Semaine 50

  • Vayichla’h
Editorial

Jusqu’à la plus grande lumière

Nous sommes, à présent, à proximité immédiate de cette date majeure qu’est le 19 Kislev… Commencer ainsi un éditorial est toujours une aventure: comment dire et donner à ressentir ce qui paraît d’une clarté lumineuse? C’est que le 19 Kislev renferme un secret prodigieux et qu’il nous appartient, à l’approche de ce jour, d’en découvrir la clé. Certes, c’est là une commémoration ancienne : Rabbi Chnéor Zalman emprisonné par le Tsar dans la vieille Russie et finalement libéré. Pourtant, quelque chose de profondément actuel y résonne et c’est cela qui, aujourd’hui, nous importe plus que toute autre chose.
De fait, il ne saurait être question ici d’un simple souvenir historique même si, s’agissant de Rabbi Chnéor Zalman, auteur du Tanya et fondateur de la ‘Hassidout ‘Habad, cela seul serait déjà suffisant pour motiver une célébration. Mais tout, ici, porte plus loin. C’est bien d’un Roch Hachana qu’il s’agit, celui de la ‘Hassidout, et il ne cède en rien aux autres Roch Hachana de l’année. En effet, qu’est-ce que Roch Hachana sinon, littéralement, la «tête de l’année» ? Qu’est-ce que cette appellation dénote sinon le fait que le jour ainsi désigné contient en lui la force et la vie de l’année comme la tête recèle celle de l’ensemble du corps ? Qu’évoque-t-elle sinon des images de lien renouvelé avec D.ieu, d’enthousiasme redécouvert et de vie retrouvée, plus riche et plus pleine ?
Le 19 Kislev est bien tout cela. Il porte une force nouvelle pour l’étude de la ‘Hassidout et une lumière accrue pour les voies du ‘Hassidisme et tout cela nous est bien précieux. Nous le savons : nous vivons en un temps où, plus souvent qu’il ne faudrait, l’obscurité paraît grandir, presque écrasante. Nous vivons en un monde où le spirituel paraît parfois étranger, où seule la vaine poursuite du matériel semble le sort assigné à chacun. C’est au cœur de cette obscurité-là que jaillit la lumière du 19 Kislev. C’est une lumière puissante, elle sait dissiper toutes les forces de la nuit et fait jaillir, autour d’elle, la conscience du bonheur d’être Juif. Lorsque la célébration revient, comme par nature, elle éclaire donc le cœur et l’âme de chacun. Il ne reste plus qu’à se saisir de ce nouveau pouvoir pour réorienter le sens des choses et toute notre existence par l’étude de la ‘Hassidout et par la vie du ‘Hassidisme. Aujourd’hui, le monde change. Nous sommes les acteurs du changement. Pour le bien et pour de bon.

Etincelles de Machiah

Juste un bouton à presser

Maïmonide nous enseigne qu’un seul homme, par un seul acte, a le pouvoir d’amener «le salut et la délivrance» au monde entier.
En notre temps, nous le voyons concrètement : n’importe qui, même un enfant, par une petite action, peut presser un bouton et causer un changement considérable dans le monde. Combien plus est-il donc vrai que, par une seule action – presser le bon bouton – pour accomplir la volonté de D.ieu, nous pouvons changer le monde et y amener la Délivrance !
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – 10 Chevat 5746)H.N.

Vivre avec la Paracha

Vayivchla’h : Une double identité

« Ton nom ne sera plus appelé Yaakov ; mais plutôt Israël sera ton nom. Car tu as lutté avec le divin et avec les hommes, et tu l’as emporté. » (Beréchit 32 :29)
Ainsi parla l’ange avec lequel Yaakov combattit une nuit entière avant sa rencontre avec Essav. Plus tard, nous lisons dans la Paracha que D.ieu Lui-même apparut à Yaakov et réitéra le changement de son nom en Israël.
Avraham avait également vu son nom changer (d’Avram en Avraham) par D.ieu. Mais pour lui, le changement avait été absolu. Le Talmud va jusqu’à affirmer : « Quiconque appelle Avraham « Avram » viole une interdiction de la Torah, comme il est écrit : « Ton nom ne sera plus appelé Avram ». A Yaakov également, il est dit « ton nom ne sera plus Yaakov » et pourtant, la Torah continue de l’appeler par les deux noms, souvent alternant entre Yaakov et Israël dans un même récit voire dans un même verset. Le Peuple Juif qui porte le nom de son illustre ancêtre est également nommé à la fois « Yaakov » et « Israël ».
Le changement du nom d’Avraham qui survint lorsqu’il se circoncit lui-même, obéissant à l’ordre de D.ieu, marqua son élévation d’Avram (« père exalté ») à Avraham (« père exalté de multitudes »). Le nom d’Avraham inclut toutes les lettres et toutes les significations d’Avram. Le changement consistait en un ajout d’une lettre supplémentaire (le Hé) et d’un rôle additionnel. Ainsi appeler Avraham « Avram » est le réduire à son moi et sa signification précédente.
Par contre, Yaakov et Israël sont deux noms différents, qui possèdent deux significations. S’il est vrai qu’Israël représente un état d’être plus élevé que Yaakov, l’attribut de Yaakov possède certaines qualités auxquelles Israël ne peut prétendre. C’est ainsi que Yaakov reste le nom du troisième Patriarche et du Peuple Juif en tant qu’entité. Israël peut représenter une évolution supérieure dans le développement du Juif que Yaakov mais la grandeur du Peuple Juif réside dans le fait qu’il y a à la fois des « Juifs Yaakov » et des « Juifs Israël » et des éléments de Yaakov et d’Israël dans chaque individu.

Le guerrier spirituel
L’une des différences entre ces deux personnalités est offerte par Bilaam, le prophète païen qui, sommé de maudire le Peuple Juif, prononce l’une des plus belles odes de la Torah à la vie et à la destinée juives.
« [D.ieu] ne voit aucune culpabilité en Yaakov, aucun mal en Israël » (Bamidbar 23 :21)
Cela implique que Yaakov expérimente le mal bien que ses combats et ses difficultés ne résultent pas en culpabilité aux yeux de D.ieu. Par ailleurs, Israël jouit d’une existence tranquille, dénuée de culpabilité mais aussi de mal.
La Torah nous donne deux interprétations du nom de Yaakov. Yaakov naquit attrapant le talon de son jumeau aîné, Essav. Il fut donc nommé Yaakov qui signifie : « au talon ». Des années plus tard, quand Yaakov se déguisa en Essav pour recevoir les bénédictions qu’Its’hak destinait à Essav, ce dernier proclama : « Peu étonnant qu’il soit appelé Yaakov (le rusé) ! Par deux fois, il m’a trompé : il m’a pris mon droit d’aînesse et maintenant il m’a pris mes bénédictions. »
Yaakov représente le Juif dans le feu de la bataille de la vie. Une bataille dans laquelle il est souvent « au talon », ayant à faire avec les aspects les plus bas de sa propre personnalité et de son entourage ; une bataille qu’il doit mener furtivement et avec ruse, car il est dans un territoire ennemi et il doit déguiser ses véritables intentions pour pouvoir manœuvrer ceux qui tentent de le piéger. Menacé par un monde hostile, sapé par ses propres insuffisances et ses mauvaises inclinaisons, le « Juif Yaakov » doit encore dépasser la condition de son humanité, le fait que « l’homme est né pour peiner » et que la vie humaine est une course d’obstacles et de défis lancés contre sa propre intégrité.
D.ieu ne voit pas de culpabilité en Yaakov car malgré tout ce à quoi Yaakov doit faire face, il lui a été attribué la capacité de l’emporter sur son détracteur. Même s’il succombe momentanément à certains défis intérieurs ou extérieurs, il ne perd jamais sa bonté et sa pureté intrinsèques qui finissent par s’affirmer, quelques réprimées qu’elles aient pu être par les épreuves de la vie. Mais s’il peut être dépourvu de tout péché, il n’est jamais libre d’efforts, du combat pour ne pas pécher. Pour Yaakov, la guerre de la vie continue à faire rage, malgré toutes les batailles qu’il a gagnées.
Israël (« le maître divin ») est le nom donné à Yaakov quand il eut combattu avec le divin et avec les hommes et l’eut emporté. Israël représente le Juif qui a conquis sa propre humanité, qui a intériorisé si parfaitement la perfection de son âme qu’il est désormais imperméable à tous changements et tentations. Il l’a emporté sur le décret divin selon lequel « l’homme est né pour peiner » et s’est dessiné une existence tranquille au sein même des turbulences de la vie.
Aussi Yaakov est-il le nom que l’on nous réserve quand la Torah se réfère à nous comme les « serviteurs » de D.ieu alors qu’Israël est le nom que D.ieu choisit quand Il nous parle comme à Ses « enfants ». L’élément qui définit la vie du serviteur est le service de son maître. L’enfant sert également son père, mais leur relation est telle que ce service n’est pas un labeur mais un plaisir. Ce qui pour le serviteur représente un travail imposé sur un moi et un environnement résistants est pour l’enfant la réalisation harmonieuse de son identité comme extension de l’essence de son père.
La première partie de la vie de Yaakov fut consumée par ses luttes contre son frère Essav, luttes qui commencèrent dès le giron maternel et continuèrent par leur confrontation à propos du droit d’aînesse et des bénédictions de leur père et culminèrent dans le combat nocturne de Yaakov contre l’ange d’Essav et la rencontre face à face le jour suivant. Entre-temps, Yaakov passa vingt ans de labeur, s’occupant du troupeau de Lavan « le fourbe », années durant lesquelles il dit : « la chaleur me consumait le jour et le gel la nuit, et le sommeil était banni de mes yeux ». Il fut forcé de devenir le « frère » de Lavan, en matière de tromperie. Le changement du nom de Yaakov en Israël marqua le point où de « serviteur de D.ieu » il devint l’ « enfant de D.ieu », où il passa d’une existence définie par les combats et la lutte à une réalisation harmonieuse de sa relation avec D.ieu.

Doux amer
Cependant, même après avoir été nommé Israël, Yaakov continua à être aussi Yaakov. La Torah utilise son ancien nom en même temps que le nouveau. Les événements de sa vie incluent désormais des périodes de tranquillité (comme les neuf ans depuis son retour de ‘Haran en Terre Sainte jusqu’à la vente de Yossef et les dix-sept années passées en Egypte) mais aussi des périodes de lutte (comme les vingt ans années où il pleura Yossef).
Yaakov est le père du peuple d’Israël et il représente donc le modèle des deux sortes de Juifs. Il est le tranquille enfant de D.ieu, en paix avec lui-même, son D.ieu et sa société. Sa vie harmonieuse est une source de lumière et d’illumination pour son entourage. Mais il est aussi le serviteur assiégé de D.ieu, en proie avec son moi et son caractère, sa relation avec D.ieu et sa place dans le monde. Car l’état d’être de Yaakov n’est pas seulement une étape préalable nécessaire pour atteindre celui d’Israël mais une fin en soi, un rôle indispensable dans le plan du Créateur sur terre.
Selon les mots de Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi : « Il existe deux types de plaisir devant D.ieu. Le premier vient d’une complète soumission du mal et de la transformation de l’amertume en douceur et de l’obscurité en clarté par les Tsadikkim [les Justes parfaits]. Le second plaisir vient quand le mal est repoussé alors qu’il encore dans toute sa force et sa puissance… par l’initiative des Beïnonim [les Intermédiaires]… L’analogie en est la nourriture matérielle dans laquelle existe deux types de mets délicats qui donnent du plaisir : le premier plaisir étant dérivé d’aliments sucrés et agréables et le second d’aliments forts et acides qui sont épicés et préparés de telle manière qu’ils deviennent délectables et font revivre l’âme. »

Le Coin de la Halacha

Comment honore-t-on le Chabbat ?

Il est recommandé par la Torah et les Sages d’honorer le Chabbat et d’être heureux pendant le Chabbat. Pour cela, il convient :
- De s’habiller de vêtements propres et réservés au Chabbat.
- De préparer des repas plus copieux et même royaux.
- De préparer la maison comme pour l’arrivée d’une reine.
- De se laver le corps entier à l’eau chaude.
- D’allumer les bougies avant le coucher du soleil à l’endroit où l’on mange.
- De penser, dès le dimanche, aux achats nécessaires pour le Chabbat.
- De préparer une belle table et une literie confortable en l’honneur du Chabbat.
« Celui qui augmente les dépenses en vue du Chabbat est digne de louanges » (Rambam – Hil’hot Chabbat 30. 7) : « Toutes les dépenses de l’année sont fixées par D.ieu à Roch Hachana sauf les dépenses liées au Chabbat et aux jours de fête : plus l’homme augmente ces dépenses, plus D.ieu lui en accorde les moyens » (Choul’hane Arou’h Admour Hazakène).

F. L. (d’après Assadère Lisseoudata)

De Recit de la Semaine

Pourquoi ?

Il y a quelques années, Rav Manis Friedman se trouvait dans les locaux de l’immense complexe communautaire du 770 Eastern Parkway à Brooklyn quand il remarqua quelques-uns de ses amis qui mettaient de l’ordre dans des placards et balayaient une pièce à l’abandon. De fait, ils devaient réaménager cette pièce pour en faire un bureau. Il proposa de les aider et ils acceptèrent.
Alors qu’ils manipulaient une grosse armoire, un porte document tomba d’un tiroir et s’ouvrit : il ne contenait qu’une lettre que quelqu’un avait envoyée au Rabbi quelques années plus tôt : le Rabbi avait répondu avec quelques mots écrits à la main dans les marges.
Le Rabbi recevait énormément de courrier, certains disent qu’il en recevait plus que n’importe quelle autre personnalité, même davantage que le Président des Etats-Unis. Il répondait souvent ainsi sur la lettre ; ses secrétaires se chargeaient de taper la réponse et de l’envoyer à son destinataire.
Peut-être auraient-ils dû se contenter de remettre la lettre au secrétariat mais ils ne purent s’empêcher de la lire. Apparemment, c’était un médecin qui avait écrit au Rabbi à propos d’un événement étrange et douloureux : un de ses amis avait fait écrire un Séfer Torah à la mémoire d’un être cher disparu. Quand cet ami avait appris que la coutume est d’organiser un repas avant d’inaugurer ce Séfer Torah, il avait demandé à ce médecin qui possédait une grande maison de bien vouloir abriter cette réception. Le médecin avait accepté et des dizaines de personnes avaient participé au repas. Cependant, en plein milieu de la fête, une jeune femme avait été terrassée d’une crise cardiaque. Tous les efforts pour la ranimer avaient été vains et, inutile de préciser que la fête avait été transformée en catastrophe. Le médecin précisait que lui-même, souvent confronté à la mort, avait conservé une foi complète mais son ami avait été bouleversé et lui posait des questions auxquelles il ne savait pas répondre : d’abord pourquoi une telle tragédie avait frappé une jeune femme qui participait à une bonne action et ensuite, pourquoi cela était-il arrivé chez lui.
Voici ce que répondait le Rabbi : tout d’abord il est impossible de comprendre D.ieu ou les voies de D.ieu. Deuxièmement : D.ieu souhaite que nous Le comprenions au mieux de nos capacités. Troisièmement, nous devons fournir tous les efforts pour expliquer ce qu’il est possible d’expliquer.
Premièrement, affirmait le Rabbi, chacun jouit d’un certain nombre de jours dans la vie, y compris la date exacte de la fin de cette vie. Deuxièmement : rarement une personne est si mauvaise qu’elle décède avant cette date ou si bonne qu’elle mérite de prolonger ce délai. Troisièmement, puisque cette femme était destinée à quitter ce monde ce jour-là, le meilleur endroit pour cela était dans une atmosphère sympathique, durant des festivités liées à l’accomplissement d’une Mitsva.
De plus, dans ses derniers moments, alors qu’elle avait été incapable de prononcer la traditionnelle prière «Chema Israël», elle avait certainement été aidée par le fait qu’à la porte de cette demeure se trouvait fixée une Mezouza sur laquelle est écrit le « Chema Israël » qui proclame la royauté et l’unité de D.ieu.
Finalement, si cela était arrivé dans votre maison, comme vous êtes un médecin, écrivait le Rabbi, chacun avait la certitude que tous les efforts pour soigner cette jeune femme avaient été mis en œuvre.
En lisant cette réponse, les ‘Hassidim présents ne purent s’empêcher de constater une fois de plus combien le Rabbi avait répondu en peu de mots, clairement et positivement.
Tandis qu’ils repensaient à ces conseils si clairs, le téléphona sonna ; un des ‘Hassidim prit le combiné.
A l’autre bout du fil se tenait un Chalia’h du Rabbi dans l’une des grandes villes américaines. Il était dans un tel état de choc qu’il avait du mal à s’exprimer : «Je dois parler au Rabbi ! Tout de suite ! C’est urgent ! J’ai besoin de son conseil !»
Le ‘Hassid tenta de le calmer, lui demanda des détails, le Chalia’h reprit son souffle et raconta : «Un des fidèles de ma synagogue a célébré la Bar Mitsva de son fils ici quand, soudain, son père s’est écroulé, victime d’un infarctus. Tous sont fous de douleur et me demandent des explications. Que puis-je faire?»
Bouleversé, le ‘Hassid raconta à ce Chalia’h comment avec ses camarades, il venait de découvrir une lettre du Rabbi qui répondait exactement à ses questions ! Et il entreprit de lire cette lettre mot à mot au téléphone.
Ses compagnons étaient stupéfaits d’avoir involontairement pris part à un événement aussi miraculeux. S’ils n’avaient pas décidé de nettoyer cette pièce juste à ce moment-là et si la lettre n’était pas tombée et s’ils ne l’avaient pas lue et si le téléphone n’avait pas sonné juste à ce moment…
Puis l’un d’entre eux remarqua : «Au fait, pourquoi avons-nous décidé de nettoyer cette pièce ? Qui en a besoin – au fait?»
Ils se regardèrent, haussèrent les épaules et quittèrent la pièce qui ne devint jamais un bureau…

Rav Tuvia Bolton
traduit par Feiga Lubecki