Au cœur de Yom Kippour
Il existe des mots qui enferment et décrivent toute la réalité. Et pourtant, ils ne la limitent pas pour autant. Au contraire, ils ont le pouvoir d’en exprimer l’essence et, ainsi, de la rendre infinie. Yom Kippour est de ceux-là, un jour dans l’année que nos Sages qualifient d’unique. Et sans doute mérite-t-il cette dénomination à plus d’un titre. N’est-il pas ce jour étonnant où chacun ressent, avec une conscience plus ou moins forte, plus ou moins attentive, mais toujours en éveil, la nécessité de se rendre à la synagogue ? N’est-il pas ce jour aussi où le temps même semble présenter une qualité, presque une texture différente, où, devant la solennité de la prière, le monde paraît soudain faire silence ? Mais, finalement, pourquoi est-il si essentiellement différent de tous les autres jours de l’année ? Disons-le en d’autres termes : qu’est-ce qui le distingue dans la monotone avancée des jours ?
Peut-être faudrait-il poser cette question à chacun de ceux qui, en cette journée, sont présents à la synagogue. Voici que chacun est prêt à tout laisser de côté, juste pour cela : un jour de réflexion, de recueillement et d’unité. Mais la réponse n’est-elle pas déjà, comme en filigrane dans ce dernier mot ? Dans les synagogues, en ce jour de Yom Kippour, chacun sait qu’il a sa place, qu’elle lui appartient de droit, comme elle a appartenu, avant lui, à son père, à son grand-père et à tous ses ancêtres des générations oubliées. Ceux-ci peuvent avoir vécu sous d’autres cieux, voire dans des pays lointains, la mémoire peut même ne pas avoir retenu leurs faits, leurs gestes et leur long voyage mais, par notre présence, ils sont là. Ils ont su vivre le «jour unique» et nous le savons également. Et cela suffit : le lien au travers du temps est créé, il ne disparaîtra plus.
Dans cette unité, qui dépasse le temps et l’espace, chacun est partie prenante. Et c’est un sentiment puissant qui saisit alors tous les présents. On dit souvent que le peuple juif est celui de la mémoire et sans doute est-ce vrai. Mais il est surtout celui de l’action. Car, pour lui, la mémoire n’est jamais synonyme de nostalgie, d’aspiration à un mythique âge d’or. Pour lui, elle est source d’inspiration et sert d’abord à construire l’avenir.
Pour toutes ces raisons, Yom Kippour est un jour que nous savons et voulons tous vivre différemment. Profondément pénétrés de la conscience que, de notre présence, dépend la suite de l’année, pour nous, notre famille et tous les hommes, mais aussi les temps à venir, nous savons que, demain, nous agirons avec une énergie nouvelle. Nous savons que nos actions, riches de la grandeur de cette journée, nous conduiront au jour d’éternelle lumière, celui de Machia’h.
«D.ieu sera Un et Son Nom sera Un»
Le prophète Zacharie (14:9) enseigne au sujet du temps de Machia’h : «En ce jour, D.ieu sera Un et Son Nom sera Un». Il est clair que l’unité de D.ieu est un fondement du judaïsme mais pourquoi lier la révélation de cette idée à la venue de Machia’h ?
C’est qu’en notre temps, l’unité divine n’apparaît pas à l’évidence. Le monde paraît constituer une existence autonome. Au contraire, dans le monde de Machia’h, l’unité du Créateur sera manifeste aux yeux de tous. Chacun verra que le monde est inexistant devant la lumière divine qui le fait vivre.
(d’après Torah Or, Vaéra p. 55c) H.N.
Yom Kippour
L’un des mots que nous prononcerons le plus souvent lors des services de Yom Kippour est le mot «Techouvah». Et s’il est un jour où nous désirons, du plus profond de notre être, vivre pleinement ce qu’implique ce terme, c’est bien celui-là, c’est bien Yom Kippour, où nous nous retrouvons tous unis pour vivre cette expérience exceptionnelle de notre vie juive. Nous vous proposons donc aujourd’hui d’étudier ensemble le sens véritable de ce concept et de voir, grâce aux enseignements du Rabbi, combien la Techouvah est une expérience positive, concernant chacun d’entre nous et nous rassemblant tous.
Deux dynamiques
La traduction conventionnelle de Techouvah: «repentance»limite son acception à celle que partage la société occidentale. Sa traduction littérale, et la conception qui s’exprime dans notre service divin, en est «retour». La comparaison du sens de ces deux termes à travers les yeux de la tradition juive fait émerger un contraste radical qui jette la lumière sur de nombreux aspects de notre relation avec D.ieu.
La repentance implique un changement de notre conduite engendré par la reconnaissance de nos erreurs passées et la ferme résolution de changer dans le futur. Ces deux mouvements sont liés : la prise de conscience de notre faiblesse nous pousse à réorienter notre comportement.
Le concept de «Techouvah» comme «retour» met l’accent sur le potentiel spirituel fondamental qui est en chacun de nous. La pensée ‘hassidique nous enseigne qu’à l’intérieur de chacun d’entre nous réside une âme Divine, une étincelle de D.ieu. Ce potentiel divin infini représente le cœur de notre âme, notre véritable «Moi».
Dans cette perspective, le péché et le mal ne sont que des éléments superficiels qui ne peuvent jamais affecter notre nature essentielle. La Techouvah signifie la redécouverte de notre véritable personne, établissant un contact avec ce potentiel divin inné et en en faisant l’influence dominante dans notre vie. A cette lumière, notre motivation à faire Techouvah n’est pas la prise de conscience de nos faiblesses mais plutôt la conscience de cet infini potentiel qui existe dans notre âme.
Le retour dans la joie
Ces deux approches différentes de la Techouvah génèrent des sentiments différents. En général, la repentance s’accompagne de tristesse parce que les sentiments de regret et de remord jouent un rôle prépondérant dans la décision de changer de conduite. Par contre, la Techouvah se caractérise par la joie.
Un Baal Techouvah, celui qui concrétise son aspiration à la Techouvah, ressent naturellement de la tristesse et des remords pour ses erreurs passées. Néanmoins, le sentiment qui domine doit être la joie. Car grâce à sa Techouvah, il restaure son lien avec D.ieu et établit une relation avec son propre potentiel spirituel. Cela, bien évidemment doit susciter du bonheur. En fait, l’absence de joie indique qu’une relation totale n’a pas été établie et qu’il faut investir encore plus d’efforts pour que la Techouvah soit complète.
De portée universelle
La repentance ne semble s’appliquer qu’à un nombre limité d’individus. Les hommes réellement vertueux n’auraient donc pas besoin de Techouvah alors que d’autres pourraient sembler trop étrangers à D.ieu pour être capables de vivre cette expérience religieuse.
Cependant, définir la Techouvah comme un «retour» élargit le spectre de son application. Car si la Techouvah implique le fait de gagner l’accessibilité à son véritable potentiel spirituel, cela s’applique à tous les Juifs sans exception. Une étincelle divine identique existe à l’intérieur de l’âme de chaque Juif, du plus étranger à la pratique du judaïsme au plus impliqué. Ce potentiel divin est infini. Aucune force, aucune puissance ne peut en empêcher l’émergence et l’expression. Chaque Juif, quel que soit son niveau peut donc faire Techouvah. Même s’il s’est plongé dans un univers complètement étranger à l’univers de la Torah, rien ne peut l’empêcher de changer sa conduite et de rétablir un lien avec D.ieu.
Par le même biais, personne, pas même le Juste parfait, n’est au-dessus de la Techouvah. Chacun d’entre nous, même celui qui a atteint les hauteurs spirituelles les plus élevées, est limité par le fait même de son appartenance à l’humanité. Nos pensées et nos sentiments, tout comme notre corps et nos désirs physiques reflètent les limites inhérentes à la création. La Techouvah nous permet de nous élever au-dessus de ces limites et d’établir un contact avec le potentiel illimité de notre essence Divine. Cela, à son tour, élève l’ensemble de notre expérience à un niveau supérieur. Quel qu’ait été le niveau précédent de notre service divin, la Techouvah introduit en nous une conscience et une aptitude spirituelles jamais atteintes auparavant.
C’est pour cette raison que nos Sages nous enseignent que «les Tsaddikim (Justes) parfaits ne peuvent se tenir devant un Baal Techouvah». Car la Techouvah révèle l’étincelle divine infinie de nos âmes et nous lie à D.ieu à un niveau supérieur au service divin le plus sublime.
Recalculer nos mérites
Définir la Techouvah comme le «retour » plutôt que comme la « repentance » amène également un éclaircissement sur un passage talmudique problématique. Nos Sages enseignent que grâce à la Techouvah, toutes nos transgressions passées, même celles que l’on a commises intentionnellement, se transforment en mérites.
L’on peut apprécier le fait que la repentance efface toutes les traces du passé, que D.ieu pardonne nos péchés et nous permet un nouveau départ. Mais comment la repentance peut-elle transformer le péché lui-même, un acte de défiance envers la volonté divine, en action positive ? Le péché sépare le Juif de D.ieu. Comment peut-il faire partie intégrante du processus relationnel ?
Ces questions sont justifiées si nous considérons la Techouvah comme une repentance, l’opportunité d’un nouveau départ. Mais quand nous la voyons comme un retour à notre véritable moi, ces difficultés sont résolues.
Un Juif n’est jamais séparé de D.ieu, même lorsqu’il commet des fautes parce que le lien qui nous unit à D.ieu est si fort que même lorsque la relation consciente paraît avoir été coupée à cause de nos fautes, la relation profonde reste intacte et continue à nous propulser vers la Techouvah.
La distance réveille le désir
Parce que notre relation avec D.ieu est toujours intacte, le péché, comme cause de séparation, peut lui-même pousser notre nature fondamentalement divine à faire surface. Le sentiment de cet éloignement apparent de D.ieu peut susciter la soif d’un lien plus intense avec Lui.
Bien que chaque péché soit une rébellion directe contre les désirs de D.ieu, quand il est considéré comme une étape dans le cheminement qui conduit vers la Techouvah, il peut être envisagé comme une force motivante qui pousse l’individu à établir une relation plus profonde et plus puissante avec D.ieu. En fait, ce lien établi avec D.ieu est encore plus profond et plus intense que ce qu’il avait expérimenté jusqu’alors.
Une unité qui embrasse tout
Chaque élément de notre monde existe dans le but essentiel de révéler la Divinité. Certains aspects de la création expriment ouvertement la Présence Divine, d’autres, indirectement. L’observance des Mitsvot, par exemple, démontre sans ambiguïté que le monde matériel peut être uni dans une relation d’unicité avec D.ieu. Le cycle de la faute et de la Techouvah découvre la vérité profonde de la Divinité, mais d’une manière différente.
Quand une personne commet des fautes puis trouve la motivation pour changer de comportement, ces deux pas, pris conjointement, servent d’affirmation profonde de la Divinité, démontrant que rien, pas même le péché, ne peut faire obstruction à la relation de l’homme avec D.ieu. L’acte de retour démontre la force infinie de son âme divine et révèle comment elle surmontera tous les obstacles dans l’expression de son aspiration véritable.
Le lien unique établi avec D.ieu grâce à la Techouvah a des répercussions qui vont au-delà de la sphère individuelle et personnelle. Comme le déclare le Rambam, «Israël ne sera sauvé que grâce à la Techouvah. La Torah a promis qu’en fin de compte, Israël retournera, vers la fin de son exil, et qu’elle sera immédiatement sauvée». Que cela ait lieu immédiatement !
Que fait-on à Yom Kippour (cette année lundi 2 octobre 2006) ?
Dans la semaine qui précède Yom Kippour, on procède aux «Kapparot» : on fait tourner autour de sa tête trois fois un poulet vivant (ou un poisson, ou une somme d’argent multiple de 18) en récitant les versets traditionnels ; puis on donne le poulet (ou le poisson ou la valeur monétaire) à une institution charitable.
La veille de Yom Kippour (cette année dimanche 1er octobre 2006), on a coutume de demander au responsable de la synagogue du gâteau au miel, symbole d’une bonne et douce année. Il est d’usage que les hommes se trempent au Mikvé (bain rituel), si possible avant la prière de Min’ha. On met les vêtements de Chabbat. Après la prière de Min’ha, on fait un repas de fête, sans poisson ni viande, mais avec du poulet. Après le repas, les parents bénissent les enfants et leur souhaitent d’aller toujours dans le droit chemin.
Après avoir mis des pièces à la Tsedaka, les femmes mariées allument au moins deux bougies avant 19h 11, horaire de Paris (les jeunes filles et petites filles allument une bougie) et récitent les deux bénédictions suivantes :
1) Barou’h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Yom Hakipourime.
Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière de Yom Kippour.
2) Barou’h Ata Ado-nay Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhigianou Lizmane Hazé.
Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde qui nous a fait vivre, qui nous as maintenus et nous as fait parvenir à ce moment.
Il est d’usage d’allumer également une bougie qui dure au moins vingt-cinq heures et sur laquelle on récitera la bénédiction de la «Havdala» à la fin de la fête. On allume aussi des bougies de vingt-cinq heures à la mémoire des parents disparus.
On enlève les chaussures en cuir et on met des chaussures en toile ou en plastique. Les hommes mariés mettent le grand Talit et le «Kittel» (vêtement rituel blanc).
Tout Yom Kippour, on récite la deuxième phrase du Chema Israël («Barou’h Chem…») à voix haute. Il est interdit de manger, de boire, de s’enduire de crèmes ou de pommades, de mettre des chaussures en cuir, d’avoir des relations conjugales et de se laver (sauf si on s’est sali ; de même, on se lave les mains pour des raisons d’hygiène). On passe la journée à la synagogue.
Les malades demanderont au médecin et au Rabbin s’ils doivent jeûner ou non.
À la fin du jeûne, on écoute la sonnerie du Choffar.
Après Yom Kippour, on se souhaite mutuellement «Hag Saméa’h». Si possible, on prononce la bénédiction de la lune. On fait la prière de la Havdala après 20h 16, horaire de Paris. Durant le repas qui suit le jeûne, il est d’usage de parler de la construction de la Souccah et, si possible, on construit effectivement la Souccah tout de suite après le repas.
F. L.
L'ours blanc
Le lendemain de Roch Hachana 1964, un
Juif entra dans le magasin d’un ‘Hassid à
Manhattan. Au cours de la conversation, il
s’avéra que l’homme était un ingénieur au
service de l’Armée américaine dans la base de
Touli au Groenland : «De nombreux Juifs travaillent
dans cette base, mais nous n’avons
pas de rabbin qui puisse mener les offices de
Yom Kippour» remarqua-t-il en soupirant.
Un ‘Hassid n’est pas indifférent à ce genre
de phrase. Le commerçant téléphona immédiatement
au secrétariat du Rabbi de
Loubavitch à Brooklyn pour transmettre cette
information. Le Rabbi répondit dans l’heure
qui suivit qu’il veillerait à envoyer un émissaire
s’occuper des soldats juifs installés dans
ce pays étrange. Ceci pourrait paraître simple
mais cela ne l’était pas du tout ! Touli était
une base secrète et particulièrement bien
gardée. Avant d’y entrer, il fallait fournir toutes
sortes de papiers et répondre à des
enquêtes approfondies qui prenaient en
compte le profil psychologique de la personne,
ses antécédents familiaux, son parcours
professionnel et ses opinions politiques
(on était alors en pleine guerre froide). Cette
année-là, Yom Kippour tombait un mercredi
et le dernier avion pour Touli décollait le
dimanche, soit deux jours avant le jour le plus
saint de l’année. Il ne restait que très peu de
temps pour préparer les papiers nécessaires
ainsi que les objets de culte pour la fête.
Ce fut Rav Chmouel Lew (actuellement responsable
communautaire à Londres) qui fut
désigné pour cette tâche. Le Rabbi lui expliqua
personnellement ce qui était attendu de
lui et lui conseilla de se renseigner auprès de
l’Institut Géographique pour éclaircir certains
points de Hala’ha, comme par exemple
l’heure du début et de la fin de la fête. Il lui
rappela également d’emporter pour les soldats
des Mahzorim (livres de prières), des
Kippot et des chaussons en papier puisque le
port de chaussures en cuir est interdit à Yom
Kippour. Cette même semaine, le Chabbat
Chouva qui précède la fête, le 6 Tichri, on
apprit une triste nouvelle : la Rabbanit
‘Hanna Schneerson, la mère du Rabbi, venait
de décéder.Malgré toute la peine que ressentait
le Rabbi, il veilla à faire savoir à Rav Lew
qu’il n’était pas question pour lui d’assister à
l’enterrement et qu’il devait continuer ses
préparatifs pour le voyage.
Inutile de préciser que tous les responsables
du mouvement Loubavitch furent sollicités
pour faciliter les démarches auprès des
autorités compétentes. On fit même intervenir
le nouveau Président des Etats-Unis,
Lyndon Johnson, afin d’obtenir tous les permis
nécessaires.
«L’avion atterrit le lundi matin au
Groenland, raconte Rav Lew. Je fus accueilli
chaleureusement à la descente de l’avion par
l’aumônier de la base, un prêtre catholique. Il
m’emmena visiter ce qui devait me servir de
synagogue: en voyant le bâtiment, je fus choqué
! Il s’agissait d’ «une Maison de prières
»… qu’il était possible, me dit-il, de transformer
en synagogue.Bien entendu, c’est ce à
quoi je fis procéder immédiatement: on
enleva donc toutes les statues et autres symboles
qui n’avaient rien à voir avec le
judaïsme et on suspendit un Maguen David,
une étoile à six branches.
«Je m’approchai ensuite de l’armoire supposée
contenir le Séfer Torah, le saint rouleau
de la Torah dont la lecture constitue un des
moments forts de la journée de Yom Kippour.
Ce fut un second choc. Il y avait bien un Séfer
Torah, mais c’était un de ces jouets en peluche
qu’on distribue aux enfants le jour de
Sim’hat Torah….
Je ravalai ma salive quand on m’apprit que,
pour Roch Hachana, il n’y avait eu que neuf
Juifs qui s’étaient présentés, ce qui signifiait
qu’on n’aurait sans doute pas le nombre
d’hommes suffisants pour constituer un
Minyane… J’étais un peu désespéré mais je
me repris bien vite : j’avais été
envoyé par le Rabbi justement
dans cet endroit perdu pour y
apporter la lumière d’un
judaïsme vivant et peu importait
mon confort religieux personnel.
«Je me promenai dans la
base et, bien entendu, mes
habits, ma barbe et mon chapeau
attirèrent bien vite l’attention
de tous ceux que je
rencontrai. C’est ainsi que je
pus contacter déjà plusieurs
Juifs ; la télévision locale
retransmise dans la base
s’était aussi empressée de
faire part de ma venue. Je
demandai au responsable s’il
était possible d’obtenir un coq blanc vivant
pour la cérémonie traditionnelle des
Kapparot. Il s’avéra qu’il n’existait pas ce
genre de volatile sous ce climat mais qu’il
était possible – si je le désirais vraiment – de
me procurer… un ours blanc. Je déclinai poliment
cette offre car je ne me voyais vraiment
pas saisir un ours - aussi blanc soit-il – par les
pattes pour le faire tourner trois fois autour
de ma tête ! Je fus aussi obligé de me passer
du bain rituel dans le Mikvé…
«Yom Kippour arriva. Petit-à-petit, les soldats
pénétraient dans la «Synagogue». Oui, il
y avait largement Minyane et même beaucoup
plus que cela ! Je les accueillis tous avec
joie et eux aussi semblaient heureux de se
retrouver aussi nombreux. Avant de commencer
la prière proprement dite, j’expliquai
brièvement l’importance de cette fête à
laquelle tous les Juifs tiennent tant. Les fidèles
étaient attentifs à tout ce que je disais et
semblaient particulièrement émus de se rattacher
ainsi à D.ieu. Je me souviens en particulier
d’un ingénieur danois : tous les autres
soldats avaient été persuadés qu’il n’était pas
juif et voici qu’il pleurait comme un enfant en
chantant avec nous les mélodies traditionnelles:
le Kol Nidré, la confession des fautes, «Et
tous ont foi en Lui car Il a tout créé», le
«Chema Israël» récité à haute voix, la prière
pour les parents disparus, «L’an prochain à
Jérusalem!» …
«J’ai rarement prié dans un endroit où
l’émotion était aussi palpable.Tous les soldats
sans exception me confirmèrent qu’eux aussi
avaient ressenti que, même dans cet endroit
perdu, ils s’étaient sentis encore plus proches
de D.ieu que dans une synagogue habituelle:
après tout, le pôle nord n’est-il pas plus proche
du ciel?»
Le lendemain, Rav Lew retourna à New
York. Dès son arrivée, il fut convoqué par le
Rabbi à qui il fit un rapport détaillé de la mission
qu’il avait accomplie: réveiller et illuminer
des âmes juives, où qu’elles soient,même
au pays de l’ours blanc.
Zalman Ruderman - Si’hat Hachavoua
traduit par Feiga Lubecki