Yom Kippour : l’appel et la puissance
Yom Kippour fait partie de ces jours que nul n’a besoin d’annoncer ni même d’expliquer. Il est comme chevillé à l’âme de chacun. De fait, tous savent et ressentent, avec une acuité absolue, que Yom Kippour n’est pas une solennité parmi les autres. Tous ont l’intime conscience que ce jour est d’abord celui de notre grand rendez-vous avec D.ieu. Alors que la nouvelle année a commencé, que nous avons d’ores et déjà vécu l’appel du Choffar à Roch Hachana, tout a un sens plus profond, renouvelé. Dans toutes les synagogues, il y a, en ce jour, une atmosphère particulière. Comme si une certaine sainteté, d’habitude ensevelie sous le quotidien, réapparaissait, belle et puissante comme au premier jour des hommes. En ce jour de Yom Kippour, elle flotte dans l’air que l’on respire, elle pénètre les attitudes et les actes de chacun, elle est le bel ornement de synagogues pleines.
Car c’est dans les synagogues que, à ce moment, tout semble plus beau. Côte à côte sont assis celui qui découvre les mots de la prière et celui qui en est le familier, le délicat érudit et l’enthousiaste nouveau-venu. Et aussi celui que seule l’essence du jour a conduit là mais qui ne cèderait sa place pour rien au monde. Tous ensemble, plus unis que pourrait le laisser croire leur apparence extérieure, ils forment ce que l’on appelle du beau nom de «communauté». C’est bien ce qu’ils constituent : un lieu de partage, une unité de vie. C’est bien peu de dire qu’à Yom Kippour, tout un chacun y a sa place. Fondamentalement, chacun est indispensable. Car il s’agit bien là de créer comme une dynamique nouvelle faite de l’addition de tous ces mouvements individuels de l’âme.
Y a-t-il une journée plus propice à un tel projet que Yom Kippour ? Ce n’est évidemment pas en vain, ni pour un artificiel effet de style, que les Sages ont qualifié ce jour de «unique de l’année». Le lien avec D.ieu, l’attachement de notre âme existent constamment mais, à ce moment, personne ne peut les ignorer. Chacun en ressent à la fois l’appel et la puissance. Nous rêvons tous d’une année merveilleuse, pour nous-mêmes, nos familles, le monde entier. Nous espérons ardemment que cette année 5770 voit le couronnement des efforts millénaires, l’avènement du temps éternel, la venue de Machia’h. Alors que revient Yom Kippour, nous savons que nos rêves sont à portée de notre main. Car Yom Kippour est un jour de vie pour une année, une éternité de vie.
L’abattage du mauvais penchant
Le Talmud enseigne (traité Souccah 52a) que «dans les temps futurs (à l’époque messianique), D.ieu amènera le mauvais penchant et l’abattra». Le terme hébraïque employé pour «abattage» étant celui de «Che’hita» qui désigne l’abattage rituel d’un animal, on comprend que l’idée est, ici, très forte.
En fait, le concept de «Che’hita» a pour sens, dans ce contexte, l’élimination de la partie mauvaise du penchant en question comme cette opération, dans son sens premier, a pour effet d’éliminer le sang de l’animal. Ne restera alors que l’aspect positif des choses : le mauvais penchant aura été transformé en un «ange de sainteté».
(d’après Kéter Chem Tov, 265)H.N.
Yom Kippour : Le retour : l’offrande des encens
La quête de l’homme pour servir son Créateur est perpétuelle, insatiable et peut être menée par tous, tout le temps et partout. Cependant, un événement représente à lui seul l’apogée dans l’effort humain pour se rapprocher de D.ieu, un événement qui englobe le jour le plus saint de l’année, l’être le plus saint sur terre, le lieu le plus saint de l’univers et l’acte le plus saint. A Yom Kippour, le Cohen Gadol (Grand Prêtre) pénétrait dans le Saint des Saints (la pièce la plus intérieure du Temple de Jérusalem) pour offrir des ketoret (encens) à D.ieu.
L’offrande des ketoret était le plus prestigieux et le plus sacré des services du Temple. Les ketoret étaient un mélange spécial constitué de onze herbes et épices dont les ingrédients précis et la préparation avaient été indiqués par D.ieu. Deux fois par jour, les ketoret étaient brulés sur l’autel d’or qui se tenait dans le Temple. A Yom Kippour, outre les offrandes quotidiennes des ketoret, le Cohen Gadol pénétrait dans le Saint des Saints, tenant, de la main droite, une poêle de charbons ardents et, de la main gauche, une pelle remplie des ketoret. Il recueillait les ketoret dans la main, les plaçait sur les charbons et attendait que la pièce s’emplisse de l’odeur parfumée des encens puis reculait lentement pour sortir. Ce moment marquait l’apogée du service de Yom Kippour dans le Temple.
Un saint parfum
Maimonide écrit que la fonction des ketoret était de chasser les mauvaises odeurs qui auraient pu envahir le Temple. Puisque de nombreux animaux y étaient abattus chaque jour, dépecés, brûlés etc. Les ketoret, brulés deux fois par jour, faisaient régner un parfum agréable dans le Temple et sur les vêtements de ceux qui y servaient. Mais les mots de Maimonide portent une signification qui va au-delà de leur sens premier.
Les enseignements de la ‘Hassidout expliquent que les sacrifices animaux offerts dans le Temple représentent l’offrande de l’homme à D.ieu de son «âme animale», la soumission de ses instincts et de ses désirs naturels à la volonté Divine. C’est là le sens profond de cette «mauvaise odeur» des sacrifices que les ketoret venaient dissiper : l’âme animale de l’homme qui constitue son instinct de base possède de nombreux aspects positifs qui sont prêts à être redirigés vers des fins productives et saintes. Mais elle est aussi source de nombreux traits destructeurs. Quand une personne apporte son «moi animal» au Temple de D.ieu et offre ce qui en est le meilleur et le plus raffiné sur l’autel, «la mauvaise odeur» – l’égoïsme, la brutalité et la matérialité de l’animal en l’homme – persiste. C’est alors qu’interviennent les ketoret qui subliment la mauvaise odeur de l’âme animale et la transforment en un parfum merveilleux.
L’essence et l’utilité
Cela ne définit pourtant pas l’essence des ketoret. Car si les parties les plus extérieures du Temple étaient susceptibles d’être imprégnées par les «âmes animales» qui y étaient offertes, le Saint des Saints était un sanctuaire pur et parfait, le Cohen Gadol était «le plus grand parmi ses frères» et Yom Kippour est un jour dans lequel «les forces du mal n’ont pas le moyen d’accuser». Si donc les ketoret étaient offertes le jour de Yom Kippour, dans le Saint des Saints, leur fonction ultime ne pouvait être de transformer le mal.
C’est, en effet, là une fonction que seules peuvent accomplir les ketoret, mais ce n’est pas ce qui définit leur essence. Il s’agit plutôt du désir pur de l’âme de l’homme de se rapprocher de D.ieu, un désir qui émane du sanctuaire le plus intérieur de son âme et qui est donc libre de toutes contraintes, délivré de tout ce qui nous inhibe et nous limite lorsque nous agissons avec les parties les plus extérieures de notre être. Leur pureté et leur perfection sont ce qui donne aux ketoret la puissance de transformer l’odeur la plus désagréable, mais il ne s’agit pas seulement de transformer ce qui est mal. Au contraire, c’est dans l’environnement le plus détaché du mal, celui de Yom Kippour, celui du Saint des Saints, que la fonction des ketoret trouve son expression la plus sublime.
Refaçonner le passé
Aujourd’hui, le Temple ne domine plus les collines de Jérusalem et le Cohen Gadol ne pénètre dans le Saint des Saints que lors de notre lecture du récit du service de Yom Kippour, dans les prières du jour, et dans notre vision d’un Yom Kippour futur dans le Temple reconstruit. Mais les ketoret restent un composant essentiel de notre service divin en général et de notre observance de Yom Kippour en particulier. Nous parlons, bien sûr, des ketoret spirituels qui existent dans l’âme humaine et représentent le potentiel de la Techouvah.
Tout comme les encens qui brûlaient dans le Saint Temple, la fonction manifeste de la Techouvah s’applique à ce qui est négatif et indésirable. Dans la vie quotidienne, la Techouvah est le repentir, la réponse aux erreurs commises. Mais la Techouvah est également la qualité dominante de Yom Kippour, le plus saint des jours de l’année. Car elle est plus et autre chose que la seule neutralisation du mal.
Le mot Techouvah signifie «retour» : retour au commencement inaltéré, retour à la perfection intrinsèque de l’âme. Car l’essence de l’âme de l’homme, «étincelle de Divinité», est au-delà de toute corruption. Le moi profond de l’homme est insensible à tous les errements. La Techouvah est le retour au moi véritable.
Cela explique comment la Techouvah réussit à obtenir le pardon pour les erreurs passées. Elle permet de toucher à la racine de notre bien profonde, à la partie de nous-mêmes qui n’a jamais péché. Dans un sens, l’on acquiert un moi nouveau, au passé sans tache. Mais ce «moi nouveau» est en réalité notre véritable moi qui rejaillit.
Seule la Techouvah possède une telle force sur le passé. Seule la Techouvah peut «défaire» un acte négatif. Mais ce n’est pas la seule «utilité» du pouvoir du retour. La Techouvah n’est pas seulement réservée à ceux qui ont erré mais aussi à la personne la plus sainte, au moment le plus saint, dans le plus saint des lieux. Car même l’homme le plus parfait a besoin de se libérer des contraintes du passé. L’individu le plus parfait est limité – à cause des connaissances non encore acquises, des perspectives pas envisagées, des sentiments encore à développer, des accomplissements encore à faire. En un mot, limité par le temps lui-même et la tyrannie de la loi d’un temps à sens unique. En avançant dans la vie, nous dépassons ces limites, gagnons de la sagesse et de l’expérience et nous nous raffinons. Mais notre aptitude à grandir se limite-t-elle au futur ? Le passé est-il une frontière fermée ?
Celui qui adopte l’approche de la Techouvah dans tout ce qu’il fait ne laisse jamais un passé imparfait derrière lui. Quand il apprend quelque chose de nouveau, il découvre une dimension plus profonde de son être qui était toujours consciente de cette vérité. Quand il raffine une nouvelle facette de sa personnalité, il met en lumière la perfection éternelle de son âme. Jamais satisfaite de simplement aller toujours de l’avant, sa quête de son être véritable reconstruit son passé.
Que fait-on à Yom Kippour (cette année lundi 28 septembre 2009) ?
Dans la semaine qui précède Yom Kippour, on procède aux «Kapparot» : on fait tourner autour de sa tête trois fois un poulet vivant (ou un poisson, ou une somme d’argent multiple de 18) en récitant les versets traditionnels ; puis on donne le poulet (ou le poisson ou la valeur monétaire) à une institution charitable.
La veille de Yom Kippour (cette année dimanche 27 septembre 2009), on a coutume de demander au responsable de la synagogue du gâteau au miel, symbole d’une bonne et douce année.
Il est d’usage que les hommes se trempent au Mikvé (bain rituel), si possible avant la prière de Min’ha. On met les vêtements de Chabbat. Après la prière de Min’ha, on fait un repas de fête, sans poisson ni viande, mais avec du poulet. Après le repas, les parents bénissent les enfants et leur souhaitent d’aller toujours dans le droit chemin.
Après avoir mis des pièces à la Tsedaka, les femmes mariés allument au moins deux bougies avant 19h 20, horaire de Paris (les jeunes filles et petites filles allument une bougie) et récitent les deux bénédictions suivantes :
1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Yom Hakipourim» - «Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière de Yom Kippour».
2) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé» - «Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as fait vivre, qui nous as maintenus et nous as fait parvenir à ce moment».
Il est d’usage d’allumer également une bougie qui dure au moins vingt-cinq heures et sur laquelle on récitera la bénédiction de la «Havdala» à la fin de la fête. On allume aussi des bougies de vingt-cinq heures à la mémoire des parents disparus.
On enlève les chaussures en cuir et on met des chaussures en toile ou en plastique. Les hommes mariés mettent le grand Talit et le «Kittel» (vêtement rituel blanc).
Tout Yom Kippour, on récite la deuxième phrase du Chema Israël («Barou’h Chem…») à voix haute. Il est interdit de manger, de boire, de s’enduire de crèmes ou de pommades, de mettre des chaussures en cuir, d’avoir des relations conjugales et de se laver (sauf si on s’est sali ; de même, on se lave les mains pour des raisons d’hygiène). On passe la journée à la synagogue.
Le lundi matin, on ne récite pas la bénédiction : «Cheassa Li Kol Tsorki» («Qui veille pour moi à tous mes besoins») car on ne porte pas de vraies chaussures.
Les malades demanderont au médecin et au Rabbin s’ils doivent jeûner ou non.
A la fin du jeûne, on écoute la sonnerie du Choffar.
Après Yom Kippour, on se souhaite mutuellement «Hag Saméa’h». Si possible, on prononce la bénédiction de la lune. On récite la prière de la Havdala après 20h 24, horaire de Paris avec la bénédiction sur le vin et celle de «Hamavdil». Durant le repas qui suit le jeûne, il est d’usage de parler de la construction de la Soucca et, si possible, on construit effectivement la Soucca tout de suite après le repas.
F. L.
Yom Kippour en prison
Boris - 1.95 m, 120 kilos de muscles, âgé d’une bonne quarantaine d’années – me faisait face et me toisait de toute sa hauteur. Le visage, la carrure, l’allure d’un tueur.
Il y a quelques années, j’avais passé Yom Kippour dans l’une des prisons israéliennes dont je suis l’aumônier. J’étais arrivé dans l’après-midi pour vérifier les derniers préparatifs ; une heure avant le début de la fête, j’avais fait le tour des cellules pour souhaiter aux détenus un bon jeûne et une bonne année.
C’est là que je l’avais rencontré une montagne humaine, une masse de chair impressionnante…
- Du Reids yiddish ? (tu parles yiddish ?) demanda-t-il en me faisant comprendre qu’il ne parlait pas très bien l’hébreu.
- Yo ! répondis-je. Il me serra la main, je lui donnai une tape amicale sur l’épaule, je lui souris.
Il fondit un peu, une ébauche de sourire passa sur ses lèvres. Il informa ses co-détenus : «Er iz beséder, il est des nôtres !» Bienvenue au club des mafiosi, en somme…
Sur son énorme épaule, se trouvait un tatouage représentant un vieux Juif avec une longue barbe blanche et un chapeau en fourrure. Un genou en terre, il tenait au-dessus de sa tête les deux extrémités d’une épée. Au bout de la lame était gravée une grande étoile de David.
- Pourquoi ce tatouage ? demandai-je.
- Je suis juif. Et je veux que tout le monde le sache. Surtout ces perdants que sont les Russes, ajouta-t-il dans un murmure. Et je suis un Cohen ! conclut-il fièrement.
- Que connaissez-vous du judaïsme ?
- Rien du tout ! s’esclaffa-t-il, d’un rire brutal qui cachait mal souffrance, peur, mais aussi détermination.
Il était fier de son origine ethnique.
Par la suite, durant le jeûne, je lui demandai de quoi il avait vécu en Russie. D’un ton négligent, il répondit : «A Ganev» (voleur).
- Combien de temps avez-vous été en prison ?
- En tout, plus de 27 ans, en entrant et en sortant pour des périodes plus ou moins longues…
- Comment sont les prisons en Russie ? J’ai entendu qu’elles étaient particulièrement dures !
- Les gardiens sont différents de ceux d’ici, remarqua-t-il en éclatant de rire encore une fois. Ici, ils sont humains ! Là-bas, non !
- Comment y passiez-vous le temps ?
- Durant des années, nous avons brisé d’énormes blocs de pierre, huit heures par jour à l’aide d’outils dangereux. Puis les gardiens nous les faisaient charger sur des camions qui les jetaient à la mer ! Tout ce travail pour rien ! Le but de l’emprisonnement était de nous briser le moral, c’est tout !
- Comment considéraient-ils les Juifs ?
- Ils ne les considéraient pas, répondit-il en me regardant fixement, un regard de mort. Ils triaient les plus faibles !
- Qui ?
- Les voyous russes. Seuls les plus forts pouvaient survivre en prison, surtout quand il s’agissait de Juifs.
- Et vous, comment avez-vous survécu toutes ces années dans les prisons russes avec ce tatouage ?
Il ébaucha un sourire. Mais ses yeux revoyaient des scènes terribles. Je frissonnai.
C’était un Juif, de son aveu complètement ignorant du judaïsme mais suffisamment fier pour arborer si on peut dire sa carte d’identité sur son bras, avec ce tatouage qui aurait dû lui valoir mille morts.
- Avez-vous subi des attaques ?
- Oui ! répondit-il brièvement en soulevant son tee-shirt et en me montrant une longue balafre sur son ventre.
- Comment cela s’est-il passé ?
- L’un de face, avec une pelle ; l’autre de dos, avec un couteau…
- Et… ?
- Celui devant moi, je l’ai tué. Puis je me suis évanoui. Réveil dans une infirmerie.
Durant tout Yom Kippour, je n’arrêtai pas de penser à Boris.
Avant le dernier office, comme le veut la coutume, je prononçai un discours. J’évoquai les «cantonistes», les enfants juifs raflés par la police du Tsar Nicolas pour servir durant vingt-cinq ans dans l’armée russe. On estime qu’il y en eut des dizaines de milliers. Nombre de ces enfants réussirent à rester ensemble, tentant par tous les moyens de se souvenir de la foi de leurs ancêtres et des pratiques religieuses. Pour cela, certains d’entre eux furent battus sans pitié, certains moururent sous les coups.
Un jour, un groupe de rabbins se rendit à St Pétersbourg pour solliciter une entrevue auprès du Tsar avant Yom Kippour. Le jour même de Yom Kippour, ils se rendirent dans une des synagogues fréquentées par les cantonistes. Quand arriva le moment de Neïla la dernière prière, les rabbins demandèrent si l’un des cantonistes savait conduire la prière.
Les cantonistes répondirent : «Nous avons une tradition d’attribuer cette lourde tâche à l’un d’entre nous. Cet homme a véritablement sanctifié le Nom de D.ieu, il a subi de terribles épreuves et a beaucoup souffert !
L’homme en question ouvrit sa chemise : il avait la peau couverte de plaies tant il avait été battu. Accablés, les rabbins le regardèrent avec pitié et respect.
Avant de commencer le Kaddich débutant la prière de Neïla, le cantoniste prononça une requête qu’il avait lui-même rédigée : «Maître du monde ! En ce moment, tout Ton peuple d’Israël se tient devant Toi ; tous les Juifs T’implorent pour retirer des satisfactions de leurs enfants, pour une bonne santé et de quoi vivre. Nous les cantonistes, demandons-nous des satisfactions de nos enfants ? Non ! Nous n’avons pas pu nous marier, nous n’avons pas d’enfants ! Demandons-nous une longue vie avec une bonne santé ? Non, car nos vies ne sont pas de vraies vies ! Demandons-nous de l’argent ? Non, nous vivons des retraites que l’armée nous verse pour nos bons et loyaux services ! Alors que demandons-nous ? Nous ne demandons rien pour nous-mêmes et c’est pourquoi nous ne demandons que : «Yitgadal Veyitkadach Chemé Rabba ! - Que le Grand Nom soit exalté et sanctifié !»
Les détenus m’écoutaient attentivement. Certains – parmi les plus durs pourtant – étaient au bord des larmes.
Je continuai : «Il est écrit : D.ieu demande le cœur ! Ce n’est pas seulement notre esprit que D.ieu désire mais notre cœur. J’estime qu’il serait normal de demander à Boris d’ouvrir l’Arche Sainte qui restera ouverte durant tout Neïla, pour que nos prières s’élèvent jusqu’au ciel !»
Tous hochèrent la tête en signe d’agrément.
Boris s’avança en hésitant jusqu’à l’Arche Sainte, tira le rideau mais l’expression de son visage indiquait de façon certaine qu’il ne comprenait pas pourquoi on lui accordait cet honneur…
Rav Fishel Jacobs
L’Chaim n°1040
traduit par Feiga Lubecki