Quand la lumière est un choix
Lorsque, dans un espace communément obscur, monte tout à coup un faisceau de lumière, c’est plus qu’une indication ou un point de repère qu’il donne. C’est, bien au-delà de l’espoir, comme une porte ouverte vers la réalité d’un monde meilleur. La semaine se conclue sur Lag Baomer, le 33ème jour de cette période qui s’étend entre Pessa’h et Chavouot, que des événements historiques tragiques ont marqué de tristesse. Voici que se lève donc une journée différente, celle de la Hilloula de Rabbi Chimon Bar Yo’haï.
Etrange concept que celui de Hilloula. Il s’agit, très concrètement, de commémorer l’anniversaire du départ de ce monde de ce grand maître de la tradition juive que fut Rabbi Chimon Bar Yo’haï, l’auteur du Zohar. Pourtant, il en est fait un jour de joie, de célébration ! Parce que ce fut la demande de Rabbi Chimon lui-même. Il affirma, alors que son âme allait le quitter, qu’il s’unissait à présent à D.ieu et que seule l’allégresse la plus authentique avait sa place en un tel moment. Depuis lors, dans toutes les communautés juives, ce jour est célébré avec grandeur.
C’est qu’il ne s’agit pas seulement de se souvenir d’un anniversaire, même important. Lag Baomer est littéralement porteur d’une puissance particulière. Les sages du Talmud soulignent, parlant de Rabbi Chimon : « On peut s’appuyer sur lui en temps de difficultés ». De fait, Rabbi Chimon, qui incarne la sagesse de la Torah au sens le plus profond, est celui qui accompagne chacun même lorsque l’époque semble peu propice. Et nul ne saurait mieux l’exprimer que les enfants qui, partout dans le monde, se réunissent pour l’occasion. Par leur présence, ils affirment haut et fort leur foi et leur confiance. Ils disent aussi le bonheur de la vie juive. Les chants et les mots qu’ils font retentir résonnent alors comme autant de cantiques.
Il ne fait guère de doute qu’un tel jour inspire toute la période qui le suit. Alors que nous nous dirigeons vers la fête du Don de la Torah, cette force nouvelle nous est bien précieuse. Elle nous conduit sur des chemins assurés même au cœur d’un monde troublé. Elle nous montre que la conscience du message qui nous a été confiée est la clé de l’avenir. Nous vivons Lag Baomer, sachons ne pas le perdre, pour des retrouvailles avec nous-mêmes, avec tous les hommes, avec D.ieu.
Lag Baomer et l’amour du prochain
Rabbi Chimon Bar Yo’haï déclara que ses qualités « viennent de celle de Rabbi Akiva », son maître. Il est donc clair que, puisque ce dernier mit l’accent sur l’amour du prochain, Rabbi Chimon en fut également imprégné.
Cette idée est soulignée de manière encore plus éclatante quand des enfants se rassemblent à l’occasion de Lag Baomer, la fête de Rabbi Chimon, et manifestent ainsi leur amour et leur unité. Cela amène l’unité et la paix dans le monde entier, parmi toutes les nations jusqu’à la paix complète et absolue que Machia’h apportera, lorsque tous les peuples se rendront « à la Maison de D.ieu, à Jérusalem » et y proclameront « qu’il est bon et agréable que des frères demeurent ensemble ».
(d’après des enseignements du Rabbi de Loubavitch, Lag Baomer 5747, 5750)
EMOR
La Paracha Émor (« Dis ») débute par les lois spécifiques concernant les Cohanim (les prêtres), le Cohen Gadol (Grand Prêtre) et le service du Temple. Il est interdit au Cohen de se rendre rituellement impur par le contact avec un cadavre, sauf en cas de décès d’un parent proche. Un Cohen ne peut épouser une femme divorcée ou une femme au passé inapproprié. Un Cohen Gadol ne peut se marier qu’avec une jeune-fille qui n’a jamais été mariée. Un Cohen atteint d’une infirmité ne peut servir dans le Saint Temple, de la même manière qu’un animal présentant un défaut ne peut être offert en sacrifice.
Un veau, un chevreau ou un agneau nouveaux-nés doivent demeurer auprès de leur mère pendant sept jours avant de pouvoir servir d’offrande. Il est également proscrit d’abattre le même jour un animal et ses petits.
La seconde partie d’Émor énumère les célébrations de sainteté annuelles : les fêtes du calendrier juif, le Chabbat hebdomadaire, l’offrande de l’agneau pascal le 14 Nissan, la fête des sept jours de Pessa’h commençant le 15 Nissan, l’offrande du Omer de la première récolte d’orge, à partir du deuxième jour de Pessa’h, et le commencement, en ce même jour des 49 jours du décompte du Omer, culminant avec la fête de Chavouot, le cinquantième jour ; un « rappel du son du Choffar », le premier Tichri ; un jeûne solennel, le 10 Tichri ; la fête de Souccot durant laquelle nous devons résider sept jours dans des Cabanes et prendre les « Quatre Espèces », à partir du 15 Tichri et la fête qui suit immédiatement, « le huitième jour » de Souccot (Chemini Atséret).
La Torah évoque ensuite l’allumage de la Menorah dans le Temple et les « pains de présentation » (Lé’hèm Hapanim), placés chaque semaine sur une table qui s’y trouvait.
Émor se conclut avec l’incident d’un homme exécuté pour blasphème et les punitions relatives au meurtre et aux blessures infligées à autrui ou à la destruction de sa propriété (compensation pécuniaire).
Lag BaOmer : faire tomber les barrières
L’épidémie prit fin
Lag BaOmer, célébré le trente-troisième jour du décompte débutant le deuxième jour de Pessa’h, période durant laquelle l’offrande du Omer était présentée au Beth Hamikdach (le Saint Temple), constitue une fête juive que nous observons ce vendredi. L’origine de cette célébration remonte à un épisode tragique : la mort de vingt-quatre mille disciples du grand Sage Rabbi Akiva, survenue aux environs du début du IIème siècle. Selon le Talmud, cet événement catastrophique plongea alors le monde dans une profonde obscurité. La cause de cette mortalité massive, précise le Talmud, réside dans le manque de respect mutuel manifesté par ces étudiants.
Toutefois, au trente-troisième jour de cette période, cette épidémie prit fin. En témoignage de reconnaissance envers ce rayon de lumière apparu au sein d'une époque par ailleurs sombre, nous exprimons notre gratitude à D.ieu et organisons cette célébration.
Une seconde raison
Il existe également une seconde justification motivant la célébration de cette journée dite de Lag BaOmer : le jour du décès de Rabbi Chimon bar Yo’haï, l’un des disciples les plus éminents de Rabbi Akiva (qu’il avait rassemblés autour de lui après la disparition de ses 24.000 élèves). C’est précisément en cette date que Rabbi Chimon révéla à un cercle restreint d’élèves certains des mystères les plus profonds de la Torah, notamment la Kabbale. Par ailleurs, il déclara que ce jour, où son âme rejoindrait son Créateur, devait être consacré à une célébration joyeuse.
Dès lors, deux questions se posent : premièrement, pourquoi le décès d’un Sage d’une telle envergure constitue-t-il une occasion de réjouissance ? Deuxièmement, existe-t-il un lien entre cette seconde justification et la première ? À première vue, elles semblent contradictoires. En effet, la première raison pour laquelle célébrer ce jour repose sur l’arrêt des décès des élèves de Rabbi Akiva, tandis que la seconde se fonde sur la disparition d’un des plus illustres disciples du même Maître !
Antidote à la division
La réponse à ces deux interrogations réside dans une compréhension approfondie de la manière dont les enseignements de Rabbi Chimon bar Yo’haï agissent en tant que remède face à la division chronique qui affecte la communauté juive, cause première de la mort des disciples de Rabbi Akiva.
Toute entité existante se caractérise par une double dimension : une dimension visible et extérieure ainsi qu’un mode intérieur et caché. Cette dualité s’applique également au Créateur, qui se manifeste selon ces deux modalités : d’une part une manifestation divine révélée et d’autre part, un aspect dissimulé de D.ieu, inaccessible à notre compréhension.
La Torah, qui incarne la Sagesse divine, présente elle aussi ce double aspect : un niveau externe, comprenant les lois concrètes régissant les aspects tangibles de l’existence, et une dimension interne, englobant les concepts spirituels et mystiques qui échappent à la majorité des individus.
De manière comparable, chaque individu possède une personnalité extérieure ainsi qu’un noyau intérieur que l’on désigne sous le terme d’âme. De surcroît, l’âme elle-même se compose de deux dimensions : celle qui s’exprime couramment à travers chaque pensée, parole ou action, et celle qui demeure cachée, ne se révélant qu’en des moments d’intense éveil spirituel ou lors de crises majeures.
L’accès à notre personnalité intérieure peut nécessiter une vie entière, dans la mesure où les couches superficielles de notre personnalité tendent à obscurcir la lumière et la pureté du noyau intérieur. À cet égard, la raison fondamentale pour laquelle nous comptons les jours entre Pessa’h et Chavouot - un commandement mentionné dans la Paracha de cette semaine - réside dans le raffinement de notre caractère afin de permettre à notre âme divine d’émerger.
Il existe cependant une seconde approche, plus directe, pour susciter la puissance de ce noyau intérieur. En étudiant la dimension cachée de la Torah qui exprime les manifestations secrètes et insaisissables de D.ieu, il devient possible d’atteindre notre âme et de révéler sa flamme intérieure.
Ainsi, Lag BaOmer, jour où Rabbi Chimon bar Yo’haï révéla les secrets les plus profonds de la Torah et ouvrit par là-même les portes de ses sphères intérieures, marqua également l’union retrouvée entre son âme profonde et la dimension divine cachée. Cette journée nous confère dès lors le pouvoir d’accéder à notre âme intérieure selon des modalités autrefois réservées à un cercle restreint d’individus.
Les deux raisons sont liées
À présent que nous comprenons la raison de la célébration de Lag BaOmer - journée qui a permis l’accès aux dimensions intérieures de la Torah ainsi qu’aux profondeurs de notre âme - nous pouvons également saisir le lien avec la première cause de réjouissance associée à cette date.
Comme évoqué précédemment, c’est le jour où les disciples du Rabbi Akiva ont cessé de mourir. Or, selon le Talmud, ces décès étaient imputables à un manque de respect mutuel ; par conséquent, Lag BaOmer marque l’émergence d’une énergie nouvelle destinée à surmonter les désaccords et les divisions.
Puisque cette journée révèle les dimensions cachées de la Torah et de nos âmes, elle offre une opportunité de transcender aisément les différences qui créent l’éloignement et engendrent des dissonances. La persistance des divisions entre les individus s’explique par le fait que leurs interactions restent limitées à leurs personnalités extérieures. En revanche, lorsqu’ils accèdent à leur personnalité intérieure, leur âme divine, toutes ces barrières disparaissent.
Ainsi, le remède contre la discorde ainsi que contre l’absence de respect et de tolérance mutuelle réside dans l’ouverture vers l’âme intérieure de la Torah, notamment à travers l’étude des textes mystiques de la Kabbale, en particulier la littérature ‘hassidique qui a rendu cet enseignement accessible à tous.
Le Zohar et la Rédemption
Il est désormais possible de saisir pourquoi le Zohar, œuvre fondamentale de la Kabbale attribuée à Rabbi Chimon bar Yo’haï, affirme que les enseignements kabbalistiques constitueront le moteur de la Rédemption future, tandis que le Talmud indique que l’accomplissement d’un véritable Ahavat Israël, c’est-à-dire l’amour du prochain, conduira à cette Rédemption.
Aucune contradiction n’existe entre ces deux sources, car elles expriment en réalité une vérité unique sous des formes différentes. Qu’est-ce qui inaugurera l’ère messianique ? La réponse réside dans le dépassement des divisions engendrées par les aspects extérieurs de notre être. Cet accomplissement s’effectue par la révélation de notre âme intérieure, notamment à travers l’étude de la dimension ésotérique de la Torah.
Qu’est-ce que Pessa’h Chéni ?
Pessa’h Chéni, le 14 Iyar - cette année lundi 12 mai 2025 - est un jour joyeux pendant lequel les Juifs qui n’avaient pas pu offrir le sacrifice de Pessa’h (pour cause d’éloignement ou d’impureté) pouvaient se rattraper et offrir un sacrifice de remplacement. On ne récite donc pas les prières de Ta’hanoun (supplications) et on a l’habitude de manger de la Matsa.
Quelles sont les coutumes de Lag BaOmer ?
Cette année, Lag BaOmer est fêté jeudi soir 15 et vendredi 16 mai 2025. En ce jour, les disciples de Rabbi Akiva cessèrent de mourir lors de la terrible épidémie qui fit 24 000 morts dans leurs rangs au second siècle de l’ère commune. C’est aussi le jour de la Hiloula (décès) de Rabbi Chimon Bar Yo’haï.
On peut célébrer des mariages et couper les cheveux des petits garçons qui ont atteint l’âge de trois ans depuis Pessa’h.
On ne récite pas les prières de Ta’hanoun (supplications) et on organise des réunions festives en l’honneur des Tsadikim. De plus, on réunit les enfants des écoles juives pour qu’ils défilent pacifiquement dans la rue et profitent d’une sortie champêtre.
(d’après Assadère Lisseoudata)
Retard malencontreux ou béni ?
Un de nos fils se rendait dans une colonie de vacances au Canada. Nous avions prévu de l’accompagner depuis notre domicile de Chautauqua (où nous dirigeons le Beth ‘Habad) en passant par New York - soit huit heures de voiture. Assez tardivement, on nous a avertis que, pour déposer les bagages, nous devions arriver un jour plus tôt - ce qui bousculait notre planning.
Nous avons prévu de partir immédiatement après 14 heures. Quand mon mari arriva à la maison après des obligations prévues de longue date, nous étions prêts à partir mais quand il remarqua qu’il restait dans le réfrigérateur des restes de poulet, il suggéra de les préparer dans des wraps pour les manger pendant le trajet.
Après un bref sondage interfamilial, je tentai de le décourager : chacun d’entre nous avait déjà préparé son déjeuner favori pour le voyage et, de plus, un de nos fils restait sur place et serait sans doute content d’avoir un repas tout prêt sous la main. Mais pour une raison que je ne m’explique pas, mon mari qui pourtant avait décidé de partir au plus vite se retrouvait maintenant à la cuisine en train d’empaqueter soigneusement les wraps de poulet dans des boîtes plastique. Ce qui nous retarda encore d’une heure…
Quand enfin tout le monde fut prêt à partir, mon mari me demanda de conduire car il était épuisé. Au bout d’une heure de route, son téléphone sonna : un inconnu nous demandait si nous habitions près de la ville de Cuba, New York. L’homme expliqua que sa sœur venait d’être victime d’un accident de la route, qu’il avait cherché où se trouvait le Beth ‘Habad le plus proche afin de trouver quelqu’un pour l’aider et Chautauqua avait été choisi par Google… Fébrilement, mon mari rechercha le nom de Cuba - une ville dont nous n’avions jamais entendu parler auparavant - et, devinez quoi ? Cuba se trouvait effectivement sur notre route, c’était même la prochaine sortie dans sept minutes ! Le timing était parfait ! Si nous avions pris la route un jour plus tard ou une heure plus tôt - comme nous l’avions prévu initialement - comment aurions-nous pu aider un autre Juif ?
Nous avons donc pris la sortie vers Cuba, nous avons localisé la dame et avons pu l’amener à l’hôpital le plus proche, à Elmira, pour qu’elle y soit examinée et soignée. Nous sommes restés à ses côtés quelques heures, le temps que sa famille arrive de Cleveland. Mon mari partit accueillir les voyageurs sur le parking et, tout de go, leur demanda s’ils avaient de quoi manger. Dans leur précipitation, ces gens n’avaient rien emporté, comptant sur les repas cachères parfois disponibles dans les hôpitaux ou alentour. Mon mari fut heureux de leur fournir les wraps de poulet qu’ils reçurent avec soulagement : pour moi, ces wraps portaient la signature de D.ieu qui avait prévu tous ces changements de programme afin d’aider une famille juive dans le désarroi !
Quelques jours plus tard, de retour à Chautauqua, nous avons hébergé comme d’habitude de nombreux convives à notre repas de vendredi soir et avons, entre autres, raconté notre aventure. Le lendemain, une dame m’a accostée avec émotion, l’histoire qu’avait relatée mon mari l’avait touchée. En effet, le dimanche précédent, elle et son mari avaient pris la route pour rendre visite à leur fille de neuf ans : c’était la première fois que celle-ci avait été inscrite dans une colonie de vacances et elle les attendait avec impatience en ce jour de visite des parents. Malheureusement, ils avaient été retardés de trois heures à cause d’un pneu défectueux : la fillette avait été très déçue de voir toutes ses camarades accueillir leurs parents et se réjouir en leur compagnie tandis qu’elle-même s’était sentie abandonnée : même quand ils étaient enfin arrivés et lui avaient expliqué la raison de leur retard, elle n’avait pu s’empêcher de leur en vouloir au fond d’elle-même. Mais maintenant que cette fillette avait entendu ce qui nous était arrivé, elle avait enfin « pardonné » à ses parents : « Je comprends pourquoi vous êtes arrivés en retard en ce jour de visite ! Voyez-vous, il y avait une autre fille dans la colonie dont les parents ne pouvaient pas venir. Pendant que vous répariez ce pneu crevé, je suis restée avec elle et nous nous sommes tenues compagnie mutuellement. D.ieu ne voulait pas qu’elle reste seule toute la journée sans la visite de ses parents. Nous avons donc joué et bavardé ensemble et le temps lui a paru moins long.
Ma fille a reconnu qu’il fallait voir plus loin que son propre inconfort et tout son ressentiment à notre égard a disparu. Au contraire, elle a réalisé qu’elle avait été choisie par D.ieu pour ainsi dire afin d’éviter à une camarade de se sentir abandonnée.
Tout est bien qui finit bien : une histoire « ordinaire », ni éclairs ni tonnerre, ni mer rouge qui se fend devant nous, mais plusieurs petites pièces d’un grand puzzle qui s’emboîtent parfaitement - pour qui sait patiemment reconnaître que tout vient de D.ieu.
Esther Vilenkin - chabad.org
Traduite par Feiga Lubecki