Semaine 19

  • Emor
Editorial
Lecture d’été
Nous avançons, sans que rien puisse nous retenir, vers l’été, sa chaleur et tout ce que la saison peut nous offrir. La nature même s’en est, comme chaque année, rendu compte : les arbres ont reverdi et tout ce qui est lié au monde matériel sent monter en lui une nouvelle puissance. En fait, tout se passe comme si le but de la période consistait à nous entraîner à donner à l’aspect physique des choses et de nous-mêmes une place majeure. C’est alors que, du fond de notre conscience, monte une lancinante question : une telle démarche est-elle bien justifiée ? Certes, le judaïsme n’a jamais prôné l’ascèse. Bien au contraire, le monde, créé par D.ieu, doit devenir, par notre effort, Sa demeure. Et, en tout état de cause, il est le lieu et l’instrument de Son service. Pourtant, le risque existe de le laisser devenir une grossière carapace de matérialité qui repousserait la lumière du spirituel, nous empêchant ainsi de la percevoir. Il ferait alors de nous les otages d’un univers qui aurait perdu tout contact avec le sens de son existence. Comment vivre de la bonne manière l’été qui monte, sans rien perdre de soi ?
Comme souvent au sein du peuple juif, le secret tient peut-être dans un livre. Il se nomme «Pirkei Avot – Maximes des Pères» et développe en quelques chapitres les chemins du lien avec D.ieu. La tradition veut qu’on le lise et l’étudie chaque Chabbat dans la période. Et les Sages de le présenter comme une sorte d’antidote à la folie des choses du monde. Car la nature de l’homme est bien là. Il peut être si facile et donc si tentant de céder à un certain culte du corps. La société qui nous entoure encourage parfois un tel choix, donnant à la déjà vieille notion de « civilisation des loisirs » une connotation d’oubli. C’est pourquoi, il est bon, justement dans cette période, de reprendre un peu de hauteur. Il est bon, Chabbat après Chabbat, au fil d’un livre – comme on dirait au fil d’un fleuve – de retrouver ces notions simples et complexes, anciennes et nouvelles à la fois, qui, base de notre peuple, continuent de le construire.
«Celui qui veut aller au-delà de l’application stricte de la loi accomplira les paroles des Pères» nous est-il recommandé. Et sans doute n’en faut-il pas moins. Car c’est bien de toute notre présence dans le monde et du rôle qu’il nous appartient d’y jouer qu’il est question ici. En ces matières, si la règle est indispensable, la recherche du sens l’est tout autant. C’est ainsi que les «Pirkei Avot» prennent le caractère d’un rendez-vous attendu. Avec soi, son passé et son avenir. Avec le monde, sa grandeur et le projet Divin qu’il porte. Avec le temps, dont les ensoleillements doivent d’abord être ceux de la lumière de notre âme.
Etincelles de Machiah
Le don de l’âme

«Et l’âme qui offrira un sacrifice de Min’ha pour D.ieu…». C’est ainsi que la Torah (Lév. 2 : 1) introduit la description de cette offrande particulière. On relève ici l’emploi du mot «âme» pour désigner la personne qui offre ce sacrifice alors que, habituellement, on dit simplement « l’homme ». Rachi explique la raison de ce choix : «Qui offre le sacrifice de Min’ha ? Le pauvre. D.ieu dit : ‘Je le considère comme s’il avait offert son âme’.»
Cette idée est précieuse pour chacun de nous. En ce temps d’exil, nous sommes «pauvres» spirituellement. Pourtant il nous appartient d’offrir à D.ieu ce que nous avons de plus important : nous-mêmes. Cette offrande doit d’abord être celle de notre « âme animale », cet élément qui nous permet de vivre et que nous devons lier à Lui. Puisque «c’est à cause de nos fautes que nous avons été exilés de notre terre», cette démarche nous amènera à la construction du troisième Temple.
(D’après Likoutei Si’hot, vol. 27, Vayikra 2) H.N.
Vivre avec la Paracha
Emor : A la recherche d’un équilibre

«Six jours le travail sera fait. Mais le septième jour est un Chabbat de repos solennel, un appel à la sainteté, tu ne travailleras pas : c’est un Chabbat pour D.ieu dans toutes tes résidences…» (Vayikra 23 :3)

La Kabbale explique que la création vit le jour par l’intermédiaire de sefirot variées, une progression de canaux divins affectant la création. Chaque sefira se définit par une caractéristique unique dont elle imprègne la création. La sefira de ‘Ho’hmah, la sagesse, contient l’attribut de l’intelligence. La sefira de ‘Hessed contient la bonté, apporte la miséricorde et la faculté du don à toute la création. A l’opposé, la sefira de Guevoura, la puissance, introduit la notion de restriction. Il en va ainsi pour toutes les huit autres sefirot.
Les six sefirot émotionnelles (‘Hessed, Guevoura, Tiféret, Nétsa’h, Hod et Yessod) représentent les six directions fondamentales de la dimension physique en trois axes de l’univers : le nord, le sud, l’est, l’ouest, le haut et le bas. Elles sont représentatives des modes essentiels pour atteindre les six directions de la création.
L’on se réfère à ces sefirot comme aux sefirot masculines parce qu’elles sont dirigées vers l’extérieur.
Mais ces six dimensions tournées vers l’extérieur ne pourraient exister sans un axe central. Mal’hout, la royauté, l’ultime sefira, est l’axe ou le pôle au centre des six directions. Il reflète un regard tourné vers l’intérieur et représente la manière dont nous faisons pénétrer en nous-mêmes l’illumination spirituelle.
L’on se réfère à Mal’hout, comme à la sefira féminine.
Les six jours de la semaine, du dimanche au vendredi, représentent ces six axes dirigés vers l’extérieur et qui sont masculins. Le Chabbat, à l’opposé, qui est féminin, est le point central vers lequel convergent les six directions.
Durant toute la semaine, alors que nous luttons pour gagner de la spiritualité, nous fonctionnons dans un mode masculin.
Ces six jours, nous dominons et exerçons de l’influence sur notre environnement. Nous sommes dans un perpétuel état de conflit, devons opter entre ces éléments du monde dont nous allons nous saisir pour les développer et ceux que nous devons rejeter et vaincre.
La Torah nous aide à distinguer entre ce qui peut être positivement maîtrisé et ce qu’il faut abandonner. Elle nous guide pour choisir les aliments, les matériaux, les objets et les relations qui pourront donner de l’énergie notre être et sanctifier notre vie et à écarter ceux qui détruiront notre sensibilité spirituelle et rendront pour lourds ou aviliront notre cœur et notre esprit.
Durant ces six jours, nous agissons dans un mode de conquête et d’assaut masculin, dans une agitation incessante.
Puis vient le Chabbat. Nous repartons alors dans une spirale d’harmonie, de sérénité et de paix. Après nous être affirmés et avoir accompli nos desseins durant les jours de la semaine, c’est le temps du repos.
Le Chabbat, nous nous refreinons du processus de choix et de rejet qui marquait la semaine et pénétrons, en nous-mêmes et en la création, dans un mode féminin, un état d’harmonie, de tranquillité, de repos et de réceptivité. C’est pour cette raison que l’on se réfère toujours à Chabbat au féminin, comme dans l’expression Chabbat Hamalka, «la reine Chabbat» ou kalla, «la mariée».
Les femmes, modèles de la sefira unificatrice de Mal’hout et du jour harmonieux du Chabbat, ressentent un besoin plus impérieux de chercher et d’apporter cette force unificatrice et cet équilibre dans leur vie.
Le Chabbat est la source des bénédictions de la semaine qui précède et de la semaine qui suit.
Par le même biais, la femme est la source de bénédictions pour son époux et pour son foyer. Comme le déclarent nos Sages : «Un homme reçoit des bénédictions par le seul mérite de son épouse» et «la joie, la bonté, la Torah et la protection viennent de la femme.»
Cela provient du fait que bien que l’on puisse avoir une abondance de bénédictions dans notre vie, elles ne nous appartiennent que lorsque nous sommes capables de faire une pause et apprécier et absorber leurs bienfaits.
C’est le Chabbat que nous pouvons enfin absorber tout à la fois la bénédiction des efforts accomplis la semaine précédente et nous renforcer pour continuer dans le nouveau voyage qui nous attend dans le cycle hebdomadaire suivant. Nous donnons un sens au passé et renouvelons nos énergies pour le travail de la semaine qui vient.
Parce que le Chabbat représente l’expérience et le mode féminins, c’est à la femme qu’a été confié le soin d’allumer les bougies qui font pénétrer en ce saint jour. Même «si le mari veut allumer les bougies lui-même, sa femme en a la priorité». Car l’essence de l’être de la femme est en harmonie avec le message essentiel du Chabbat.
C’est pour la même raison qu’il est préférable que ce soit l’homme qui récite la prière de la Havdala, à la conclusion du Chabbat, et qui fait entrer la semaine de travail. L’homme qui personnifie la lutte et la bataille du cycle de la semaine met un terme à l’expérience du Chabbat lorsqu’il le sépare, Havdala signifie «séparation», du travail de la semaine.
L’homme fait ses adieux au Chabbat en faisant pénétrer le jour de la semaine masculin, par l’intermédiaire de sa récitation de la Havdala et c’est la femme qui fait pénétrer le Chabbat féminin en allumant et bénissant les bougies.
Et par ce geste, la femme apporte les bénédictions, l’harmonie et l’équilibre du Chabbat dans sa propre vie et dans celle de ceux qui l’entourent.
Le Coin de la Halacha
Qui doit donner la Tsedaka (charité) ?

Tous doivent donner la Tsedaka ; même un pauvre qui ne vit que grâce à la charité doit donner la Tsedaka. Même celui qui ne possède pas d’argent ne doit pas renvoyer le pauvre sans rien lui donner : un fruit ou une petite pièce… Cependant, cela ne doit pas amener une situation où le pauvre se mettra en colère.
Il est préférable de donner convenablement à un pauvre plutôt que de donner un peu à plusieurs et ainsi de ne satisfaire personne.
Il vaut mieux, pour le pauvre, profiter de la Tsedaka (charité) donnée avec le sourire plutôt que de la Tsedaka (charité) donnée avec un visage renfrogné.
Voici les priorités en ce qui concerne la Tsedaka (charité) : on donne en priorité
- à ses proches : parents, enfants, frères et sœurs,
- aux pauvres de sa ville,
- aux pauvres de la Terre sainte d’Israël,
- à ceux qui ont besoin de manger plutôt qu’à ceux qui ont besoin d’argent par exemple pour s’habiller, se chausser, se loger etc.,
- à une femme plutôt qu’à un homme, à une orpheline qui va se marier plutôt qu’à un orphelin qui va se marier.
Celui qui a promis de donner une certaine somme à la Tsedaka (charité) devra la remettre le plus tôt possible.

F. L. (d’après Hamitsvaïm Kehala’ha)
De Recit de la Semaine
Vérifiez les Téfiline !

Rav Moshe Weiss – Rav du quartier de Névé A’hiézer à Bnei Brak – est un célèbre érudit qui eut le mérite d’étudier sous la direction du Rabbi de Munkatch, l’auteur du livre Min’hat Éliézer.
En 1988, on découvrit qu’il avait développé un lymphome de la rate. Les médecins hésitaient quant à la procédure à entreprendre: la chimiothérapie était toute indiquée pour faire diminuer la tumeur mais la rate avait tellement enflé que la chimiothérapie n’aurait aucun effet notable.
La meilleure solution était donc l’opération, expliquèrent-ils, mais cela présentait un danger : on venait de détecter la présence d’eau dans les poumons du Rav et il faudrait donc attendre qu’il soit plus fort physiquement avant de tenter l’opération ; ils commencèrent donc une chimiothérapie en attendant, afin de gagner du temps.
En entendant la gravité du diagnostic, un des Rabbanim de Kfar ‘Habad suggéra d’envoyer une lettre au Rabbi. Rav Weiss accepta et fit faxer une demande de bénédiction au 770 Eastern Parkway, la synagogue du Rabbi à Crown Heights (Brooklyn). Le secrétaire du Rav rappelait que celui-ci avait été un disciple du Min’hat Éliézer et qu’il occupait actuellement une position importante à Bnei Brak. D’habitude la réponse du Rabbi mettait plusieurs jours mais, dans ce cas-là, elle arriva par fax quelques heures plus tard à peine ! Le Rabbi annonçait : «Je mentionnerai son nom auprès du tombeau de mon beau-père (le précédent Rabbi). Que Rav Weiss fasse vérifier ses Téfiline et Mezouzot !»
Immédiatement, on procéda à la vérification : plusieurs Mezouzot se révélèrent invalides ainsi que les Téfiline de Rachi. Quant aux Téfiline de Rabbénou Tam – que le Rav mettait chaque jour en plus de ses Téfiline de Rachi, selon une coutume largement répandue – le scribe décrivit ainsi la situation : «Les mots inscrits sur les parchemins sont vieux mais corrects et même très beaux. Ils ont été écrits par Rav ‘Haïm Sofer de la ville de Munkatch (Hongrie), un scribe renommé auquel s’adressaient de nombreux Rabbis ‘hassidiques. Cependant, les boîtiers ne sont plus cachères : comme de nombreux Téfiline fabriqués avant la seconde guerre mondiale, ils étaient très grands et à base de Dakot, cuir de mouton (plus tendre) et non de bœuf (plus solide). Avec le temps, ils n’étaient plus parfaitement carrés, ce qui les rendait non cachères.
De nombreuses réparations étaient donc requises. En attendant, le fils du Rav lui prêta ses Téfilines. Dès que le Rav commença à les mettre, les médecins furent surpris de constater que la rate diminuait de volume, contrairement à tous les pronostics. Bien vite, le Rav put quitter l’hôpital.
Il reçut ensuite ses Téfiline réparés : les anciens parchemins avaient été conservés et avaient été introduits dans de nouveaux boîtiers. Mais soudain, la situation se compliqua : Rav Weiss développa une pneumonie et dut être admis d’urgence à l’hôpital Hadassa. Il était bien trop faible pour continuer le traitement de chimiothérapie. Ses proches décidèrent de demander une seconde bénédiction au Rabbi et, encore une fois, au bout de quelques heures, le Rabbi répondit : «Je mentionnerai son nom auprès du tombeau de mon beau-père. Vérifiez les Téfiline !». Incrédule, un des fils du Rav estima qu’il s’agissait sans doute d’une réponse toute faite : «Nous venons de les faire vérifier ! Cependant, si le Rabbi a répondu si rapidement…». On fit donc vérifier les Téfiline une fois de plus, par un autre scribe qui s’exclama alors : «Quand j’ai ouvert les boîtiers, les lettres ont littéralement ‘volé dans les airs’ » !
Y avait-il là un lien avec la maladie des poumons de Rav Weiss ?
De fait, le premier scribe avait replacé les anciens parchemins dans de nouveaux boîtiers. Mais les boîtiers «modernes» sont plus petits que ceux qui étaient en usage avant la seconde guerre mondiale et il avait donc été obligé de presser les parchemins pour qu’ils entrent dans leur nouvelle demeure : sans le remarquer, le premier scribe avait causé l’écrasement des lettres !
Le fils de Rav Weiss acheta immédiatement de nouveaux Téfiline de Rabbénou Tam : dès le lendemain, le Rav se sentit mieux. Finalement, il n’eut pas besoin d’opération et, au bout de quelques mois, il fut entièrement guéri.
L’année suivante (1989), dans un mouvement spontané de gratitude, il se rendit aux États-Unis et passa la fête de Chavouot auprès du Rabbi. Là, il put apprécier la prière dans sa synagogue ainsi que la profondeur de ses enseignements dispensés dans les réunions ‘hassidiques. Rav Weiss réside toujours en Israël, en bonne santé.

Rav Aaron L. Raskin – Chabad News
traduit par Feiga Lubecki