Semaine 19

  • Emor
Editorial
Le chemin et le but

Alors que la liberté chante en nous, alors que les limites de l’Egypte, dont la fête de Pessa’h nous a libérés, nous paraissent aujourd’hui bien lointaines, nous sommes en voyage. Le chemin s’étend au devant de nous et nous connaissons son but ; sans doute est-ce pour cela qu’il nous semble si facile. Depuis le début de Pessa’h, nous comptons les jours de l’Omer et chaque instant qui passe nous rapproche du mont Sinaï. Car c’est bien de cela qu’il s’agit à présent. Après la grande expérience de la liberté que nous venons de vivre, voici peu à peu venir le temps du grand rendez-vous, celui qui donna son sens au peuple juif et, plus largement, à l’univers : le Don de la Torah.
Mais ce n’est pas seulement d’un voyage physique qu’il est question ici. De fait, les Juifs quittèrent la rive de la mer, qu’ils venaient de traverser et qui avait vu la disparition de l’armée égyptienne, pour suivre D.ieu dans le désert jusqu’au Sinaï. Pourtant, la distance à franchir n ‘était pas que matérielle, elle était aussi, et sans doute d’abord, spirituelle. Les Juifs, en Egypte, étaient descendus au plus bas de l’impureté. Soumis à toutes les influences du monde égyptien, sujets à toutes ses oppressions comme à toutes ses séductions, ils avaient beaucoup perdu de ce qui fait la spécificité juive. N’étaient-ils pas en train d’oublier ? La sortie d’Egypte les avait certes tirer de leur léthargie mais allaient-ils percevoir l’enjeu essentiel de la période ? Le voyage fut la réponse. Il les entraîna de degré en degré spirituel jusqu’au plus haut, les rendant dignes de leur rencontre avec D.ieu.
Il faut le dire, et mieux, le ressentir : ce récit n’est pas que le grand roman de notre peuple. Il est d’abord celui de notre vie. Car nous sommes conscients que les étapes spirituelles de l’année sont aussi celles de notre propre avancée. En d’autres termes, nous sommes maintenant parvenus en une période où le maître mot est « progrès ». Peut-être doutions-nous de notre capacité à relever les plus grands des défis ? Peut-être ne nous croyions-nous pas en mesure de vivre pleinement le lien avec D.ieu dans un monde qui, bien souvent, paraît ignorer tout ce qui le dépasse ? Les jours de l’Omer nous désignent à la fois le but et le chemin. Ainsi, ils nous donnent la force d’agir et de réussir. La route est là, comme balisée par nos ancêtres qui surent suivre D.ieu avec confiance. Nous y sommes engagés, il suffit de poursuivre. Déjà le soleil se lève au sommet de la montagne.
Etincelles de Machiah
«Y croire… Attendre sa venue»

On relève que Maïmonide, dans le Michné Torah (Hil’hot Mela’him, chap. 11), souligne la nécessité d’une double démarche en ce qui concerne notre rapport avec la venue de Machia’h : «Y croire… Attendre sa venue». Cette juxtaposition de deux impératifs dont le contenu est pourtant si proche doit être analysée. En effet, il ne s’agit pas là d’une simple répétition qui aurait pour but, par exemple, d’insister sur l’importance de l’idée.
En fait, il y a bien ici la mise en lumière de deux nécessités parallèles. Cela signifie que, de même que l’obligation de croire dans le Machia’h est constante, ainsi celle d’attendre sa venue ne l’est pas moins.
(d’après Likoutei Si’hot vol XXVIII, p. 131) H.N.
Vivre avec la Paracha
Eduquer les éducateurs

«D.ieu dit à Moché : Parle aux Cohanim, les fils d’Aharon et tu leur diras : que les prêtres ne deviennent pas rituellement impurs par le contact avec un mort…»
La répétition du même mot hébreu pour «parler» et «dire» a pour signification d’ «avertir les adultes à propos des mineurs».
«Parler» s’adresse à Moché et la seconde expression «et tu leur diras» est une instruction pour les prêtres afin qu’ils maintiennent leurs enfants en état de pureté rituelle.
Dans son sens littéral, cette injonction rend les prêtres responsables du comportement de leurs enfants et pas seulement de leur éducation. Et plus généralement, elle enseigne que les parents ne sont pas seulement obligés de donner à leurs enfants des connaissances mais de s’assurer qu’ils mettront en pratique ces connaissances.
Cette obligation de surveillance parentale s’applique spécifiquement dans trois domaines de la loi juive : l’interdiction de consommer des insectes, de boire du sang et de devenir rituellement impur.
Son sens large, comme message universel à tous les éducateurs, peut se comprendre des trois exemples cités dont une leçon fondamentale peut être tirée.
Le premier domaine comportemental concerne l’absorption, interdite par la loi biblique de consommer des insectes. Cela semble facile ! Mais ce qui l’est beaucoup moins est l’idée pratique que représente cette loi.
Selon le Talmud, le désir d’ingérer des insectes n’est pas naturel et est motivé par une pulsion de se révolter contre D.ieu Qui les interdit dans notre régime alimentaire. L’ «avaleur d’insectes» représente l’enfant qui ne possède pas le désir de savoir et d’apprendre davantage, l’enfant qui résiste et se révolte contre l’éducateur et contre le système éducatif qui lui procure le savoir.
Dans un sens plus général, cela représente la personne bien installée dans ses vues et ses règles de vie, fermée à de nouveaux projets et perspectives.
Rencontrer un élève si peu intéressé peut être très troublant car il oppose l’éducateur à son manque d’intérêt plutôt qu’à un manque d’aptitudes. L’on peut travailler sur ce dernier mais beaucoup moins sur le premier. Le choix de la Torah dans ce contexte particulier est la proclamation de la toute première règle en matière d’éducation : il est impossible qu’une personne ne puisse être atteinte et sauvée. Nous n’avons pas le droit de considérer quelque enfant (en âge ou en connaissances) que ce soit comme hors d’atteinte.

Une habitude sanguine
Le second domaine où les parents doivent exercer une stricte surveillance concerne l’ingestion de sang, elle aussi une interdiction biblique.
Un commentaire du Midrach suggère qu’il fut un temps où le Peuple Juif était consommateur de sang animal, ayant été influencé par la culture culinaire de l’Egypte environnante. D’où le verset : «Soyez forts, ne consommez pas de sang…». Comme s’il fallait du courage pour ce sevrage. Mais cela nécessita de la force et du courage car au fil du temps, c’était devenu partie intégrante du régime alimentaire des Juifs.
Ainsi, la consommation du sang représente-t-elle les mauvaises habitudes ancrées dans le caractère et l’esprit ou un mode de vie qui n’est pas en accord avec les idéaux raffinés du Judaïsme.
Là encore, les éducateurs rencontrent un défi courant. Quel que soit ce que l’on enseigne, quelque élevée que soit l’atmosphère scolaire dans laquelle évoluent les enfants, leur formation dépend de l’environnement qu’ils retrouvent au sortir de l’école et des perspectives que leur proposent les parents et l’entourage familial.
Et cela est également vrai pour l’éducation des adultes. Le défi supplémentaire pour influencer positivement des gens plus âgés tient en ce qu’ils ont atteint une certaine zone de confort dans la vie, ils sont moins enclins à changer que les jeunes.
A nouveau le message de la Torah est clair : ne sous-estimez pas la force de l’éducation. Vous ne savez pas quelle perspective nouvelle ou quelle histoire, quelle expérience scolaire ou quels souvenirs peuvent propulser votre «étudiant» vers un changement positif.
Et en ce qui concerne les élèves adultes, certains parmi les Sages les plus brillants du Judaïsme ont commencé tard : Avraham, Moché, Yonah, Rabbi Akiva et Onkelos, pour ne citer qu’eux.

Les commencements spirituels
La troisième sphère de la loi juive requiert la supervision parentale pour maintenir la pureté des enfants des Cohanim.
Selon la pensée juive, les lois d’impureté ne sont pas régies par les lois de la logique et représentent donc les aspects du Judaïsme qui dépassent la raison.
Certains éducateurs estiment que l’éducation juive devrait commencer par les aspects rationnels du Judaïsme et ce n’est que lorsque l’enfant mûrit et devient plus réceptif à l’irrationnel qu’on peut lui parler des mers qui se divisent et des ânes qui parlent. La raison sous-jacente est d’éviter d’ «encombrer» l’enfant avec des idées qui dépassent son cadre de références et d’expériences.
Cette notion ne peut être plus éloignée de la vérité. Tout d’abord, les enfants ont un talent particulier pour la foi. Ils n’ont pas encore été endoctrinés par la société qui considère la logique et ses lois «immuables» comme seules arbitres de la vérité. De plus, s’il est bien un moment pour enseigner à un enfant juif ce qu’est la foi, c’est quand son esprit est encore en formation, afin que les aspects surnaturels de la vie et de la religion ne soient pas surimposés mais deviennent inhérents à son être et à sa vision du monde.
La même perspective s’applique quand on introduit au Judaïsme des Juifs non initiés. L’on pourrait penser qu’il est préférable de commencer par les aspects logiques ou émouvants de la Torah pour ne pas «encombrer» celui qui est un enfant par ses connaissances, d’idées qui dépassent ses références et ses expériences. Cette approche veut que l’on retarde même l’enseignement des lois de la Torah jusqu’à ce que l’élève ait maîtrisé la pensée juive et soit mentalement «à l’aise» et «prêt» pour aller de l’avant.
Cette philosophie est fondamentalement erronée car elle introduit D.ieu dans la pensée et non dans l’âme, déclarant essentiellement que la logique est la base de la foi juive et non que la foi est la base de la logique juive.
Quel meilleur maître que D.ieu, Qui choisit la Genèse comme point de départ de l’éducation, commençant l’enseignement de Ses enfants par le récit merveilleux et surnaturel de la création ?
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que la Mézouza ?

La Mézouza est un parchemin rectangulaire, écrit à la main avec une plume et de l’encre noire spéciale. Un scribe qualifié écrit les deux premiers paragraphes du «Chéma» : (Nombres 6 : 4 à 9 et Nombres 11: 13 à 21) avec un espace entre les deux.
Plusieurs lettres de la Mézouza possèdent des sortes de couronnes. Certains mots sont écrits avec des lettres en plus ou en moins : s’il y a une erreur sur une seule lettre, la Mézouza n’est pas cachère. De plus, le scribe doit tracer des lignes avant d’écrire la Mézouza.
Il est de coutume d’écrire un des Noms de D.ieu (Cha-Daye) à l’envers du parchemin.
Le parchemin est roulé de telle sorte que, quand on l’ouvre, on peut lire les mots dans l’ordre.
Une fois roulé, le parchemin est introduit dans un étui qui ne sera pas trop étroit afin que les lettres ne soient pas comprimées et que le parchemin ne soit pas déchiré.
Avant de fixer la Mézouza, on prononce la bénédiction : «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Méle’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Likboa Mézouza». Si on fixe plusieurs Mézouzot, on ne dira qu’une fois la bénédiction.
On fixe une Mézouza à toutes les portes sauf celles des toilettes et de la salle de bain. On se renseignera auprès d’une autorité rabbinique compétente quant aux portes des caves, balcons, débarras etc… Il est préférable de clouer l’étui contenant le parchemin plutôt que de le coller sur le chambranle.
On fixe la Mézouza légèrement penchée vers l’intérieur de la pièce, dans le tiers supérieur, à droite quand on entre.
Les hommes comme les femmes ont l’obligation de fixer une Mézouza devant leurs portes.
Celui ou celle qui partage un appartement avec un non-Juif doit fixer une Mézouza.
Quand on déménage, on emporte la Mézouza sauf si l’appartement est loué on vendu à un autre Juif.
Une Mézouza protège son propriétaire (et sa famille) aussi bien quand il se trouve à l’intérieur que lorsqu’il sort de sa maison car elle lui rappelle l’Unité de D.ieu.

F. L. (d’après Rambam – Hil’hot Mézouza)
De Recit de la Semaine
Je suis Moïse et je quitte l’Egypte !

Chacun racontait son histoire ce vendredi soir chez Rav Silberg. L’un d’entre eux, coiffé d’une Kippa, âgé d’environ trente ans, se leva alors et déclara :
«Je m’appelle Moché et j’ai quitté l’Egypte ! Ne riez pas, c’est vraiment vrai ! J’ai été élevé dans une famille assimilée en Argentine et nous ne pratiquions aucun judaïsme à la maison. Tout ce que je connaissais, c’était le «Chema Israël» et quelques versets qu’on m’avait forcé à prononcer pour ma Bar Mitsva. J’ai fait mon service militaire dans Tsahal sans croire en D.ieu. Puis, j’ai entrepris le tour du monde, comme tous les anciens de l’armée. Ma destination finale était l’Egypte.
Comme je ne voulais pas que les Egyptiens sachent que j’étais juif, je suis entré avec mon passeport argentin. J’étais si excité, je voulais visiter toutes les pyramides. Dans le métro, j’étais assis en face d’un homme particulièrement sympathique, accompagné de plusieurs enfants. Il me proposa tout de go : «Je vois que vous êtes un étranger ! Venez, je vais devenir votre guide, je m’occuperai bien de vous !»
Si sympathique ! Des enfants adorables ! Je le suivis chez lui, il me donna à manger et à boire. Quand je me réveillai le lendemain matin après un sommeil si lourd, je ne savais plus où j’étais. Où était ma valise ? Et mon porte-monnaie ? Si sympathique, disais-je ! Il m’avait tout volé : vêtements, argent mais surtout… mon passeport : je me retrouvai à la rue, sans rien !
Je me précipitai au poste de police : les fonctionnaires y avaient l’air sincèrement désolé pour moi. Ensemble nous avons recherché le voleur mais celui-ci s’était évaporé parmi quelques 80 millions de ses concitoyens.
Je me rendis au consulat israélien : là, on ne pouvait rien pour moi puisque j’étais entré en Egypte avec mon passeport argentin. Ils me donnèrent un papier dûment tamponné spécifiant que j’étais argentin mais cela ne pouvait m’aider à quitter le pays.
Quand les Egyptiens réalisèrent que j’étais juif, ils devinrent très désagréables avec moi et menacèrent : «Tu es juif, tu ne sortiras pas d’Egypte!»
J’errai dans les rues, me nourrissant avec les autres mendiants. Au bout de quelques jours, le consulat israélien put me donner un peu d’argent que mes parents avaient envoyé à mon intention. Cela m’a aidé, bien sûr, mais je ne pouvais toujours pas quitter le pays.
Une semaine passa, rien ne bougeait. Chaque fois que je me rendais au consulat, on se moquait de moi : «Quitter l’Egypte! Tu n’y parviendras pas!»
Au bout de deux mois, je crus que j’allais craquer nerveusement. Je décidai de prendre un avocat, même si cela me coûterait une fortune. Nous nous sommes donnés rendez-vous un lundi à 9h.
Ce jour-là, je me réveillai très en forme. Je remis les mêmes vêtements que j’avais portés depuis des semaines et allai au rendez-vous. A 9h15, l’avocat n’était toujours pas là. A 10h, j’étais très démoralisé. Puis je me promis que, si un jour je parvenais à quitter l’Egypte, j’apprendrai davantage sur D.ieu et le judaïsme.
Soudain, je ressentis que D.ieu m’accompagnait, je me sentis comme Moïse entrant dans le palais du Pharaon ! Je me présentai au premier guichet et criai au premier fonctionnaire : «Je suis Moïse! Et je quitte l’Egypte! Et si tu ne me laisses pas, je te maudirai, toi et ta famille pour toutes les générations !» Je me suis mis à crier le Chema et les quelques mots dont je me souvenais de la Paracha de ma Bar Mitsva. Le visage de «Pharaon» devint violet de peur et il hurla à son assistant : «Donne à cet homme les tampons dont il a besoin et qu’il nous laisse tranquilles!»
Je me rendis chez le second fonctionnaire, provoquai le même scandale et menaçais de le maudire lui aussi s’il n’apposait pas son tampon! Lui aussi fut tellement choqué qu’il me donna immédiatement tous les papiers nécessaires.
Je quittai le consulat, me trouvai dans l’avion pour Israël. A mon arrivée, j’embrassai le sol puis me rendis directement à la synagogue.
Depuis je suis vraiment retourné à mon peuple. Il a fallu ce «séjour» en Egypte pour que je réalise ce que j’aurais dû savoir toute ma vie !»

Sori Block – Melbourne, Australie
N’shei Chabad Newsletter n°7104
traduit par Feiga Lubecki
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