Semaine 20

  • Emor
Editorial
Texte de printemps

Il faut savoir choisir ce que l’on recherche davantage. C’est là une phrase qui semble bien correspondre à l’individualisme qui caractérise notre époque. A chacun, pense-t-on souvent aujourd’hui, de faire ses propres choix, à chacun de développer sa vie comme il l’entend. Il est clair que, dans une telle optique, toute morale transcendante est immanquablement perçue comme une atteinte à cette absolue possibilité de choix que certains en sont venus à confondre avec la grande et belle idée de liberté. Lorsqu’avec le printemps la présence du monde matériel dev ient, pour chacu n, pl us sensi ble, lorsque tout ce qu i touche à l’aspect physique de la création reprend un élan contenu pendant les mois d’hiver, tout conduit à suivre ce que la nature semble commander. La résurgence de telles forces fait de l’homme un être soumis aux caprices saisonniers. Son pseudo libre-choix ne fait alors même plus semblant d’exister. La revendication de liberté finit par s’exprimer en un simple soupir de contentement: les beaux jours sont là et, avec eux, les plaisirs physiques et éphémères qu’ils permettent. Pourtant, il faut savoir âme et raison garder. C’est pour cela que, pendant la période, les Sages ont prescrit l’étude des Pirkeï Avot, ce recueil d’enseignements qui, justement, fonde une morale et, par conséquent, une manière de voir et de vivre le monde. C’est que le lien avec D.ieu demande une sérénité assumée. C’est qu’il se réclame d’une conception morale qui, dépassant l’homme, lui permet de s’élever vers les sommets spirituels qui lui sont destinés. Roch Hachana, soulignent les Sages, a été fixé non le premier jour de la création du monde mais celui de la création de l’homme car c’est ce dernier qui donne son sens au monde. Les Pirkeï Avot en constituent une sorte de rappel. Loin des facilités et des complaisances, des modes et des conventions, ils nous indiquent un chemin. Le peuple juif est parfois étonnant. Dans le rythme des saisons, il sait voir autre chose que des accidents météorologiques. Pour lui, tout est lien avec D.ieu, possibilité d’élévation du monde et de perfectionnement personnel. La liberté, celle à laquelle aucun homme ne saurait renoncer, n’est-elle pas à ce prix?
Etincelles de Machiah
De l'exil à la Délivrance

La Paracha de Terouma (Exode 25:8) énonce un commandement essentiel: “Et vous ferez pour Moi un Sanctuaire”. Au sens strict, cette phrase dite à Moïse fait référence à la construction du “Michkan”, le Tabernacle qui servit de Temple jusqu’à l’entrée en Israël et l’installation à Jérusalem.Toutefois, il est clair que les Temples successifs sont également désignés implicitement dans ce verset. C’est, du reste, ce que laisse entendre Maïmonide lorsqu’il enseigne:“C’est un commandement que de construire une Maison pour D.ieu comme il est dit “Vous ferez pour Moi un Sanctuaire”. Par conséquent, l’édification du troisième Temple, qui sera l’oeuvre du Machia’h, est également incluse dans le verset cité. De cette façon, l’idée développée par le Tana Devé Elyahou selon laquelle le Tabernacle construit par Moïse se révélera au sein du troisième Temple, prend tout son sens.Bien qu’il ait été fabriqué en exil, en dehors de la terre d’Israël par Moïse qui n’entra jamais dans le pays, cependant, précisément pour cette raison, le Tabernacle est étroitement lié au troisième Temple. En effet,la grandeur et l’importance de ce dernier procède en premier lieu des actions accomplies par chacun pendant le temps de l’exil. (d’après un commentaire du Rabbi deLoubavitch, 4è soir de Soukkot 5746) H.N
Vivre avec la Paracha
Comment mieux toucher un juif ?

La Pa racha Emor évoque l’offra nde du Omer apportée le second jour de Pessa’h. Le verset déclare: “ jusqu ’ au jour où vous apporter ez ce sacr i f ice à votre D.ieu vous ne pourrez consom mer du pa i n, des graines fraîches ou rôties. Ce sera une loi éternel le pour tou tes les générations, dans tous vos lieux de résidence”. La loi que l’on vient de citer connue sous le nom de loi de ‘Hadach, stipule que le g rain qui n’a pas commencé à pr endre racine avant Pessa’h est interdit jusqu ’ au Pessa’h su i v a nt. En ce qui concerne le fait de savoir si cette loi s’applique seulement en Israël ou concerne également en diaspora, Rachi, citant les mots “dans tous vos lieux de résidence”, précise ce qui suit: “Les Sages Juifs sont en désaccord. Certa i ns concl uent de ce ver set que ‘ Hadach s’ appl ique aussi en diaspora. D’autres disent (que cela ne s’applique qu’en Israël et) que le verset ne vient qu ’ i nd iquer que le commandement de ‘ Hadach ne s’ appl ique qu ’ après avoir hérité et s’être établi...” Sur quelle base s’appuie le désaccord pour l’appl ication de ‘Hadach en dehors d’Erets Israël? Rachi aborde la question en employant une expression inhabituel le chez lui: “les Sages Juifs” plutôt que des ter mes pl us cou ra nts comme “les Rabbins”, “les Sages” etc. En utilisant ces mots, il i nd ique que la diff é r en ce d’opi n ion émerge de leurs notions différentes à propos de ce qui représente le mieux les caractéristiques du Peuple Juif et ce qui affecte le mieux ses sentiments. Chaque fois qu ’on apportait une offrande, cela était supposé faire naître un certain sentiment dans la personne qui l’offrait, un sentiment correspondant au type d’offrande apportée. Pour citer un exemple, celui qui apporta it une offrande expiatoire devait ressentir simultanément un sentiment de contrition et de regret alors que celui qui offrait un sacrifice de remerciement se dev a it d’éprou ver un senti ment de gratitude. Cela n’était pas seulement vrai à propos des sacr i f ices ind i v iduels ma i s aussi des offrandes communautaires. Chaque offrande communautaire supposait un sentiment correspondant à son objet, dans chaque membre de la communauté. L’interdiction de manger ‘Hadach, parce que le tout premier fruit de la récolte doit être apporté com me un Omer (offrande), est supposée engendrer la reconnaissance et le sentiment que le premier de tout ce que l’on produit doit être apporté à D.ieu. Ce n’est qu’après avoir agi ainsi que l’on peut utiliser les fruits de son propre labeur pour soimême. Le Omer consistait exclusivement en u ne offra nde des gra i nes qui poussaient en Erets Israël. Le sentiment que ce que l’on produit en premier doit être consacré à D. ieu ne peut donc êtr e ressenti que par ces Juifs qui vivent en Terre Sainte. Comment le transmettre à ceux qui résident en dehors d’Israël? C’est là que nous trouvons les deux opinions des “Sages Juifs”: selon l’une, l’interd iction de consom mer ‘Hadach s’applique également aux Juifs de la diaspora. Puisque cette interdiction les touche également, elle instillera en eux le senti ment que tous les pr em ier s fruits de leurs réalisations doivent être destinés à D.ieu. La seconde opi n ion sou tient la vue opposée: pour instiller les sentiments dont on parle, il ne s’agit pas d’interdire le ‘Hadach mais de le permettre. Ainsi, le fait même que la graine poussant en dehors d’Israël ne convient pas pour le Omer (et donc que les lois de ‘Hadach ne s’ appl iquent pas) révei l le en ces Juifs une prise de conscience de leur statut moi ns élevé: ils ne peu vent apporter l’offrande de ‘Hadach. Ce tte prise de conscience se transformera en une aspiration à atteindre le sentiment qu’éveille le Omer en ceux qui se trouvent en Erets Israël, la reconnaissance que le premier produit de toute chose va à D.ieu. Cela nous permet également de comprendre pourquoi Rachi exprime en prem ier lieu l’opi n ion que ‘Hadach s’ applique en dehors d’Erets Israël également. Car la différence, en termes de service spirituel du Juif, entre ces deux opinions peut s’expliquer ainsi: L’extension de l’interdiction en diaspora affecte le corps et l’âme animale de l’individu, car l’interdiction de consommer certains types d’aliments affecte tout d’abord le corps et l’âme qui le vivifie (l’âme animale) mais non l’âme divine. Toutefois, l’opinion qui maintient que l’impossibilité d’offrir le Omer éveillera en la personne le désir de se hisser à un niveau supérieur évoque quelque chose qui est ressenti par l’âme divine. C’est pourquoi, dans l’introduction du commentaire de Rachi, c’est-à-dire au commencement du service spirituel de l’homme, quand le corps et l’âme animale agissent dans toute leur force, il est nécessaire de soumettre ces tendances physiques. Ce n’est que par la suite, quand la personne atteint la seconde étape de son service, le second commentaire de Rachi qui suit, qu’elle peut apporter également un changement dans son âme divine.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que la “Guenizah”?

Le mot “Guenizah” signifie “cachette”. C’est l’endroit dans lequel on stocke,avec respect, les parchemins sacrés qui ne sont plus utilisables, les livres de prières ou les rouleaux de Torah abîmés ainsi que tous les papiers contenant des paroles de Torah, en quelque langue que ce soit, dont on ne se sert plus. En effet, le respect qu’on accorde à la Torah s’attache même aux supports matériels que sont le parchemin et le papier. On a l’habitude d’enterrer les parchemins des rouleaux de la Torah, des Téfilines et Mezouzot qui sont abîmés; auparavant, on les emballe dans des étuis d’argile, de plastique ou dans des sachets épais. Ainsi on avait l’habitude, au Maroc, après la fête de Chavouot, d’enterrer solennellement ces parchemins, avec chants et psaumes, car on disait:“C’est un mérite pour le peuple juif, à l’issue de la fête du don de la Torah, de montrer que de même que nous traitons avec respect ces objets sacrés, de même nous prions pour que D.ieu ait pitié de Son peuple”. Il est regrettable que certains éditeurs de livres ou journaux “laïcs” impriment à tort et à travers le Nom de D.ieu en toutes lettres et des versets entiers de l’Ecriture; il conviendrait d’enterrer directement dans la terre ces papiers ainsi que les lanières des Téfilines, les manuscrits inutilisables et les fascicules de Torah. Actuellement, certaines communautés organisent le ramassage de ces objets et papiers et les enterrent dans des containers. On apprendra aux enfants (et aux adultes) à traiter avec respect tous les livres contenant des mots de prières et de Torah. Si possible, on couvrira les livres qu’on utilise le plus souvent et on les renforcera même par une reliure adaptée pour éviter qu’ils ne s’abîment trop vite. F. L. (d’après Rav Yossef Guinzbourg)
De Recit de la Semaine
Passeport et peinture

De toutes les définitions qu’on a données de l’art, il en est une qui me touche réellement: “L’art est ce qui fait tomber les murailles érigées contre le bien” (Tarkovsky). Les arti stes sont réputés pour ex pr i mer l’époque dans laquelle ils vivent. Un artiste juif à notre époque peut choisir de se consacrer à éveiller l’identité juive de ses corréligionnaires. Juste avant la date prévue pour une exposition de mes oeuvres en 2003, je me suis rendue en Argentine, pays où je suis née, pour un bref séjour à l’occasion du premier anniversaire du décès de mon père. Mon passeport argentin arrivait à expiration et je devais le faire renouveler. On me dit que je pouvais venir le récupérer samedi. Mon avion de retour était prévu pour le dimanche. J’informai le fonctionnaire du bureau des passeports que je ne pouvais pas venir Chabbat. Elle déclara qu’elle était désolée mais ne pouvait pas changer la date. Si vraiment je ne pouvais pas venir moi-même, je pouvais envoyer quelqu’un d’autre le chercher. Mais cette solution ne me plaisait pas car je n’étais pas sûre que cela soit permis par la loi juive. A l’époque de mon enfance, en Argentine, un citoyen aurait eu peur de demander à s’adresser au supérieur hiérarchique dans une administration. Mais les temps avaient changé et je tentai de surmonter mon ancienne appréhension. Appelé, le supérieur s’avéra être un virulent antisémite. Quand j’annonçai que je désirais récupérer mon passeport vendredi car je respectais le Chabbat, il se mit dans une colère noire. Son visage devint tout rouge et il se mit à hurler. Dans le bureau des passeports, les fonctionnaires comme les usagers s’étaient arrêtés de parler, comme pétrifiés par ses cris: “Vous ne pouvez pas venir parce que vous respectez Chabbat? Parce que vous respectez Chabbat? Ma parole! Je jure que vous ne respecterez pas ce Chabbat! Je m’en occuperai person nel lement!” Tentant de ne pas me montrer impressionnée, je demandai calmement: “Je veux parler au responsable! Je viens des Etats-Unis et je suis habituée à la liberté de culte!” Cette remarque eut le don de le rendre encore plus furieux. Il prétendit qu’il n’avait pas de supérieur hiérarchique, qu’il était le chef dans ce bureau. Il jura qu’il parviendrait à me faire profaner Chabbat: “Je me chargerai personnellement de votre dossier, personne ne saura où se trou ve votre passeport: vous seu le pou r r ez venir le chercher et seulement Chabbat!” Bien que l’amiral Videla fût en prison et que l’Argentine fût devenue plus démocratique et plus sûre que dans mon enfance, j’étais forcée de constater que l’anti s é m iti s me éta it loi n d’avoir disparu. Je téléphonai à mon mari et mes enfants qui attendaient mon retour pour dimanche. Je leur avais préparé un calendrier avec des petites cases à remplir pour chaque jour passé pendant mon absence. Mais je n’étais plus du tout certaine de la date de mon voyage. Si je ne pouvais pas prendre l’avion dimanche – faute de passeport – je devrais trouver un autre vol, peut-être une semaine plus tard... P l us ieurs per son nes interc é d è r ent en ma faveur mais sans succès. Finalement, le vendredi, je louais les serv ices d’un avo cat qui m’accompagna, exigea et obtint (!) mon passeport. D.ieu merci, je parvins donc à rentrer chez moi tandis que mes filles cochaient triomphalement la dernière case du calendrier. Pour moi, c’était la victoire du Chabbat, de la Torah, du judaïsme! L’exposition devait avoir lieu dans la semaine. Quel contraste! Aux Etats- Un i s, vous pou vez organiser une exposition de peintures à thème juif. De plus, dans ce pays, un tableau juif peut m ê me gag ner un prix. Ma lgré pl us de 60 concurrents, mon tableau “Passport One” représentant le Rabbi âgé d’une vingtaine d’années, d’après sa photo de passeport gagna le Premier Prix! Je ressentais avec certitude que D.ieu m’avait récompensée pour le courage dont j’avais fait preuve à propos de mon propre passeport... Combien nous devrions apprécier la liberté dont nous jou i ssons aux Etats- Unis et da ns les autres pays libres! Le tableau était juif sans l’ombre d’un doute, mais cela ne l’empêcha pas de gagner le Premier Prix. Une femme est revenue trois fois à l’exposition pour admirer “Passport One”. Elle m’expliqua qu’elle n’était pas pratiquante mais ne pouvait s’arrêter de contempler ce tableau. Je lui expliquai que le portra it du Rabbi toucha it sans doute son “Pintele Yid”, son étincelle juive, son âme profonde même si elle-même ne pratiquait pas. Cela la fit réfléchir et elle revint, accompagnée cette fois de son père âgé de 90 ans. Ce tableau continua d’attirer la foule durant toute l’exposition. Bien entendu, j’aurais pu gagner plus d’argent en signant d’autres genres de portraits, mais je ne veux pas que mon art ne soit qu’un moyen de gagner ma vie. Je veux utiliser mes capacités pour le bien, accomplir quelque chose pour le judaïsme. Je remercie mon père, de mémoire bénie, pour l’atmosphère qu’il avait su créer dans notre maison, en suspendant aux murs de notre salon des tableaux d’inspiration hébraïque, un souvenir d’enfance qui m’accompagne encore aujourd’hui. Mon père était l’homme le plus joyeux que j’ai jamais rencontré et je lui dédie cet article. Rosa Katzenelson Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Le’haïm Traduite par Feiga Lubecki