Samedi, 2 décembre 2023

  • Vayichla’h
  • Vayislah
Editorial

 L’union victorieuse

Cette semaine est, sans doute plus que toute autre, celle du Chabbat qui la clôture et l’ennoblit. De fait, elle va culminer avec un Chabbat qui sera également le jour du 19 Kislev. Ces deux rendez-vous s’apportent l’un à l’autre, plus qu’un éclairage, une lumière nouvelle. Il n’est guère besoin d’expliquer la grandeur du Chabbat, ce point d’orgue de la création qui fait vivre la semaine, ce jour au-dessus du temps dans le temps. Il n’est pas plus nécessaire de redire ce qu’est le 19 Kislev, jour-anniversaire de la libération du premier Rabbi de ‘Habad, Rabbi Chnéor Zalman, l’auteur du Tanya, de la prison où le tsar l’avait fait enfermé et, au sens plus profond, Roch Hachana de la ‘Hassidout. Ce sont deux jours différents qui se réunissent ici, comme joignant leurs forces pour un combat ultime.

Il a été largement dit à quel point la période que nous vivons paraît obscure, autant en Israël qu’ailleurs. Obscure, elle l’est parce que le sentiment naturel de ce qu’est simplement l’humanité a cédé la place à la plus ignoble barbarie et qu’il se trouve partout des hommes et des femmes qui s’emploient à y trouver des justifications. C’est quand la vision morale élémentaire vacille que toute civilisation commence à trembler. Mais c’est justement du sein de l’obscurité que peut jaillir la plus précieuse et aussi la plus puissante des lumières. Lorsque, au début du 19ème siècle, Rabbi Chnéor Zalman, fut emprisonné, dans toutes les communautés, l’événement fut reçu avec le sentiment d’une terrible catastrophe, et très légitimement. Nul ne sut alors ce qui allait se passer, le pire était possible. Et nul ne savait ce qu’il pouvait faire pour s’y opposer. Mais D.ieu en avait décidé autrement : la lutte ne pouvait être que victorieuse. C’est ainsi qu’il en fut, et nous célébrons cette victoire d’année en année.

Ce dont nous sommes les témoins est, encore une fois, une tentative des forces de la nuit finissante de l’emporter sur celles du jour qui se lève. En ce Chabbat, nous le sentons avec une intensité renforcée. Nous reprenons force dans la conjugaison du septième jour de la semaine, béni par le Créateur, et du 19 Kislev, à la victoire éternelle. Et, de cette force, naît notre capacité à poursuivre la route. Rien ne peut nous arrêter ni même nous impressionner durablement. Unis, conscients du chemin à suivre, nous avançons vers le temps de toute paix, de toute sérénité, où le mot « humain » prendra tout son sens, avec la venue du Machia’h.

Etincelles de Machiah

 Lever les yeux

A propos du verset des Psaumes (121:1) « Je lève mes yeux vers les montagnes », le Midrach (Tan’houma, fin de Parchat Toledot) enseigne : « C’est Machia’h fils de David ». Quelles sont les implications d’une telle affirmation ?

Le but ultime de l’exil est qu’intervienne enfin l’élévation apportée par la Délivrance future. C’est cette élévation qu’exprime la première partie du verset cité : « Je lève mes yeux ». Aussi, même dans la situation où s’applique la suite du verset – « D’où viendra mon aide ? » – du fait de l’obscurité redoublée régnant en fin d’exil, non seulement on n’en est pas impressionné mais on exprime constamment la plus grande joie. Les mots introductifs du verset : « Chir Hamaalot – Cantique » soulignent la réalité et la présence de cette allégresse permanente.

 (d’après Likoutei Si’hot, vol. XX, p.127)

Vivre avec la Paracha

 Vayichla’h

Après un séjour de vingt ans à ‘Haran, Yaakov revient en Terre Sainte. Il envoie des anges émissaires à Essav, dans l’espoir d’une réconciliation mais il s’avère qu’Essav est sur le chemin de la guerre avec quatre cents hommes armés. Yaakov se prépare à la guerre, prie et envoie un cadeau considérable à Essav.

En cette nuit, Yaakov fait traverser la rivière Yabok aux siens mais il reste en arrière et rencontre un ange, représentant l’esprit d’Essav avec lequel il se bat jusqu’à l’aube. Malgré une hanche disloquée, il sort vainqueur du combat et reçoit de l’ange le nom Israël qui signifie « il l’a emporté sur le Divin ».

La rencontre entre les deux frères a lieu, ils s’embrassent mais se séparent. Yaakov s’installe sur un terrain qu’il achète près de Ch’hem. Le prince de cette ville, Ch’hem abuse de Dinah, la fille de Yaakov et ses deux frères, Chimone et Lévi la vengent en tuant tous les hommes de la ville.

Yaakov continue sa route.

Ra’hel meurt en donnant naissance à son second fils, Binyamine. Elle est enterrée au bord de la route, près de Beth Lé’hem.

Réouven perd son droit d’aînesse en commettant une indiscrétion par rapport à la vie intime de son père.

Yaakov arrive à ‘Hévron, chez son père, qui meurt plus tard, à l’âge de 180 ans (Rivkah est morte avant le retour de Yaakov).

La Paracha se conclut par le décompte détaillé des femmes, enfants et petits-enfants d’Essav, l’histoire du peuple de Séïr au sein duquel s’installe Essav et par la liste des huit rois qui dirigent Edom, la terre des descendants d’Essav et de Séïr.

 

La lutte avec l’ange gardien d’Essav

Yaakov revenait chez lui après un séjour de 22 ans chez son oncle Lavan, où il avait établi une famille et amassé une gigantesque fortune. Il est désormais sur le point de confronter son frère Essav dont il s’est « approprié » les bénédictions que leur père lui réservait.

Avant qu’il ne le rencontre, la Torah relate la façon dont il a envoyé toute sa famille au-devant et le fait qu’il reste seul. A ce moment précis, un « homme » combat avec lui toute la nuit jusqu’à ce que Yaakov l’emporte.

Nos Sages nous expliquent que ce n’était pas un homme ordinaire avec qui il se battit mais l’ange gardien d’Essav. Cette confrontation laissait présager la lutte que la descendance de Yaakov, la nation juive, serait destinée à mener face à ceux qui auraient hérité de l’esprit d’Essav.

La précision apportée, indiquant que ce combat eut lieu alors que Yaakov était resté seul, nous permet de déduire l’enseignement évident selon lequel les menaces qui accablent le Peuple juif ne peuvent s’abattre que lorsque nous ne nous unissons pas et que nous nous tenons seuls.

Mais là n’est pas la seule leçon que nous pouvons tirer des mots qu’emploie la Torah pour caractériser cette lutte. La Torah utilise, dans sa description, le terme « Vayéavkou » qui peut se traduire de deux façons. Ce mot généralement rendu par « et ils luttèrent » représente en fait deux caractéristiques d’un combat.

On peut le traduire par « et ils s’enlacèrent » ou bien par « et ils soulevèrent de la poussière ». Quand des personnes se battent, elles s’enlacent effectivement et elles soulèvent de la poussière qui s’élève dans l’air.

Le paradigme pour le Futur

En s’appuyant sur la notion que la confrontation de Yaakov avec l’ange est un paradigme pour toutes les luttes à venir du Peuple juif contre ses ennemis, il nous faut tenter de comprendre quelles sont les deux caractéristiques d’une lutte qui implique de « s’embrasser » et de « soulever de la poussière », par rapport à nos combats personnels face à nos adversaires physiques et spirituels.

Dans une certaine perspective, le ‘Hatam Sofèr (l’un des plus grandes maîtres hala’hiques et leaders du Peuple juif, au 18ème siècle) explique qu’il y a deux méthodes qu’ont traditionnellement utilisées les nations du monde pour nous détourner de notre religion. Elles peuvent essayer de nous jeter de la poussière au visage, de manière figurée, en nous persécutant constamment, en nous ridiculisant et en nous rabaissant au niveau de la poussière de la terre. Et quand elles réalisent que la persécution et le ridicule ne fonctionnent pas, elles tentent de nous prendre dans leur étreinte et leur embrassade pour nous inciter à nous assimiler à leur culture et abandonner les traditions juives.

Il se trouve que dans cette vision des choses, le combat avec l’ange d’Essav est considéré comme une expérience négative. Il nous faut apprendre comment éviter cette bagarre et ne pas être attaqués ou attirés par notre adversaire.

Ne pas s’engager et ne pas embrasser

L’on peut également comprendre cette lutte avec l’ange de manière positive. Plutôt que de l’envisager comme un combat contre un adversaire, on peut la voir comme un guide sur la manière de faire face à nos ennemis et ainsi de surmonter ce défi, ce qui constitue le but de notre existence.

D.ieu nous a précisément placés dans cette position car Il veut que nous confrontions Essav et ce qu’il représente. La vie n’est pas seulement une question d’auto-défense et d’évitement de l’influence du mal. Il s’agit également de s’engager dans le monde « extérieur » et de le changer, comme dans le récit du combat de Yaakov. L’ange finit par déclarer que Yaakov est le maître (traduction du nom « Israël ») et non un suiveur (traduction du nom Yaakov : « talon »). Quand les forces d’Essav elles-mêmes reconnaissent la beauté des valeurs de Yaakov, il apparaît que ce combat est fructueux et désirable.

En revanche, lorsque nous sommes engagés dans cet « effort » et relevons le défi de transformer l’ange d’Essav, lui-même, nous ne devons pas abaisser nos standards, quand bien même il s’agit d’entrer en relation avec l’Essav du monde. Il ne nous faut pas permettre à l’ange d’Essav de nous « embrasser » par sa manière de penser. Bien au contraire, nous devons être ceux qui l’influençons. Et par ailleurs, nous ne devons lui permettre de « soulever la poussière » à tel point que nous n’ayons plus la même appréciation de nos propres valeurs, parce qu’elles sont recouvertes de poussière.

Les armes de la modernité :

épées à doubles tranchants

La transcription de ces concepts dans notre vie présente est claire. Nous possédons des instruments que D.ieu a mis à notre disposition, comme la technologie moderne (internet, les ordinateurs, etc.). Certains considèrent ces merveilles technologiques comme « l’ange d’Essav » qu’il faut combattre à cause de leur influence néfaste. Néanmoins, à la lumière de ce qui précède, il fait plus de sens de considérer ces outils comme des instruments positifs, inventés pour nous lancer un défi. En les utilisant pour transmettre encore plus de Torah et atteindre davantage de personnes avec des messages positifs, qui montrent que D.ieu est le Maître de la technologie et non l’inverse, nous obtenons une grande victoire pour D.ieu et pour le Peuple juif, ce qui est la définition d’Israël.

Le fait que tout cela n’existait pas auparavant nous dit que cette révélation sert de préparation pour l’époque où le monde entier sera rempli de la connaissance de D.ieu. Alors, Essav lui-même sera raffiné et reconnaîtra l’unité de D.ieu et Sa souveraineté. Il nous faut, toutefois, prendre les précautions nécessaires pour que ces « outils messianiques » ne jettent pas de poussière à nos yeux et ne nous embrassent ni ne nous dominent. Ils doivent au contraire être une aide pour la dissémination du bien et de la sainteté dans le monde.

Le Coin de la Halacha

 Quand dit-on Tal Oumatar ?

A partir de mardi soir 5 décembre 2023, on ajoute « Tal Oumatar » dans la prière de la Amida.

Cette prière pour « la rosée et la pluie » précise que ceci doit être « Livra’ha », pour la bénédiction.

Celui qui a oublié « Tal Oumatar » et s’en souvient avant d’avoir commencé la bénédiction suivante (« Teka Bechofar ») le rajoute alors. S’il a commencé « Teka Bechofar », il rajoute dans la bénédiction « Choméa Tefila » : « Vetène Tal Oumatar Livra’ha Ki Ata Choméa Tefilat Kol Pé… »

S’il l’a encore oublié mais s’en souvient avant « Retsé », il le dit alors. S’il a commencé Retsé et s’en souvient avant d’avoir reculé de trois pas à la fin de la Amida, il reprend à partir de « Barè’h Alénou » et continue la suite de la Amida. S’il a oublié après avoir reculé de trois pas, il reprend toute la Amida.

Il convient de louer et remercier le Créateur « pour chaque goutte de pluie » bénéfique, en son temps, qui apporte la bénédiction pour les récoltes, en particulier en Erets Israël.

(d’après Séfer Hatodaah)

Le Recit de la Semaine

 Quand le Tanya fut imprimé à Beyrouth

Les soldats israéliens qui surveillaient le fortin des faubourgs de Beyrouth cette nuit de juin 1982 étaient persuadés qu’ils étaient victimes d’hallucinations ; venue de nulle part, une camionnette couverte de poussière, porteuse d’une plaque d’immatriculation israélienne arrivait, précédée d’une musique joyeuse. En sortirent des jeunes gens barbus et souriants : c’était un spectacle complètement surréaliste dans le territoire libanais ravagé par la guerre.

Un des nouveaux-venus présenta au commandant du fortin le formulaire de permission d’entrée au Liban, émis par le responsable de la région nord d’Israël et signé par le colonel Yossi Tsror.

Le commandant s’étonna : quel était le but de cette intrusion ?

  • Nous sommes venus imprimer le Tanya, répondit l’un des ‘Hassidim, sur le ton de l’évidence.

On peut se demander si le commandant réalisait que, de la camionnette, les ‘Hassidim avaient déjà déchargé une imprimerie portative qu’ils déposèrent avec soin dans cet endroit dangereux, non loin du Quartier Général de l’O.L.P.

Sur la portière arrière de la camionnette, les ‘Hassidim avaient accroché une affiche : « Imprimerie ‘Habad, Beyrouth ». De la camionnette, ils extirpèrent aussi un générateur auquel ils branchèrent immédiatement la machine. Intrigués, les soldats s’agglutinèrent autour de l’imprimerie, avec une curiosité mêlée d’inquiétude. Le bruit de la machine contrastait avec le silence de la nuit. Des feuillets couverts de caractères hébraïques commençaient déjà à sortir de la machine.

Au bout d’un moment, celui qui était apparemment le chef de ce groupe de ’Hassidim prit la parole avec un fort accent américain. Les yeux brillants de fatigue et d’excitation, Aharon-Leizer Ceitlin s’écria en brandissant un petit verre de vodka : « Les amis ! Le’haïm ! A la vie ! Le livre est terminé, nous avons accompli la mission que le Rabbi nous a confiée ! ».

– Quelle mission ? se demandaient les soldats, ébahis qui n’en croyaient toujours pas leurs yeux et qui se demandaient de quoi il pouvait bien s’agir.

Cela faisait déjà plusieurs jours qu’Aharon-Leizer ne parvenait pas à dormir : le Rabbi de Loubavitch avait demandé qu’on imprime le Tanya – le livre de base de la ‘Hassidout – dans toutes les villes du Liban où Tsahal, l’armée de défense d’Israël, se positionnerait lors de cette guerre. C’était les émissaires que le Rabbi avait envoyés à Tsfat (Safed) quelques années plus tôt qui devaient se charger de cette mission. Ceux-ci avaient tenté d’obtenir pour cela la permission de l’armée mais, chaque fois, cela leur avait été refusé pour des raisons évidentes de sécurité. Depuis une semaine, Aharon-Leizer n’en pouvait plus : le Rabbi a demandé et nous n’avons encore pas obéi ? Il était une heure du matin : il se leva, prit sa voiture avec quelques camarades qu’il avait réveillés en toute hâte et se dirigea vers le nord. Dans un crissement de freins, il s’arrêta devant le portail, sortit en courant comme une flèche tout en criant : « Où est le général ? J’ai une information très importante qui concerne la poursuite de la guerre à lui transmettre ». Le soldat de service s’empressa de lui montrer la demeure du général Amir Drori. Essoufflé, Aharon-Leizer raconta au général, estomaqué de son entrée en trombe à cette heure tardive, qui était le Rabbi et combien il avait œuvré lors de chaque guerre pour le bien-être des soldats et la réussite de leurs opérations. « Maintenant, le Rabbi demande qu’on imprime le Tanya dans toutes les villes conquises par Tsahal ». Il montra au général plusieurs exemplaires de ce livre qui avait déjà été imprimé dans de nombreuses villes dans le monde entier. « Si le Rabbi le demande, c’est que nous devons y procéder et cela contribuera à la réussite de la guerre ! » conclut-il.

Son enthousiasme et sa fougue, son ardeur et sa détermination inébranlable convainquirent le général : « Pas de problème ! Voici la permission que tu as demandée », annonça-t-il en lui tendant le papier tamponné. Comme une flèche, Aharaon-Leizer ressortit en courant tout en agitant le papier tant espéré devant ses camarades restés dans la voiture : ceux-ci n’en croyaient pas leurs yeux : comment avait-il réussi alors que depuis une semaine, la précieuse autorisation leur avait été refusée ?

Sans prêter attention aux menaces complaisamment relayées par les média, les ‘Hassidim continuèrent leur route et arrivèrent ainsi jusqu’au faubourg de Beyrouth où ils se mirent immédiatement au travail, tout en expliquant aux soldats que cette entreprise devait assurer leur protection pour la suite de la guerre. Après avoir achevé cette édition, épuisés mais heureux, ils ne gardèrent pas leur joie pour eux et distribuèrent boissons et gâteaux. Spontanément, ils se mirent à danser avec les soldats, tout près des maisons libanaises en ruines, en pleine nuit.

Puis tout le monde s’assit et les ‘Hassidim expliquèrent aux soldats quelques passages du Tanya, leur laissèrent quelques exemplaires en souvenir et en guise de protection. Trois heures après leur arrivée, les ‘Hassidim étaient déjà sur la route du retour en Israël et disparurent dans la nuit.

Quelques semaines plus tard, loin de là, à New York, le Rabbi tint une réunion ‘hassidique devant des milliers de ‘Hassidim. Il évoqua avec douleur le fait que la guerre avait été stoppée bien avant la victoire finale sur les terroristes du Liban. A un moment donné, le Rabbi étonna tous les participants en montrant un exemplaire du Tanya qui avait été imprimé à Beyrouth, comme preuve que les forces de Tsahal auraient pu conquérir la capitale, ne serait-ce que pour un court instant et ainsi, inspirer la crainte aux ennemis et débarrasser la région de cette menace constante.

(Prions pour que la leçon soit bien comprise également maintenant, pour que tous les terroristes soient effectivement mis hors d’état de nuire, où qu’ils se trouvent. Conformément à la demande du Rabbi alors, le Tanya a été dernièrement imprimé à Gaza et, très certainement, cela contribuera à la réussite de toutes les opérations sur le terrain).

Mena’hem Shaïkevitz – Si’hat Hachavoua 1923

Traduit par Feiga Lubecki