Samedi, 5 décembre 2020

  • Vayichla’h
Editorial

 Un nouveau jour se lève

Ce Chabbat est le 19 Kislev… Jour attendu, mais comment dire et donner à ressentir ce qui paraît d’une clarté lumineuse ? Alors, même si c’est la régularité du cycle annuel qui nous fait y retourner immanquablement, il faut le proclamer avec force : le 19 Kislev renferme un secret prodigieux et il nous appartient, en ce jour, d’en découvrir la clé. Certes, c’est là une commémoration ancienne : Rabbi Chnéor Zalman emprisonné par le tsar dans la vieille Russie, et finalement libéré. Pourtant, quelque chose de profondément actuel y résonne et c’est cela qui, aujourd’hui, nous importe plus que toute autre chose.

De fait, il ne saurait être question ici d’un simple souvenir historique même si, s’agissant de Rabbi Chnéor Zalman, auteur du Tanya et fondateur de la ‘Hassidout ‘Habad, cela seul serait déjà suffisant pour motiver une célébration. Mais tout ici porte plus loin. C’est bien d’un Roch Hachana qu’il s’agit, celui de la ‘Hassidout, et il ne cède en rien aux autres Roch Hachana de l’année. En effet, qu’est-ce que Roch Hachana sinon, littéralement, la « tête de l’année » ? Qu’est-ce que cette appellation dénote sinon le fait que le jour ainsi désigné contient en lui la force et la vie de l’année comme la tête recèle celle de l’ensemble du corps ? Qu’évoque-t-elle sinon des images de lien renouvelé avec D.ieu, d’enthousiasme redécouvert et de vie retrouvée, plus riche et plus pleine ?

Le 19 Kislev est bien tout cela. Il porte une force nouvelle pour l’étude de la ‘Hassidout et une lumière accrue pour les voies du ‘hassidisme et tout cela nous est bien précieux. Nous le savons : nous vivons en un temps où, plus souvent qu’il ne faudrait, matériellement et spirituellement, l’obscurité paraît grandir, presque écrasante. Plus encore, nous vivons en un monde où le spirituel fait figure d’étranger, où seule la vaine poursuite du matériel semble le sort assigné à chacun. C’est au cœur de cette obscurité-là que jaillit la lumière du 19 Kislev. C’est une lumière puissante, elle sait dissiper toutes les forces de la nuit et fait jaillir, autour d’elle, la conscience et son compagnon, le bonheur. Lorsque la célébration revient, comme par nature, elle éclaire donc le cœur et l’âme de chacun. Il ne reste plus qu’à se saisir de ce nouveau pouvoir pour réorienter le sens des choses et toute notre existence par l’étude de la ‘Hassidout et par la vie du ‘hassidisme. Aujourd’hui, le monde change et nous sommes les acteurs de ce changement. Pour le bien et pour de bon.

Etincelles de Machiah

 La voix et les mains

Le texte de la Torah (Gen. 27 : 22) enseigne : « La voix est celle de Yaakov et les mains sont celles d’Essav ». Sachant que Yaakov représente le peuple juif et que Essav est l’ancêtre de l’empire romain, les Sages donnent à cette phrase un sens plus profond. Quand on entend la « voix de Yaacov », celle de la Torah, disent-ils, alors les « mains d’Essav », sa force matérielle, n’ont aucun pouvoir. Mais, quand la voix de la Torah s’affaiblit, les mains d’Essav peuvent l’emporter.

Cette idée se concrétisa à l’époque de la destruction du Temple. C’est ce que dit le prophète Jérémie : « Pourquoi la Terre a-t-elle été perdue ? Car ils ont abandonné Ma Torah ». En notre temps, par l’étude renforcée de la Torah, nous pouvons donc annuler la cause de l’exil et ainsi amener la Délivrance.

(D’après Likoutei Si’hot, vol. III – Parachat Toledot)

Vivre avec la Paracha

 Vayichla’h

Après un séjour de vingt ans à ‘Haran, Yaakov revient en Terre Sainte. Il envoie des anges émissaires à Essav, dans l’espoir d’une réconciliation mais il s’avère qu’Essav est sur le chemin de la guerre avec quatre cents hommes armés. Yaakov se prépare à la guerre, prie et envoie un cadeau considérable à Essav.

En cette nuit, Yaakov fait traverser la rivière Yabok aux siens mais il reste en arrière et rencontre un ange, représentant l’esprit d’Essav avec lequel il se bat jusqu’à l’aube. Malgré une hanche disloquée, il sort vainqueur du combat et reçoit de l’ange le nom Israël qui signifie « il l’a emporté sur le Divin ».

La rencontre entre les deux frères a lieu, ils s’embrassent mais se séparent. Yaakov s’installe sur un terrain qu’il achète près de Che’hem. Le prince de cette ville, Che’hem abuse de Dinah, la fille de Yaakov et ses deux frères, Chimone et Lévi la vengent en tuant tous les hommes de la ville.

Yaakov continue sa route.

Ra’hel meurt en donnant naissance à son second fils, Binyamine. Elle est enterrée au bord de la route, près de Beth Lé’hem.

Réouven perd son droit d’aînesse en commettant une indiscrétion par rapport à la vie intime de son père.

Yaakov arrive à ‘Hévron, chez son père, qui meurt plus tard, à l’âge de 180 ans (Rivkah est morte avant le retour de Yaakov).

La Paracha se conclut par le décompte détaillé des femmes, enfants et petits-enfants d’Essav, l’histoire du peuple de Séir au sein duquel s’installe Essav et par la liste des huit rois qui dirigent Edom, la terre des descendants d’Essav et de Séir.

 La double identité

« Ton nom ne sera plus Yaakov mais ton nom sera plutôt Israël. Car tu t’es confronté au Divin et aux hommes, et tu l’as emporté. » (Beréchit 32 :29)

C’est ainsi que s’exprime l’ange avec lequel Yaakov se bat toute la nuit avant sa rencontre historique avec Essav. Plus tard, nous lisons que D.ieu Lui-même apparut à Yaakov et réitéra ce changement d’identité.

D.ieu avait également changé le nom d’Avraham (à l’origine « Avram »). Mais pour lui, ce changement fut absolu. Le Talmud va jusqu’à déclarer que « celui qui appelle Avraham ‘Avram’ viole un interdit de la Torah… »

A Yaakov également il fut dit : « Ton nom ne sera plus Yaakov », et pourtant, la Torah continue à l‘identifier par les deux noms, parfois même dans un même épisode voire dans un même verset !

Le Peuple juif, qui porte le nom de son illustre ancêtre, est lui aussi appelé « Israël » et « Yaakov ».

Le changement du nom d’Avraham, qui survint quand il se circoncit sous l’injonction divine, marqua son élévation du statut d’Avram (« père exalté ») à Avraham (« Père exalté des multitudes »). Le nom Avraham incluait toutes les lettres et toutes les significations d’Avram mais y fut introduit une nouvelle lettre (le hé), un nouveau rôle. Si bien que l’appeler « Avram » le diminue.

En revanche, Yaakov et Israël sont deux noms différents qui renferment deux sens différents. S’il est vrai qu’Israël représente un statut plus saint que Yaakov, certaines qualités de Yaakov sont absentes chez Israël.

Ainsi, Yaakov reste-t-il un nom, à la fois pour notre troisième patriarche et pour le Peuple juif, en tant qu’entité. Israël peut représenter un niveau de développement plus élevé du Peuple juif par rapport à Yaakov mais notre grandeur réelle réside dans le fait qu’il y a des Juifs qui sont à la fois Yaakov et Israël et que dans chacun d’entre nous se retrouvent des éléments de Yaakov et d’Israël.

Le serviteur besogneux

Bilaam, le prophète païen appelé pour maudire le Peuple juif mais qui, finalement, prononça l’une des plus belles odes à la vie et à la destinée juives, nous propose une version sur la différence entre Yaakov et Israël. En effet, dans sa bénédiction, Bilaam affirme que D.ieu ne voit pas en Yaakov un coupable malgré toutes ses épreuves et ses trébuchements, tout en considérant qu’Israël jouit d’une existence tranquille, dépourvue de difficultés à surmonter.

La Torah nous donne deux interprétations du nom de Yaakov.

Yaakov naquit agrippé au talon de son jumeau aîné (Ekèv en hébreu signifie « talon »). Mais des années plus tard, lorsque Yaakov se déguise en Essav et reçoit, de son père Its’hak, les bénédictions réservées à son aîné, Essav s’écrie : « Rien d’étonnant à ce qu’il soit appelé Yaakov ! (« le trompeur », autre sens du mot) ! A deux reprises, il m’a trompé : il a pris mon droit d’aînesse et maintenant, il s’est emparé de mes bénédictions ! »

Yaakov représente le Juif face au combat de la vie. C’est une bataille dans laquelle nous nous trouvons souvent « au talon », c’est-à-dire aux prises avec les aspects les plus bas de notre personnalité et de notre environnement. C’est un combat que nous devons mener furtivement et à la dérobade car nous sommes en territoire ennemi et nous devons déguiser nos véritables intentions, pour réussir à déjouer les plans de ceux qui tentent de nous piéger. Menacé par un monde hostile, piégé par ses propres faiblesses et ses défauts, le Yaakov qui est en nous doit néanmoins se livrer à un dur labeur pour dépasser cette condition inhérente à notre humanité : le fait que la vie est une course d’obstacles qui défie notre intégrité. Mais D.ieu ne tient pas notre père Yaakov pour responsable car malgré tout ce que nous devons affronter, nous avons la force de faire face à notre propre détracteur. Même si nous succombons momentanément, à un défi intérieur ou extérieur, nous ne perdons jamais notre bonté et notre pureté intrinsèques. Elles vont finir par se manifester, quand bien même elles sont réprimées par les épreuves de la vie. Mais ce combat reste incessant.

Le maître tranquille

Israël, « maître divin » est le nom donné à Yaakov quand il « combat avec le divin et avec les hommes et l’emporte ».

Il s’agit du Juif qui a dominé « le divin et les hommes », qui a dominé sa propre humanité. C’est celui qui a si profondément intériorisé la perfection divine de son âme qu’il est désormais imperméable à tous les défis et à toutes les tentations. Il a dépassé le décret divin selon lequel « l’homme est né pour peiner » et s’est forgé, au sein des turbulences de la vie, une existence tranquille.

C’est pour cela que Yaakov est le nom qui nous est réservé en tant que « serviteurs de D.ieu » alors qu’Israël est le nom de choix lorsqu’Il parle de nous comme de « Ses enfants ».

Un serviteur se définit par le service de son maître. L’enfant, lui-aussi, sert son père mais leur relation est telle que ce service n’est pas ressenti comme une tâche mais comme un plaisir. Ce qui, pour le serviteur, est un travail imposé à un moi qui résiste, est, pour l’enfant, la réalisation harmonieuse de son identité comme extension de son père.

La première partie de la vie de Yaakov fut consumée par ses combats, tout d’abord contre son frère Essav dans le ventre de leur mère, concernant le droit d’aînesse, les bénédictions de leur père et culminant dans le combat contre l’ange d’Essav. Entre temps, il passa aussi vingt années de sa vie à dure épreuve en gardant les troupeaux du fourbe Lavan, années durant lesquelles dit-il : « la chaleur me consumait le jour et le gel la nuit. Et le sommeil était banni de mes yeux ». Il fut forcé de devenir « le frère dans la ruse » de Lavan.

Le changement de son nom en Israël marque le point où il passe du statut de serviteur de D.ieu à celui d’enfant de D.ieu, d’une existence définie par les luttes et le combat à une réalisation harmonieuse de sa relation avec D.ieu.

Le Coin de la Halacha

 Peut-on donner la Tsedaka le jour de Chabbat ?

Bien entendu, il est interdit de toucher de l’argent le jour du Chabbat.

Néanmoins, on peut s’engager Chabbat à donner une certaine somme à la Tsedaka, en particulier quand le responsable de la synagogue vend aux enchères des Mitsvot, comme le privilège d’être appelé à la Torah. Certains trésoriers organisent un système de cartes et d’enveloppes où sont écrites à l’avance des sommes que les fidèles donneront peut-être.

Dès la sortie de Chabbat, le responsable notera par écrit les sommes que chacun s’est engagé à verser.

Il n’est pas recommandé de promettre de donner : celui qui possède la somme la donnera le plus rapidement possible sans émettre de promesse. Cependant, si on a promis Chabbat de participer à une quête pour une œuvre ou une personne particulière, cela est considéré comme un vœu et on s’en acquittera rapidement.

(d’après Rav Yossef Ginsburgh – Si’hat Hachavoua N° 1768)

Le Recit de la Semaine

 Qui conduit vraiment l’ambulance ?

Le 27 Adar 5752 (1992), alors qu’il se trouvait au Ohel (auprès de la tombe de son beau-père le Rabbi précédent) le Rabbi fut victime d’un très grave malaise. Bien que ce fût avant l’avènement des téléphones portables, sa voiture était équipée d’un système d’alarme et, très rapidement, une ambulance du service Hatzalah du quartier de Queens apparut pour prendre en charge le « patient ». (Il faut savoir qu’à New York et dans d’autres villes à fortes communautés juives dans le monde, il existe des services d’urgence, souvent bien plus performants que les services municipaux, pour leur réactivité, leur efficacité et, surtout, leur « humanité » et leur sollicitude. Grâce à des ambulances à la pointe de la modernité, leurs équipes parviennent souvent à accomplir des merveilles).

Bref une ambulance d’Hatzalah du quartier le plus proche - celui de Queens - arriva la première sur les lieux. Le personnel à bord possédait toutes les compétences nécessaires pour évaluer d’un coup d’œil l’état du « malade ». Le diagnostic était sans appel : il fallait amener immédiatement le Rabbi à l’hôpital où il serait soigné comme il convient. Mais, malgré la gravité de son état, le Rabbi refusait d’être transporté à l’hôpital, il tenait à regagner sa synagogue du 770 Eastern Parkway. Les ambulanciers, décontenancés, se devaient pourtant de respecter les consignes de leur organisme et insistèrent pour amener le Rabbi à l’hôpital.

C’est alors qu’il se passa quelque chose d’étrange : leur véhicule refusa de démarrer ! Ils étaient très étonnés car auparavant, leur ambulance toute neuve avait parfaitement fonctionné ! Ils essayèrent de toutes les manières possibles de partir, accomplirent toutes les manœuvres indiquées en cas de panne de ce genre mais rien ne bougeait !

Entretemps, une autre ambulance arriva : celle-ci venait du quartier de Crown Heights, son équipe était formée de ‘Hassidim Loubavitch qui proposèrent de remplacer la première équipe d’Hatzalah mystérieusement immobilisée. Le Rabbi monta dans cette deuxième ambulance qui démarra en trombe. Bien entendu, ses ‘Hassidim avaient d’abord demandé au Rabbi où il voulait se rendre et l’emmenèrent directement à l’endroit qu’il avait désigné, c’est-à-dire le 770 et non l’hôpital.

Ce n’est qu’après cela que la première ambulance démarra - comme s’il ne s’était rien passé !

Quand j’entendis parler de cet incident par un membre de la deuxième ambulance, cela me rappela une histoire qui s’était passée deux siècles auparavant et qu’on nous avait souvent racontée : cela se passa au moment de l’arrestation de Rabbi Chnéour Zalman en Russie. Une nuit, il devait, avec ses gardiens, traverser un fleuve. Or, on était la deuxième semaine du mois hébraïque et la lune était donc en phase ascendante. Rabbi Chnéour Zalman demanda respectueusement au capitaine d’arrêter l’embarcation, le temps qu’il puisse réciter la prière de la lune. Le capitaine refusa : il devait obéir aux ordres de sa hiérarchie et non de son prisonnier. Il se passa alors quelque chose d’étrange : le bateau s’arrêta en plein milieu du fleuve et, malgré toutes les manœuvres des matelots, il fut impossible de le faire bouger dans un sens ou dans l’autre ! Rabbi Chnéour Zalman sortit alors son livre de prières, récita calmement le texte de la sanctification de la nouvelle lune, regardant de temps en temps cet astre comme le demande la tradition. Quand il eut terminé, il ferma son livre et… le bateau se remit en marche !

Quoi qu’on fasse, quoi qu’on tente, nous devons suivre le Rabbi. Même avec les meilleures intentions du monde, avec le meilleur matériel et les meilleurs spécialistes, la réussite de notre mission sur terre dépend de notre capacité à obéir à la volonté du Rabbi.

Yossef Yits’hak - Chabad News

Traduit par Feiga Lubecki

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