A l’orée d’un nouveau temps
Une date brille d’ores et déjà à l’horizon de nos calendriers : 19 Kislev. Les événements historiques qui s’y déroulèrent sont connus : l’emprisonnement par le tsar de Rabbi Chnéor Zalman puis sa libération en ce jour. Et surtout le sens profond qui leur est attaché : la décision spirituelle qui permet alors à la ‘Hassidout la plus grande et la plus large diffusion. Tout cela fait véritablement de cette période de l’année un temps de lumière. Car c’est de cela qu’il s’agit. La diffusion à tous des enseignements de la ‘Hassidout n’est pas qu’une connaissance de plus mise à la disposition de tous ceux qui la recherchent. Elle est l’apparition d’une flamme nouvelle qui éclaire les chemins, parfois bien sombres, de l’exil. Elle est cette clarté qui, depuis, ne cesse plus d’éclairer l’histoire.
« Car la chose (entendons la Torah, le service de D.ieu) est très proche de toi, dans ton cœur et dans ta bouche, pour le faire. » Ce sont ces mots du verset que Rabbi Chnéor Zalman choisit de mettre en exergue de son livre, le Tanya, le fondement de la ‘Hassidout. Ils soulignent une vérité essentielle : notre vie a un but et celui-ci constitue l’aboutissement d’efforts millénaires. C’est ainsi une voie qui s’ouvre et qu’il nous appartient à présent d’emprunter.
Nous vivons dans un monde qui, bien souvent, paraît difficile. La nécessité du service de D.ieu peut sembler s’effacer dans les consciences au profit d’une vaine quête d’une matérialité, plus ou moins grossière, qui, toujours se dérobe. D’une certaine manière, ce que nous vivons est une forme d’exil si profond que celui-ci n’est pas véritablement perçu comme tel. Ne pas reconnaître cette situation pour ce qu’elle est constitue sans doute la forme la plus perverse de cette forme d’asservissement. La ‘Hassidout vient alors déchirer le voile qui nous empêche la perception juste. Nous permettant de voir et comprendre les choses, elle nous donne le pouvoir de vivre pleinement notre judaïté. Avec cet enthousiasme reconnaissable entre tous qui accompagne immanquablement la découverte du Vrai.
C’est à tout cela, à cette démarche et à son aboutissement que le 19 Kislev nous convie. Il approche à grands pas et nous invite à l’étude et à la compréhension, à la réflexion et à l’action. Pour des lendemains meilleurs ? Certainement pas. Pour le meilleur des lendemains !
Juste un bouton à presser
Maïmonide nous enseigne qu’un seul homme, par un seul acte, a le pouvoir d’amener « le salut et la délivrance » au monde entier.
En notre temps, nous le voyons concrètement : n’importe qui, même un enfant, par une petite action, peut presser un bouton et causer un changement considérable dans le monde. Combien plus est-il donc vrai que, par une seule action – presser le bon bouton – pour accomplir la Volonté de D.ieu, nous pouvons changer le monde et y amener la Délivrance !
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – 10 Chevat 5746)
Vayichla’h
Après un séjour de vingt ans à ‘Haran, Yaakov revient en Terre Sainte. Il envoie des anges émissaires à Essav, dans l’espoir d’une réconciliation mais il s’avère qu’Essav est sur le chemin de la guerre avec quatre cents hommes armés. Yaakov se prépare à la guerre, prie et envoie un cadeau considérable à Essav.
En cette nuit, Yaakov fait traverser la rivière Yabok aux siens mais il reste en arrière et rencontre un ange, représentant l’esprit d’Essav avec lequel il se bat jusqu’à l’aube. Malgré une hanche disloquée, il sort vainqueur du combat et reçoit de l’ange le nom Israël qui signifie « il l’a emporté sur le Divin ».
La rencontre entre les deux frères a lieu, ils s’embrassent et se séparent. Yaakov s’installe sur un terrain qu’il achète près de Che’hem. Le prince de cette ville, Che’hem, abuse de Dinah, la fille de Yaakov et ses deux frères, Chimone et Lévi la vengent en tuant tous les hommes de la ville.
Yaakov continue sa route.
Ra’hel meurt en donnant naissance à son second fils, Binyamine. Elle est enterrée au bord de la route, près de Beth Lé’hem.
Réouven perd son droit d’aînesse en commettant une indiscrétion par rapport à la vie intime de son père.
Yaakov arrive à ‘Hévron, chez son père, qui meurt plus tard, à l’âge de 180 ans (Rivkah est morte avant le retour de Yaakov).
La Paracha se conclut par le décompte détaillé des femmes, enfants et petits-enfants d’Essav, l’histoire du peuple de Séir au sein duquel s’installe Essav et par la liste des huit rois qui dirigent Edom, la terre des descendants d’Essav et de Séir.
Des objets de culte étranger
Dans notre Paracha, nous lisons : « Yaakov dit à sa famille et à tous ceux qui étaient avec lui : « Débarrassez-vous des dieux étrangers que vous possédez. Purifiez-vous et changez vos vêtements. »
Le Rambam (Maïmonide) note que bien que l’impureté de l’idolâtrie soit d’origine rabbinique, il y est fait allusion dans cette déclaration de Yaakov. L’allusion du Rambam à ce verset nous offre une perspective générale sur l’idolâtrie.
L’on pourrait se demander, à juste titre, comment il est possible qu’existe l’idolâtrie dans le monde de D.ieu. Nos Sages posèrent une question similaire : « Si D.ieu ne désire pas d’idolâtrie, pourquoi lui permet-elle d’exister ? »
Le Talmud rapporte la réponse des Sages : « Ils [les idolâtres] servent le soleil, la lune, les étoiles et les constellations. Son monde devrait-il être détruit à cause de ces imbéciles ? »
Bien que ce soit une réponse significative, la question reste : comment D.ieu permet-Il à l’homme ne serait-ce que d’envisager de cultiver de telles pensées ?
La réponse réside dans la déclaration du Rambam selon laquelle il est fait allusion à l’impureté de l’idolâtrie dans le verset : « Débarrassez-vous des dieux étrangers… »
En d’autres termes, le fait que l’idolâtrie puisse exister permet que l’on puisse l’éliminer, non comme un développement naturel mais comme le résultat des actions du Peuple juif.
D.ieu désire que tout ce qui concerne la sainteté soit révélé par le service spirituel des Juifs. Il a donc créé un monde où l’idolâtrie est possible, de sorte que les Juifs puissent révéler leur véritable foi dans le D.ieu unique.
Rabbi Chnéor Zalman déclare que chaque transgression peut être considérée comme une forme mineure d’idolâtrie. En effet, l’unité de D.ieu, l’antithèse-même de l’idolâtrie, ne signifie pas seulement qu’il n’existe qu’un seul Créateur mais que D.ieu est la seule Existence réelle. Toute autre forme d’existence est totalement annulée devant Lui et complètement unie à Lui.
C’est ainsi que lorsque l’on commet un acte qui défie la Volonté divine comme elle s’exprime dans les commandements, on se sépare de D.ieu, on agit comme s’Il était une entité séparée. Cela constitue un déni de l’unité de D.ieu et donc une forme d’idolâtrie.
L’on comprend bien que cela ne concerne pas seulement celui qui commet une transgression mais également les objets qui lui permettent de le faire, eux-aussi en opposition avec Son unité.
Ainsi, tout comme l’idolâtrie n’est qu’une simple fantaisie dans l’esprit de l’adorateur, que nous avons la mission d’anéantir, ainsi en va-t-il de tout ce qui nous est interdit. Tout cela n’existe que pour que nous puissions résister à ses cajoleries !
Ce que l’on vient de dire nous fortifie dans notre service spirituel. Face aux innombrables obstacles qui se dressent sur notre chemin, nous pourrions nous demander d’où allons-nous puiser la force de surmonter le mal qui nous entoure et en sortir victorieux.
Mais nous observons de ce qui précède que toutes les oppositions à la sainteté sont les résultats du fait que nous est dissimulé que « rien n’existe réellement en dehors de Lui », que rien dans le monde ne peut exister indépendamment de D.ieu.
Quand on s’attache profondément à D.ieu, la véritable unité de D.ieu se révèle en nous. C’est alors que tout ce qui vient se confronter à D.ieu baisse les armes, de la même façon que l’obscurité, quelque chose qui n’a pas d’existence réelle, se dissipe devant la lumière.
Une source irrationnelle
« Le troisième jour… les deux fils de Yaakov, Chimon et Lévi, les frères de Dinah, prirent, chacun son épée, et attaquèrent la ville avec assurance. » (Béréchit 31 :25)
Treize ans est l’âge auquel le jeune-homme juif devient Bar Mitsva (« fils du commandement »). A cette étape de sa vie, son esprit atteint le statut de Daat, la maturité de la conscience et de la compréhension qui rend une personne responsable de ses actes. A partir de là, il est un « homme », lié par les Commandements divins de la Torah, individuellement responsable devant D.ieu d’accomplir sa mission dans la vie.
L’âge du Daat est dérivé du récit que fait la Torah de la destruction de Che’hem par Chimon et Lévi, en représailles à l’enlèvement et l’abus de Dinah. Dans Béréchit (chapitre 34 :25), le terme « homme », en hébreu « Ich », est utilisé en relation aux deux frères, dont le plus jeune, Lévi, avait exactement treize ans à cette époque. Nous en déduisons donc que la Torah considère qu’un garçon de treize ans est un « homme ».
Cependant, le contexte dont dérive cette loi nous interpelle. Chimon et Lévi paraissent difficilement représenter un exemple de Daat ! De fait, Yaakov lui-même dénonça leur acte en le qualifiant d’irrationnel, d’immature, d’irresponsable voire même de questionnable quant à sa légitimité par rapport à la loi de la Torah.
Et pourtant, c’est cet événement que choisit la Torah pour nous enseigner l’âge de raison, de maturité, de responsabilité et d’engagement à l’accomplissement des Mitsvot !
La source profonde
Comme le rétorquèrent Chimon et Lévi à Yaakov, la situation qui avait suscité leur réaction ne leur permettait pas le luxe d’une réflexion rationnelle de ses conséquences. L’intégrité de la nation d’Israël naissante était en danger et les frères de Dinah ne pouvaient se permettre de penser à eux-mêmes ni au danger que représentaient la violence et l’impropriété de leur acte pour leur personne physique ou pour leur être spirituel.
En dernier ressort, leur réaction instinctive, émergeant du plus profond de leur âme, au-delà de la raison, au-delà de leur propre personne, fut validée. D.ieu cautionna leur acte et vint à leur aide.
Tel est le message que la Torah désire nous transmettre en fixant l’âge de la raison et l’obligation des Mitsvot. Rares sont ceux qui sont obligés d’agir comme le firent Chimon et Lévi. Ce n’est pas la norme. Bien au contraire, la règle normale l’interdit. Mais l’essence de leur acte devrait imprégner notre vie rationnelle. Chacune des Mitsvot que nous accomplissons devrait être saturée de l’esprit de sacrifice de soi et de la profondeur de l’engagement de l’être qui motivèrent les frères de Dinah.
Quelques coutumes du jour du mariage
Le jour où les fiancés s’apprêtent à construire un foyer juif éternel, il convient d’envisager avec sérieux l’importance du moment, d’établir un bilan de sa vie jusqu’à présent, de réparer ce qui peut l’être et de prendre de bonnes résolutions quant à l’avenir.
Les fiancés prendront le temps de prier pour que la Présence Divine réside dans leur foyer et pour que leurs futurs enfants avancent dans le droit chemin de la Torah.
Dans de nombreuses communautés, les fiancés jeûnent depuis le lever du jour jusqu’après la cérémonie. En effet, ce jour ressemble à Yom Kippour, quand D.ieu accorde le pardon de toutes les fautes commises. Même ceux qui n’ont pas cette coutume évitent de trop manger jusqu’à la ‘Houpa et ne boivent certainement pas d’alcool.
A la fin de la prière de Min’ha avant la cérémonie, les fiancés ajoutent silencieusement le Vidouy, l’énoncé des fautes qu’on prononce le jour de Yom Kippour afin d’obtenir le pardon divin.
Durant la journée, les fiancés lisent si possible tout le livre de Tehilim (les Psaumes) et, afin d’obtenir que toutes les portes du Ciel s’ouvrent devant eux durant leur vie ensemble, ils donnent de l’argent à la Tsedaka (charité) - en plus de ce qu’ils donnent habituellement. Les parents, professeurs, amis et connaissances des fiancés augmenteront également les dons à la Tsedaka pour le mérite du nouveau couple.
(d’après Rav Yossef Ginsburgh – Si’hat Hachavoua N° 1872)
Brève rencontre, grand impact…
Quand la télévision brésilienne Confederação Israelita do Brasil proposa aux Weitman de les filmer pour un reportage sur la vie juive, ils hésitèrent : après tout, les journalistes sont connus pour déformer – ou du moins présenter à leur manière – ce qu’on leur confie. Quand on assura ce couple d’émissaires du Rabbi qu’ils seraient la seule famille orthodoxe à figurer dans ce documentaire, ils acceptèrent. Après tout, ils se devaient de représenter dignement le mouvement Loubavitch dans ce pays où ils avaient été envoyés des années auparavant par le Rabbi.
Le jour prévu, une équipe de cameramen arriva dans le quartier et demanda à un enfant s’il savait où habitaient les Weitman : « Oui, c’est ma maison, par là-bas ! ». Puis les techniciens demandèrent leur chemin à une petite fille : elle aussi s’appelait Weitman et elle leur montra la bonne direction. Quand ils arrivèrent, ils aperçurent encore d’autres enfants dans la maison : des petits, des plus grands, certains jouaient, d’autres aidaient la maîtresse de maison, d’autres encore lisaient avec assiduité et commentaient ce qu’ils comprenaient… : interloqués, les cameramen demandèrent à Mme Weitman combien d’enfants elle avait et elle répondit tout naturellement : neuf.
- Pourquoi tellement ? S’étonnèrent-ils, sans ménagement et même de façon un peu agressive.
- Chaque enfant est un cadeau de D.ieu, répondit-elle avec conviction. Et son mari renchérit : Nous apprécions chaque présent que D.ieu nous envoie ! Chacun représente un monde en soi et illumine notre vie.
La suite de l’interview réserva d’autres surprises aux journalistes, peu habitués à la sérénité qui régnait dans cette maison, le sens des valeurs, le respect entre tous ses membres, cette volonté partagée par tous d’œuvrer vers un but commun…
Près de dix ans plus tard, lors d’une fête communautaire, une femme s’approcha de Rav Weitman et pointa du doigt sa jolie fillette à côté d’elle :
- Voici ma fille ! Son sourire nous emplit de joie chaque jour. Et c’est grâce à vous qu’elle est vivante aujourd’hui !
C’était la première fois que Rav Weitman la voyait et cette phrase l’avait sidéré…
- Je vous explique : quand j’étais enceinte de cette fille, mon mari et moi-même avons décidé que nous n’étions pas encore prêts pour mettre un enfant au monde et en assumer la responsabilité - financièrement, émotionnellement… ; nous avons pris rendez-vous dans une clinique et nous nous préparions à l’avortement. Après tout, cet acte n’est pas évident dans le ressenti d’un couple, d’une famille. La veille, alors que nous regardions la télévision, nous avons suivi un reportage sur la vie juive. Nous sommes bien intégrés dans la société brésilienne et nous étions curieux de voir comment les media représentaient les Juifs. Puis vous êtes apparus sur l’écran et, comme les cameramen, nous avons été surpris par la taille de votre famille. Mais votre réponse, énoncée de façon si naturelle et évidente, nous a pénétrés jusqu’au plus profond de nous : c’est vrai, chaque enfant est un cadeau ! Nous nous sommes regardés et avons décidé sur le champ de garder avec joie cet enfant, ce cadeau de D.ieu et de lui permettre de vivre.
Nous avons annulé le rendez-vous et nous sommes les parents les plus heureux du monde !
Rav David Zaklikowski
COLlive Magazine
Traduit par Feiga Lubecki