Les forces de la victoire
Le ciel qui s’est récemment embrasé une nouvelle fois au-dessus d’Israël a réveillé en chacun des inquiétudes trop connues. Nous le savions mais avions tendance à l’oublier : Israël a des ennemis qui ne rêvent que de destruction. Sa vie continue pourtant avec grandeur et il poursuit son avancée jamais interrompue. N’est-il pas ce lieu dont le Rabbi dit aux moments les plus graves qu’il est « le plus sûr du monde » ? N’est-il pas cet endroit dont le texte de la Torah affirme que « les yeux de D.ieu y sont du début à la fin de l’année » ? Les accès de violence dont nous sommes les témoins finissent par se terminer, certes sans jamais que l’on sache s’ils ne vont pas reprendre. Et reste toujours l’absolue confiance en D.ieu Qui conduit nos pas et veille sur chacun de nous, en particulier sur notre Terre Sainte.
Un point doit cependant être souligné. Si les Juifs qui vivent en diaspora sont, de toute évidence, sensibles à ces événements, ils peuvent penser qu’ils sont davantage dans la position du spectateur que dans celle de l’acteur. Ils éprouvent les joies de la Terre d’Israël et peuvent être tristes de ses épreuves mais ils ne peuvent que s’interroger : comment vivre réellement avec elle, comment participer à ce qu’elle traverse ? Car cela doit être possible, d’une part parce que tous les Juifs, où qu’ils vivent, sont liés l’un à l’autre, et d’autre part, parce que chacun possède une attache forte avec cette terre donnée par D.ieu à Son peuple. Et, de fait, la réponse à cette légitime interrogation existe, donnée par nos Sages. A propos du verset « et tous les peuples de la terre verront que le Nom de D.ieu est appelé sur toi et ils te craindront », le commentaire dit : « c’est le Tefiline de la tête. » On ne saurait énoncer l’idée plus clairement : mettre les Tefiline protège celui qui les porte et, avec lui, tout notre peuple.
Dans notre monde, les combats se mènent sur tous les fronts. Il faut le dire : c’est aussi spirituellement que la victoire se gagne. Face à des ennemis assoiffés de sang, les forces de la vie seront toujours les plus fortes. Apportons-y les nôtres. Ce sont celles données par notre Créateur. Mettre les Tefiline, c’est faire que le Bien l’emporte et, avec lui, la paix. Eternellement.
Au talon de Machia’h
Nous nous trouvons dans la période qui précède immédiatement la venue de Machia’h, dénommée celles du « talon de Machia’h ».
Le talon doit savoir qu’il est talon ; quel rapport y a-t-il entre le talon et la réflexion ? Le principal est l’action concrète !
(D’après Séfer Hasi’hot 5698 p.8)
Emor
La Paracha Emor (« Dis ») commence avec les lois particulières relatives aux Cohanim (« les prêtres »), au Cohen Gadol (« le Grand Prêtre ») et au service du Temple. Un Cohen n’a pas le droit de se rendre rituellement impur par le contact avec un corps mort, sauf lors de la mort d’un parent proche. Un Cohen ne peut épouser une femme divorcée ou une femme au passé léger. Un Cohen Gadol ne peut se marier qu’avec une jeune fille qui n’a jamais été mariée. Un Cohen atteint d’une difformité ne peut servir dans le Temple, pas plus qu’un animal difforme ne peut être apporté en offrande.
Un veau, un chevreau ou un agneau nouveau-né doit être laissé auprès de sa mère pendant sept jours avant de pouvoir servir d’offrande. On n’a pas le droit d’abattre le même jour un animal et ses petits.
La seconde partie d’Emor fait la liste des célébrations de sainteté annuelles : les fêtes du calendrier juif, le Chabbat hebdomadaire, l’offrande de l’agneau Pascal, le 14 Nissan, la fête des sept jours de Pessa’h commençant le 15 Nissan, l’offrande du Omer de la première récolte d’orge, à partir du deuxième jour de Pessa’h, et le commencement, en ce même jour, des 49 jours du décompte du Omer, culminant avec la fête de Chavouot, le cinquantième jour ; un « rappel du son du Choffar », le premier Tichri ; un jeûne solennel, le 10 Tichri ; la fête de Souccot durant laquelle nous devons résider sept jours dans des Cabanes et prendre les « Quatre Espèces », à partir du 15 Tichri et la fête qui suit immédiatement, « le huitième jour » de Souccot (Chemini Atsérèt).
La Torah évoque ensuite l’allumage de la Menorah dans le Temple et les « pains de proposition » (Lé’hèm Hapanim), placés chaque semaine sur une table qui s’y trouvait.
Emor se conclut avec l’histoire d’un homme exécuté pour blasphème et les punitions relatives au meurtre et aux blessures infligées à quelqu’un ou à la destruction de sa propriété (compensation pécuniaire).
Une lumière inspiratrice
Que se passe-t-il quand un homme sage parle ?
Le Rambam écrit : « Tout comme un Sage peut être reconnu par sa sagesse et ses traits de caractère, car c’est en cela qu’il se démarque des autres gens, ainsi doit-il être reconnu par sa conduite. »
Le Rambam veut montrer ici que l’approche juive du savoir ne reste pas exclusivement théorique. Les connaissances doivent plutôt forger le caractère, et, ce qui est plus important encore, influencer le comportement. C’est en cela qu’on se distingue en tant que Sage.
Parmi les types de conduites mentionnées par le Rambam comme appropriées pour le Sage figure la parole raffinée : « un érudit dans la Torah ne doit pas crier ou hurler quand il parle… Mais il doit parler avec douceur à tout le monde… Il doit juger tous les hommes favorablement, faisant la louange de son disciple et ne mentionnant jamais quelque chose qui risquerait de lui faire honte … » (Michné Torah, Hil’hot Déot 5 :1)
Les termes utilisés par le Rambam : « juger…favorablement » et « ne mentionnant jamais quelque chose qui risquerait de lui faire honte » impliquent qu’un érudit en Torah peut reconnaître les fautes dans le caractère de son disciple. Mais même alors, il « fera la louange de son disciple ». Quand il s’adressera à lui en privé, il pourra, avec gentillesse, lui faire des remontrances pour sa conduite. Mais quand il s’adressera aux autres, pensant en lui-même à ce disciple, il pensera à lui et parlera de lui favorablement.
Il ne s’agit pas seulement du reflet du propre raffinement de l’érudit. Mais le fait de constamment souligner les qualités d’autrui encourage leur émergence. Car la pensée et la parole peuvent produire des changements appréciables dans notre monde. Ainsi la mention constante du bien qui est en lui, et chaque individu possède des réservoirs inexplorés de bonne volonté, facilite l’expression de ce bien dans la conduite de cette personne.
Le commandement de parler
Les concepts que l’on vient d’évoquer concernent notre Paracha. Emor est un commandement nous enjoignant de parler. Dans le contexte de la Paracha, ce commandement possède une application immédiate : communiquer les lois de la prêtrise. Cependant, le fait que ce terme soit utilisé comme nom de toute la portion de la Torah indique qu’il a une perspective plus large : une personne doit parler.
Et pourtant, nous observons que nos Sages conseillent : « Parle peu » et « Je n’ai rien trouvé de mieux chez un homme que le silence ». Tout cela semble impliquer que des paroles excessives sont indésirables. Nous ne pouvons pas non plus avancer que Emor se réfère exclusivement à des paroles de Torah. En effet, à ce sujet existe un commandement explicite : « Et tu en parleras » qui nous encourage à abonder dans nos paroles de Torah. Emor insiste donc sur l’idée de parler des qualités de notre prochain, comme nous venons de le voir.
Étudier dans la Lumière
Nos Sages associent le commandement de Emor à l’obligation du ‘Hinou’h, l’éducation des enfants, commentant (Yevamot 114a) :
« Il est écrit : ‘Parle et (il est écrit) dis-leur.’» (Pourquoi cette répétition dans le même verset ?) Pour implorer les parents à propos de leurs enfants… »
Lehazhir, mot que la langue hébraïque emploie pour « implorer » possède la même racine que le mot Zohar qui signifie « rayonnement ». Cela nous enseigne une leçon fondamentale concernant l’éducation : elle doit être caractérisée par une lumière radieuse. En général, il existe deux approches pour persuader un enfant de renoncer à un comportement négatif : mettre l’accent sur sa bassesse ou montrer une alternative positive. Lehazhir souligne l’importance de répandre la lumière car « une petite lumière repousse beaucoup d’obscurité » (Tanya, ch.12) et en allumant la lumière, on fait briller la lumière intérieure que possède chacun.
La lumière apporte la lumière
Cette idée comporte une dimension plus profonde. Dans son sens complet, le ‘Hinou’h de notre enfant, et par extension, toute forme d’influence, ne doit pas être considéré comme une obligation qui dépasse les limites de notre propre service divin, comme une autre tâche à accomplir, mais plutôt comme une extension naturelle de ce service.
Quand notre service divin atteint le sommet, et en accord avec l’élan d’Ahavat Israël, « l’amour du prochain » et d’A’hdout Israël, (l’unité du Peuple juif), nous nous joignons aux autres et ce contact active nos progrès personnels. La lumière qui jaillit de cette conduite illumine et éduque tous ceux avec lesquels nous entrons en contact.
Et le fait d’allumer lumière après lumière nous conduit à l’ère dans laquelle « le Sage brillera comme la splendeur du firmament » et « Israël quittera son exil dans la miséricorde. »
Est-il permis de faire appel à des diseurs de bonne aventure ?
Il est écrit dans la Torah (Devarim – Deutéronome 18 : 13) : « Sois entier avec l’Éternel ton D.ieu ». Le Juif doit placer toute sa confiance en D.ieu qui est Celui qui a créé le monde, continue de le guider constamment et connaît exactement ce qui va se produire. Seul Lui et Ses prophètes connaissent l’avenir – ni les astrologues, ni les devins de toutes sortes. Même si parfois leurs prévisions semblent se réaliser, elles manquent de précision et ne sont pas exactes dans tous les détails. « Tout est entre les mains de D.ieu » affirme le Talmud car D.ieu peut changer les lois de la nature et D.ieu agit en fonction des besoins du Juif, pour son bien et pour le récompenser.
La Torah (Vayikra – Lévitique 19 : 26 à 31) insiste que nous ne devons pas nous conduire comme les Égyptiens et les Cananéens ainsi que tous les peuples antiques qui faisaient appel aux nécromanciens ou à des forces obscures et impures qui souillent l’âme humaine (comme la divination, les sortilèges, les incantations vaines et souvent idolâtres).
Même si, parfois, ces pratiques semblent avoir un effet apaisant, il est évident qu’elles sont basées sur le mensonge et les illusions. Le Zohar avertit qu’il ne faut pas s’en servir – même si on estime qu’elles calment les douleurs du malade qui y fait appel.
Le Rabbi de Loubavitch s’insurgeait contre tout appel aux prédicteurs d’avenir (car la Torah préconise de se conduire avec « entièreté » envers D.ieu). Ceci inclut les amulettes, les horoscopes, les lignes de la main… Il est préférable de se renforcer dans la confiance en D.ieu et la pratique de Ses commandements.
Il est conseillé de faire vérifier ses Téfiline et Mezouzot quand on a besoin d’une bénédiction en cas de problème grave.
(d’après Rav Yossef Ginsburgh – Sichat Hachavoua N° 1687)
L’ancien élève
En 1920, après la révolution bolchévique, le Rabbi de Rachmastrivka, Rabbi David Twersky et sa famille furent obligés de quitter leur ville natale et s’enfuirent à Nikolaïev. Là, il œuvra avec le jeune Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson (plus tard connu sous le nom de Rabbi de Loubavitch) pour développer un réseau clandestin d’écoles juives et de Yechivot. En 1926, il put s’établir en Terre d’Israël et y reconstruire sa communauté.
Près de trente ans plus tard, Rabbi Yo’hanan prit la succession de son père Rabbi David à la tête de la ‘Hassidout de Rachmastrivka.
En 1954, il se rendit à Williamsburg (New York) pour le mariage de son fils ‘Haïm Its’hak (l’actuel Rabbi de ce mouvement ‘hassidique). Il profita de sa présence à Brooklyn pour rendre visite au Rabbi au 770 Eastern Parkway. Durant l’entrevue, le Rabbi qui n’avait pas caché sa joie de retrouver son ancien ami, lui demanda s’il se souvenait d’un de ses anciens élèves (appelons-le Avraham). Celui-ci, après avoir étudié en cachette dans les classes de Torah en Union Soviétique, avait réussi à émigrer aux États-Unis. C’était justement maintenant qu’il avait la possibilité de pratiquer librement le judaïsme qu’il avait quitté le chemin de la Torah. Plusieurs ‘hassidim avaient tenté de le ramener au bercail mais sans succès.
Rabbi Twersky fut attristé d’entendre une telle nouvelle.
- Peut-être pourrez-vous l’influencer favorablement, proposa le Rabbi.
- Je vais essayer, promit Rabbi Twersky.
Immédiatement le Rabbi décrocha son téléphone et contacta Avraham.
- Rabbi Yo’hanan Twersky est ici dans mon bureau : vous vous souvenez de lui ?
- Bien sûr ! répondit Avraham à l’autre bout du fil.
- Il voudrait vous rencontrer : quand serait-ce possible ?
- Vendredi après-midi, avec plaisir !
Le Rabbi lui donna alors l’adresse où il pourrait rencontrer Rabbi Yo’hanan Twersky.
Après plus de trente ans de séparation, la réunion fut très émouvante. Ils passèrent tous deux quelques instants à évoquer des souvenirs communs puis Avraham demanda à Rabbi Twersky la raison de sa venue à New York. Quand il apprit le mariage du fils de son ancien maître, il sortit son carnet de chèques, inscrivit un montant généreux et voulut le lui remettre en cadeau pour le jeune couple. Mais Rabbi Twersky le refusa :
- Je veux tout d’abord discuter de votre situation spirituelle.
- Vous comprenez, je suis un membre respecté de ma synagogue…
- Qu’en est-il du Chabbat ? l’interrompit Rabbi Twersky.
- Vous comprenez, tous mes concurrents sont ouverts le Chabbat, je ne peux pas me permettre de fermer mes boutiques ce jour-là…
- Et la cacherout ?
- Euh… Il n’y a pas de magasin cachère dans le quartier où j’habite…
- Et les Téfiline ?
- C’est vrai, c’est une Mitsva importante mais je n’ai pas toujours le temps de les mettre…
Incapable de se maîtriser, Rabbi Twersky fondit en larmes :
- Est-ce pour un « judaïsme » pareil que nous avons risqué nos vies en Union Soviétique ? Chacun de vos professeurs aurait pu se faire jeter en prison pour le crime de vous enseigner la Torah ! Tout cela dans l’espoir que votre génération continuerait la chaîne ininterrompue de notre tradition !
- Vous avez raison, regretta Avraham lui aussi bouleversé. Je vous promets qu’à partir de maintenant, je m’efforcerai de respecter les commandements !
Heureux de sa réaction, Rabbi Twersky bénit son ancien élève. Avant de partir, Avraham tenta à nouveau de remettre le chèque au père du marié qui le refusa encore :
- Je n’accepterai votre chèque que quand j’aurai la confirmation que vous agissez effectivement comme promis. Et comment le saurais-je ? C’est le Rabbi de Loubavitch lui-même qui m’informera que votre Techouva (retour à D.ieu) est effective !
Rabbi Twersky resta encore plusieurs semaines à New York. Un jour, le téléphone sonna et c’est son épouse qui répondit :
- Qui est-ce ?
- J’appelle de Loubavitch ! répondit la voix.
Réalisant que c’était le Rabbi de Loubavitch lui-même qui lui parlait, elle tendit en tremblant le combiné à son mari.
Oui, Avraham avait accompli sa promesse !
- Rabbi Yo’hanan, vous pensez que vous êtes venu à New York pour le mariage de votre fils ? demanda le Rabbi. Vous êtes venu ici pour aider un Juif à faire Techouva ! Maintenant Avraham a retrouvé le chemin de la Torah !
De fait, Rabbi Twersky avait eu beaucoup de mal à obtenir son visa pour entrer aux États-Unis : ancien citoyen soviétique, il était suspect aux yeux des autorités américaines. Plusieurs fois, il avait déposé une demande et le visa lui avait été refusé. Soudain, juste quelques jours avant le mariage, l’ambassade l’avait contacté pour lui signifier que son visa était prêt. Certainement, comme le Rabbi l’avait souligné, la Providence Divine l’avait aidé dans cette démarche afin qu’un Juif retrouve ses racines et que son ancien élève fasse honneur à son éducation en retournant à une vie de Torah et de Mitsvot.
Rabbi Na’hman Twersky – The Avner Institute
Traduit par Feiga Lubecki