Le secret de Yom Kippour
Tout a sans doute été dit sur Yom Kippour : sa grandeur et sa solennité, sa noblesse et sa subtile douceur et le fait que chacun sache y trouver sa place. Pourtant, on ne se lasse jamais de redire le caractère particulier de cette journée. On la garde au fond de soi comme un souvenir vivant, une chose que l’on chérit parce qu’ancienne et précieuse et qui sait, en même temps, avoir toute la vigueur du présent et l’enthousiasme de l’avenir. Pourquoi donc Yom Kippour est-il ce jour qui ne se détache d’aucune conscience ?
De fait, à Yom Kippour, chacun ressent comme un appel profond, qui le touche plus qu’il ne saurait le dire. C’est un appel qui le traverse de part en part, se saisit de lui et l’entraîne dans ce grand voyage du jour. L’appel vient de loin : c’est l’essence du Créateur qui s’adresse à lui, souligne la mystique juive. Mais, alors qu’il est fait ainsi référence à l’Infini, cette voix pénètre jusqu’au niveau – pour ainsi dire intimiste – de l’essence individuelle de la créature. Peut-être approche-t-on le secret du moment : l’Infini s’unissant au fini, D.ieu à l’homme ? Est-ce un hasard si les Sages du Talmud qualifie cette journée de «jour unique de l’année» comme si, finalement, c’est d’une unité surprenante et bouleversante qu’il était alors question ?
A l’époque où le Temple se dressait sur sa colline, à Jérusalem, ce jour était celui où, pour la seule fois de l’année, un homme, le Cohen Gadol – le grand-prêtre – entrait dans l’endroit le plus saint qui ait jamais existé en ce monde : le saint des saints, au cœur même du Temple. Il y priait, demandant à D.ieu qu’Il accorde à tous une année de vie et d’abondance. En ce lieu et en ce moment où le plus haut niveau du spirituel apparaissait, c’est de vie quotidienne qu’il était ainsi question. Car c’est ainsi que vont les choses. De même que le monde ne doit pas gêner ou obscurcir le spirituel, le spirituel ne doit pas faire oublier le monde ou en détourner. C’est dans le monde et dans chaque seconde de la vie que l’on s’attache à D.ieu et Yom Kippour sait réunir ces deux pôles de toute existence humaine.
C’est aussi pourquoi on n’en sort pas inchangé. On sait que D.ieu pardonne les fautes commises. On sait aussi que la vie reprend sur des bases nouvelles. L’unité essentielle ressentie en ce jour nous conduit au-delà de nous-mêmes et ce dépassement nous mène à une réalité meilleure que celle que nous avons vécue jusqu’ici. En des temps parfois difficiles, c’est là une certitude précieuse. Pour une année bonne et douce.
Connaître D.ieu
Bien qu’il y ait des différences entre le grand et le petit, cependant quand il s’agira, après le venue de Machia’h, de «Me connaître» - c’est-à-dire de percevoir l’Essence de D.ieu – tous seront égaux. Le texte de la prière le proclame en ces termes : «Il est immuable et met au même niveau le petit et le grand».
(d’après Séfer Hasi’hot 5748, vol. I, p.220)
Yom Kippour
L’un des mots que nous prononcerons le plus souvent lors des services de Yom Kippour est le mot «Techouvah». Et s’il est un jour où nous désirons, du plus profond de notre être, vivre pleinement ce qu’implique ce terme, c’est bien celui-là, c’est bien Yom Kippour, où nous nous retrouvons tous unis pour vivre cette expérience exceptionnelle de notre vie juive. Nous vous proposons donc aujourd’hui d’étudier ensemble le sens véritable de ce concept et de voir, grâce aux enseignements du Rabbi, combien la Techouvah est une expérience positive, concernant chacun d’entre nous et nous rassemblant tous.
Deux dynamiques
La traduction conventionnelle de Techouvah: «repentance»limite son acception à celle que partage la société occidentale. Sa traduction littérale, et la conception qui s’exprime dans notre service divin, en est «retour». La comparaison du sens de ces deux termes à travers les yeux de la tradition juive fait émerger un contraste radical qui jette la lumière sur de nombreux aspects de notre relation avec D.ieu.
La repentance implique un changement de notre conduite engendré par la reconnaissance de nos erreurs passées et la ferme résolution de changer dans le futur. Ces deux mouvements sont liés : la prise de conscience de notre faiblesse nous pousse à réorienter notre comportement.
Le concept de «Techouvah» comme «retour» met l’accent sur le potentiel spirituel fondamental qui est en chacun de nous. La pensée ‘hassidique nous enseigne qu’à l’intérieur de chacun d’entre nous réside une âme Divine, une étincelle de D.ieu. Ce potentiel divin infini représente le cœur de notre âme, notre véritable «Moi».
Dans cette perspective, le péché et le mal ne sont que des éléments superficiels qui ne peuvent jamais affecter notre nature essentielle. La Techouvah signifie la redécouverte de notre véritable personne, établissant un contact avec ce potentiel divin inné et en en faisant l’influence dominante dans notre vie. A cette lumière, notre motivation à faire Techouvah n’est pas la prise de conscience de nos faiblesses mais plutôt la conscience de cet infini potentiel qui existe dans notre âme.
Le retour dans la joie
Ces deux approches différentes de la Techouvah génèrent des sentiments différents. En général, la repentance s’accompagne de tristesse parce que les sentiments de regret et de remord jouent un rôle prépondérant dans la décision de changer de conduite. Par contre, la Techouvah se caractérise par la joie.
Un Baal Techouvah, celui qui concrétise son aspiration à la Techouvah, ressent naturellement de la tristesse et des remords pour ses erreurs passées. Néanmoins, le sentiment qui domine doit être la joie. Car grâce à sa Techouvah, il restaure son lien avec D.ieu et établit une relation avec son propre potentiel spirituel. Cela, bien évidemment doit susciter du bonheur. En fait, l’absence de joie indique qu’une relation totale n’a pas été établie et qu’il faut investir encore plus d’efforts pour que la Techouvah soit complète.
De portée universelle
La repentance ne semble s’appliquer qu’à un nombre limité d’individus. Les hommes réellement vertueux n’auraient donc pas besoin de Techouvah alors que d’autres pourraient sembler trop étrangers à D.ieu pour être capables de vivre cette expérience religieuse.
Cependant, définir la Techouvah comme un «retour» élargit le spectre de son application. Car si la Techouvah implique le fait de gagner l’accessibilité à son véritable potentiel spirituel, cela s’applique à tous les Juifs sans exception. Une étincelle divine identique existe à l’intérieur de l’âme de chaque Juif, du plus étranger à la pratique du judaïsme au plus impliqué. Ce potentiel divin est infini. Aucune force, aucune puissance ne peut en empêcher l’émergence et l’expression. Chaque Juif, quel que soit son niveau peut donc faire Techouvah. Même s’il s’est plongé dans un univers complètement étranger à l’univers de la Torah, rien ne peut l’empêcher de changer sa conduite et de rétablir un lien avec D.ieu.
Par le même biais, personne, pas même le Juste parfait, n’est au-dessus de la Techouvah. Chacun d’entre nous, même celui qui a atteint les hauteurs spirituelles les plus élevées, est limité par le fait même de son appartenance à l’humanité. Nos pensées et nos sentiments, tout comme notre corps et nos désirs physiques reflètent les limites inhérentes à la création. La Techouvah nous permet de nous élever au-dessus de ces limites et d’établir un contact avec le potentiel illimité de notre essence Divine. Cela, à son tour, élève l’ensemble de notre expérience à un niveau supérieur. Quel qu’ait été le niveau précédent de notre service divin, la Techouvah introduit en nous une conscience et une aptitude spirituelles jamais atteintes auparavant.
C’est pour cette raison que nos Sages nous enseignent que «les Tsaddikim (Justes) parfaits ne peuvent se tenir devant un Baal Techouvah». Car la Techouvah révèle l’étincelle divine infinie de nos âmes et nous lie à D.ieu à un niveau supérieur au service divin le plus sublime.
Recalculer nos mérites
Définir la Techouvah comme le «retour » plutôt que comme la « repentance » amène également un éclaircissement sur un passage talmudique problématique. Nos Sages enseignent que grâce à la Techouvah, toutes nos transgressions passées, même celles que l’on a commises intentionnellement, se transforment en mérites.
L’on peut apprécier le fait que la repentance efface toutes les traces du passé, que D.ieu pardonne nos péchés et nous permet un nouveau départ. Mais comment la repentance peut-elle transformer le péché lui-même, un acte de défiance envers la volonté divine, en action positive ? Le péché sépare le Juif de D.ieu. Comment peut-il faire partie intégrante du processus relationnel ?
Ces questions sont justifiées si nous considérons la Techouvah comme une repentance, l’opportunité d’un nouveau départ. Mais quand nous la voyons comme un retour à notre véritable moi, ces difficultés sont résolues.
Un Juif n’est jamais séparé de D.ieu, même lorsqu’il commet des fautes parce que le lien qui nous unit à D.ieu est si fort que même lorsque la relation consciente paraît avoir été coupée à cause de nos fautes, la relation profonde reste intacte et continue à nous propulser vers la Techouvah.
La distance réveille le désir
Parce que notre relation avec D.ieu est toujours intacte, le péché, comme cause de séparation, peut lui-même pousser notre nature fondamentalement divine à faire surface. Le sentiment de cet éloignement apparent de D.ieu peut susciter la soif d’un lien plus intense avec Lui.
Bien que chaque péché soit une rébellion directe contre les désirs de D.ieu, quand il est considéré comme une étape dans le cheminement qui conduit vers la Techouvah, il peut être envisagé comme une force motivante qui pousse l’individu à établir une relation plus profonde et plus puissante avec D.ieu. En fait, ce lien établi avec D.ieu est encore plus profond et plus intense que ce qu’il avait expérimenté jusqu’alors.
Une unité qui embrasse tout
Chaque élément de notre monde existe dans le but essentiel de révéler la Divinité. Certains aspects de la création expriment ouvertement la Présence Divine, d’autres, indirectement. L’observance des Mitsvot, par exemple, démontre sans ambiguïté que le monde matériel peut être uni dans une relation d’unicité avec D.ieu. Le cycle de la faute et de la Techouvah découvre la vérité profonde de la Divinité, mais d’une manière différente.
Quand une personne commet des fautes puis trouve la motivation pour changer de comportement, ces deux pas, pris conjointement, servent d’affirmation profonde de la Divinité, démontrant que rien, pas même le péché, ne peut faire obstruction à la relation de l’homme avec D.ieu. L’acte de retour démontre la force infinie de son âme divine et révèle comment elle surmontera tous les obstacles dans l’expression de son aspiration véritable.
Le lien unique établi avec D.ieu grâce à la Techouvah a des répercussions qui vont au-delà de la sphère individuelle et personnelle. Comme le déclare le Rambam, «Israël ne sera sauvé que grâce à la Techouvah. La Torah a promis qu’en fin de compte, Israël retournera, vers la fin de son exil, et qu’elle sera immédiatement sauvée». Que cela ait lieu immédiatement !
Que fait-on à Yom Kippour (cette année samedi 4 octobre 2014) ?
Dans la semaine qui précède Yom Kippour, on procède aux «Kapparot» : on fait tourner autour de sa tête trois fois un poulet vivant (ou un poisson, ou une somme d’argent multiple de 18) en récitant les versets traditionnels ; puis on donne le poulet (ou le poisson ou la valeur monétaire) à une institution charitable.
La veille de Yom Kippour (cette année vendredi 3 octobre 2014), on a coutume de demander au responsable de la synagogue du gâteau au miel, symbole d’une bonne et douce année.
Il est d’usage que les hommes se trempent au Mikvé (bain rituel), si possible avant la prière de Min’ha. On met les vêtements de Chabbat. Après la prière de Min’ha, on fait un repas de fête, sans poisson ni viande, mais avec du poulet. Après le repas, les parents bénissent les enfants et leur souhaitent d’aller toujours dans le droit chemin.
Après avoir mis des pièces à la Tsedaka, les femmes mariés allument au moins deux bougies avant 19 h 07, horaire de Paris (les jeunes filles et petites filles allument une bougie) et récitent les deux bénédictions suivantes :
1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Chabbat Vechel Yom Hakipourim» -«Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a sanctifié par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer la lumière de Chabbat et de Yom Kippour».
2) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé» -«Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre, qui nous a maintenus et nous a fait parvenir à cet instant ».
Il est d’usage d’allumer également une bougie qui dure au moins vingt-cinq heures et sur laquelle on récitera la bénédiction de la « Havdala » à la fin de la fête. On allume aussi des bougies de vingt-cinq heures à la mémoire des parents disparus.
On enlève les chaussures en cuir et on met des chaussures en toile ou en plastique. Les hommes mariés mettent le grand Talit et le «Kittel» (vêtement rituel blanc).
Tout Yom Kippour, on récite la deuxième phrase du Chema Israël («Barou’h Chem…») à voix haute. Il est interdit de manger, de boire, de s’enduire de crèmes ou de pommades, de mettre des chaussures en cuir, d’avoir des relations conjugales et de se laver (sauf si on s’est sali ; de même, on se lave les mains pour des raisons d’hygiène). On passe la journée à la synagogue.
Le samedi matin, on ne récite pas la bénédiction : «Cheassa Li Kol Tsorki» («Qui veille pour moi à tous mes besoins») car on ne porte pas de vraies chaussures.
Les malades demanderont au médecin et au Rabbin s’ils doivent jeûner ou non.
A la fin du jeûne, on écoute la sonnerie du Choffar.
Après Yom Kippour, on se souhaite mutuellement «Hag Saméa’h». Si possible, on prononce la bénédiction de la lune. On récite la prière de la Havdala (après 20h 11, horaire de Paris). Durant le repas qui suit le jeûne, il est d’usage de parler de la construction de la Souccah et, si possible, on construit effectivement la Souccah tout de suite après le repas.
Vraiment vivre l’histoire…
Durant près de 70 ans, les Juifs d’Europe de l’est n’avaient pas pu pratiquer ouvertement leur judaïsme. Obligés de cacher leur véritable identité même à leurs enfants de peur d’être dénoncés comme « contre-révolutionnaires » et ennemis du peuple et de la glorieuse Mère Patrie, les Juifs de Russie, d’Ukraine et ailleurs n’avaient plus que de vagues souvenirs d’un judaïsme vivant et heureux. Durant de nombreuses années, ils avaient aspiré à pratiquer leur culte et certains d’entre eux avaient été jetés en prison ou envoyés dans des camps «de travail» pour le crime de vouloir retrouver leur tradition.
Mais à la fin des années 80, le vent nouveau de la Perestroïka souffla sur l’URSS et aboutit enfin à la chute du «Rideau de Fer» qui empêchait les Juifs de connaître leur héritage religieux.
C’est alors qu’en 1987, un jeune ‘Hassid fut envoyé par le Rabbi de Loubavitch pour conduire la prière de Yom Kippour dans la grande synagogue de Kiev, en Ukraine.
Il commença par mener une campagne de publicité à l’américaine en apposant des notices un peu partout dans la ville avec l’adresse de la synagogue et les horaires des offices. Les résultats dépassèrent ses espérances et une foule nombreuse se pressa dans le bâtiment qui avait bien besoin d’être rénové mais que les plus anciens avaient du plaisir à retrouver : certains d’entre eux se souvenaient y avoir accompagné leurs parents tant d’années auparavant. De jeunes familles estimaient que c’était là le moyen de montrer quelque chose de différent à leurs enfants : les parents eux-mêmes ne savaient pas trop à quoi s’attendre et étaient curieux d’avoir un premier contact avec une foi dont ils ignoraient tout.
L’officiant entonna la prière de Kol Nidré. Les airs émouvants pénétrèrent dans tous les cœurs même si peu de fidèles en connaissaient le sens et la traduction. Chacun se mit à fredonner en chœur et les enfants étaient heureux de l’atmosphère sereine qui régnait dans ce bâtiment si imposant.
Mais, au fur et à mesure de la prière, le jeune rabbin remarqua que les gens semblaient déçus : après tout, la plupart d’entre eux n’avaient jamais assisté à une prière à la synagogue et ne savaient pas comment suivre dans un livre : on leur avait pourtant distribué des livres de prières traduits, avec des explications concernant les étapes de la soirée mais l’ennui guettait. De fait, les gens se demandaient avec insistance – sans oser vraiment l’exprimer : est-ce cela que nous désirions tellement durant toutes ces années ? Est-ce pour cela que nous nous sommes battus ? Est-ce donc là la liberté pour laquelle nous avons risqué notre vie et que nous avons désirée si ardemment ?
Après la prière silencieuse de la Amida, le rabbin décida d’une dernière initiative pour motiver à nouveau l’assistance : raconter une histoire.
«Il était une fois, commença-t-il, un grand Rabbi, le Baal Chem Tov qui priait avec ses disciples dans un village de Pologne. Comme il avait accès à des hauteurs spirituelles inconnues du commun des mortels, il avait perçu que de funestes décrets attendaient le peuple juif dans l’année à venir. Il priait donc intensément et ses disciples, comprenant que l’heure était grave, s’efforçaient eux aussi de supplier le Maître du monde d’accorder une bonne et douce année à Ses enfants, où qu’ils soient. Les fidèles – des villageois simples et pieux – sentirent que l’heure était particulièrement grave et pleuraient tout en prononçant les prières poignantes du jour.
Parmi eux se trouvait un jeune garçon, un berger qui n’avait jamais vraiment appris à lire car il était souvent occupé à garder ses moutons dans les champs alentour. On lui avait à peine enseigné les noms des lettres hébraïques. Lui aussi ressentait la tension presque palpable de la communauté : quelque chose de grave se préparait mais nul ne parvenait à inverser le jugement. Que pouvait-il faire ? Il ne savait pas lire les prières comme les autres fidèles. Tout ce qu’il connaissait, c’était les signes indiqués sur la première page du livre devant lui, celle où figurent les lettres de l’Aleph-Beth. D’une voix aiguë et forte, il se mit lui aussi à prier ou plutôt à réciter avec application chacune des lettres disposées sagement dans leurs petites cases. Puis il s’adressa directement à D.ieu : «Maître du Monde ! C’est tout ce que je connais ! Toi Tu connais les prières qu’il faudrait réciter en ce moment crucial. Je t’en prie ! Prends ces lettres et arrange-les dans l’ordre qu’il faut !
Les villageois autour de lui étaient atterrés : comment cet enfant ignorant osait-il perturber la ferveur des adultes occupés à chasser les terribles décrets que le Baal Chem Tov avait perçus ? Quel genre de prière était ce discours naïf alors que les plus grands disciples du Baal Chem Tov et le Baal Chem Tov lui-même ne parvenaient pas à dissiper les nuages sombres qui s’amoncelaient sur le peuple juif ?
Mais le Baal Chem Tov se retourna vers l’enfant et, le cœur débordant de joie annonça à la communauté : «Grâce à la prière de ce berger, nos prières ont été acceptées et nous aurons tous une bonne et douce année !».
La sincérité de ce berger avait déchiré tous les mauvais décrets et était parvenue jusqu’au Trône divin !»
Combien de fois le jeune rabbin avait-il entendu et répété cette histoire ! Il s’arrêta un instant pour laisser chacun assimiler le sens de ces paroles et, soudain, une voix s’éleva :
- Aleph !
Des milliers de voix répétèrent :
- Aleph !
La voix reprit :
- Beth !
Et tous répétèrent après lui :
- Beth !
C’est ainsi que toute l’assistance répéta avec attention toutes les lettres de l’alphabet hébraïque.
Les fidèles quittèrent la synagogue, encore étourdis par l’atmosphère si spéciale du jour sacré, se promettant de revenir, d’apprendre et de prier davantage.
D’une chose ils étaient sûrs : leur prière de ce jour avait été acceptée.
Yerachmiel Tilles – Institut Ascent - Safed
Traduit par Feiga Lubecki