si elle est allumée, ne brille que brièvement et meurt, entièrement consumée. Quant à l’huile, il serait extrêmement difficile de l’allumer. Mais quand une mèche et de l’huile sont jointes dans la lampe, elles produisent une lumière contrôlée et stable.
L’âme de l’homme est une lampe de D.ieu dont le but dans la vie est d’illuminer le monde avec une lumière divine. D.ieu nous a fourni l’élément qui produit Sa lumière: la Torah et Ses commandements (Mitsvot) qui incorporent Sa Sagesse, Sa Volonté et apportent Sa Vérité lumineuse.
L’huile divine requiert une “mèche”, un corps physique, pour canaliser sa substance et la transformer en une flamme lumineuse. La Torah est la sagesse divine; mais pour que la sagesse divine soit manifeste dans notre monde, il faut que des esprits physiques l’étudient et la comprennent, que des bouches physiques en débattent et l’enseignent, et que des media concrets la publient et la disséminent. Les Mitsvot représentent la volonté divine; mais pour que la volonté divine soit manifeste dans notre monde, il faut de réelles mains pour la concrétiser et des objets matériels (des peaux animales pour les Tefilines, de la laine pour les Tsitsit, de l’argent pour la charité) par l’intermédiaire desquels elle se concrétise.
Pour réaliser son rôle comme “lampe de D.ieu”, une vie humaine doit être une lampe qui combine une existence physique (la “mèche”) avec des idées divines et des actes de la Torah (l’ “huile”). Quand la mèche saturée d’huile nourrit régulièrement ses aspirations spirituelles, la flamme qui en résulte est à la fois lumineuse et stable, préservant la productivité de la mèche et illuminant le coin du monde dans lequel elle a été placée.

Des nuances de lumière
La flamme elle-même est multicolore ce qui fait allusion aux nombreux niveaux auxquels l’homme se lie au Créateur dans son observance des Mistvot. D’une manière générale, il y a les régions inférieures et plus sombres de la flamme qui touchent la mèche et les parties supérieures et plus claires.
La partie plus sombre de la flamme représente ces aspects du service d’une personne, colorées par leur association avec l’élément physique de la “mèche”, c'est-à-dire les Mistvot motivées par l’intérêt de soi-même. La partie la plus haute et la plus pure de la flamme représente les moments de l’être humain où il se dépasse lui-même, agit, comme le dit Rambam “pour aucune raison dans le monde: ni par peur du mal ou par désir de parvenir au bien; mais plutôt, il accomplit la vérité parce qu’il sait que c’est la vérité”.

Se rapprocher et revenir
Aussi la “mèche” est-elle à la fois un geôlier et un libérateur pour la flamme. Elle retient l’âme dans sa spécificité par rapport au Tout Divin et dans son appartenance au Créateur. Et pourtant, ce sont cette spécificité et cette appartenance, cette incarnation dans la vie matérielle qui nous permettent de nous lier à D.ieu de la façon la plus profonde et la plus significative, en accomplissant Sa volonté.
Ainsi lorsque le commandement divin, le corps physique et la vie humaine se réunissent comme l’huile, la mèche et la lampe, le résultat en est la flamme: une relation avec D.ieu caractérisée par deux aspirations contraires: un élan pour se rapprocher associé à un engagement à revenir. La matérialité de la vie évoque dans l’âme un désir de s’en libérer et de fusionner dans le divin. Mais plus l’âme se rapproche de D.ieu, plus elle reconnaît qu’elle ne peut accomplir Sa volonté qu’en étant un être distinct et matériel. Ainsi, alors que la corporalité de la mèche pousse la flamme dans un désir de s’élever, la volonté divine implicite dans l’huile soutient son engagement à l’existence et la vie.
Chaque Mitsva est de l’huile pour l’âme: avec chaque acte qui constitue l’accomplissement de la volonté divine, nos vies deviennent des lampes qui brillent, allumées de flammes qui vacillent du ciel vers la terre et à nouveau dans le sens inverse, et illuminent le monde par ce processus.
C’est là que réside la spécificité de la Mitsva de l’allumage des lampes de la Menorah dans le Temple. Chaque Mitsva génère de la lumière, que cela implique de donner une pièce à la charité, d’attacher les Téfilines sur notre bras et sur notre front, ou de manger de la Matsah à Pessa’h. Mais cette Mitsva (et les Mitsvot qui lui sont liées : l’allumage des lumières de Chabbat et de ‘Hanouka) ne font pas que de nous transformer en lampes métaphoriques, elles assument également la forme réelle d’une lampe matérielle, d’une huile matérielle, d’une mèche matérielle et d’une flamme matérielle qui produisent une vraie lumière, tangible.
Le Coin de la Halacha
Comment se prépare-t-on pour Chabbat ?

On se lève plus tôt le vendredi matin afin de préparer Chabbat. Même une personne qui dispose de nombreux domestiques doit participer personnellement aux préparatifs du Chabbat. Certains Sages de la Guemara veillaient à aiguiser eux-mêmes les couteaux ou à effectuer les achats nécessaires.
On nettoie la maison et on couvre la table d’une nappe; on évite de trop manger le vendredi après-midi afin de garder de l’appétit pour le repas du soir.
Avant Chabbat, on prend un bain. Dans de nombreuses communautés, les hommes se rendent au Mikvé, bain rituel. On se coupe éventuellement les cheveux et les ongles (rappel important: on ne coupe pas les ongles dans l’ordre, on ne coupe pas les ongles des pieds et des mains le même jour et on ne jette pas les ongles: on les enterre ou on les brûle).
En l’honneur du Chabbat, on fera cuire ou on achètera des pains spéciaux tressés (les “‘Hallot”), en souvenir des pains de proposition offerts dans le Temple. Ces pains seront placés devant le maître de maison qui, après les bénédictions, distribuera une tranche à chacun des convives. On prévoira éventuellement des petites ‘Hallot pour chacun des hommes ou garçons présents à table.
Après avoir mis quelques pièces à la Tsédaka (charité), les petites filles allumeront une bougie (sous l’œil vigilant de leur maman) et réciteront la bénédiction : “ Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Méle’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Chabbat Kodech ” - “ Béni sois-Tu Eternel Roi du monde qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer les bougies du saint Chabbat ”. Puis chaque femme mariée allumera au moins deux bougies, et éventuellement une supplémentaire pour chacun de ses enfants. Ce moment est propice pour tout demander à D.ieu: une bénédiction pour la famille, la bonne santé, l’argent et surtout la paix et la sécurité pour le peuple juif et le monde entier.
S’il n’y a pas de femme, c’est l’homme qui allumera les bougies.

F. L. (d’après Rav Nissan Mangel)
De Recit de la Semaine
Safari d’âmes sur la toile

Je suis assise dans la position du lotus sur le sol de ma chambre, à mi-chemin entre mon heure de yoga et celle de méditation. Les larmes coulent de mes yeux et la respiration que je devrais contrôler me brise les côtes.
Désespérée, je regarde le plafond, essayant de voir au-delà, d’apercevoir le ciel, D.ieu, l’Univers, la divinité, enfin “quelque chose” vers lequel (ou laquelle ?) prier:
“Donne-moi, maintenant, mon mentor spirituel, celui qui me guidera vers davantage de bien parce que je sais ce que je suis supposée accomplir dans la vie mais j’ignore comment… Et ne me fais pas tourner en rond !”
Pas étonnant que je sois si perdue: je suis un prototype de Juif errant: j’ai fréquenté des synagogues libérales, j’aime l’engagement politique, social et culturel, mais je n’ai plus d’illusion sur D.ieu et le judaïsme. Non, mon identité actuelle est un mélange de philosophies orientales à la sauce américaine. Non, je n’irai pas jusqu’à rechercher la sagesse dans un ashram en Inde, ce serait trop me demander. Mais je suis ce qu’on pourrait qualifier une touriste des religions, essayant à droite et à gauche, de trouver un équilibre, un sens à ma vie… Et j’habite à Los Angeles où les promesses du salut de votre âme et du bonheur perpétuel s’étalent sur tous les supports médiatiques.
Et en ce jour de février 2001, mon âme souffre. Ma prière sera-t-elle exaucée ?
Le lendemain, j’ouvre ma boîte à e-mails, mais ne reconnais pas une des adresses. La plupart du temps, je n’ouvre pas les mails provenant d’inconnus mais celui-là, je l’ai ouvert. Il s’agit d’un Juif orthodoxe qui s’adresse à quelqu’un qui porte le même nom que moi, qui est peut-être une lointaine cousine. Ma famille est laïque, mes cousins sont athés pour la plupart. A qui cet e-mail peut-il bien être adressé ?
De fait, j’ignorais que D.ieu utilisait Internet, que mon itinéraire de retour vers le judaïsme m’amènerait deux fois à l’autre bout du monde et que je trouverais en Nicole Green et sa famille du Cap, en Afrique du Sud et en leur famille éloignée, les Shermans, ici, à Los Angeles, l’amitié, l’aide et l’exemple pour lesquels j’avais tant prié.

* * *

Nicole Green est une des émissaires du Rabbi au Cap, en Afrique du Sud. Un jour Nicole avait organisé pour les femmes juives du Cap une conférence où avait parlé Mme Myriam Swerdlov de Brooklyn. Suite à la réussite de cette soirée, Nicole avait décidé d’envoyer au mari et aux enfants de Myriam un e-mail pour les remercier de lui avoir “prêté une épouse et une mère aussi exceptionnelle”.
“Quelques jours plus tard, raconte Nicole, je reçus en réponse un e-mail très étrange. L’expéditeur expliquait qu’elle avait reçu mon e-mail qui, apparemment ne lui était pas destiné mais qu’elle était prête à le renvoyer à la bonne adresse. Elle s’appelait aussi Swerdlov, mais elle habitait à Los Angeles, en Californie.
“Je compris alors que j’avais mal noté le nom de Myriam: Swerdlov avec un V à la fin et non un W ! Je renvoyai donc un e-mail à la famille de Myriam à Brooklyn et me demandai comment répondre à cette Yael de Los Angeles.
“Il s’ensuivit plus de trois cents e-mails entre Yael et moi, dans lesquels nous avons tenté ensemble de définir le “chemin long mais court” vers D.ieu et vers autrui. Il y eut des échanges très fructueux et d’autres dont l’importance reste encore à dévoiler.
Yael posait des questions très pertinentes sur les relations à autrui. J’avais souvent à creuser profondément à l’intérieur de moi-même et j’ai passé des heures devant mon ordinateur en me demandant: “Si j’étais à sa place, la réponse du judaïsme ainsi formulée me conviendrait-elle ou non ?”. Tout au long de ces échanges d’e-mails, Yael fit preuve d’une honnêteté fondamentale et ce fut un honneur pour moi de rechercher comment répondre à ses arguments imprégnés de la culture californienne.
J’enrôlai mes cousins à Los Angeles et Yael fit leur connaissance; elle fut bien accueillie non seulement par eux mais par toute leur communauté. C’est un long chemin, mais tout est disponible pour quiconque veut apprendre et pratiquer ”.

* * *

Quant à Yael, elle est toujours émerveillée d’avoir rencontré des gens qui sont sincèrement à sa disposition pour discuter de son bien-être spirituel, pour l’accepter parmi eux malgré leurs styles de vie si différents. Les familles Green et Sherman dont elle a fait la connaissance s’assurent toujours que leurs idées seront traduites dans la pratique d’un judaïsme bien compris.
“Même si je ne suis pas (encore) pratiquante à 100 %, je me sens accueillie à bras ouverts et nous avons des idées et des expériences à partager. Cela ne fait que deux ans que j’ai eu accès à ce monde si différent mais je ne peux décrire la sérénité qui m’entoure quand j’allume ma bougie de Chabbat, quand je m’arrête au milieu de mon travail pour réciter la “Amida” ou comment mon âme danse de joie quand je prie dans une synagogue orthodoxe le Chabbat matin. Et quand on me demande ce qui me rend si joyeuse, je réponds tout simplement: “l’étude de la Torah !”. Oui, c’est bien moi, Barou’h Hachem (D.ieu merci) !
Ce voyage n’est encore pas terminé et il n’est pas facile. Nicole me propose continuellement d’autres débats, mais n’utilise pas toujours mes définitions. Elle me rappelle gentiment que D.ieu s’occupe aussi des détails, qu’il faut imprégner toute la Création de sainteté. Je sens que je suis doucement ramenée “à la maison”…

Yael Swerdlov
traduite par Feiga Lubecki