Vivre Yom Kippour
C’est un jour particulier, un “jour unique” disent les Textes, il se nomme “Yom Kippour” et chacun sait qu’il y a sa place, d’où qu’il vienne, qui qu’il soit. Ce jour-là s’impose à tous comme une évidence et, si les synagogues se remplissent alors, ce n’est pas le fait du hasard ou des convenances. Il y a là comme une sincérité nouvelle, une exigence absolue qui surgissent au cœur de chacun.
La veille, avant que la solennité du jour imprègne chacun, modifiant subtilement l’atmosphère, les pères bénissent leurs enfants. Chacun pénètre alors comme dans un monde différent et les synagogues se mettent à bruire des prières intérieures, presque silencieuses. Jusqu’au moment où la liturgie traditionnelle de Yom Kippour élève ses rythmes de grandeur.
Au cœur de ces solennités, il y a aussi pourtant aussi un trait de joie et de confiance que l’on ressent à chaque instant. C’est que, alors même qu’il s’agit d’obtenir le pardon des fautes commises, on ne peut retenir la conviction qui s’empare de l’âme : D.ieu est comme ce Père qui attend que ses enfants viennent à Lui pour que sa bonté efface tous les manquements, toutes les erreurs. De fait, en ces instants précieux, c’est l’essence de l’homme qui se lie à l’essence du Créateur et rien ne pourrait contrecarrer une telle union.
Ce jour-là est décidément celui des grandes retrouvailles. Le monde, le quotidien avaient pu faire oublier la Divinité. Voici que Yom Kippour rétablit la réalité des choses. Voici que la conscience, un moment assoupie, refait surface avec force. Le lien, peut-être superficiellement affaibli, se renouvelle et le monde ne sera plus jamais le même.
Pour toutes ces raisons, Yom Kippour est ce jour différent des autres qu’il faut vivre de tout son cœur et de toute son âme. Il est ce jour d’union entre le Créateur et la créature et d’unité essentielle entre tous les hommes. Il est la clé ultime de cette nouvelle année, dont chacun espère tous les bienfaits, et de l’aboutissement de notre attente millénaire : la venue de Machia’h.
Dix questions / réponses sur la résurrection des morts (X)
Question : Y aura-t-il un jugement après la résurrection des morts?
Réponse : Certains disent qu’après la résurrection, il y aura un “Jour du Grand Jugement” où chacun sera jugé selon ses actes.
D’autres enseignent que, tout homme étant jugé immédiatement après sa mort, ce jugement supplémentaire n’aurait pas de sens. Pour eux, “Jour du Grand Jugement” signifie “jour où la peine est infligée”. D’autres encore estiment que le “Jour du Jugement” ne concerne que les nations du monde et pas le peuple juif.
(d’après “Techouvot Oubiourim”, sec. 11)
Yom Kippour
Le jour unique
La Torah donne au jour de Yom Kippour le nom de "Jour Unique de l'année". Cette expression ne signifie pas seulement qu'il s'agit là d'une journée d'une importance particulière mais aussi qu'elle atteint le plus haut des degrés spirituels présents dans l'âme de chacun aussi bien que dans le monde, si élevé qu'il peut être qualifié d’ "Unique".
C'est là le caractère essentiel de Yom Kippour. Cette œuvre spirituelle est la seule à même de permettre la révélation de D.ieu, "l'Unique", dans ce monde matériel. Car le peuple juif, par l'étude de la Torah et l'accomplissement des Mitsvot travaille à en faire une demeure où Il puisse se révéler.
C'est dire que toutes les révélations qui nous seront alors accordées lors de cette révélation dépendent de nos accomplissements actuels. La période que nous traversons est consacrée à la Techouva, au retour profond, sincère à D.ieu. Elle a commencé avec le mois d'Elloul, le dernier mois de l'année juive, que la Tradition définit comme celui où D.ieu est plus proche de Son peuple, où le lien qui les unit est plus fort. Elle s'est poursuivie avec Roch Hachana, prolongée par les Dix jours de Repentir, qui ont débouché sur Yom Kippour, le jour que Maïmonide dénomme "le temps de la Techouva". Ceci implique qu'en ce jour, nous atteignons le cœur même du retour à D.ieu, dans une période où Il est présent à chaque instant. C'est donc le plus haut degré de la Techouva qui est ici mis en œuvre, cette Techouva qui ne laisse rien subsister des manques ou des défauts passés mais, au contraire, rétablit la perfection en l'âme de chacun.
Et ceci n'est pas seulement vrai au niveau spirituel. Ce processus s'inscrit dans le monde matériel. En effet, la veille de Yom Kippour, avant le début du jeûne, nous avons pris un repas de fête en l'honneur de ce jour, comme par avance. Plus encore, les Sages nous enseignent que le jeûne de Yom Kippour est à considérer comme une "nourriture spirituelle", celle-ci ne pouvant être absorbée, au sens le plus concret du terme, qu'après la consommation de nourriture matérielle le jour précédent. Ainsi, Yom Kippour fait ressentir son effet jusque dans la nourriture matérielle, dans cet aspect en apparence banal de notre vie quotidienne, nous permettant de réaliser notre lien avec D.ieu, de Le servir de toutes nos forces, non pas seulement aux moments privilégiés de l'étude et de la prière mais même dans nos actions de tous les jours, dans la satisfaction de nos besoins. Tant il est vrai que le but réel de chacun reste de "servir D.ieu dans tous nos chemins".
C'est la raison de la joie étonnante qui marque la solennité de Yom Kippour: puisque le principe même de la Techouva est inséparable de la plus profonde des joies, Yom Kippour (qui incarne l'essence de la Techouva), doit porter, plus que tout autre jour, un véritable trait d'allégresse.
Cette joie s'exprime d'autant plus en chaque Juif que, célébrant l'union de chaque âme avec D.ieu, elle crée le même sentiment jusque dans les degrés les plus élevés des mondes spirituels, au-delà de toute limite.
On sait, cependant, que lorsqu'on désire atteindre un objectif particulier, il faut au préalable une préparation qui lui corresponde. Ici, c'est d'union avec D.ieu qu'il est question. La préparation indispensable est donc l'unité du peuple juif, une unité telle qu'elle fait de chacun un membre d'un seul grand corps. Ainsi le décrit la Torah: les Juifs sont alors "comme un seul homme avec un seul cœur". C'est précisément de cette manière qu'il est possible de recevoir la bénédiction de D.ieu, ainsi que nous le demandons chaque jour: “Bénis nous, notre Père, nous tous, de la Lumière de Ta Face”. C'est dire que cette bénédiction ne peut descendre sur nous que dans la mesure où nous sommes "nous tous", unis.
C'est ainsi le "Jour Unique", Yom Kippour, qui est le lieu privilégié de cette œuvre d'unité de tout notre peuple, afin de permettre la révélation de D.ieu, notre union avec Lui et Sa bénédiction.
Au jour de Yom Kippour, il convient de se souvenir qu'ici se cache le secret de notre libération définitive et complète, par la venue du Machia'h, du Messie, qui nous ramènera sur notre Terre, devant le Beth Hamikdach, le Temple, reconstruit par D.ieu, éternel et unique de ce fait, où, tous ensemble, nous Lui apporterons les offrandes de nos fêtes.
Que fait-on à Yom Kippour (cette année samedi 25 septembre 2004) ?
Dans la semaine qui précède Yom Kippour, on procède aux « Kapparot » : on fait tourner autour de sa tête trois fois un poulet vivant (ou un poisson, ou une somme d’argent multiple de 18) en disant certains versets ; puis on donne le poulet (ou le poisson ou la valeur monétaire) à une institution charitable.
La veille de Yom Kippour (cette année vendredi 24 septembre 2004), on a coutume de demander au responsable de la synagogue du gâteau au miel, symbole d’une bonne et douce année. Il est d’usage que les hommes se trempent au Mikvé (bain rituel), si possible avant la prière de Min’ha. On met les vêtements de Chabbat. Après la prière de Min’ha, on fait un repas de fête, sans poisson, ni viande, mais avec du poulet. Après le repas, les parents bénissent les enfants et leur souhaitent d’aller toujours dans le droit chemin.
Après avoir mis des pièces à la Tsédaka, les femmes mariées allument au moins deux bougies avant 19 h 26, horaire de Paris (les jeunes filles et petites filles allument une bougie) et récitent les deux bénédictions suivantes :
1) Barou’h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Chabbat Vechel Yom Hakipourime.
Béni sois-Tu, Eternel, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière de Chabbat et de Yom Kippour.
2) Barou’h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhigianou Lizmane Hazé.
Béni sois-Tu, Eternel, Roi du monde qui nous a fait vivre, qui nous a maintenus et nous as fait parvenir à ce moment.
Il est d’usage d’allumer également une bougie qui dure au moins vingt-cinq heures et sur laquelle on récitera la bénédiction de la « Havdala » à la fin de la fête. On allume aussi des bougies de vingt-cinq heures à la mémoire des parents disparus.
On enlève les chaussures en cuir et on met des chaussures en toile ou en plastique. Les hommes mariés mettent le grand Talit et le « Kittel » (vêtement rituel blanc).
Tout Yom Kippour, on récite la deuxième phrase du Chema Israël (« Barou’h Chem… ») à voix haute. Il est interdit de manger, de boire, de s’enduire de crèmes ou pommades, de mettre des chaussures en cuir, d’avoir des relations conjugales et de se laver (sauf si on s’est sali ; de même, on se lave les mains pour des raisons d’hygiène). On passe la journée à la synagogue.
Les malades demanderont au docteur et au Rabbin s’ils doivent jeûner ou non.
A la fin du jeûne, on écoute la sonnerie du Choffar.
Après Yom Kippour, on se souhaite mutuellement « Hag Saméa’h ». Si possible, on prononce la bénédiction de la lune. On fait la prière de la Havdala après 20 h 30, horaire de Paris. Durant le repas qui suit le jeûne, il est d’usage de parler de la construction de la Souccah et, si possible, on construit effectivement la Souccah tout de suite après le repas.
F. L.
Il chantait dans le train
Reb Azriel David Fastag était un simple commerçant qui gagnait péniblement sa vie grâce à un petit magasin de vêtements à Varsovie. Mais il était connu pour bien autre chose : sa voix exceptionnelle et les Nigounim, les mélodies émouvantes qu’il composait pour les jours de fête. C’était lui qui conduisait la prière dans la synagogue tandis que ses frères l’accompagnaient en chœur. Nombreux étaient les fidèles qui étaient prêts à marcher des kilomètres pour participer à sa prière tant sa voix claire et émouvante affectait tous ceux qui l’entendaient. Même son Rabbi, Rabbi Chaoul Yedidya Elazar de Modzitz appréciait tout particulièrement ses Nigounim et, chaque fois que Reb Azriel David venait avec un nouveau Nigoun, c’était un jour de fête pour le Rabbi.
De sombres nuages s’amoncelaient sur le judaïsme européen. Malgré les terribles décrets, l’étoile jaune, les ghettos, les humiliations et la faim, les Juifs ne pouvaient pas imaginer le sort terrible qui les attendait.
Au milieu de la nuit, ils étaient réveillés en sursaut ; les hommes étaient séparés de leurs épouses, les enfants de leurs parents. Souvent les vieillards étaient assassinés sur le champ, sous les yeux horrifiés de leurs proches tandis que des familles entières étaient poussées dans des wagons à bestiaux vers des endroits maudits où leur existence ne troublerait plus les Nazis : Auschwitz, Treblinka, Maidanek…
Dans les trains bondés où macérait encore la saleté des animaux, sans lumière et sans eau, les détenus tentaient de respirer, de calmer les enfants, d’espérer encore malgré les cris et les pleurs.
Mais dans un wagon, un vieux Juif, aux habits rapiécés, le visage blanc comme la neige, demanda à son compagnon d’infortune de lui rappeler la mélodie de « Maré Cohen » que chantait le Rabbi de Modzitz à Yom Kippour.
« Maintenant ? Tout ce qui vous manque, c’est un Nigoun ? » répondit l’autre avec un regard dur, persuadé que le ‘Hassid avait perdu la raison, ne se rendait pas compte de la situation.
Mais Reb Azriel David Fastag ne prêtait plus attention ni à son voisin ni à personne d’autre. Il se voyait debout, près de son Rabbi à Yom Kippour et c’était lui qui conduisait la prière pour le Rabbi et tous les ‘Hassidim.
Soudain devant ses yeux, il aperçut le livre ouvert à la page des « Treize Articles de la Foi » de Maïmonide ; le douzième brillait en lettres de feu : « Ani Maamine Béémouna Chléma Beviat Hamachia’h ; Veal Al Pi Cheyitmaméa Im Kol Zé A’haké Lo Be’hol Yom Cheyavo ». « Je crois d’une foi parfaite dans la venue du Machia’h. Et même s’il venait à tarder, malgré cela, j’attendrai chaque jour qu’il vienne ». Fermant les yeux, il médita ces mots et décida : « C’est maintenant, quand tout semble perdu, que la foi du Juif est mise à l’épreuve, c’est le moment de redire ces paroles ! »
Imperceptiblement, il répéta ces mots, encore et encore, sur une mélodie qu’il était en train d’inventer. Oui là, au milieu de la nuit et de la mort, parmi ses compagnons désespérés en route vers Treblinka, le ‘Hassid se transforma en une colonne de chant, tirant de ses poumons ensanglantés une force surhumaine pour chanter l’éternité du peuple juif. Il ne remarqua pas que le silence s’était installé dans le wagon, que des centaines d’oreilles l’écoutaient avec stupéfaction et que, petit à petit, d’autres voix se joignaient à la sienne, d’abord doucement puis de plus en plus fort.
Comme s’il se réveillait d’un rêve, Reb Azriel David ouvrit les yeux : ils étaient rouges à force de retenir ses pleurs. D’une voix étranglée, il s’écria : « Je donnerai la moitié de mon Olam Haba, de mon monde futur à celui qui apportera mon Nigoun au Rabbi de Modzitz ! »
Un surprenant silence se fit dans le wagon. Deux jeunes gens s’avancèrent, promirent d’apporter le Nigoun au Rabbi, au péril de leur vie. L’un monta sur les épaules de l’autre, découvrit une petite ouverture, l’écarta et glissa la tête au-dehors :
- Que vois-tu ? lui demanda l’autre.
- Je vois le ciel au-dessus de nous, les étoiles qui scintillent et la lune semble me regarder affectueusement.
- Et qu’entends-tu ?
- J’entends, répondit l’homme, j’entends les anges du ciel qui chantent avec nous Ani Maamine et qui apportent ce Nigoun à travers les sept cieux jusqu’au Saint-Béni-soit-Il ! »
Encouragés par leurs compagnons d’infortune, les deux s’élancèrent par ce trou et sautèrent du train en marche. L’un succomba immédiatement à la chute. L’autre parvint à se relever et à s’échapper.
Après la guerre, il finit par arriver en Terre Sainte et confia au fils du Rabbi à Tel-Aviv les notes qu’il avait retranscrites. Celles-ci furent envoyées par courrier à Rabbi Chaoul Yedidya Elazar qui, après avoir traversé toute l’U.R.S.S. jusqu’à Shangaï, était parvenu à New York.
Quand il reçut ces notes et qu’on chanta devant le Rabbi le dernier Nigoun qu’avait composé Reb Azriel Zelig dans le train de la mort, le Rabbi déclara : « Quand ils ont chanté ce Nigoun, les piliers du monde ont tremblé. Maintenant D.ieu dit : « Chaque fois que les Juifs chanteront Ani Maamine, Je me souviendra des six millions de victimes et J’aurai pitié de Mon peuple ».
On raconte que le premier Yom Kippour où le Rabbi de Modzitz chanta Ani Maamine, des milliers de Juifs se trouvaient dans sa synagogue. Toute l’assemblée éclata en pleurs qui tombèrent comme de l’eau dans l’océan de larmes et de sang versés par le peuple juif. Le Nigoun se répandit dans toutes les communautés.
« C’est avec ce Nigoun, dit Rabbi Chaoul Yedidya Elazar que les Juifs ont marché vers les chambres à gaz. C’est avec ce Nigoun qu’ils danseront à la rencontre du Machia’h ! »
Yitzchok Dorfman
www.modzitz.org
traduit par Feiga Lubecki