Semaine 41

  • Yom Kippour
Editorial

Comme des enfants…

L’enfant a toujours un instinct sûr. Il sait, plus ou moins consciemment, que, lorsqu’il désire ardemment quelque chose, il peut le demander de tout son cœur. Il sait que, très probablement, sa seule sincérité fera son effet et que ses parents, qui l’aiment au-delà même de ce qu’il peut imaginer, ne résisteront pas à sa demande : ils lui donneront ce qu’il désire. Il peut arriver parfois que l’enfant ait désobéi, que, dans un instant de révolte, il ait fait ou dit des choses qui, fondamentalement, ne lui ressemblaient pas. Au moment, qui vient toujours, où il veut retrouver la certitude de leur amour, il se présente devant eux et sa seule venue est, en soi, une demande de pardon. Ses parents sont liés à lui par nature ; ce lien-là, même quand il semble affaibli, est toujours présent et il révèle sa puissance dès qu’il est sollicité. Quels que soient les actes commis, l’enfant a toujours une place dans le cœur de ses parents.
Yom Kippour est un jour où des sentiments similaires nous animent. L’année écoulée a apporté à chacun son mélange particulier de réussites et, peut-être, de défaillances. Parfois, celles-ci ont pu nous écarter du chemin tracé de toute éternité par notre Créateur, notre Père. Parfois, lorsque nous nous arrêtons un instant et que nous prenons conscience de l’ampleur de cet éloignement, une idée bouleversante nous envahit : «Et notre Père ? Et Son amour ?» Le grand rendez-vous d’automne est là et la perspective change. Enfants fidèles, même si nous pouvons être oublieux, nous venons devant Lui en ce jour de Yom Kippour. Nous Lui demandons – dans les mots antiques de la prière, dans les cérémonies éternelles du jour, dans les chants qui semblent pénétrer les cieux – de nous renouveler Son amour comme nous nous souvenons de celui que nous Lui portons.
Sans doute est-ce la raison qui fait que, ce jour-là, les synagogues voient revenir ceux qui, dans l’année, n’en connaissent pas toujours et régulièrement la route. Sans doute est-ce la raison, aussi, pour laquelle les prières qui s’y élèvent évoquent davantage des cris du cœur que des mots ritualisés. Le jour de Yom Kippour est ce moment unique où D.ieu, notre Père, entend nos demandes et voit notre venue. Il est ce jour où l’essence de notre âme s’unit à l’essence divine. Il est enfin ce jour où tous les bonheurs de l’année qui commence sont comme en germe, ne demandant qu’à apparaître dans notre quotidien. Yom Kippour est bien ce jour unique. D.ieu nous y attend, nous y vivons. Pour une année bonne et douce.

Etincelles de Machiah

Une épreuve passagère
Le texte de la Torah relève à plusieurs reprises que, si le peuple juif oublie la voie que D.ieu lui a enseignée, Celui-ci Se détournera alors de lui. C’est notamment ce qu’enseigne le Deutéronome (31:17) : «Et Je cacherai d’eux Ma face», ce que Rachi commente : «Comme si Je ne les voyais pas». Par ces quelques mots, c’est toute la situation d’exil qui est décrite. Dans de telles périodes, D.ieu est toujours auprès du peuple juif mais Sa présence est cachée.
Une parabole permet de mieux saisir cette idée. Parfois, un père veut éprouver l’intelligence de son fils. Il se cache et attend sa réaction. Le fils a deux possibilités : il peut désespérer et, persuadé qu’il a été abandonné, renoncer à revoir son père ou continuer à le chercher, sachant que c’est ce qu’on attend de lui et qu’il réussira dans son entreprise.
C’est cette deuxième attitude que D.ieu demande à chacun. Même s’Il semble Se cacher, notre effort et notre attente amèneront, avec la Délivrance, Sa révélation.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Chabbat Parachat Vayélè’h 5748) H.N.

Vivre avec la Paracha

Yom Kippour

Attention ! Votre extase doit être tempérée.
C’était le lendemain de Yom Kippour. Yankel, le voleur du village pénétra dans la maison du Rabbin. Yankel était «renommé» pour être un voleur très doué. Bien que tout le monde connût son occupation obscure, il n’avait jamais, tout au long de sa longue carrière, été pris la main dans le sac ! Ce jour là, il portait deux sacs débordant d’objets volés en or : des candélabres, des bijoux, des antiquités, bref, tout ce qu’on peut imaginer emplissait ses sacs.
«Rabbi, s’écria Yankel en larmes, j’ai été si ému par les offices d’hier que j’ai décidé de rendre tous ces objets à leurs véritables propriétaires. Voulez-vous m’aider à les restituer?»
Le Rabbin, enchanté, félicita Yankel pour cette démarche droite et courageuse et se mit à rendre les objets de larcin à leurs propriétaires, ravis. Quand il revint chez lui, il vit que son bureau avait été dévalisé. Envolé tout l’argent mis de côté pour être distribué aux pauvres pour la fête de Soukkot!
Le Rabbin se précipita vers la maison de Yankel.
«Comment as-tu pu faire une pareille chose ? Qu’en est-il de tous tes remords et de tes bonnes décisions?» gronda-t-il.
«Rabbi, répondit Yankel, Yom Kippour est Yom Kippour mais les affaires sont les affaires…»

La lecture de la Torah que l’on fait à Yom Kippour évoque le service du Grand Prêtre, dans le Temple, lors de ce jour le plus saint de l’année. Elle commence par les mots : «L’Eternel parla à Moché après la mort des deux fils d’Aharon, quand ils s’approchèrent devant D.ieu, et ils moururent».
Quelle relation peut bien avoir ce verset initial avec notre service personnel de Yom Kippour ? L’examen attentif du «péché» qui conduisit à la mort prématurée de Nadav et Avihou répond à cette question.
Le Tabernacle avait été inauguré par une révélation Divine à laquelle avait assisté la nation entière. Le Peuple Juif avait alors poussé un soupir de soulagement collectif, réalisant que D.ieu leur avait entièrement pardonné le péché du Veau d’Or. A ce moment historique et saint, les deux saints fils d’Aharon furent saisis d’une extase divine. Leur élévation spirituelle les fit se précipiter dans le Saint des Saints avec une offrande d’encens et là, leur âme fut saturée de Divinité et s’échappa pour être absorbée dans le Saint Feu qui jaillit pour accueillir ces âmes pures.
Alors que d’autres religions, toutes axées sur la poursuite de spiritualité, auraient récompensé un acte si imprégné de sainteté, le Judaïsme, quant à lui, considère «de travers» leur acte. Les élévations spirituelles sont exaltantes et inspirantes mais elles ne constituent pas la raison pour laquelle nous avons été créés. Nous avons été créés pour imprégner de Divinité notre environnement matériel, et ce, par les Mitsvot, actions apparemment très concrètes. Toute élévation spirituelle qui ne se concrétise pas, par la suite et matériellement, dans la vie quotidienne est certes enivrante mais elle reste virtuellement inutile.
Quelle leçon importante à garder en tête le jour de Yom Kippour !
«Les affaires sont les affaires» ne peut tout simplement pas avoir de sens après Yom Kippour. Le but suprême de ce jour saint, le jour où nous sommes comparés à des anges vêtus tout de blanc, est de donner du sens et de la sainteté aux «affaires» de tous les jours.

Comment pénétrer dans le Saint des Saints
A ‘Hanouccah, nous allumons la Menorah et à Pessa’h, nous mangeons de la Matsa. Mais de quoi s’agit-il à Yom Kippour ? Bien qu’il y ait un certain nombre d’interdits associés à ce jour le plus saint de l’année, manger, boire, porter du cuir, se laver, etc., Yom Kippour est principalement associé à la prière, aux longues prières qui occupent presque toutes les heures de la fête.
Il est intéressant d’observer que la prière est à peine mentionnée dans les commandements bibliques à propos de Yom Kippour. Au lieu de cela, la Torah consacre un chapitre entier à la procédure du service de Yom Kippour dans le Temple, un service comparable à ceux d’aucune autre fête, en termes de longueur, de difficulté et de détails. Le point central de ce service était la convergence entre les éléments les plus saints du temps, de l’espace et de l’être vivant. Le jour le plus saint de l’année, la personne la plus sainte, le Grand Prêtre, pénétrait le lieu le plus saint de la terre, le Saint des Saints dans le Sanctuaire, là où il allait prier pour le bien-être de tous ses frères et assurer leur pardon.
Aujourd’hui, nous n’avons plus de service dans le Temple, au lieu de cela, nous prions. Avec nos prières, nous tentons de reconstituer, en termes spirituels, le service du Temple et espérons ainsi produire le même effet, obtenir le même pardon que ceux que nous assuraient ces célébrations.
Chaque Juif est un Temple potentiel pour D.ieu et chaque individu est le Grand Prêtre qui officie dans son Temple personnel. Le but de la prière de Yom Kippour est d’accéder au Saint des Saints de son Temple privé.
Le Saint des Saints abritait l’Arche d’or qui contenait les saintes Tables de la Loi. Leur spécificité consistait en ce que les Dix Commandements y étaient gravés, contrairement à un rouleau de la Torah où les mots sont écrits à l’encre. Sur les Tables, les paroles de D.ieu faisaient partie intégrante du matériau et n’étaient pas un composant ajouté. En effacer les mots aurait signifié détruire les Tables elles-mêmes.
Tout au long de l’année, nous servons D.ieu avec nos facultés «extérieures», conscientes. Nous nous lions à Lui par notre esprit, en tentant de Le comprendre ainsi que Ses messages. Nous travaillons à créer une relation chaleureuse et émotionnelle avec Lui en contemplant Sa grandeur et Sa bonté à notre égard. Mais l’esprit et le cœur humains sont versatiles, au meilleur des cas, ce sont des «logiciels téléchargés» et non l’âme elle-même. La relation qui résulte de leurs efforts est donc semblable à l’encre sur le parchemin, sujette à pâlir, voire à s’effacer.
Toutefois, la «chambre» la plus intérieure de l’âme juive, son essence du Saint des Saints, partage avec D.ieu une relation comparable aux Tables de la Loi. A l’intérieur de nous-mêmes, nous sommes liés à D.ieu, sans que nous n’ayons à fournir aucun effort, sans qu’il y ait besoin de cultiver cette relation. C’est ce que nous sommes : «une véritable partie de D.ieu Lui-Même».
Et le jour de Yom Kippour, nous est accordée cette possibilité d’accéder à ce lieu normalement hors de la portée de notre conscience. Ainsi nous ravivons notre relation avec D.ieu pour l’année à venir et suscitons en Lui un effet réciproque. Il Lui est rappelé que cette relation avec nous fait aussi partie de ce qu’Il est. Il ne peut nous oublier pas plus que nous ne pouvons L’oublier. Et ainsi, quelles que soient les transgressions de l’année précédente, D.ieu accorde à Ses enfants le pardon et les inscrit dans le Livre de la vie et de la prospérité.
Tout au long de l’année, le Grand Prêtre revêtait un habit de splendeur pour accomplir ses devoirs, un habit orné d’or, de pierres précieuses et de matériaux les plus raffinés. Mais quand il pénétrait le Saint des Saints, le jour de Yom Kippour, il n’était vêtu que d’habits de lin simples et blancs. Aucune touche de grandeur ni d’éclat.
Ne pensons pas, de façon erronée, que nous manquons de qualifications, d’actes extraordinaires ou d’impressionnantes connaissances en Torah, pour entrer dans le Saint des Saints, ce Yom Kippour. Tout ce dont il est besoin est la pureté du cœur et de l’esprit et le désir de tout bien recommencer.

Le Coin de la Halacha

Que fait-on à Yom Kippour (cette année jeudi 9 octobre 2008) ?

Dans la semaine qui précède Yom Kippour, on procède aux «Kapparot» : on fait tourner autour de sa tête trois fois un poulet vivant (ou un poisson, ou une somme d’argent multiple de 18) en récitant les versets traditionnels ; puis on donne le poulet (ou le poisson ou la valeur monétaire) à une institution charitable.
La veille de Yom Kippour (cette année mercredi 8 octobre 2008), on a coutume de demander au responsable de la synagogue du gâteau au miel, symbole d’une bonne et douce année. Il est d’usage que les hommes se trempent au Mikvé (bain rituel), si possible avant la prière de Min’ha. On met les vêtements de Chabbat. Après la prière de Min’ha, on consomme un repas de fête, sans poisson ni viande, mais avec du poulet. Après le repas, les parents bénissent les enfants et leur souhaitent d’aller toujours dans le droit chemin.
Après avoir mis des pièces à la Tsedaka, les femmes mariés allument au moins deux bougies avant 18h 57, horaire de Paris (les jeunes filles et petites filles allument une bougie) et récitent les deux bénédictions suivantes :
1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Yom Hakipourim» - «Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, Qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer la lumière de Yom Kippour».
2) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé» - «Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, Qui nous a fait vivre, nous a maintenus et nous a fait parvenir à ce moment».
Il est d’usage d’allumer également une bougie qui dure au moins vingt-cinq heures et sur laquelle on récitera la bénédiction de la «Havdala» à la fin de la fête. On allume aussi des bougies de vingt-cinq heures à la mémoire des parents disparus.
On enlève les chaussures en cuir et on met des chaussures en toile ou en plastique. Les hommes mariés mettent le grand Talit et le «Kittel» (vêtement rituel blanc).
Tout Yom Kippour, on récite la deuxième phrase du Chema Israël («Barou’h Chem Kevod Mal’houto Leolam Vaèd») à voix haute. Il est interdit de manger, de boire, de s’enduire de crèmes ou de pommades, de mettre des chaussures en cuir, d’avoir des relations conjugales et de se laver (sauf si on s’est sali ; de même, on se lave les mains pour des raisons d’hygiène). On passe la journée à la synagogue.
Le jeudi matin, on ne récite pas la bénédiction : «Cheassa Li Kol Tsorki» («…Qui veille pour moi à tous mes besoins») car on ne porte pas de vraies chaussures.
Les malades demanderont au médecin et au Rabbin s’ils doivent jeûner ou non.
A la fin du jeûne, on écoute la sonnerie du Choffar.
Après Yom Kippour, on se souhaite mutuellement «Hag Samea’h». On se lave les mains rituellement et on se rince la bouche. Si possible, on prononce la bénédiction de la lune. On récite la prière de la Havdala après 20h 01, horaire de Paris. Durant le repas qui suit le jeûne, il est d’usage de parler de la construction de la Souccah et, si possible, on construit effectivement la Souccah tout de suite après le repas.

F. L.

De Recit de la Semaine

Le Choffar du roi d’Espagne

Il y a quelques années, le roi Juan Carlos d’Espagne invita le Grand Rabbin d’Israël, Rav Yonah Metzger à assister à la commémoration du 800ème anniversaire du décès de Maïmonide, l’illustre Rabbi Moché Ben Maimone (le Rambam) : médecin, philosophe, Talmudiste et surtout décisionnaire hors du commun, le Rambam était né à Cordoue, donc en Espagne.
Durant la cérémonie, Rav Metzger offrit au roi un magnifique Choffar, très long et recourbé ; le Choffar avait, de plus, été serti d’argent et la couronne royale était gravée sur la garniture argentée.
Le roi Juan Carlos l’examina longuement et demanda quelle en était l’origine.
(Rav Metzger parlait en hébreu tandis que l’ambassadeur d’Israël en Espagne, M. Victor Harel, assurait la traduction en espagnol).
- Cet objet vient-il d’Afrique ? demanda le roi.
- Non, Majesté. Il vient de la terre d’Israël.
De plus en plus perplexe, le roi demanda si cet objet devait être utilisé dans les corridas mais Rav Metzger expliqua poliment que le judaïsme interdisait de faire souffrir les animaux inutilement.
- Alors quel est l’usage de cette corne d’animal ? continua le roi.
Rav Metzger profita de cette conversation pour rappeler au roi un chapitre douloureux de l’histoire des Juifs d’Espagne. Le roi l’écouta attentivement.
«Majesté ! Ce cadeau – unique en son genre – nous permet de clore définitivement la boucle de l’histoire. Il y a plus de cinq cents ans, l’âge d’or du judaïsme espagnol prit fin brutalement quand votre ancêtre, le roi Ferdinand et son épouse Isabelle expulsèrent mes ancêtres, suite à l’incitation de l’Inquisiteur Torquemada. Les Juifs qui avaient tant contribué au développement de leurs pays durent s’enfuir, en abandonnant tous leurs biens pour s’installer dans des pays plus hospitaliers. Mais certains Juifs préférèrent rester en Espagne, se convertirent tout en gardant secrètement leurs lois et coutumes. Ils se conduisaient comme de dévots catholiques mais respectaient les lois de la Torah clandestinement, allumant par exemple leurs bougies de Chabbat dans des placards afin que personne ne les remarque.
Les jours de fête, ces Marranes se rassemblaient secrètement dans des caves pour prier.
D’ailleurs notre prière de Kol Nidré, au début de l’office de Yom Kippour, est attribuée à ces Marranes qui ainsi annulaient leurs déclarations d’appartenance au catholicisme. Ils priaient avec une ferveur rare mais à voix très, très basse de façon à n’être pas découverts par l’Inquisition qui savait torturer et finalement, brûler «les hérétiques» en public sur des bûchers.
Pour Roch Hachana, ils étaient confrontés à un dilemme : oui, la prière pouvait être chuchotée, sans attirer l’attention des voisins. Mais le Choffar ?
Un chef d’orchestre - juif d’origine - trouva une solution originale. Il proposa au roi d’organiser un concert gratuit pour présenter divers instruments à vent, venus de tous les pays, de toutes les époques. Le roi qui adorait la musique en fut enchanté. Le chef d’orchestre proposa une certaine date, qui, de fait, s’avérait être Roch Hachana.
Le roi, la reine, les ministres et les courtisans s’assirent au premier rang ; le reste des auditeurs prirent place à l’arrière. Parmi eux, se trouvaient de nombreux marranes.
Les musiciens présentèrent différents instruments, de la flûte du berger à la trompette du soldat, mais, à un moment donné, le chef d’orchestre lui-même proposa de sonner dans une corne de bélier, qu’il présenta comme le plus ancien instrument à vent connu. Le roi et la reine s’intéressèrent à cette curiosité, contemplèrent l’instrument puis le maître la porta à sa bouche tandis qu’au fond de la salle, les marranes prononçaient à voix basse les deux bénédictions : «Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi de l’Univers, qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’écouter le son du Choffar» ainsi que : «Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi de l’Univers, Qui nous a fait vivre, nous a maintenus et Qui nous a fait parvenir à cette période».
Le chef d’orchestre sonna du Choffar, comme l’exige la Hala’ha et tous les spectateurs se turent. A la fin de la prestation, on l’applaudit…
«Aujourd’hui, Majesté, continua Rav Metzger, nous nous rencontrons cinq cents ans plus tard, dans des circonstances bien plus amicales. En tant que Grand Rabbin d’Israël, je suis heureux de revenir en Espagne. Je vous remercie au nom de notre peuple car maintenant les Juifs peuvent vivre librement dans votre pays, ils jouissent d’une totale liberté de culte et à Roch Hachana, ils peuvent sonner du Choffar dans les synagogues restaurées. Aujourd’hui je peux, D.ieu en soit loué, vous offrir publiquement ce Choffar, sans me cacher car vous êtes un souverain soucieux de démocratie. Maintenant en Espagne, tous peuvent prier à leur guise, sans crainte !
En acceptant le Choffar, le roi déclara : «Monsieur le Grand Rabbin ! J’ai reçu de nombreux cadeaux et trophées de nombreux chefs d’états des quatre coins du globe. Mais ce cadeau-là est porteur d’une signification historique et je vous suis extrêmement reconnaissant pour ce Choffar et pour ce récit !»
Rav Metzger déclara alors au roi qu’il souhaitait le bénir, comme cela est recommandé par les Sages. Tous deux se levèrent. Rav Metzger ferma les yeux, leva ses mains vers la tête du roi et prononça la bénédiction avec une grande ferveur. Quand il termina, Rav Metzger ouvrit les yeux : il s’aperçut alors que le roi, saisi d’émotion, pleurait sans chercher à le cacher…

L’Chaim
traduit par Feiga Lubecki